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Full text of "Revue comique à l'usage des gens sérieux"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/revuecomiqueluOOpari 


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RKvrr.  coArioiE 


-     TYI'0(iRAI'IlIE    I.ACRAMTE    FILS    ET    t'^ 

Rue  niiiiiidlo.  i. 

rÂMEU    DE    LA    KABRlglE    d' ESSONNE. 


LA 


l{i:\llE  (OMIOl  I 


^ 


A  i.'usAdi:  in;s  (ii:\s  skiui:i  \. 

iiisidiiii;     >i(iit\ii;,     !■  Il  I  iiiMii' Il  lui  i;  ,     roi.iTioiK 

eu  1 1  I  (.11  1  ,    III  i  \.]\  u  11  1,    r,  r    V  n  i  i -^  r  i  ni  n 

m.     1,  \     s  1.  >i  A  I  N  I  . 


A.  LiiiEiJx  —  c.  cahaimki. —  p.  Miiini  —  i:.  m;  lA  iiiniii.iii m;  —  litnAun  m:  nerval  —  etc.,  etc. 


BERTALL  —   NAUARÇ)  —   tAimir/U  S  —  (ITTU  —  l.dHEN  rZ  —  BElil  IN  —  yUILLENBOlS  —  ETC. 


NOVE.MIîRt;  18'(8  —  AVKIL  1849. 


1>\R1S 

I  )  V  M I N  !■:  Il  AY ,  i>  1 B  11  A 1  n  !■:  - 1':  i>  1 1 1:  i 


IIICHKLIEU. 


Li    GBENOriIlE    ET    LE    BOEIF. 


—  Exirait  du  PlPPET  Show. 


VISITE    AL'    LION    DK    W.UEKl.dO. 


Dessiné  par  Schmit. 


Gravé  par  Wii-U/'-MS. 


NF.z  Dr  pniN*:E  mt  r  rire  pendant  i..v  lecture  de  l*artici.e  (ï8  de  la  constititio.n, 

AVRC    CNE    VCE   DE    SOS    f  ONrlUENT. 


De5SttȎ  par  Otto. 


Gravé  par  Bar\ 


Ce  pelil  Kouln^uel,  doiil  la  l"raiice  su  moque, 
A  du  bonaparlisme  arboré  le  drapiaii. 
Des  brillanis  s-ouvenirs,  qi/avec  bruit  il  évoque, 
Aux  campaf^iiards  séduils  il  présenlc  l'appeau. 

El  pour  mieux  soutenir  son  candidat  baroque, 
Astucieux  serpent,  il  a  chaulé  de  peau. 
Du  vainqueur  d'Auslerlilz  il  a  pris  la  défroque  : 
La  redingotte  grise  et  le  petit  chapeau. 

La  lorgnette  à  la  main,  en  t;énoral  habile, 

Il  contemple  le  champ,  so'jiLé  d'encie  cl  de  bile. 

Où  combattent  Bugeaud,  Girardin  et  Viron. 

Ce  pygmée,  affublé  d'un  harnais  de  bataille, 
Espère  en  vain  grandir  sa  misérable  taille; 
Mais  ce  n'est  que  le  tiers  d'un  faux  Napoléon 


Dentsé  pu  Fashitzii-s. 


GraTé  pir  BaDLAMT. 


p.  6t. 


Dïssiné  par  OTto 


Voyez  de  ce  dessin  quel  est  le  sens  profond  ; 
Dans  ce  chapeau  fameux,  mais  qui  n"a  plus  de  fond, 
Si  notre  République,  hélas!  pique  une  léte, 
ta  passant  au  travers  comme  un  irait  d'arbalète, 
Aux  m;iins  du  parti  rougo  elle  tombe  d'un  bond! 
Oui,  bourgeois  aveugles,  gent  débonnaire  au  fond, 
On  peut  vous  le  prédire,  cl  sans  ôtre  prophète, 
Si  la  Terreur  revient,  c'esl  vous  qui  l'uurez  faite. 


Gr»v«  par  Ballant. 


u  Kii  prùsprice  de  Dieu  el  deviiiit  le  [leuiile  IVaiiÇiiis,  je  jur/  ilé  r.'ster  li.l^le  a  la  Ukim  iu,ic.in;  riLMoiUAiiniF, 
une  el  iiiiliriMlile,  e(  île  rvnipllr  Iniis  les  drMiii-s  i|iie  iiriiiipiise  la  Ciinsliliilioii.  n 


Dessiné  par  OîTu. 


Gravé  par  BiiIsuAtiK. 


LE    GATEAU    DES    ni'H    DE    ISl'). 


D?s^iné  par  Fabritzics. 


Gravé  par  BauLant. 


UN  NOUVEAU  13  MAI, 


-.1  Milla  It'-  pens  qii 


iii-liinil  aiiMivliisles: 


Da^iné  par  Xaiiard. 


Gravé  par  Baulant. 


,    Blilil  KVAHU    Ill':s  ITAI  11'.^ 


30  cciiflnici*  la  livralHoii. 


hUP.  mCOELIEV,  ."là 


iditlons  de  la  Souscription.  —  La  Revue  comique  formera  un  iniisnifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  30  livraisons    à  30  centimes, 

ir  la  poste,  -iO  centimes.  — Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco]  à  M.  Lireui,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 

taliens. 

i'  nilTION.  DVMINXHAT.  BDITEVR,  53,  HUK  &ICBEI.IED.  [re    LivTaiSOn. 


P.iri..— TirJ    aux  preoei  mjfaniqne!  àt  Lickamph  Hli  «1  Comp.,  rue  Uainielle, 


QUKLQUES  LIGNES  DE  PREFACE. 


Dr   COMIQUE   ET  DP   SEBIEIX.    —   NOS    INTENTIONS. 


Ce  n'est  pas  en  France,  dans  le  pajs  où  Haliekis, 
Montaigne  et  Voltaire  ont  écrit,  qu'il  est  possible  de 
nier  que  si  le  sérieux  a  son  côlc  comique,  le  comique 
puisse  à  son  tour  avoir  son  côté  sérieux. 

Nous  n'étonnerons  donc  personne  en  disant  que 
c'est  aux  esprits  réfléchis,  bien  plus  qu'aux  esprits  fri- 
voles de  ce  tennps-ci,  que  nous  destinons  notre  recueil, 
et  que,  sous  ce  titre  :  Revue  comique,  nous  entendons 
faire,  sous  une  forme  souvent  légère,  une  œuvre  au 
fond  toujours  sérieuse. 

Le  comique,  en  France,  ce  n'est  pas  Scapin  seule- 
ment, Scapin  est  de  tous  les  pays;  c'est  Akeste  lui- 
même,  c'est  Figaro,  c'est  Timon,  c'est  ce  qui  est  plai- 
sant jusque  dans  la  colère,  c'est  ce  qui  est  digne  jus- 
que dans  la  plaisanterie,  c'est  ce  qui  est  cruel,  au  be- 
soin, et  implacable  contre  les  pervers  et  les  menteurs  ; 
mais  c'est  aussi  et  surtout,  hàlons-nous  de  le  dire,  la 
raison  aimable,  la  gaieté  du  bon  sens. 

Dangers,  misères,  supplices,  n'ont  jamais  fait  fuir 
la  gaieté  de  France.  Pour  l'Allemagne  sentimentale, 
pour  la  chagrine  Angleterre,  le  rire  est  un  effort,  un 
masque  grimaçant,  presque  une  inQrmité.  Chez  nous, 
le  rire  est  un  don  de  nature;  il  nous  a  sauvés  bien 
souvent,  il  nous  sauvera  encore.  C'est  parce  que  nous 
savons  rire  que  nous  savons  regarder  en  face  un  orage, 
et  qu'au  lieu  de  nous  croiser  les  bras  à  l'heure  du  péril 
comme  les  Orientaux,  qui  ne  rient  jamais,  nous  savons 
courir  aux  pompes  et  dominer  la  tempête. 

Rh  quoi ,  nous  dira-t-on,   n'avez-vous  pas  d'yeux 


pour  voir  ce  qui  se  fait,  pas  d'oreilles  pour  entendre  ce 
qui  se  dit,  pas  de  cœur  pour  souffrir  avec  le  pays  des 
maux  qui  l'écrasent?  Aurez-vous  bien  le  courage  de 
ru-e  à  l'heure  où  nous  sommes,  ne  fut-ce  que  de  ce  rire 
dont  parle  la  romance,  lequel  est  bien  souvent  plus 
triste  que  les  pleurs?  Pleurez,  au  contraire,  pleurez 
sans  façon  et  devant  tous  ;  pleurez  sur  la  place  publique, 
trépîgnez,  tempèlez,  étalez  vos  douleurs  ;  faites  connue 
nous. 

C'est  une  belle  chose,  il  faut  en  convenir,  que  la 
violence,  puisque,  grâce  à  elle,  les  vérités,  voire  les 
meilleures,  peuvent  devenir  odieuses,  et  qui  pis  est, 
ridicules.  Aussi,  de  cette  violence  dont  on  nous  offre 
de  si  beaux  exemples,  dont  nous  voyons  de  si  piteux 
effets,  aurons-nous  soin  de  nous  garder.  Forte,  sensée, 
intelligente,  sûre  de  son  passé  et  sûre  de  son  avenir 
comme  elle  l'est,  la  France  a  horreur  des  colères  inu- 
tiles ;  ce  qu'elle  déteste  par-dessus  tout,  même  à 
l'heure  où  elle  semble  s'y  montrer  le  plus  attentive, 
c'est  l'exagération  dans  la  forme  ;  c'est  la  passion , 
quand  cette  passion  est  dans  les  mots  seulement;  c'est 
enfin  le  bruit  sans  la  besogne,  la  fumée  sans  le  feu. 

Assurés  que  nous  sommes  que,  pour  un  bon  et  \i- 
goureux  pays  comme  le  nôtre,  il  n'est  point  de  mala- 
die sans  remède,  et  qu'on  peut  dire  de  lui  ce  que 
saint  Paul  disait  du  peuple  :  «  Qu'il  peut  être  patient, 
parce  qu'il  est  éternel;  -o  patiens  quia  œferniis ,  nous 
n'ajouteions  pas  à  ses  maux  le  mal  qui  est  le  pire  de 
tous,  celui  qu'on  a  appelé  le  mal  de  la  peur. 


REVUE  COMIQUE 


Nous  traiterons  sérieusement,  avec  un  zèle  sym- 
pathique, ses  maladies  sérieuses,  —  ce  n'est  pas  notre 
titre  qui  nous  séchera  les  yeux,  —  mais  nous  ferons 
justice  des  maux  factices,  des  misères  artificielles,  des 
plaies  simulées  ;  nous  eu  débarrasserons  la  voie  pu- 
blique, et  nous  dévoilerons  sans  merci  les  manœuvres 
effrontées  de  certains  médecins  en  renom  qui  inventent 
des  maladies  pour  avoir  l'occasion  de  débiter  leurs 
drogues  et  de  l'aire  avaler  leurs  remèdes  à  la  foule 
crédule  des  malades  imaginaires. 

Nouveaux  venus  dans  la  carrière,  nous  n'avons  d'en- 
gagement pris  qu'envers  la  vérité.  Ceux  qui  ont  intérêt 
à  la  cacher,  celle  vérité,  le  sentiront  bientôt.  A  une 
situation  nouvelle,  il  faut  des  organes  nouveaux 
comme  elle;  or,  dans  noire  sphère,  nous  avons  la  pré- 
tention d'être  un  organe  entièrement  nouveau. 

Et  ce  n'est  pas,  peut-être,  un  médiocre  avantage. 
Dans  une  société  aussi  facile  que  la  nôtre,  où  les  liens 
se  forment  du  moindre  prétexte,  de  la  moindre  occa- 
sion, où  l'on  en  vient  à  se  saluer  parce  qu'on  s'est  re- 
gardé deux  fois  en  se  croisant  dans  une  rue,  tout  passé, 
fùt-il  le  plus  honorable,  est  une  entrave,  est  un  obsta- 
cle, est  un  empêchement,  nos  confrères  le  savent  bien, 
à  ce  que  la  vérité  puisse  se  dire. 

Cet  obstacle  n'existe  pas  pour  nous;  nous  sommes 
eu  mesure  d'être  sincères,  sans  forfanterie  comme  sans 
impolitesse,  sans  manquer  enfin  à  aucun  de  ces  petits 
devoirs  dont  se  compose  la  vie  de  riiomme  bien  élevé. 
.Nous  allons  partout;  mais  obscurs  comme  nous  le 
sommes,  on  ne  nous  voit  nulle  part.  —  Nous  serons 
donc  des  mieux  informés.  —  Nous  connaîtrons  les 
hommes,  nous  connaîtrons  les  choses,  nous  sommes 


en  mesure  de  dire  toutes  les  vérités  qui  sont  bonnes  à 
dire  ;  nous  nous  efforcerons  de  ne  dire  que  celles-là , 
et  de  taire  les  autres,  si  tentés  que  nous  puissions 
être  de  ne  rien  garder  pour  nous  seuls.  —  Ou  le  voit, 
nous  n'invoquons  point  notre  passé,  nous  n'avons  point 
d'aïeux;  quand  ou  a  aboli  les  tilres,  ou  ne  nous  a 
rien  ôlé  ;  notre  seul  domaine,  comme  à  vuus,  chers 
lecleiii's  ,  c'est  l'avenir;  —  l'avenir,  c'esl  sur  hii  que 
nous  détournerons  vos  yeux  quand  le  présent  sera  trop 
douloureux.  —  Patience,  le  sang  reviendra  dans 
nos  cœurs  languissants;  nos  épreuves  sont  grandes  : 
qu'importe,  si  notre  courage  les  égale?  tant  mieux,  s'il 
doit  les  surpasser  et  les  vaincre  !  il  faut  déchirer  la 
terre  pour  y  jeter  une  semence;  la  semence  faite, 
l'hiver  arrive  ;  pour  qui  n'aurait  |)oint  vu  le  laboureur, 
qu'y  aurait-il  à  attendre  de  cette  terre  couverte  en 
apparence  de  fiimas  seulement!  —  et  pourtant  au 
prinlemps  l'herbe  se  montre,  les  campagnes  reverdis- 
sent et  les  épis  se  lèvent.  Eli  bien!  la  main  de  Dieu, 
sa  main  seule  a  pu  Iroiibler  l'Europe,  et  l'éitranier, 
comme  il  arrive  aujourd'hui,  sur  ses  vieux  fondements  ; 
ne  croyez  pas  qu'il  ait  pu  appartenir  aux  hommes  seuls 
de  décider  tous  ces  grands  mouvements;  liez-vous-en 
à  celle  main  redoutable;  ses  desseins  vous  sont  cachés, 
mais  ce  n'esl  pas  en  vain,  croyez-le  bien,  qu'elle  secoue 
les  rois  et  les  jieuples;  dans  ce  sol,  dans  ces  empires 
bouleversés,  une  semence  mystérieuse  est  tombée  d'en 
haut,  à  coup  sûr;  patience,  l'heure  de  hi  récolte  que 
Dieu  nous  prépare  sonnera  à  son  tour.  La  Providence 
ne  fait  point  de  choses  inutiles;  si  l'homme  s'agite, 
c'esl,  aujourd'hui  comme  toujours,  que  Dieu  le  mène. 

(tO. 


II.IJ  STIIMIO.NS. 


Le  crayon  a  des  droits,  il  a  des  ressources.qui  ma'ii- 
([uenl  à  la  plume;  sans  son  art  notre  lâche  n'eût  été 
qu'à  moitié  remplie  ;  avec  le  concours  indispensable  des 
dessinateurs  les  plus  renommés  de  notre  temps,  et  de 
quelques  talents  encore  inconnus  ,  mais  qu'on  nous 
saura  gré  de  mettre  en  lumière,  nous  n'avons  point  à 
craindre  de  rester  au-dessous  de  l'obligation  que  nous 
impose  notre  litre  de  lievue  comique;  et  c'est  sur  cette 
coopération  principalement  que  nous  nous  reposons  du 
soin  de  justifier  jusque  dans  son  sens  le  plus  étendu 
j'épithètc  par  laquelle  n(piis  avons  caractérisé  notre 
recueil. 

nrùcc  à  ces  deux  éléments,  la  plume  el  le  crayon, 
s'enlr'aidanl,  se  complétant  l'une  pour  l'autre,  il  nous 
sera  possible  de  rendre  toute  notre  pensée ,  qui  se  ré- 


sume dans  celle  proposition,  laquelle  n'est  paradoxale 
que  parce  qu'il  maïuiiie  à  notre  langue  un  adjectif  qui 
permette  de  séparer  le  comique  noble  du  comique 
vulgaire:  «Ecrire  une  Revue  coniiijue  à  l'usage  des 
gens  sérieux;  l'écrire  à  l'usage  du  vrai  public,  eu  un 
mot,  el  non  dans  le  but,  Irop  commun  de  nos  joui's  , 
de  prôner,  de  servir  i|ueliiue  palrnu  ,  quelque  acleiir 
célèbre  ou  puissant.  » 

Disons  encore,  mais  eu  deux  mots,  que  notre  placi-, 
nous  la  demandons,  non-seulement  au  salon  ,  mais  au 
coeur  même  de  la  maison,  dans  le  foyer  domestique, 
et  que  nous  n'oublierons  jamais  ,  par  conséquent,  que 
notre  public  est  un  public  de  femmes  aussi  bien  que 
d'hommes  éclairés.  '/./.. 


A   I.ISACK  DKS  <;F.NS  SI.IîIKMX. 


SMM   l'IKIUU;,  SVIM   VWL  KT  Lr:S  Hll'l  HFJCAINS  1)K  LA  VKILLK. 


Il  o>t  tiii|i  tard  pour  le  dire  aux  ri'|iul)lii'ains  de  la 
veille;  —  mais  eoiiime  mieux  vaut,  dit-oii,  tard  que 
jamais,  je  le  leur  ilirai  néanmoins  :  leur  grand  tort  a  été 
d'être  cxelusifs  :  ils  sont  lomliés  là  dans  un  péclié  (jui  est 
vieux  eoninie  le  monde  ;  je  voudrais  le  leur  faire  sentit 
par  un  exemple. 

Il  y  a  eu  autrefois,  dans  un  coin  du  monde,  une  dou- 
laine  de  répnldiiains,  c'est  bien  peu,  un  peu  moins 
qu'en  France,  nous  le  reconnaissons,  qui,  sous  le  souffle 
puissant  de  l'un  d'entre  eux,  se  levèrent  décidés  à  prê- 
cher la  doctrine,  alors  bien  nouvelle,  de  la  liberté,  de 
l'égalité  et  de  la  fraternité.  Parmi  ces  douze  hommes, 
il  V  en  avait  deux  remarquables  entre  les  autres:  l'un 
s'appelait  Pierre,  l'antre  s'appelait  Paul;  Pierre  était, 
et  je  vais  le  dire  pour  être  compris,  pour  être  actt  el , 
Pierre  était  muge,  j'iiilends  qu'il  aurait  siégé  par 
exemple  à  l'assemblée  nationale  de  son  pays,  s'il  y  eût 
eu  dans  ce  pays  une  assemblée  nationale,  à  côté  du  ci- 
toyi'H  l.edru-Rollin  de  cette  assemblée.  F.h  bien  !  Pierre 
disait  à  l'aul  :  «  Nous  sommes  juifs,  soyons  fiers  de 
l'être,  ne  baptisons  que  les  juifs.  » 

.\  quoi  Paul,  qui,  tout  républicain  de  la  veille  qu'il 
était,  n'était  pas  7-ouge  du  tout,  répondit  ;  «  Pierre, 
mon  ami,  vous  n'y  pensez  pas  ;  que  ferons-nous  du 
pauvre  peuple  de  juifs  que  nous  sommes?  C'est  sans 
doute  un  peuple  do  bonnes  i-'ons,  qui  ont  bien  mérité 


du  monde  entier;  maiscniin  depuis  longtemps  ils  onl 
vécu  bien  opprimés,  et  si  ce  n'est  qu'ils  ont  appris  à 
souffrir  et  qu'ils  n'ont  peur  ni  de  la  mort,  ni  de  la  mi- 
sère, ni  des  cachots,  pires  que  la  mort  et  la  misère,  je 
ne  vois  pas  qu'ils  puissent  à  eux  seuls  suflire  à  tout  ce 
qu'il  nous  faut  faire  ;  il  ne  s'agit  pas  seulement  aujour- 
d'hui de  conspirer  et  d'aller  en  prison  bravement,  il  faut 
que  nous  nous  montrions  au  grand  jour  pour  enseigner 
tout  haut  la  doctrine  de  notre  maître,  l'organiser  sur 
toute  la  terre,  et  la  faire  accepter  de  tous.  Si  nous  ne 
sommes  que  des  juifs  pour  cette  divine  besogne,  nous 
n'en  viendrons-jamais  à  bout.  Croyez-moi,  baptisons 
un  peu  les  Gentils.  Ces  païens,  je  vous  assure,  ont  du 
bon,  et  quand  notre  doctrine  sera  à  eux,  ils  la  défen- 
dront honnêtement.  Ils  aiment  ce  qui  leur  appartient, 
faisons  leur  une  propriété  commune  avec  nous,  de  notre 
sublime  Évangile,  et  ils  le  défendront,  comme  de  tout 
temps  on  a  défendu  ce  qu'on  sait  être  son  bien. 

Pierre  se  fit  bien  un  peu  tirer  l'oreille;  mais  enfin 
c'était  un  brave  homme  ;  c'était  un  grand  saint.  Il  avait 
du  bon  sens  comme  tous  les  gens  du  peuple,  quand  on 
l'aidait  à  en  avoir,  et  qu'on  le  mettait  sur  la  route  :  il 
céda,  et,  au  lieu  de  n'avoir  à  garder  que  les  clefs  de  Jé- 
rusalem, il  eut  bientôt  à  garder  les  clefs  du  paradis. 

Le  conseil  de  saint  Paul  était  bon. 

00. 


LES  DEUX  OMBRES  ET  LOriS->APOLÉO>'. 


IMIIK.    HK    I.  M.I.KMAMi.l 


Entendez-vous  dansl'air  brumeux  ce  bruit  étrange?  1 
on  dirait  des  hennissements  lointains  de  chevaux.  .Mi- 
nuit sonne  ;  c'est  l'heure  des  ombres.  Des  cavaliers 
s'ariêlent  devant  la  porte  de  cet  hôtel.  On  ne  k-s  a 
point  vus  passer;  d'où  viennent-ils?  Demandez-le  au 
vieux  dragon  qui  les  garde.  Comme  ses  yeux  flam- 
boient sous  son  casque!  Sa  moustache  est  longue  et 
blanche.  0  ciel  !  le  vent  qui  entr" ouvre  son  manteau  ne 
me  laisse  apercevoir  qu'un  squelette.  Minuit  sonne  ; 
c'est  l'heure  des  ombres. 

Un  homme  est  assis  dans  une  belle  chambre,  de- 
vant un  feu  pétillant.  Son  costume  est  celui  d'un  biil- 
lant  cavalier  qui  revient  d'une  fêle.  Sans  doute,  il  a 
passé  sa  soirée  au  bal,  ou  au  milieu  d'un  festin  joyeux. 
Il  jette  un  coup  d'oeil   distrait  sur  des  lettres  et  des 


journaux  répandus  sur  sa  cheminée;  puis  il  se  dit, 
avec  un  sourire  :  Je  serai  donc  roi  !  Et  sa  tète  s'incline 
sous  la  fatigue  du  plaisir,  sa  paupière  se  ferme;  il  va 
s'endormir. 

Tout  à  coup  la  porte  s'ouvre  avec  un  bruit  solennel, 
des  bottes  éperonnées  retentissent  sur  les  tapis  moel- 
leux. Une  voix  invisible  jette  successivement  ces  mots 
à  l'écho,  avec  une  lenteur  majestueuse  : 

«  L'Empereur  ! 

"  Le  roi  de  Rome  1  « 

Lhomnie  du  baf  et  du  joyeux  festin  se  lève  en  tres- 
saillant; il  veut  faire  quelques  pas  en  avant,  puis  il 
s'arrête.  Ses  janibes  chancellent.  Voyez  comme  son 
teint  est  pâle  ;  il  tremble  devant  cette  vision. 

Cependant    1  Empereur    déboulonne   sa  redingote 


lŒVUE  COMIQUK 


grise  ;  il  s'avance  vers  le  loyer,  et  approche  du  feu  ses 
grosses  bottes,  comme  au  bivouac  d'Austerlitz.  A  côté 
de  lui,  un  pâle  jeune  homme,  vêtu  d'un  uniforme 
blanc,  se  tient  debout,  dans  une  attitude  mélancolique. 
L'Empereur  se  lève,  croise  ses  mains  derrière  son  dos, 
et,  marchant  à  grands  pas  dans  l'appartement,  il  dit  ; 
«  Savez-vous,  mon  neveu,  pourquoi  je  suis  ici? 

—  Non,  sire,  répond  le  maître  du  palais, 

—  Pour  vous  en)pècher  de  fiiire  une  sottise,  et  de 
commettre  un  sacrilège.  Ecoutez-moi  bien. 

«  Vous  réclamez  mon  héritage;  mon  héritage  n'est 
à  personne,  pas  même  à  cet  enfant  que  voilà,  et  qui, 
pourtant,  dans  son  berceau,  porta  le  titre  de  roi  de 
Rome,  héritier  de  Napoléon  !  Où  est  donc  ma  suc- 
cession ?  Peut-on  léguer,  par-devant  notaire,  Arcole, 
Marengo,  les  Pyramides.  Austerlitz,  ^Vagram,  Jlont- 
niirail?  Vous  me  parlez  d'un  sénatus-consulte  signé 
de  ma  main.  Le  temps  a  déchiré  celte  vaine  formule, 
et  le  vent  des  révolutions  en  a  emporté  bien  loin  les 
débris.  Savez-vous,  mon  neveu,  quel  est  mon  héritage, 
un  héritage  que  nul  ne  peut  revendiquer?  ce  sont  les 
résultats  de  mon  génie,  les  travaux  de  ma  volonté.  Des 
idées  et  des  souvenirs,  voilà  tout  ce  que  j'ai  laissé 
après  ma  mort.  Cet  héritage,  nul  ne  doit  y  prétendre, 
ma  gloire  ne  peut  plus  se  continuer  ;  si  l'on  y  touche, 
on  la  ternit.  La  seule  ambition  qui  convienne  aux  des- 
cendants des  grands  hommes  est  de  se  faire  oublier. 
M'entendez-vous,  mon  neveu?  » 

Louis-Napoléon  courba  la  tète. 

Alors  le  roi  de  Rome,  s'approclianl  de  lui,  et  mettant 
sa  main  dans  la  sienne,  lui  dit  d'une  voix  douce  :  «  Mon 
cousin,  croyez-moi,  ne  touchez  pas  non  |)lus  à  mon 


héritage,  cela  vous  porteiait  malheur.  Hélas!  de  quoi 
se  composc-t-il?  de  quelques  pleurs,  qui  ont  coulé 
d'un  œil  de  mère,  en  songeant  à  ma  destinée  d'orphe- 
lin. Cette  couronne,  que  vous  voulez  placer  sur  votre 
tète,  c'est  le  captif  de  Sainte-Hélène,  c'est  le  captif  de 
Vienne  qui  chacun  vous  en  ont  tressé  la  moitié.  Ne 
convertissez  pas  les  larmes  et  les  regrets  en  monnaie 
électorale.  Vous  voulez  régner  par  le  droit  du  souvenir 
et  de  la  pitié.  Que  restera-t-il  au  général  Ronaparte  et 
au  duc  de  Heisclitadt  lorsque  vous  aurez  livré  tout  cela 
au  vent  de  l'intrigue  et  de  l'ambition?  Me  comprenez- 
vous,  mon  cousin?  » 

Louis-Napoléon  courba  la  tète  de  nouveau. 

«  Vous  n'hériterez  ni  de  la  gloire  du  père,  ajouta 
l'Empereur,  ni  de  la  compassion  généreuse  qu'inspire 
le  fils  ;  vous  les  déroberez.  C'est  à  vous  à  voir  ce  que 
vous  voulez  faire.  Adieu.  » 

Pour  la  troisième  fois  Louis-Napoléon  courba  la  tête. 

Cependant  l'aube  blanchit  les  rideaux  de  soie,  le  feu 
s'éleint  dans  le  vaste  foyer.  Entendez-vous  dans  l'air 
brumeux  ce  bruit  étrange?  on  dirait  des  hennissements 
de  chevaux.  Ils  montent,  ils  montetit;  on  cesse  de  les 
entendre. 

L'homme  assis  devant  la  cheminée  se  réveille,  il 
jette  des  regards  effarés  autour  de  lui.  «  Sire,  balbutie- 
t-il,  sire...  Puis,  se  rassurant  peu  à  peu,  il  murmure 
avec  im  sourire  :  Ce  n'était  qu'un  cauchemar,  je  serai 
empereur 

—  Silence,  mon  lils,  dit  un  sage  vieillard  qui  venait 
d'entrer,  vous  en  disiez  autant  à  Strasbourg  et  à  Bou- 
logne. —  Rappelez-vous  toujours  Ham  et  Londres.  » 

TT. 


IL.  \, 

iiilinn     iii   infi 


- — jpffl 


Tiens,  mou  pclil,  en  voilà  un  qui  t'ira  uiieu\,  il  esl  ukmh-  l'um: 


Dessiné  par  Bertall. 


Oravé'par  MlODERiiiH. 


1^  B^k'Ui.aMi  )  (LouAÂ-NaAaU'iT».) 


REVUE  COMIQUE 


AUX  CHr':FS  de  partis. 


Si  le  spectacle  que  présente  la  France  en  ce  nionieiit 
est  triste  et  douloureux,  c'est  moins  à  cause  de  la  pro- 
fondeur du  mal  dont  elle  souflVe,  qu'à  cause  de  la  ma- 
nière dont  ce  mal  se  produit. 

Si  terrible  qu'il  soit,  en  clïut,  il  ne  serait  rien,  car 
dans  ce  monde  où  tout  passe,  le  mal  passe  comme  le 
reste,  s'il  était  le  résultat  de  quelques-unes  de  ces  pas- 
sions vigoureuses  qui  trouvent  une  excuse  et  une  con- 
solation dans  leur  grandeur;  mais  celte  excuse,  cette 
consolation  nous  manquent  absolument. 

Reconnaissons-le  :  la  Fi-ance  s'ennuie  encore  ;  son 
plus  grand  mal  c'est  son  indifférence  :  et  c'est  par  en- 
nui, rien  que  par  ennui,  et  en  quelque  sorte  par  dés- 
œuvrement, que,  tète  baissée,  elle  peut  se  jeter  dans 
un  abîme,  que  le  moindre  effort  de  son  bon  sens  et  de 
sa  volonté  pourrait  éviter. 

11  semble  que  notre  pauvre  pays  ne  soit  habité  que 
par  des  somnambules,  et  qu'un  génie  malfaisant  mette 
à  profit  cette  léthargie  pour  égarer  l'opinion  publique 
en  prolongeant  son  engourdissement. 

Comment  expliquer  cet  inexplicable  vertige? 
Qui  nous  fera  comprendre  que  quand  tout  le  monde 
se  dit  :  «  Nous  sommes  perdus,  si  nous  allons  à  cet  in- 
connu, personne  n'élève  la  voix,  et  que  chacun,  à  la 
façon  des  musulmans,  des  sauvages  et  des  idiots,  se 
croise  les  bras  en  courbant  la  tète,  comme  si  c'était 
écrit,  comme  si  c'était  fatal,  inévitable. 

Mais,  fût-ce  écrit,  le  fût-ce  de  la  main  de  Dieu  mê- 
me, il  nous  faudrait,  pour  l'honneur  du  nom  français, 
protester.  11  faut  que  quelqu'un  dise  la  vérité,  et  non 
pas  le  citoyen  obscur  que  nous  sommes;  mais  il  faut 
qu'une  voix,  je  ne  sais  laquelle,  vienne  sauver  le  pays, 
le  secouer,  le  réveiller,  lui  dire  qu'il  se  perd,  et  lui 
montrer  l'abime  des  révolutions  prêt  à  se  rouvrir  sous 
ses  pas. 

Cette  voix,  qui  la  fera  entendre,  puisque  les  hommes 
les  mieux  placés  pour  parler  restent  muets? 

Si  le  peuple  se  trompe,  désabusez-le,  vous  (|ui  avez 
sa  confiance  ! 

Pourquoi  Béranger  se  tait-il  ?  IN'a-t-il  rien  à  dire  au 
neveu  de  cet  empereur  jiour  l'arrêter  dans  sa  folie , 
pour  lui  apprendre  qu'on  n'est  bien  qu'à  sa  place,  et 
que  sa  place  n'est  point  où  s'est  assis  son  oncle?  L'im- 
mortel chansonnier  n'a-t-il  rien  à  dire  à  ces  paysans,  à 
ces  ouvriers,  sur  qui  sa  voix  serait  toute-puissante?  Un 
mot  de  lui,  une  chanson  peut-être,  qui  leur  appren- 
drait à  tous  que  Napoléon  est  mort,  aussi  bien  que 
Henri  IV,  et  qu'il  ne  saurait  revivre  dans  aucun  de  ses 
descendants,  ce  mot  suffirait  à  leur  ouvrir  les  yeux; 
pourquoi  ne  le  prononce-t-il  pas  ? 


N'est-ce  pas  une  trahison  que  ce  silence?  Une  trahi" 
son,  non  pas  contre  la  République  seulement,  mais 
contre  la  société  tout  entière,  contre  le  sens  commun, 
contre  la  dignité  du  pays,  qui  ne  peut  faire  son  dieu 
du  hasard,  et  (]ui  va  se  livrer  au  hasard. 

Ce  hasard,  à  qui  peut-il  profiter?  A  quoi  servira- 
t-il  à  M.  de  Lamartine,  par  exemple,  d'avoir  ouvert  le 
jeu?  Le  sort  en  est  jeté,  a-t-il  dit;  mais  qui  donc  l'a 
jeté,  ce  sort,  à  la  France,  si  ce  n'est  ceux  qui  auraient 
pu  la  garantir  contre  ses  chances  mauvaises  qu  con- 
traires? 

Enivré,  étourdi  à  Màcon,  M.  de  Lamartine  conipte- 
t-il  encore  pour  son  compte  personnel  sur  Ifs  bénélices 
de  ce  hasard  ? 

Hélas,  non  !  M.  de  Lamartine  no  sera  pas  président 
de  la  République;  mais  que  lui  importe?  la  France 
sera  mal  présidée  ;  elle  souffrira,  et  il  se  consolera  de 
son  échec  comme  président,  en  coni|)tant  les  douleurs 
de  celte  France,  ingrate  envers  lui,  nous  le  reconnais- 
sons. 0  ambition!  quelque  légitime  qqe  tu  sois,  quand 
lu  l'emportes  dans  un  cœur  sur  l'amour  du  bien  pu- 
blic, tu  es  un  vice  et  non  pas  nue  vertu  ! 

Ainsi  donc,  meure  le  malade,  si  je  ne  suis  pas  son 
médecin  1 

S'il  y  a  des  hommes  coupables  entre  tous,  ce  sont,  à 
coup  sûi',  ceux  qui,  ayant  le  droit  de  parler,  ne  com- 
prennent pas  les  devoirs  que  ce  droit  leur  impose. 
Mais  il  y  en  a  d'autres  plus  coupables  encore;  car  ils 
font  pis  que  de  se  taire,  puisqu'ils  disent  le  contraire 
de  ce  qu'ils  pensent  ! 

Eh  quoi  !  M.  Tliicrs,  il  n'est  pas  un  de  vos  griefs 
contre  la  Républi(|ue,  contre  le  général  Cavaignac,  que 
vous  honorez  au  fond  de  votre  <àmc  et  qui  n'aurait  rien 
à  craindre  de  vous,  historien,  j'en  suis  sûr  ;  il  n'est 
pas  un  de  ces  griefs  que  vous  n'ayez  pu  articuler,  et 
vous  n'osez  pas  dire  tout  haut  ce  que  vous  dites  tout 
bas  du  pi'incc  Louis-Napoléon... 

Dans  vos  paroles,  dans  vos  confidences,  dans  vos  en- 
treliens demi-particuliers,  préoccupé  sans  doute  de 
l'idée  de  prolester,  pour  riionneui-de  votre  jugement, 
contre  l'égarement  d'une  partie  du  pays,  et  de  f.iire 
ainsi  les  réserves  de  votre  bon  sens,  vous  dites,  de  ce 
prétendant  à  la  présidence,  tout  ce  qu'il  en  faut  dire 
|)0ur  en  détourner  les  honnêtes  gens;  vous  le  dites,  et 
vous  en  dites  plus  môme  qu'il  ne  faudrait,  car  votre  es- 
prit gaulois  n'a  peur  d'aucun  des  mots  que  chérissait 
Rabelais  ;  et  vous  ne  rediriez  pas  un  jour  au  pays,  em- 
porté par  la  vérité,  toutes  les  vérités  dont  vos  mains 
sont  pleines  !  Si  ce  n'est  pas  une  lAcheté,  c'est  bien 
pis,  c'est  un  calcul.  Ne  pouvant  être  le  premier,  vous 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎRIF.JJX. 


voulez  que  le  premier  soit  aii-tlessotis  de  sa  mission. 
—  I,a  Rt'piil)li(|iie  sans  vous,  vous  l'avez  dit,  vous  lu 
voulez  grotosiiiie.  Prenez  garde,  M.  iliicrs;  prenez 
garde,  le  grotesque  et  le  terrible  se  touilieiil  dinis  des 
temps  cornnie  les  nôtres. 

Braves  bourgeois,  qui  croyons  en  M.  Thiers,  noni- 
monsdonc  Napoléon  ;  M.Tliiei-s  a  besoin  que  la  l'Vaiuc 
soit  ridicule. 

(Iroyez-voiis  qu'on  eût  pu  ramener  M.  Tbiers,  et 
qu'en  neeordant  au  pays,  à  son  parti,  tout  ce  qu'il 
eiU  pu  lui  donner  lui-même,  il  eiU  été  satisfait  ?  .^on. 

Il  n'y  a  qu'un  président  au  monde  qui  eût  pu  conve- 
nir à  M.  Tbiers  mieux  que  Napoléon,  et  ce  président, 
c'eût  été  M.  Tbiers  lui-même.  —  Kst-ce  notre  faute  si 
M.  Thiers  est  impossible  '? 

Eh  bien  !  M.  Tbiers,  il  y  a  des  républicains  qui  va- 
lent mieux  que  vous.  Entre  Louis-Napoléon  et  vous; 


je  dis  plus,  entre  .M.  Bugeaud  et  Napoléon,  entre 
M.  Mole  et  Napoléon,  entre  tons  et  Napoléon,  nous  en 
connaissons  qui  n'eussent  pas  hésité. 

L'histoire  dira  que,  placé  entre  le  bien  du  pays  et  sa 
perte,  vous  avez  sciemment  volé  pour  sa  [Hile. 

Votre  calcul  est  faux,  .M.  Thiers  :  la  révolution  de 
Février  vous  avait  laissé  en  arrière;  mais  debout  en- 
core et  possible  encore  ,  mais  nécessaire,  peut-ôlre  , 
dans  des  temps,  dans  des  conditions  données.  Larévo- 
lution  nouvelle,  celle  que  vous  préparez  avec  tant  d'im- 
prudence en  appuyant  un  homme  dont  vous  savez  tout 
le  néant,  cette  révolution  passera  par  dessus  vous  en- 
core, mais  c'est  à  terre  qu'elle  vous  laissera. 

r»a|)pelez-vous  que  votre  conduite  d'aujourd'hui 
donne  aux  honnêtes  gens  de  tous  les  partis  le  droit  de 
ne  se  souvenir  que  de  vos  fautes. 

S.  S. 


L'habit  ne  Lut  pas  le  moine. 


10 


RF.VIIF,  COMIQl'E 


CK  QUE  DIT  M.  THIF.RS  QUAND  II.  DOUT 


INE  SKANCE  DS  MAliNÏTISMI-    A   I.A   l'LACK  SAlNT-(iEOECES. 


Au  iioiiibre  des  cliosos  (jne  niu  M.  l'Iiiers,  il  tant,  il 
failiiil  du  moins  placei'  le  magnétisme. 

M.  Thiers  niait  tout,  nièmele  sonimcil  magnétiiiue, 
à  plus  forte  raison  niait-il  qu'on  pût  faire  |)arler  de 
forée  un  homme  endormi. 

In  habile  et  spirituel  médecin  de  ses  amis,  résolu  à 
venger  le  magnétisme,  demanda  à  M.  Thiers  qu'il  vou- 
lût bien  se  soumettre  à  une  épreuve. 

M.  Thiers  accepta. 

C'était  le  soir  même  du  jour  oii  le  Constitutionnel 
venait  de  faire  savoir  à  ses  abonnés  que  M.  Thiers  ap- 
puyait la  candidature  du  prince  Louis. 

51.  Thiers  s'assit,  une  jeune  et  aimable  femme  prit 
une  plume  et  consentit  à  dresser  le  procès-verbal  de  la 
séance; — ce  qu'elle  lit  aussi  bien  qu'un  greliier  l'eiU 
pu  faire. 

M.  Thiers  résista  pendant  cinq  minutes  à  peine,  à  la 
puissance  du  fluide.  —  Après  avoir  li ,  plaisanté  son 
médecin  ,  son  regard  vert,  si  net  et  si  brillant  d'ordi- 
naire, se  ternit;  ses  mains,  ses  jambes,  toujours  si 
peu  calmes,  si  inquiètes,  se  fixèrent,  sa  tète  tomba  sur 
sa  poitrine.  — M.  Thiers  dormait. 

«  Cela  ne  prouve  rien,  dit  sa  femme,  M.  Thiers  dort 
toujours. —  Il  dormait  chez  le  roi  ;  il  dort  partout.  » 

M.  Thiers  est  en  effet  l'homme  le  plus  actif  et  le  plus 
endormi  qui  se  puisse  voir  ;  entre  la  fièvre  et  le  som- 
meil il  n'y  a  pas  pour  lui  de  milieu. 

((  Faites  parler  M.  Thiers,  »  dit-on  de  toute  ]iarl 
au  magnétiseur. 

Le  savant  opérateur  prit  les  mains  du  malade,  ap- 
puya solennellement  son  pouce  sur  son  front,  et  s'a- 
di-essant  au  patient  : 

»  Parlerez-vous  ?  lui  dit-il. 

—  Oui,  répondit  .M.  Thiers  ;  et  avec  ce  oui,  un  long 
soupir  s'échappa  de  ses  lèvres.  —  Ici  nous  copions  le 
procès-verbal. 

Demande.   «  Qu'avez-vous  fait  ce  soir  ? 

RÉPONSE.  —  J'ai  fait  une  sottise. 

D.  — laquelle  ? 

R.  — J'ai  écrit  pour  le  Constitutionnel  vingt-cini] 
lignes,  au  bout  desquelles  je  fais  dire  à  ce  journal  qu'il 
faut  appuyer  la  candidature  du  prince  Louis. 

D.  — Vous  regrettez  donc  de  l'avoir  fait? 

R.  —  Oui  et  non. — J'eusse  préféré  ne  rien  faire  du 
tout.  —  On  m'a  trop  pressé.  —  Toute  la  responsabilité 
de  cette  élection  va  retomber  sur  moi  pendant  ces  trois 
semaines  ;  et  après  qui  sait  ce  qui  arrivera  ? 

D.  —  Pourquoi  avez-vous  empêché  le  parti  modéré 
d'avoir  un  candidat? 

R.  —  Ils  avaient  pensé  à  Bugeaud  au  lieu  de  penser 


à  moi  ;  dans  la  réunion  préparatoire  Bugeaud  avait  eu 
presque  toutes  les  voix.  — Mole  et  moi  presque  rien. 

D.  —  Pourquoi  ne  vous  ctes-vous  pas  décidé  à  ap- 
])iiyer  le  général  (]avaignac  ? 

II.  —  Le  général  Cavuignac,  de  sa  personne,  me  con- 
vient assez  ;  si  j'étais  femme  je  ne  lui  serais  pas  cruel. 

1'. — Mais  enfin  pourquoi  ne  l'avez-vous  pas  appuyé? 

R.  —  Le  général  Cavaiguac  est  un  soldat;  il  est  vif, 
il  est  prompt,  il  trouverait  tout  naturel  (ju'on  lui  cédât  ; 
et  avec  lui  la  défaite  n'aurait  ])as  plus  de  mérite  que  la 
résistance. 

D.  —  Que  craignez-vous  du  général  Cavaiguac  ? 

R.  —  Sa  Réjuiblique  serait  sérieuse;  avec  le  temps 
tous  les  intérêts  du  pays  seraient  venus  de  son  côté.  Le 
général  Cavaignac,  nommé,  eût  fait  ses  quatre  ans  , 
nous  autres  nous  nous  serions  trouvés  bientôt  des  chefs 
sans  armée,  sans  parti. 

D.  — .\vez-vous  pensé  à  M.  de  Lamartine? 

R.  —  Ma  foi  non  ;   qu'il  préside  à  .Màcon. 

D.  — Et  à  M.  Ledru-Rollin? 

R.  — Si  nous  ne  dirigeons  pas  bien  le  prince  Louis, 
et  si  nous  ne  le  faisons  pas  échouer  en  lieu  sur  ,  le  tour 
de  celui-là  ou  de  quelqu'un  des  siens  pourrait  bien 
arriver. 

It.  — Kt  à  Raspail? 

R.  —  Raspail  ferait  chérir  Ledru-Rollin.  Voilà  bien 
ce  qui  m'in(|uiète  ;  je  suis  patriote  au  fond  ,  et  quand 
j'ai  eu  le  tort  de  trop  penser  à  moi,  je  le  regrette.  Si 
la  République  rouge  arrive ,  ce  sera  notre  faute.  Le 
[irince  Louis  peut  y  mener. 

1).  —  Pourquoi  appuyez-vous  le  prince  Louis  ? 

Ici  M.  Thiers  lit  un  mouvement  d'impatience,  et  ne 
répondit  pas;  ses  lèvres  remuèrent  mais  aucun  son  n'en 
sortit. 

«  Pourquoi  !  »   reprit  le  magnétiseur. 

R.  —  Parce  que  son  incapacité  est  notnire,  parce 
qu'il  est  impossible,  parce  que  c'est  la  révolution  à  re- 
faire, et  que  j'espère  refaire  cette  révolution,  qui  nous 
a  échappé  une  fois,  pour  notre  compte  à  nous.  Mais  la 
referons-nous?  Voyez  Barrot,  son  parti  l'abandonne, 
et  les  mienss'éloignent  déjàde  moi. 

—  Vous  voulez  donc  renverser  la  Républiipic  ? 

—  .Non,  je  veux  la  gouverner  ,  (ju'on  me  la  donne  , 
je  saurai  la  défendre  ;  j'accepte  la  République,  mais 
je  n'aime  pas  les  républicains.  Avec  le  prince  Louis, 
c'est  la  lutte  qui  recommence,  et  avec  la  lutte  tontes 
les  incertitudes,  mais  aussi  toutes  les  espérances  de 
l'avenir.  Dans  six  mois....  dans  moins  de  six  mois, 
i\i\\s  cent  jours  peut-être...  » 

00. 


Arrivée  triomphale.  —  L'Oiseau  conduit  par  un  m-^e  Vipill  ird. 


Roule   (le  Londres.  —  L'Oiseau  reconduit  par  un  u  imiu  ,1e  Pa 


Dessiné  par  Otto  . 


Gravé  par  Leblanc  et  Bailant. 


15 


REVUE  COMIQUE 


LES  DKUX  BONAPARTISTES. 


Il-  KiiNAi'MtiisTi':  i>r  i\  m:ii,i  i:  (ISÔ2) 


«Citoyens!  s'i'ci-iii  Isiilorc  l'imiiclion  eu  se  lovant 
sur  son  siège,  vuici  le  inoiiienl  de  lions  ociuper  de 
choses  sérieuses. 

—  Oui,  oui,  répétèrent  les  antres  convives,  la  pa- 
role est  au  citoyen  Fumichon.  » 

Fumichon,  toujours  debout,  déboutonna  son  liabif 
noir  à  larges  basques,  qui  laissa  voir  en  s'ouvraut  ini 
gilet  blanc  à  larges  revers,  passa  la  main  dans  ses  longs 
cheveux,  et  continua  en  ces  termes  : 

«  Vous  n'ignorez  point,  citoyens,  quels  projets  cache 
ce  simple  pique-nique  au  Veau  qui  tette.  L'avenir  de 
la  patrie  ne  ligure  pas  sur  la  carte;  mais  c'est  de  cet 
avenii'  qu'il  s'agit.  Deux  ans  se  sont  écoulés  depuis  la 
révolution  de  Juillet;  les  moins  clairvoyants  ne  peuvent 
s'y  tromper  :  on  veut  escamoter  cette  magnanime  ré- 
volution. Citoyens,  le  souirriioiis-nous? 

—  Non  !  mille  fois  non. 

—  11  faut  donc  renverser  le  gouvernement  ingrat  et 
perfide  qui  opprime  la  France.  Nous  sommes  tons  d'ac- 
cord sur  ce  point.  Maintenant  que  mettrons-nous  à  sa 
place  ? 

—  La  République  !  la  République  1  Vive  la  Répu- 
blique ! 

—  Ce  cri  a  devancé  ma  pensée  ;  oui,  citoyens,  la 
République.  (Test  le  seul  gouvernement  qui  convienne 
désormais  à  la  France. 

—  Permettez,  messieurs,  dit  une  voix  qui  partait 
de  l'extrémité  de  la  table  ,  je  proteste  en  faveur  des 
droits  du  roi  de  Rome. 

.\ussilôt  tous  les  regards  se  dirigèrent  du  coté  de 
l'interlocuteur.  C'était  un  homme  de  quarante-cinq 
ans  à  peu  près,  vêtu  d'une  redingote  bleue,  le  front 
orné  d'une  balafre  transversale,  les  lèvres  recouvertes 
d'une  épaisse  moustache  noire  entremêlée  de  quelques 
poils  gris;  l'air  bonhomme  et  naïf  au  fond,  malgré 
l'apparente  dureté  de  ses  traits.  Il  paraissait  étonné  de 
l'émotion  excitée  par  ses  paroles  dans  l'assemblée. 

«  Citoyens  !  s'écria  d'un  ton  véhément  l'un  des  con- 
vives ,  il  y  a  parmi  nous  des  agents  provocateurs,  .le 
demande  (|ue  le  citoyen  qui  vient  de  parler  du  roi  de 
Rome  soit  tenu  d'exhiber  ses  papiers. 

—  Rassurez-vous,  reprit  Isidore  Fumichon,  ce  ci- 
toyen est  mon  oncle.  .\mi  de  Laborie  et  des  quatre 
sergents  de  la  Rochelle  ;  compagnond'armesde  Vallée, 
conspirateur  dans  l'âme,  ennemi  juré  des  Bourbons,  à 
quelque  branche  qu'ils  appartiennent,  j'ai  cru  qu'il  ne 
serait  pas  déplacé  dans  notre  réunion.  On  ne  saurait 
mettre  en  doute  la  pureté  de  ses  sentiments  et  de  ses 


intentions.  (Test  à  nous  maintenant  de  le  convaincre, 
et  de  lui  prouver  qu'il  se  trompe.  Quoiqu'il  ait  eu  les 
pieds  gelés  en  Russie,  qu'il  ait  reçu  un  coup  de  sabre 
à  Luizen,  nue  balle  à  Montmirail,  et  qu'on  l'ait  laissé 
pour  mort  h  Waterloo  ,  il  n'est  point  inaccessible  à  la 
persuasion.  Voyons,  mon  oncle  Jollivet,  quels  sont  les 
droits  du  roi  de  Rome  à  gouverner  la  France'! 

—  Ses  droits,  il  les  tient  de  sa  naissance. 

—  Cela  veut  dire  (|u'il  est  (ils  de  son  jière.  Rel  ar- 
gument !  Est  ce  que  le  génie  se  transmet  par  voie  de 
succession'!  D'ailleurs  le  roi  de  Rome  n'existe  plus 
depuis  longtemps,  il  a  été  remplacé  par  le  duc  de 
Reischtadt.  Est-ce  que  vous  obéiriez  à  un  homme  qui 
vous  dirait  :  En  afant,  marche  !  Rordez,  armes  !  hre- 
zentez,  armes  !  En  chou,  feu  !  Non,  mon  oncle  ,  non  ! 
et  lors  même  que  le  fanatisme  pour  le  petit  caporal 
vous  boucherait  les  oreilles  an  point  de  vous  empêcher 
d'entendre  l'accent  ludesqiie  de  son  lils,  la  France  l'en- 
tendrait pour  vous.  La  France  n'admet  plus,  du  reste, 
les  privilèges  de  la  naissance  ;  elle  veut  être  gouvernée 
par  le  plus  capable  et  le  plus  digne.  La  France  est 
républicaine  ;  nous  sommes  tous  républicains. 

—  Nous  verrions  bien  ce  que  dirait  la  France  si  le 
fils  de  l'Empereur  se  présentait  à  la  frontière,  le  petit 
chapeau  d'une  main  la  redingote  grise  de  l'autre 

—  Oncle  .Jollivet,  vous  êtes  incorrigible,  vous  et  tous 
les  vieux  bonapartistes  avec  votre  petit  chapeau  etvolie 
redingote  grise.  Vous  vous  imaginez  toujours  que 
l'aigle  va  voler  de  clocher  en  clocher  jusque  sur  les 
tours  de  Notre-Dame.  Vous  pensez  faire  peiir"à  Louis- 
Philippe  en  Vous  promenant  encore  quatre  à  quatre 
avec  de  longues  redingotes  bleues  boutonnées  comme 
sous  la  restauration  ;  vous  vous  croyez  des  conspirateurs 
bien  dangereux  parce  que  vous  avez  le  buste  du  roi  de 
Rome  sur  votre  cheminée;  mais  Louis-Philippe  se 
moque  de  vous  et  vous  laisse  conspirer  à  votre  aise. 
L'empire  n'existe  plus  qu'au  Cirque  Olympique;  l'Em- 
pereur est  mort;  nous  pouvons  dire  vive  Cobert  !  car 
je  dois  rendre  cette  justice  à  mon  oncle ,  qu'il  ne  fait 
nulle  diflicnlté  de  convenir  que  l'Empereur  est  mort; 
n'est-ce  pas,  oncle  Jollivet! 

—  Est-ce  que  par  hasard  tu  voudrais  te  moquer  de 
moi,  blanc-bec'/ 

—  Jamais,  mon  onde,  jamais;  respect  aux  braves  ! 
Portez  armes  !  Présentez  armes!  Crions  tous  :  Vive  Go- 
bert  ! 

—  Vive   Cobert  ! 

Jollivet  prend  sa  canne  cl  son  chapeau  et  s'en  vafu- 


A  l.ts.\(.i;  l)i:s  GKNS  SÉRIEUX. 


rieuxen  s'écriimt  :  A  revoir,  niussieiirs  les  rL'pubiicuins 
à  Irois  ('rares  par  lùte  !  yiiaiil  ù  vini!;,  inuiisieiir  mkhi 
iicvcu,  vous  1110  li;  pujLTc/.. 

Les  roiivivi's  repreiniciil  déplus  lielle  :  Vi\t  Gobert! 

0  Maiiilen.ml  (jne  re  vioiix  grognard  a  repris  le  ciieiiiin      elioc  des  verre 
de  son  iluunp  il'asilt ,  siliié  rue  aux  Ours,   s'éiiie  Isi-    '        (leei  se  passait  en  1SÔ2 


dore  rutnichon,  un  dernier  loasl  an  Irdpos  de  lous  les 
Ijraiis!  Plus  d'empereurs,  plus  de  rois,  plus  de  consuls, 
la  Ui''pulili(|ue  ou  la  niurt  ! 

—  La  lU'puhliiine  ou  la  inorll  répète  l'assemblée  au 


II 


LE    I(0\AI'AI11I>1K    lu     l.KNKF.M.UN  (l)SiS]. 


(I  Kli  bien  1  lunn  novon  ruiiiiclion,  i'i'S|.i'i-L' ijul'  le 
voilà  euntent,  nous  sommes  eu  Ilépnbluiue.  (lomniiiit 
vont  les  alFaircs  ? 

—  Mal,  mon  (inile  .lollivel,  très-mal. 

—  La  crise  ne  durera  pas,  j'ai  tout  espoir  dans  le 
bon  sens  du  pays.  Tel  i\ue  tu  me  vois,  je  nie  suis  récon- 
cilié avec  la  lîépublique.  .Tu  avais  raison  quand  tu 
me  soutenais  autrefois  que  c'était  la  seule  forme  de 
gouvernement  qui  convint  à  la  France.  Que  veux-tu, 
nousauti'es  vieux  soldais  auxt]nels  le  grand  honmie  a 
pincé  le  bout  de  l'oreille,  nous  avo.s  eu  plus  de  peine 
que  d'autres  à  nous  défaire  de  nos  préjugés;  il  nous 
semblait  que  la  France  était  peidue  si  elle  ne  retour- 
nait pis  à  rem]iire.  Me  voilà  bien  revenu  de  ces  illu- 
sions. Tu  disais  donc  que  les  affaires  n'allaient  pas  très- 
bien. 

—  La  bonneterie  est  nmrle  !  .l'aurais  bien  mieux  l'ait 
de  Continuer  mon  droit  et  de  passer  avocat;  mais  au 
lieu  de  Irava  lier,  je... 

—  Tu  conspirais;  je  me  rappelle  encore  le  banquet 
du  Venu  qui  tetle.  Vous  étiez  là  une  douzaine  de  fa- 
meux lapins  républicains.  Ktais-je  ridicule  alors,  avec 
mon  roi  de  Rome'? 

—  .le  n'étais  pas  encore  dans  la  bonneterie.  C'était 
le  bon  temps. 

—  Tu  es  triste  comme  un  bonnet  de  nuit  avec  ta 
Il  lunelerie.  Laisse  nommer  le  président,  et  puis  tu  ver- 
ras le  commerce  reprendre  de  plus  belle.  Causons  un 
peu  politique,  cela  nous  distraira,  quoique  cette  fois 
nous  risquions  fort  de  nous  trouver  du  même  avis.  Tu 
votes  pour  Cavaignac'ï 

—  Non. 

—  Pour  Lamartine? 

—  Point  du  tout. 

—  Pour  Ledru-Rollin  '? 


—  Lncore  moins. 

—  Pour  qui  donc? 

—  l'our  Louis  Bona|)arte. 

—  Toi,  un  liomine  éclairé,  un  vieux  républicain  ; 
c'est  impossible.  Quels  sont  donc  les  droits  de  Louis 
Ronaparle  à  la  présidence? 

—  Ses  droits  :  il  les  tient  de  sa  naissance. 

—  Cela  veut  dire  qu'il  est  le  neveu  de  son  oncle, 
bel  argument!  Est-ce  que  le  génie  se  transmet  par  voie 
de  succession?  D'ailleurs  le  neveu  de  l'Empereur 
n'existe  plus  depuis  longtemps;  il  a  été  remplacé  par 
lin  grand  seigneur  britannique  ou  allemand,  je  ne  sais 
trop  lequel,  une  espèce  de  monstre  qui  commence  en 
boninie  et  qui  finit  en  queue  de  const.ible  anglais.  Tu 
veux  nommer  Louis  Bonaparte,  brézldent  te  la  Ripi- 
jtlique  vi'unçaise  ! 

—  Il  a  pour  lui  li!s  souvenirs. 

—  Sont  ce  là  des  titres  au  gouvernement? 

—  Un  nom  ! 

—  Qu'est-ce  qu'un  nom?  La  Fiance  n'admet  plus 
les  privilèges  de  la  naissance,  elle  veut  être  gouvernée 
par  le  plus  capable  et  le  plus  digne.  Tu  vois  que  je  me 
souviens  de  tes  paroles.  La  France  est  républicaine, 
nous  sommes  tous  républicains.  Quoi!  c'est  lorsque 
tous  les  bonapartistes  de  la  veille  se  rallient  à  la  Répu- 
blique qu'il  y  aurait  des  bonapartistes  du  lendemain? 

—  Mais  vous  ne  savez  pas,  mon  oncle,  que  si  Louis 
P)onapartc  est  nommé,  l'empereur  de  Russie  a  promis 
de  faire  à  la  fabrique  de  Paris  une  immense  commande 
de  bonnets  de  coton  pour  son  armée  du  Caucase. 

—  Mon  neveu,  je  ne  vous  dirai  point  mon  opinion 
sur  votre  compte.  Sachez  seulement  que  vous  me  faites 
rougir  d'avoir  été  bonapartiste,  .\dieu,  et  ne  comptez 
plus  sur  ma  succession.  » 

Ceci  se  passe  en  1848. 


li 


HEVUE  COMIQUE 


CHOSES  QUELCONQUES. 


AtX    HONNK.TES    GENS    DE     1.  AM.IKN      I'AUTI     CONSERVATEIR. 

Les  ennemis  do  la  Uopubliiiue  ne  sont  pas  dans  le 
parti  conservateur.  Les  ennemis  du  parti  conservateur 
ne  sont  pas  dans  le  parti  républicain.  I.e  parti  conser- 
vateur est  le  parti  des  gens  qui  craignent  les  révolu- 
tions, non  parce  qu'ils  les  croient  tout  à  fait  stériles, 
mais  parce  que  la  mise  de  fonds  nécessaire  à  leur  ac- 
complissement leur  paraît  hors  de  proportion  avec  les 
résultats.  Le  parti  conservateur  a  trop  bravement  ré- 
sisté à  la  révolution  de  Février  pour  ne  jias  savoir  Tac- 
cepler.  Les  gens  qui  se  sont  bien  battus  ne  se  délestent 
pas.  Que  M.  Tliiers,  qui  n'a  point  eu  l'honneur  de  lu 
lutte,  défaite  ou  victoire,  se  conduise  comme  il  fait, 
cela  n'a  rien  qui  doive  surprendre;  ce  n'est  qu'affli- 
geant, ce  n'est  que  fâcheux.  Sans  parler  des  nécessités 
de  son  caractère,  on  comprend  qu'il  ait  la  fièvre;  cette 
fièvre  que  l'amour  du  pays  seule  pourrait  guérir,  on 
comprend  qu'il  en  cherche  l'aiiaisement  dans  l'agita- 
tion et  le  mouvement.  Le  repos  auquel  il  est  con- 
damné lui  pèse;  c'est  pour  lui  l'enfer.  Plutôt  que 
de  ne  rien  faire,  voyant  qu'après  une  attente  de  sept 
mortelles  années,  l'heure  d'entrer  en  scène  n'est  point 
venue  encore  pour  lui,  il  se  jette  aujourd'hui  dans  le 
trou  du  souffleur. 

C'est  là  que  nous  le  trouvons.  Son  but,  en  y  allant, 
est-il  d'aider  l'acteur  qu'il  se  propose  de  remjilacer 
plus  tard,  ou  de  troubler  le  spectacle?  C'est  à  lui  de 
répondre. 


Mais  il  a  réiioudii  :  «  Je  ne  serai  jamais  le  ministre 
de  Louis-Na|)oléon  Bonaparte.  » 

Que  sera  donc  M.  Thiers?  De  quelle  catastrophe  sor- 
tira ce  qu'il  souhaite? 


Le  vrai  parti  conservateur,  le  pays  modéré  est  toul 
entier  représenté  par  le  Journal  des  Débats.  —  Nous 
n'a])pelons  pas  des  modérés  ceux  des  anciens  meneurs 
do  ce  parti  qui  payaient  le  Globe,  et  fondaient  l'Époque. 


I,a  candidature  du  prince  Louis  perd  tous  les  jours 
du  terrain.  Chacun  se  demande  avec  effroi  si  le  moyen 
de  se  guérir  d'un  mal  est  de  se  jeter  dans  un  pire.  Le 
suicide  est  sans  doute  un  remède  à  tous  les  maux  ; 
mais  un  pays  sensé  comme  le  nôtre  a-t-il  le  droit  de  se 
conduire  comme  une  grisette? 


On  s'étonne  que  la  France  soit  indifférente  à  la  Ré- 
publique; maison  oublie  que  cette  indifférence,  on  l'a 
prèchée,  vantée  depuis  dix-huit  ans,  et  qu'on  avait  fait 
de  l'indifférence  en  matière  [)olitique,  c'est-à-dire  de 
l'oubli  de  la  pairie,  une  vertu.  Vous  avez  semé  l'indiffé- 
rence et  leculte  des  intérêts  matériels,  ne  vous  étonnez 
pas  de  ce  que  vous  recueillez.  Vous  avez  parlé  argent, 
actions,  jeux  de  bourse,  on  vous  répond  salaire,  heures 
de  travail,  etc. 


En  1848,  nous  avions  Louis-Philippe  ;  si  Louis  Bonaparte  nous  arrivait 
en  1849 1849  .serai'  Van  pire,  lli!  hi!  Li  ! 


A  L'USACK  i)i;>  i.iNs  si;iui:ux. 


ir. 


i.E  Ni':vi:r  m-:  la  colonne. 


Quoique  jp  sois  votre  cmpcretir 
Par  le  (Iroil  ilj  iKiiS'aiicc, 

Je  veux  bien,  de  chaque  i^leeteiir, 
Tenir  la  présidence. 
Danil  ceh  linrera 
Tant  que  i;a  pouiT.-!. 
Si  la  claire  vous  lente. 
De  mon  oncle  ninriileu  ! 
Je  suis  le  neveu  ; 
La  Colonne  est  ni:i  tuule. 


Il  fiul,  —  suspeniliz  VOS  l)r;ivos, 

Savoir  ce  (pie  l'on  troque: 
Si  vous  n'avez  plus  le  liéros. 

Vous  aurez  sa  iléfroque. 

Dans  mon  porte-manteau. 

J'ai  son  petit  chapeau. 

Sa  culotte  collante. 

De  mon  oncle,  morlileu.' 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  '? 

La  Colonne  est  ma  tante. 


Je  n'ai  pas  s'rti  du  fourreau 
Ma  moileste  namberjîe. 

Je  connais  trùs-hien  Marengo 
Par  les  poulets  d'auberge; 
Aiist  ^rlitz,  léna. 
J'ai  bien  mieux  que  cela 
Dans  ma  vie  éclatauto... 
De  mon  oncle,  morbleu  ! 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  ? 
La  Colonne  est  ma  tante. 


A  StrashourR,  portant  mon  drapieau, 

Je  singe  le  «rand  homme  : 
(irandes  bottes,  petit  chapeau, 

l.iir^'nette,  habit  verlprjmme; 

A  Boulo:ne.  plus  lard. 
Je  plonge  comme  un  canard, 

.\vec  l'aigle  expirante; 

De  mon  oncle,  morbleu  .' 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  ? 

La  Colonne  est  mi  tante. 


L'empire  étant  tombé  dans  l'eau, 

F.l  l'aigle  hor    de  scrv'ce, 
A  Londres  je  niels  le  manteau 

D'un  agent  de  polife. 

Cli.irtistes  enlèlcs. 

Ah.'  je  vous  ai  frottés, 
A  coups  de  gourdin,  je  m'en  vante. 

De  mou  oncle,  morbleu  .' 
Ne  suis-je  pas  le  neveu  ? 

La  Colonne  est  ma  taule. 


Après  ces  glorieux  hauts  faits, 

France, je  conjecture 
Que  tu  vas  l'aire  le  sulCùs 

De  ma  c.anlidature  : 
Six  cent  mille  francs  de  plus, 

Ç:i  n'est  pas  de  refus 

Quand  la  bourse  est  souiïranle. 

De  mon  oncle,  morbleu  ! 

Ji'  suis  bien  le  neveu  ! 

La  C  lonneestma  tante. 


P.*R  n<  REPIBLICAIN  tir  I.ENDFM.AIN 


L'ONCLE  ET  LE  NEVEU. 


L  HOMME    DE    BRONZE. 
-  Extrait  du  PtiPtT  Show.  — 


L  HOMME    IIE    PLATRE. 


0<li;t.RVARU    DKS  ITAI.IKN 


:iO  «•fiidiiiOM  la   li%'i-aiHOii. 


hiK  mr.nr.i.ir.i',  '.ii. 


tadidous  de  la  ^ioascription.  — La  Revcb  coaiQiiE  formera  un  magniliciue  volume,  grand  in-8,  publie  en  iiO  lÎTraisons   à  30  centimes, 
par  la  poste,  3o  cenlimes.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire  [franco)  à  M.  LiaEtn,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 


llaliciis. 


DVMXNEBAT.  EDITE1TB,  S3,  B.UE  HICHEI.IEU. 


2<"  Livraison. 


l.A    CllliNOl'lLl.li    liï   LE   BOliUr. 


Le  petit  et  le  grand  Napoléon. 
Extrait  du  PuiTET  Show. 


[0TA.t  0^  y<rit    cf'u'  Hv 


Pari..  -  Tir4  .ai  pr««s  méc.niquc.  de  UciuWI  Wi  «l  Comp.,  rue  BaBi.».,  2- 


/r 


U  SEMAINE. 


—  Pau  !  pan  !  pan  ! 

—  Qui  va  là^ 

—  C'est  moi;  ouvrez  tout  Je  suite. 

—  Qui,  vous? 

—  La  semaine.  Je  viens  vous  raconter  mes  aventu- 
res, mes  joies,  mes  douleurs,  mes  l'êtes,  mes  ennuis  de 
huit  jours. 

—  Dicte*  donc  vite,  nous  sommes  pressés. 

—  Comme  vous  me  recevez  !  Est-ce  pour  me  traiter 
ainsi  que  vous  avez  intitulé  cette  revue  :  Histoire  jjfii- 
lusophique,  littéraire,  politique,  morale,  critique,  ar- 
tistique de  la  semairie.  Couimençons  doue  par  causer 
histoire. 

—  On  en  fait  tous  les  jours;  à  quoi  bon  en  parler. 

—  Causons  alors  philosophie. 

—  Ce  n'est  guère  le  monieul. 

—  Littérature... 

—  Plus  tard. 

—  IJeaux-arts. 

—  La  semaine  prochaine. 

—  Politique. 

—  A  la  bonne  heure  :  nous  ne  faisons  que  ça.  Mais 
vous  êtes  bien  arriérée,  ma  chère  amie,  pour  parler 
politique.  De  quoi  allez-vous  nous  entretenir?  de  ce  qui 
se  passait  hier,  de  ce  qui  se  passe  aujourd'hui.  Pouvez- 
vous  nous  dire  ce  qui  se  passera  demain  ? 

—  Non. 

—  C'est  cela  seulement  qu'il  importe  de  savoir.  Le 
reste  nous  touche  médiocrement.  Le  public,  aujour- 
d'hui, va  toujours  en  avant  sans  daigner  regarder  der- 


rière lui.  Que  lui  importent,  ô  semaine  passée!  vos  li- 
vres, vos  vaudevilles,  vos  comédies,  vos  drames,  vos 
fêtes,  vus  bals,  vos  concerts?  L'heure  écoulée,  c'est 
pour  lui  le  passé  ;  et  vous  voulez  qu'il  se  souvienne  de 
ce  qui  existait  il  y  a  huit  jours  ?  Vous  ne  vous  doutez 
pas,  ma  bonne  femme,  de  ce  que  c'est  que  la  curiosité 
en  temps  de  révolution. 

—  Alors,  pourquoi  m'avoir  dit  :  Dictez! 

—  C'est  que,  après  tout,  vous  devez  savoir  mieux 
que  personne  ce  qui  s'est  fait  pendant  ces  huit  jours  ; 
et  si  vous  avez  quel(]ue  anecdocle  entièrement  inédite  à 
nous  apprendre.  quel(iue  mystère  à  nous  révéler,  une 
belle  action,  un  crime,  ou  même  un  simple  bon  mot... 

—  Ma  foi,  non  ;  je  dois  convenir  que  j'ai  été  une 
sage  et  modeste  semaine,  aussi  calme,  aussi  rangée 
que  l'on  peut  rètre  dans  ce  temps-ci.  J'ai  vu  la  fête  de 
la  Constitution,  j'ai  assisté  à  la  représentation  gratuite 
de  l'Opéra,  j'ai  dansé  la  polka  chez  M.  Marrast.  En  fait 
de  crime,  voulez-vous  que  je  vous  raconte  l'assassinat 
Je  Fualdès?  J'en  ai  fait  un  joli  petit  mélodrame.  Je 
n'ai  guère  à  vous  offrir  maintenant,  en  fait  de  belles 
actions,  que  le  duel  J'un  ancien  ministre  des  finances 
avec  .un  général  Je  Jivision  ;  et  si  vous  vous  contentez 
de  quelques  couplets  de  vaudeville,  en  guise  de  bons 
mots,  je  puis  vous  chanter... 

—  Silence  !  Laissez-nous  en  paix  ;  votre  audience  est 
tinie;  allez  oii  vont  toutes  les  vieilles  semaines,  je  ne 
sais  où.  Nous  verrons  si  la  semaine  prochaine  saura 
mieux  se  faire  écouler. 


16 


REVUE  COMIQUE 


AV 


I-MIRKS   ILLLSTHKES 

(Si    NON    U.LrSTRK?) 

l 'H  IN  Ci:  roiu  uiuK. 


CllAPlTHF.  I'. 

SOS  ENFANCE  ET  SON  ÉDl'CATION. 


Iclcrie  et  la  Kussîe  tiennent  sur  les  fous  le  prince  Pour  liii 


Œ  QUE  C'EST  QU'UN  IMÎÉTENDANT. 

Nous  somniL's  un  |)eu|ili'  lU'  (lliiiT  à  l;i  vie  politique. 
Idées,  mœurs  poliliiiuos,  clioz  nous  lout  est  à  faire, 
tout  est  à  cioer. 

La  morale  polili(|Me  suiloul.  C'est  un  eo.lc  [iliiloso- 
pliique  à  révéler,  ù  tirer  des  limbes. 

Quant  aux  autres  morales  connues,  nous  les  avons 
poussées  aux  plus  extrêmes  limites.  Ea  casuistique  nous 
en  a  trop  appris  ;  le  code  civil  et  le  code  de  commerce  , 
avec  les  interprétations  des  avocats  et  les  arguties  des 
procureurs,  ont  tellement  bouleversé  toutes  les  notions 
lie  la  morale  naturelle,  (iii'il  faut  qu'un  fripau  soit 
bien  maladroit  pour  se  [iiivor  de  l'bonneur  d'étiv  bon- 
nèle  liomnie. 

La  probité  s'apprend  conimc  l'art  de  laiie  des  tra- 
gédies; elle  a  ses  règles  d'.\ristiile. 

Mais  interrogez  le  premier  venu  sur  ce  qui  est  per- 
mis en  politique  et  sur  ce  qui  ne  saurait  l'être,  il 
vous  avouera  ingénument  qu'il  n'y  a  jamais  songé.  Il 
lie  juge  que  les  résultats,  ou  plutôt  il  les  subit  ;  les 
moyens  employés  ne  sont  pas  son  affaire.  Aussi  voyons- 
nous  lies  bonimes  d'Élat,  honnêtes  gens  d'ailleurs, 
mettre  en  œuvre  la  duplicité,  la  trabison,  la  violence, 
en  un  mot,  recourir  sans  scrupule,  à  des  moyens  tels 
(pie  ces  mêmes  principes,  qui  dirigent  leur  vie  poli- 
tique ,  appliqués  à  leur  vie  privée  les  feraient  consi- 
dérer comme  des  monstres. 

Ne  les  accusons  pas  trop.  Ils  peuvent  du  moins  se 
donner  à  eux-mêmes  cette  excuse  qu'ils  ne  violent  au- 
cune convention  établie.  «Vérité  en  décades  Pyrénées, 
mensonge  au  delà,  »  dit  Montesquieu.  l)'ailleui-s,  l'im- 
punité les  tente,  elle  les  jnstilie  presque.  Pour  beau- 
coup de  gens  la  mai(ine  du  délit  n'est  que  dans  la  ré- 
iressiou. 

Dans  cent  ans,  dans  cinquante  ans  peut-être,  il  y 
aura  une  morale  politique,  et  les  éléments  qui  entre- 
ront dans  la  composition  de  ce  code  nouveau  apparais- 
sent déjà.  La  science  du  droit  des  gens  a  consacré  un 
grand  |)rincipe  en  rendant  désormais  impossibles  les 
guerres  de  conquêtes. 

\-t_on  assez  admiré  ce  fléau  des  sociétés  ancieniu's 
qui  s'appelait  le  Conquérant  !  Que  n'ont  pas  écrit  les 
pédants  et  les  sots  sur  Alexandre  le  (Jrand  et  ses  ému- 
les! Nos  livres  classiques  sont  pleins  du  plus  absurde 
riitbousiasme  pour  ces  hommes  qui  ont  fait  le  malheur 
de  leur  siècle,  et  l'on  ne  sait  poinqiioi  Gengis-kan  et 
Attila  n'ont  pas  trouvé  grâce  devant  eux.  Aujourd'hui 
nu  Alexandre  le  Grand  ferait  horreur;  c'est  un  grand 
pas  en  morale. 

Ceci  ne  nous  éloigne  pas  autant  qu'on  le  |iouriait 
croire  du  titre  de  cet  article  :  Qu'est  ce  qu'un  pré- 
tendant? 

Un  prétendant,  c'est  un  conquérant  en  diminutif. 
Avant  que  le  principe  de  la  souveraineté  du  peuple 


A   I.TSAC.F,  DKS  (IKNS  SKIUKllX. 


17 


lui  rcronmi  cl  mis  en  prati(|ii(',  c'est-ù-dirc  lorsque 
les  rois  n'H-iiaient  de  droit  divin,  un  prétendaiil  l'tail 
un  [irinee  dépossédi'  (|ui  essuyait  de  reciini]ui'iir  par  les 
ariuos  riu-rita^'e  |)oliliiiue  de  sa  famille. 

I.e  elievalier  (lliarles-Kdounrd  ,  par  ex(iii|ile  ,  est 
resté  prétendant  toute  sa  vie.  Il  est  mort  prétendant  à 
Montpellier.  C'était,  au  dire  des  eonteniporains,  un 
lidinine  eliarmant  ,  plein  d'airahilité  et  de  giàcc.  (À't 
iiomine  eli.u'inaiil,  pour  ne  pas  réussir  dans  ses  entre- 
prises sur  le  royaume  d'Aii(;leterre  ,  a  l'ait  ujourir  en- 
viron dix  mille  iiomines  sur  le  cliamii  de  liataille,  sans 
parler  de  ceux  de  ses  partisans  qui  lurent  roués  et  dé- 
capités, et  dont  on  planta  les  tètes  siu-  des  piques,  les 
yeux  tournés,  comme  dit  Waller-Seott,  vers  les  lileues 
montagnes  d'Kcosse  qu'ils  avaient  tant  aimées. 

Ce  chevalier  Charles-Edouard  se  croyait,  malgré  cela, 
un  très-honnète  homme,  et  ses  contemporains,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  le  considéraient  comme  un  hoiiinn' 
charmant. 

Si  vous  aviez  un  héritage  de  famille  à  recouvrer  et 
qu'il  fallût  pour  cela  la  mort  violente  de  dix  mille 
hommes,  et  que  vos  meilleurs  amis  fussent  suppliciés, 
en  votidriez-vous  à  ce  prix?  J'en  doute. 

Pour  Charles-Kdouard  ,  le  royaume  d'.Vngleterre 
était  un  héritage  de  famille.  Un  royaume  vaut  mieux 
qu'une  terre,  soit,  mais  cette  différence  de  valeur 
change-t-elle  quelque  chose  à  la  moralité  du  fait? 

Dans  ces  derntèri's  années,  que  de  victimes  tombées 
en  Espagne  dans  les  guerres  de  prétendants  !  Nous  les 
avons  vus,  ces  rois  bannis  et  ces  fils  de  rois,  pendant 
que  le  sang  coulait  en  leur  nom,  dormir  d'un  somiueil 
paisible;  ils  allaient  à  lâchasse  et  à  la  messe,  ils  don- 
naient alternativement  audience  à  leur  maîtresse  et  à 
leur  confesseur.  Est-ce  insensibilité  naturelle,  égoïsme 
féroce?  Mon  Dieu  ,  non  :  c'est  vice  d'éducation  ,  force 
de  préjugé,  lin  prétendant  croit  toujours  à  son  droit 
surhumain ,  et  le  vulgaire  garde  encore  le  respect  de 
ce  droit,  auquel  pourtant  il  ne  croit  plus. 

Il  viendra  cependant  un  temps  où  forcés  de  priiscr 
par  l'exercice  de  la  liberté  politique,  les  citoyens  per- 
dront les  derniers  préjugés  de  la  monarchie.  Alors, 
j'imagine  que  les  prétendants  se  trouveront  dans  tai 
grand  embarras. 

Leurs  tentatives  seront  appréciées  à  leur  juste  va- 
leur, parce  que  le  jugement  public  n'étant  plus  per- 
verti par  des  idées  et  des  sentiments  préconçus  ,  le 
peuple  osera  enlin  appeler  «  un  chat  un  thaï  »,  et  la 
délinition  du  prétendant  sera  possible. 

Quand  par  exemple  quelque  héros  de  hasard  ,  à  la 
tête  d'une  bande  de  valets  et  d'intrigants  s'en  viendra 
dire  en  arborant  un  drapeau  quelconque  :  «  Citoyens, 
reconnaissez  en  moi  le  fils  ou  le  neveu  du  grand  jirince 
un  tel.  Aux  armes!  marchons  sur  les  Tuileries!  »  les 
citoyens  lui  répondront  tout  simplement  : 

«  Vous  êtes,  avant  tout,  notre  ennemi  ;  vous  venez 
nous  voler  notre  liberté  et  noire  repos  ;  et  votre  appel 


C'est  étonnant,  comme  il  ressemble  à  son  oncle!,.. 


'our  préparer  le  prince  à  ses  hautes  destinées  et  lui  apprendre  tout 
ce  qui  concerne  son  état,  ou  lui  enseigne  à  apprivoiser  un  aigle  ; 
mais  l'aig'e,  qui  n'aime  pas  ces  gens-là,  le  mord — et  crânement  ! 


UEVUE  COMIQUE 


i   on   appreud  seulement,  au  prince,  à  les  empdiUec. 

)s  de    M.  Verreaui,  naluraliste  de  l'ile  Bourbon,  professeur 

s  gens  de  qualité. 


aux  armes  devant  amener  reffusion  du  sang  à  votre 
profit,  c'est  une  tentative  d'assassinat  que  vous  faites 
sur  chacun  de  nous.  Or,  on  prend  les  assassins  et  les 
voleurs,  et  on  les  traduit  en  cour  d'assises. 

B  11  n'y  a  aucune  différence  entre  vous  et  Schiibry, 
r.inaldo  Rinaldiui,  Mandrin  ,  Carlouclie,  Schinderanes 
et  les  autres  héros  de  grand  chemin.  » 

.\lors,  il  faut  espérer  que  les  prétendants  seront  plus 
rares;  mais  nous  avons  encore  cinquante  ans  à  attendre 
cl  notre  éducation  monarchique  à  oublier. 


—  RipipUque!  ribihliquel 

—  Bépublique!  donc...  Quelle  brute  que  cette  petite  oie-U 


LE  PARTI  CRETIN. 

Il  y  a  un  grand  nombre  d'individus  en  France  qu'un 
motif  singulier  rend  partisans  décidés  de  Louis-Napo- 
léon. L'autre  jour,  dans  un  estaminet,  je  demandai  à 
cinq  ou  six  joueurs  de  dominos  : 

«  Pourquoi  votez-vous  pour  Louis-Napoléon? 

Parce  que  c'est  un  homme  nul. 

—  Et  vous? 

—  Parce  que  c'est  nn  niais. 

—  Et  vous? 

—  Parce  que  c'est  un  imbécile.  » 

Ces  gens-là  sont  convaincus  que  le  salut  de  la  Ré- 
publique exige  impérieusement  qu'on  place  un  crétin  à 
sa  tète,  et  que  la  machine  gouvernementale  est  mue  par 
une  manivelle  qu'un  homme  sans  idée  peut  seul  avoir  la 
patience  de  faire  tourner.  Ce  préjugé,  qui  date  de  l'ère 
constitutionnelle,  et  qui  est  une  des  nombreuses  théo- 
ries politiques  du  célèbre  Odilon  Barrot,  est  plus  gé- 
néralement répandu  en  France  qu'on  ne  le  suppose, 
surtout  chez  les  joueurs  de  dominos. 

Il  commence  déjà  à  se  répandre  parmi  les  joueurs 
de  dames,  d'où  il  se  répandra  chez  les  joueurs  d'é- 
checs,  qui  le  communiqueront  infailliblement  aux 
joueurs  de  tric-trac  ;  de  là  une  nouvelle  série  de  i)arti- 
sans  pour  Louis  Bonaparte. 

Le  hasard  peut  vous  faire  tomber  sur  un  membre 
du  parti  crétin  ;  n'essayez  pas  de  le  convenir,  vous  y 
perdriez  votre  allemand. 

«  Savez-vous  que  votre  Louis-Bonaparle  s'est  habillé 
un  beau  jour  comme  un  iigurant  de  l'Opéra  dans  la 
Juive,  et  qu'il  s'est  fait  inscrire  parmi  les  comparses 
du  tournoi  d'Eglinglon  sous  le  titre  de  chevalier  des 
miroirs. 

—  Bravo  ! 
_  lue  autre  fois,  il  a  parié  qu'il  volerait  du  haut 

(I.;  la  tour  de  Londres  jusque  sur  le  dôtne  de  saint 
l'.uil  ,  et  l'on  a  eu  toutes  les  peines  du  monde  à  l'em- 
pêcher d'exécuter  ce  pari.  Il  prétendait,  en  sa  qualité 
de  capitaine  d'artillerie,  avoir  inventé  un  appareil  in- 
faillible pour  voler. 

—  Très-bien  ! 

—  Un  charlatan  lui  ayant  persuade  qu'on  pouvait 


\  I .'USAGE  DKS  GKNS  si;;!ur';iJX. 


10 


fairo  (le  l'or,  votre  candidat  le  prince  Kotiis  n'a-l-il  pas 
iMi  imtnc'diatemont  le  soin  d'installer  des  foiirne.iiix 
chez  lui  et  do  se  livrer  à  nne  smilHerie  eUrénéel 

—  Parfait! 

—  Cdinmeiil,  pul'iil!  en  vérité,  je  ne  voii- eniii- 
prends  pas.  Mais  tont  cela  est  fort  bête. 

—  Justement  !  c'est  à  cause  de  cela  que  je  le  (  licu- 
sis.  M.  Barrot  vous  dira  hii-mènie  que  le  jeu  des  iusli- 
liilions  coiislitntionnelles  exige  un  iioninie  parl'aile- 
monl  nul.  Or,  de  ee  coté-là,  notre  candidat,  eonvenez- 
en,  laîsse  bien  peu  de  prise  à  la  criti(]ne. 

—  J'en  conviens.  » 

El  on  essayerait  en  vain  de  les  ennvaincie.  Les  r;ens 
imbus  des  théories  politiques  de  M.  Odilon  liarrot  ne 
se  rendent  jamais,  même  à  l'évidence. 

l.e  chef  du  parti  crétin,  après  JI.  Odilon  lîarrot,  est 
M.  Adolphe  Thiers.  C'est  lui  qui  a  écrit  dans  le  Cons- 
titutionnel ce  mémorable  premier-Paris  qui  se  termine 
par  cette  phrase  :  «  l.e  prince  Louis-Napoléon  est  un 
imbécile,  mais  il  a  toute  notre  conliance.  » 

Cette  ])hrase  a  du  moins  l'avantage  de  n'être  point 
philosophique  comme  les  axiomes  de  Odilon  Barrot  sur 
la  nécessité  du  crétinisme  en  matière  <rinslitulions 
constitutionnelles. 

J'ai  eu  dernièrement  une  discussion  avec  nn  mem- 
bre naïf  du  parti  crétin  arrive  la  veille  de  sa  province. 

a  A  qui,  lui  ai-je  demandé,  donnez-vous  votre  voix 
dans  le  Poitou? 

—  Parbleu,  m'a-t-il  répondu,  vous  le  savez  bien. 

—  Ma  foi  non. 

—  Eh  bien,  à  Napoléon  Bonaparte. 

—  Pourquoi  '? 

—  Parce  que,  selon  M.  Odilon  Barrol,  il  faut  placer 
un  homme  nul  à  la  tète  de  la  Bépublique.  Nous  vo- 
lons pour  le  soliveau. 

—  Vous  vous  trompez,  c'est  pour  une  autre  fable. 

—  Laquelle,  s'il  vous  plait'.' 

—  Pour  le  chat  et  le  singe.  Bappelez-vous  les  mar- 
rons du  feu.  » 


CHAPITRE  11. 


SON    ADULESCEKCE. 


^/^— 


Télémaque  et  Mentor. 


SOUVENIR  d'un  DESSIM  liÉ  GBASTILLE. 

Les  victoires  et  conquêtes  du  prince. 


r.KVUE  r.o>noiîK 


cnAriTur.  m. 


b'ëlant  revêtu  pour  la  première  fois  du  costume  hstorique,  il  ne 
reconnaît  pas  dans  son  ombre,  et  il  a  peur!... 


EXPtDITlON   DE  STRASBOUnC. 

—  Mon  poa  ami,  che'souis  le  fils  de  l'empereur,  et  chc  fous  nomme 
maréchal  de  Franco.  Pufez  celle  fer  de  rhoum  :  être  pien  poni 

—  Oq  ti'passe  pas! 


r.ABABECK  ET  LES  F.VKIRS  EN  IS'tS. 

Lorsque  j'étais  lians  la  ville  de  Bénai-ès,  sur  le  ri- 
vage du  Gange,  je  tâchais  de  in  instruire.  J'entendais 
passablement  l'indien,  j'écoutais  beaucoup  et  remar- 
quais tout.  J'étais  logé  chez  mon  correspondant  Omri  : 
c'était  le  plus  digne  homme  que  j'aie  jamais  connu.  Il 
était  de  la  secte  tricolore;  j'ai  l'honneur  d'appartenir 
à  une  secte  d'une  autre  couleur  :  jamais  nous  n'a- 
vons eu  une  parole  pl«s  haute  que  l'autre  au  sujet  de 
nos  nuances  respectives.  Nous  faisions  nos  ablutions 
chacun  de  notre  côté ,  nous  buvions  de  la  même  limo- 
nade ,  nous  mangions  du  même  riz  comme  deux  frères. 
Un  jour  nous  allâmes  ensemble  à  la  pagode  de  Ga- 
vani.  Nous  y  vîmes  plusieurs  bandes  de  Fakirs  dont 
les  uns  étaient  des  Fakirs  phalanstéricns,  et  les  autres 
des  socialistes  propremenls  dits,  qui  se  divisent  en 
icariens,  en  proudhoniens  et  en  disciples  de  Pierre  Le- 
rous  ;  ceux-ci  sont  des  Fakirs  contemplatifs.  Ils  ont , 
comme  on  sait,  une  langue  savante  qui  ne  permet  pas 
au  vulgaire  de  les  comprendre. 

Je  passai  devant  un  Fakir  phalanstérien  qui  lisait 
le  livre  sacré  de  Fourier.  «  Ah  !  malheureux  civilisé  , 
s'ccria-t-il ,  lu  m'as  fait  perdre  le  lit  des  séries  cos- 
mogoniques  !  et  de  cette  affaire-là  le  bonheur  de  l'hu- 
manité est  retardé  de  mille  ans,  au  lieu  d'arriver  dans 
cinq  ou  six  siècles,  comme  j'avais  tout  lieu  de  m'en 
tlatter  !  Je  lui  donnai  une  roupie  pour  le  consoler. 
A  quelques  pas  de  là  ,  ayant  eu  le  malheur  d'éternuer  , 
le  bruit  que  je  fis  réveilla  un  autre  Fakir  de  la  secte  de 
Pierre  Leroux  ,  qui  était  en  extase  :  «  Oii  suis-je  ? 
dit-il,  quelle  horrible  chute  !  je  ne  vois  pas  le  bout 
de  mou  nez  :  la  lumière  céleste  est  disparue.»  Si  je 
suis  cause,  lui  dis-je,  que  vous  voyez  enlin  ])lus  loin 
que  le  bout  de  votre  nez ,  voilà  une  roupie  pour 
réparer  le  mal  i[nc  j'ai   fait  :   reprenez  votre  lumière 

céleste.  » 

M'étant  ainsi  tiré  d'affaire  discrètement,  je  passai 
aux  autres  Fakirs.  Ceux-ci  se  tenaient  immobiles 
en  attendant  qu'il  leur  poussât  une  queue.  Ceux- 
là  dansaient  sur  les  mains  ,  plusieurs  voltigeaient 
sur  la  corde  roide,  d'autres  allaient  toujours  à  cloche- 
pied;  il  y  en  avait  qui  portaient  des  chaînes,  quel- 
ques-uns balayaient  le  parquet  avec  leur  barbe  ;  au 
demeurant,  les  meilleures  gens  du  m.jnde.  Mon  ami 
Omri  me  mena  dans  la  cellule  d'un  des  plus  fameux  ; 
11  s'appelait  Bababeck,  et  portait  au  cou  une  cliaiiie  de 
^()ixante  livres.  Omri  me  dit  que  c'était  sa  manie  de 
porter  cette  chaîne,  et  que  lorsqu'on  la  lui  ôlait  il  n'a- 
vait rien  de  plus  pressé  que  de  la  reprendre.  Beaucoup 
de  gens  venaient  le  consulter,  il  était  l'oracle  de 
sa  secte,  et  l'on  peut  dire  qu'il  jouissait  d'une  grande 
réputation.  Je  fus  témoin  du  long  entretien  qu'Omri 
eut  avec  lui. 

—  Cnvrz-vous,   lui  (lil-il,   mon  père,     qu'après 


A  !;USAGE  DES  GENS  SÉRIKIX. 


avoir  passé  par    les  l'prctivcs  convcnal)lcs,  je  puisse 
pri'U'ndre  an  lih c  ilc  Inm  i  ilnycn  V 

—  ('/est  selon,  dit  Ir  jjkir,  c  .niiuu'iil  vivez-vous? 

—  Je  làilie,  (lit  Oiiiii,  d'elle  bon  iimri,  lion  |ièie, 
bon  ami  ;  je  prête  de  l'argent  sans  intérêt  aux  rielies, 
dans  l'occasion  j'en  donne  aux  pauvres  ;  je  paye  l'iin- 
pôt  de  grand  cœur;  j'entretiens  la  paix  parmi  mes 
voisins. 

—  Vous  t'aites-voiis  imili'o  i[iieli|iierois  en  prison  ? 
demanda  le  Fakir. 

—  Jamais,  mon  révérend  père. 

—  Mais  du  moins  vous  lianlez  les  clubs,  vous  pro- 
noncez des  discours  dans  les  banquets  à  vingt  sons  cl 
vous  parlez  pertinemment  île  rémeiile  ".' 

—  l'as  le  moins  (lu  monde. 

—  J'en  suis  fâché,  répliipia  le  Fakir;  mais  vous 
n'êtes  qu'un  mauvais  citoyen  et  un  ennemi  du  peuple. 

—  Comment  !  s'écria  Omri,  ce  n'est  donc  pas  assez 
d'être  honnête  homme  et  d'obéir  aux  lois?  Je  vous 
trouve  plaisant  de  ju-élendre  être  meilleur  citoyen 
que  moi  ;  et  sur  quoi  d'ailleurs  fondez-vous  cette  pré- 
tention ?  Sachez  que  je  donne  plus  en  aumônes  en  un 
jour  que  ne  coûtent  en  un  an  la  chaîne  que  vous  portez 
au  cou  et  le  pain  que  vous  mangez  dans  votre  cellule, 
encore  c'est  PF-tat  qui  en  fait  les  frais.  Le  peuple  a  bien 
alfaire  que  vous  passiez  votre  vie  enfermé  avec  une 
chaîne  an  cou  :  vous  rendez-là  un  beau  service  à  la 
patrie  !  Je  fais  cent  fois  plus  de  cas  d'un  homme  qui 
sème  des  légumes  ou  qui  plante  des  arbres,  que  de  tous 
vos  camarades  qui  regardent  lebout  de  leur  nez,  on  qui 
attendent  dans  un  coin  qu'il  leur  pousse  une  queue. 

Ayant  ainsi  parlé,  Omri  se  radoucit,  le  caressa,  le 
persuada,  l'engagea  enfin  à  couper  sa  barbe,  à  laisser 
là  sa  chaîne  et  à  venir  chez  lui  mener  une  vie  honnête. 
On  le  décrassa,  on  le  IVotta  d'essences  parfumées  ,  on 
l'habilla  décemment.  Il  vécut  quinze  jours  d'une  ma- 
nière fort  sage,  et  avoua  qu'il  était  cent  fois  plus  heu- 
reux qu'auparavant.  Mais  il  perdait  son  crédit  dans  le 
]ieiiple,  personne  ne  venait  plus  le  consulter,  et  l'on  ne 
parlait  plus  de  lui.  Il  quitta  Omri,  alla  jeter  des  pierres 
au  corps  de  garde  voisin  et  se  lit  remetlic  sa  chaîne 
pour  avoir  de  la  considération.  CC 


l.F.  BONWAI'.TISMF.  lUIiAI.. 

Vous  est-il  arrivé  queliiiiefois  de  séjourner,  je  ne 
dis  pas  dans  une  petite  ville,  dans  un  bourg,  ou  même 
dins  un  village,  mais  dans  un  hameau  éloigné  de  tout 
centre,  perché  au  sommet  de  quelque  rocher  ou  perdu 
dans  la  vallée,  sans  église,  sans  mairie,  sans  école, 
composé  de  quelques  maisons  habitées  par  quelques 
centaines  d'habitants.  C'est  là  qu'il  est  curieux  d'étu- 
dier la  politique.  Mais  fait-on  de  la  politique  dans  de 
pareils  endroits"?  11  faut  bien  le  crou-e,  puisqu'on  nous 


S'EtME 


LXrÉDlTION   t>E  BOULOGNE. 

États  de  service. 


îsoiiveau  procède  de 


i'u;aj;e  d'un  j-'ré'.i-Ti'-iaat. 


REVUE  COMIQUE 


HironUlle  chentille 

Foltichant  à  1 
'  Tu  cachot  Dni 
.  Etc.  etc.  » 


lie 


PROJET  D'EVASIOS. 


Le  prince  emprunte  pour  sN'chapper  le  costume  de  la  présidente 
de  Folle-Mêche. 


affirme  que  c'est  dans  la  campagne  que  la  candidatnrc 
du  pi-ince  I>ouis  Bonaparte  compte  le  plus  de  parti- 
sans. Or,  pour  une  certaine  étendue  de  pays,  le  ha- 
meau est  un  chef-lieu. 

Dans  la  petite  ville,  c'est  l'ofticier  qui  fait  de  la 
propagande  napoléonienne,  l'oflicier  retraité,  qui  ne 
sait  plus  que  jouer  aux  dames  et  parler  de  l'empire; 
au  hourg,  c'est  le  sous-oflicier,  qu'on  a  nommé  lieute- 
nant de  la  garde  nationale;  au  village,  c'est  le  soldat 
qui  a  repris  la  charrue  ;  au  hameau,  c'est  un  person- 
nage inobservé  jusqu'à  ce  jour,  pro|iagandiste  inconnu 
et  infatigable,  plus  actif,  plus  alerte  à  lui  tout  seul 
que  tous  les  officiers,  sous-ofliciers,  soldats  de  la  petite 
ville,  du  bourg  et  du  village. 

Ce  personnage,  c'est  le  domestique  impérial,  la 
basse  livrée  de  l'empire,  sons-piqueur,  palefrenier, 
marmiton,  buandier,  laveur  d'écuelles,  tous  les  gens 
remplissant  corvée  dans  les  écuries  ou  les  offices  des 
Tuileries  au  temps  de  l'empire. 

M.  de  Balzac,  dans  son  Médecin  de  Campagne,  met 
dans  la  bouche  d'un  ancien  soldat  une  histoire  de 
Napoléon  racontée  à  la  veillée.  Figurez-vous  ce  que 
peut  être  une  histoire  de  l'Empereur  narrée  par  un 
balayeur  d'office.  Ce  qui  est  poésie  dans  l'imagination 
du  soldat  prend  des  proportions  matérielles  dans  la 
tète  du  domestique.  L'un  raconte  les  exploits  du 
grand  homme,  l'autre  met  en  lumière  les  qualités  du 
maître  de  maison.  Pour  le  premier,  Napoléon  est  un 
héros,  pour  le  second  un  fermier  habile. 

J'ai  entendu,  il  y  a  quelques  années,  la  femme  d'un 
pauvre  paysan  de  la  haute  Provence  me  parler  de 
l'Empereur. 

«  Ah!  monsieur,  me  disait-elle,  quel  homme  c'était 
que  Napoléon!  Figurez-vous  que  tous  les  matins  il 
sortait  déguisé  fit  allait  marchander  les  légumes  à  la 
halle  pour  savoir  si  ses  domestiques  ne  le  trompaient 
pas.  C'est  l'argent  du  peuple  qui  paye  mes  provisions, 
je  ne  veux  pas  qu'un  tasde  fainéants  le  gaspillent,  ajou- 
tait-il ensuite.  Chaque  semaine,  il  faisait  ses  comptes 
avec  son  maître  d'hôtel ,  et  il  n'y  avait  pas  moyen  de 
lui  fane  la  queue.  Il  savait  aussi  bien  que  vous  et  moi 
le  prix  de  chaque  chose,  et  il  vous  aurait  dit  sans  se 
tromper  d'un  liard  ce  que  coûtait  un  poulet,  un  pi- 
geon ou  une  livre  de  lard  à  la  halle. 

Mais  de  qui  tenez-vous  donc  tous  ces  détails? 

De  Marins,  qui  a  quitte  les  Tuileries  en  1813, 

où  il  était  blanchisseur,  et  qui  s'est  retiré  chez  nous 
avec  six  cents  bonnes  livres  de  rente  qu'il  a  ramassées 
au  service  de  l'Empereur.  » 

Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  ces  domesti- 
ques impériaux  s'adressent  plus  volontiers  auX  fem- 
mes; ils  leur  parlent  des  layettes  du  roi  de  Home  et  du 
trousseau  de  l'impératrice  Marie-Louise.  J'ai  entendu 
dire  également  à  une  fermière  de  la  Bourgogne  que 
chaque  année  Joséphine  faisait  elle-même  ses  confi- 
tures,  gelées  de  groseille   on  marmelades  d'abricots. 


A  L'USAGE  DKS  GENS  Sl^lHIEUX. 


23 


Mal  m'en  cill  pris  de  sourire,  elle  savait  cela  de 
scitMK-c  certaine;  c'était  M.  Piiiiiiicliot,  anciiMi  niar- 
Miilon  (lu  cuisinier  des  i>a^'f:i.  qui  le  lui  avait  dit. 

Que  de  gens,  grâces  à  ces  conlidenccs  I)our  lesqiiels 
le  vainqueur  d'Austerlitz  n'a  pas  d'autre  gloire  que 
celle  de  bien  connaître  le  prix  des  volailles,  el  José- 
phine d'autre  mérite  cpie  celui  de  faire  ses  conlitures 
elle-même  ! 

Blanchis  par  l'Age,  ces  invalides  de  la  grande  ou  de 
la  petite  buanderie  sont  devenus  les  oracles  des  ha- 
meaux. Ce  sont  eux  que  les  paysans  viennent  consulter 
quand  il  s'agit  pour  eux  d'accomplir  un  acte  ]iulitique. 
Il  a  été  domesticpie  de  l'Euipcrem-!  cela  suffit  pour 
leur  donner  une  importance.  C'est  par  eux  que  se  sont 
répandus  dans  les  campagnes  ces  bruits  fantastiques 
sur  les  millions  du  prince  Louis,  et  sur  la  remise  de 
tous  les  impôts  pendant  quatre  anss'il  est  nommé  pré- 
sident de  la  République.  Eux-mêmes  se  persuadent 
qu'ils  n'auront  qu'à  se  présenter  au  neveu  de  TEmpe- 
reur,  et  lui  dire  qu'ils  ont  été  domestiques  de  son  on- 
cle, pour  obtenir  une  pension,  attendu,  disent-ils, 
que  Napoléon,  en  mourant,  a  laissé  un  testament  dans 
lequel  il  lègue  une  somme  de  plusieurs  millions  à  par- 
tager entre  tous  ceux  qui  l'ont  servi.  Ce  testament 
avait  été  tenu  secret  jusqu'à  ce  jour  par  les  ennemis 
de  l'Empereur,  et  son  neveu  vient  pour  l'exécuter. 

On  ferait  un  livre  curieux  avec  l'histoire  des  petites 
influences  sur  les  grands  événements.  Cinquante  ou 
soixante  buandiers,  disséminés  sur  toute  la  France, 
vaudront  peut-être  des  milliers  de  votes  au  préten- 
dant. Qu'on  me  dise,  après  cela,  qu'il  y  a  des  bonapar- 
tistes en  France  ! 

Après  tout,  pourquoi  pas?  Je  connai.>  bien  un  jan- 
séniste ! 


L.NE  niSTOIUE  Di:  DEMAIN. 

Messieurs  les  voyageurs,  nous  dit-il,  vous  auriez 
tort  de  me  juger  sur  l'apparence  :  je  ne  suis  pas  ce  que 
je  parais  être,  et  j'ai  joué  autrefois  un  rôle  fort  impor- 
tant. Les  malheurs  du  temps  m'ont  réduit  à  me  faire 
Tyrolien  et  à  chanter  les  Idées  napoléoniennes.  Je  vais 
vous  en  chanter  pour  un  sou,  messieurs;  cela  vous 
portera  bonheur  pour  votre  mariage. 

Ce  Suisse,  qui  .est  Tyrolien,  n'est  qu'un  Savoyard, 
pensâmes-nous  ;  voilà  qui  est  assez  bizarre.  Interro- 
geons-le. Je  porterai  la  parole  pour  mes  compagnons. 

«  Nous  sommes  tous  mariés  ;  et  vos  souhaits  nous 
sont  inutiles;  mais  contez-nous  comment  il  se  fait  que 
vous  soyez  Savoyard. 

—  Je  l'ignore,  j'ai  eu  tant  de  patries  dans  ma  vie, 
que  je  ne  sais  pas  bien  ce  que  je  suis.  On  m'a  vu  tour 
à  tour  Suisse,  Hollandais,  Anglais.  En  dernier  lieu, 
j'étais  Français  ;  voilà  pourquoi  je  chante  les  Idées  nn- 


La  seule  chose  spiritueVe  qu*l    ait  faite  dans  sa  vie. 

CHAPITRE  IV. 

A    l'ÉTBANGER. 


Renonçant  à  son    ingrate   pair.c  et   ..„  ;    .-   -    — 

pas«e  ses  esamens  de  Suisse,  et  devient  bourgeois  de  Xt 


21 


HE\TîE  COMIOrK 


Le,' 


i  pantomime  sentimentale,  en  coippagni< 
in  i;rus  major. 


Lt  VAIVQLEUR  D'ÉCIISGTON. 

:  pendant  au_tablcau  de  la  bataille  d'Austerli  z. 


poléoniennes  aux  voyageurs  qui  liavorsent  la  monta- 
gne. Un  petit  cliou,  messieurs;  un  petit  chon.etyoup 
la  Catarina!  Qui  sait  si  un  jour  vous  ne  sciez  pas  riî- 
iluits  à  chanter  des  harcarolles.  L'avenir  est  imptiné- 
trable.  l'n  petit  cliou,  messieurs,  et  je  vous  chanterai 
mon  histoire.  » 

Nous  lui  donnâmes  cliacnn  un  .-ou,  et  le  Savovard 
commença  sa  tyrolienne. 

«  J'appartiens  à  une  famille  riche,  mais  honnête  , 
qui  me  lit  donner  une  hiillantc  t^'ducation..  Ma  nais- 
sance m'appelait  à  régir  la  monarchie  des  harengs 
saurs,  la  Providence  en  ordonna  autrement  ;  et,  ne  sa- 
chant comment  utiliser  mes  loisirs,  je  m'improvisai 
capitaine  d'artillerie  du  canton  de  Tliurgovie.  La  la 
ouh,  la  lu  ouh,  la  la  ouh  oiih  ! 

«  Ij'artillerie  commençait  à  iirenimycr,  lorsciue  je 
trouvai,  dans  des  papiers  de  famille,  le  testament  d'un 
oncle,  qui,  à  dtifaut  d'ht-rilier  mâle,  m'instituait  son 
Itjgataire  universel,  ('et  oncle,  connu  vulgairementsoiis 
le  nom  de  Napoléon,  avait  été  autrefois  empereur  des 
Français.  La  la  ouh,  la  la  mih  ouh!  Je  réclamai  sa  suc- 
cession pour  me  distraire.  Mes  efforts  aboutirent  à  me 
faire  traduire  devant  les  assises.  Les  jurés  m'acquit- 
tèrent en  raison  de  mon  jeune  âge,  et  comme  ayant  agi 
sans  discernement.  On  me  mit  poliment  à  la  porte  du 
beau  pays  de  France,  et  je  me  réfugiai  en  Angleterre. 
La  la  ouh! 

«Tel  que  vous  me  voyez,  messieurs,  avec  ce  costume 
de  Tyrolien,  j'ai  été,  pendant  toute  une  saison,  le  lion 
de  Londres.  J'obtins  le  même  succès  qu'un  livre  de 
.M.  d'israéli,  et  qu'un  gilet  du  comte  d'Orsay.  Lord 
Brougham  vint  me  voir  :  mon  portrait  parut  iiiênie 
dans  V Illustration  de  Londres;  je  figurai  au  tournoi 
d'Eglington,  sous  le  nom  du  chevalier  Bliombéiis,  que 
j'avais  trouvé  dans  une  nouvelle  de  Florian  ;  et  un 
cuisinier  donna  mon  nom  à  un  pudding  de  son  inven- 
tion. Ces  marques  desympalhie  me  décidèrent  à  récla- 
mer une  seconde  fois  mon  héi'ilagc.  La  laouhouhnuh. 
In  la  you,  la  la  ijou  t/ou.  » 

.Sprès  ce  inagMiliiiuc  [loint  d'orgue,  il  reprit  en  ces 
termes  : 

«  Je  débarquai  donc  sur  la  plage  de  Boulogne  avec 
queliiues  amis,  et  un  aigle  apprivoisé,  qui  mesuiva;l 
comme  un  caniche  et  ré|)ondait  au  nom  de  John.  Je 
lui  a\ais  appris  .son  rôle,  ipii  consistait  à  \()'er  de  clo- 
cher en  clocher  jus(]ue  sur  les  tours  de  .Notie-Daiiie. 
La  la  ouh. 

B  A  peine  sur  la  plage,  je  vis  accourir  un  grand  nom* 
bre  de  douaniers,  de  soldats  et  de  gardes  nationaux. 
Un  tel  empressement  était  de  bon  augure. 

«  Citoyens,  leur  dis-je,  c'est  moi  (jiie  vous  atten- 
diez? 

—  Nous  n'atlendiins  personne.  Qui  ètes-voiis? 

—  Je  suis  le  neveu  de  l'Iioiiuiie. 

—  Quel  homme  ? 

—  Napoléon  ! 


A  L'USAGE  UliS  GENS  SÉIIIEUX. 


—  Tiens,  liens!  s'écrièrenl-ils,  c'est  encore  ce 

laiciMir  (If  Slia>lMiiiit,'.  Il  l'uil  le  cniKliiirc  clicz 
M.  le  niant'.  On  le  ili>,ul  -ncn  de  >,t  manie  (l'rlic 
t'in|i<'icui-. 

Il  llss't'nipaii'ii'nt  en  iMrl  ili'  ma  |um>i o.  AIhis, 

ji!  Ji'iiiaiitlai  mon  aigle.  Mc:^  amis,  dis-je  à  nus 
ioni|iagiions,  je  ne  puis  vous  eiiilirasseï-  tous,  mais 
i'eiiiliiasse  John.  Comnii'  je  le  serrais  dans  mes  liias, 
Jojiii  me  mordit  à  la  joue.  Ji'  le  posai  à  lerie  en 
disant:  Kaiis  ma  reliaiti' ,  j'écrirai  les  grandes 
elio.<es  (]ue  nous  avons  faites  ensemlile.  —  .Mais  ,  j'y 
pense;  vonle/.-v<His  voir  Joiin?  » 

Sans  attendre  notre  réponse,  le  Tyrolien  silll  i, 
et  nous  vîmes,  de  derrière  un  rocher,  aiii\er  nn 
aigle  tout  di'peiiailli',  i|iii  nous  leyardail  iliiii  an- 
triste. 

«  John,  lui  dit  son  niaiire,  saluez  ces  messieurs.  » 
l.'aigle  lit  un  monveineiil. 

«  Maintenant,  John,  dites-nous  (pud  est  le  plus 
napoléonien  de  la  société.  » 
Même  mouvenient  de  l'aigle. 
a  Sautez  pour  l'FMiipereiir.  l'oit  hieii.  Sautez 
pour  C.avaignac.  Vous  voyez,  il  ne  saute  pas.  C'est 
une  hète  si  bien  élevée  !  Des  Anglais  m'en  ont  oiïei  l 
plusieurs  fois  cinquante  giiinées  ;  mais  je  ne  veii\ 
pas  me  séparer  de  John.  Je  compte,  cet  hiver,  li.i 
apprendre  à  jouer  aux  dominos;  et,  quand  je  serai 
vieux  et  aveugle,  j'achèterai  une  clarinette,  et  mon 
aigle  me  conduira.  «Mon  pauvre  chien  ne  me  quitte 
jamais.»  Mais,  revenons  à  mon  histoire.  La  la  ou/i 
oiifi  oii/i ,  you  you  you  la  !  » 

Ce  prélude  achevé,  il  continua  : 
«  Le  maire  de  Boulogne  me  fourra  au  violon. 
De  là,  on  me  conduisit  au  fort  de  Ilam.  iN'e  pou- 
vant apprivoiser  des  araignées  dans  mou  cachot,  je 
me  jetai  dans  le  socialisme,  et  j'inventai  des  pians  de 
gouvernement  pour  la  France.  Ces  plans,  que 
j'écrivais  avec  mon  sang  sur  les  murs  de  mon  ca- 
chot, éveillèrent  la  susceptibilité  du  pouvoir.  L'or- 
dre était  donné  de  me  jeter  dans  un  souterrain  avec 
un  masque  de  fer  sur  le  visage,  lorscjue  je  réussis  à 
m'écliapper,  déguisé  en  gâcheur  de  plâtre.  Je  me 
réfugiai  de  nouveau  en  Angleterre,  une  de  mes 
nombreuses  patries.  La  la  you,  you  la  la  lu  ! 

«  L'histoire  dira  comment  et  pourquoi  j'en  suis 
sorti.  Je  me  soumets  aux  décrets  de  la  Providence, 
cjui  ne  m'a  élevé  un  moment  si  haut,  que  pour  me 
faire  retomber  plus  bas.  You  you  you,  la  oiih,  la  In 
ouli! 

«  Oui,  messieurs,  j'ai  été  le  fivori  du  Constitn- 
/ionnel,  l'homme  piédestiné  de  la  Presse.  Cliaijue 
jour,  j'étais  réveillé  par  les  salves  de  la  prose  de 
M.  Thiers,  et  je  m'endormais  au  doux  murmure 
des  alinéa  de  M.  de  Girardin.  La  pâle  Regnaiilt 
s'était  donnée  à  moi  corps  et  boite.  J'avais  promis  à 
M.  Véron  la  charge  de  grand  pectoral  de  France. 


-  1    t  ^l  le  prmre  qui   fasse  a\ec  ses  deux  amis,  le  neveu  «Je  Wellington  et  le 
liU  de  sir  Hildson-Lowe.  Kn  voili  un  Ijrare  homme  de  prince  et  pas  lier  ! 

-  Et   qui  ne  nous  fera  j  iinais,  à  nius  autres  Anglais,  le  mal  que  nous  a  fait 
son  gueusard  d'oncle  ! 


Le  prince  concourt  peur  le  bâton  de  constable.  C'est  en  assommant  les  char 
tistes  anglais  qu'on  apprend  à  gouverner  la  France. 


REVUE  COMIQUE 


-  Ponchûur  ,  mon 
Hélène... 

-  Farceur,  vous  m' 


:  fife  l'Enibercur!...  che  reviuas  le  Saiiite- 

l  l'effet  de  r'ïenir  de  Pontoise  ! 

—  La  suite  au  prochain  numéro.  — 


Mille  voix  s'élevaient  du  matin  au  soir  autour  diî 
moi,  pour  me  jiiomettre  l'empire.  La  layou.  Tout 
ce  brillant  éclialauJage  s'est  écroulé  comme  un  châ- 
teau de  cartes.  La  Fiance  s'est  réveillée  un  beau 
matin;  et,  d'empereur  que  j'étais,  je  me  suis 
trouvé  Gros-Jean  comme  devant.  Que  faire,  que 
devenir?  Je  ne  pouvais  plus  être  capitaine,  lion, 
Bliombéris,  ou  prétendant.  Tous  mes  amis  m'a- 
vaient abandonné.  On  me  conseillait  de  courir  les 
campagnes,  et  de  me  l'aire  Napoléon  XVII.  Ce  métier 
avait  tro])  d'inconvénients.  J'ai  préféré  me  faire 
Tyrolien  dans  ces  montagnes.  Etijoupla  Catarinal» 

Je  l'arrêtai  au  inomeiil  où  il  allait  faire  suivre  ce 
cri  des  trois  petits  sauts  de  rigueur,  en  lui  disant 
qu'en  faisant  ainsi  le  Savoyard  il  s'enlevait  de  gaieté 
de  cœur  une  bonne  partie  de  l'intérêt  qu'il  était  si 
digne  d'inspirer. 

«  Merci,  mon  bon  monsieur,  de  votre  conseil, 
me  répoudit-il ,  je  me  bornerai  à  la  tyrolienne. 
Youp  la  la  you,  ouh  la  la.  Maintenant,  voulez-vous 
que  je  vous  chante  un  petit  couplet  <ï' Idées  nupu- 
léoniennes?  La  la  ou/i  ouh. 

—  Merci. 

—  Alors,  John,  fais  tes  adieux  à  la  société.  » 
L'aigle,   portant  une  sébile  au  bec,   lit  le  tour 

du  cercle,  et  rapporta  à  son  maître  l'écuelle  pleine. 
Nous  nous  mimes  en  route,  songeant  à  la  bizarrerie 
de  la  destinée  de  ce  pauvre  prétendant,  réduit  à  se 
faire  Tyrolien.  Pendant  cinq  minutes  encore,  l'écho 
nous  a|)porta  le  refrain  de  la  cantilène  d'adieu,  ou/i 
ouh,  la  la  you. 


CHOSES  QUELCONQUES. 

Dans  le  duel  de  MM.  Baraguay-d' Milliers  et 
r.ondchanx,  où  tout  s'est  passé  de  la  façon  la  plus 
honorable,  tout  le  monde  s'inquiétait  de  l'inéga- 
lité qu'il  y  avait  entre  les  deux  adversaires,  M.  Ba- 
ragiiay-d'llilliers  étant  un  des  hommes  les  plus 
éprouvés  de  l'armée  et  M.  Goudchaux,  en  sa  qua- 
lité de  financier ,  étant  tout  à  fait  novice  dans  le 
maniement  des  armes. 

M.  Goudchaux,  qui  montra  dans  cette  affaire  que 
le  courage  n'a  pas  besoin  d'être  forlilié  par  l'Iia- 
bitude,  eut,  arrivé  à  la  porte  Maillot,  un  scrupule 
d'une  bonhomie  qui  fera  sourire  tous  ceux  qui  con- 
naissent les  deux  adversaires.  «  Croyez-vous,  de- 
iiianda-t-il  à  l'un  de  ses  témoins,  (|u'on  puisse  me 
blâmer  de  me  battre  dans  des  conditions  si  inégales, 
avec  un  homme  ^\n\  n'a  qu'un  bras  pour  se  dé- 
fendre'? » 

Notez  que  le  brave  général  Baragnay  d'ililliers 
n'a  qu'un  bras,  en  effet;  mais  que  le  bras  cpii  lui 
reste  est  le  bras  droit  et  qu'il  s'agissait  d'un  dueljiu 
pistolet. 


A  i;USA(.K  l)i:s  t.L.N.s  .slIllKLX. 


27 


BOUTADK  D'UN  RÉPUBLICAIN. 


Aiii  :  Alte:-vout-eUf  gens  de  la  noce. 


Pour  trôiuT  ;i  lu  |iic.'.i.k'uce, 
Na|iuU-oii  ust  (le»i^ii('  ; 
(Juoiquu  ami  île  riiidéiifiiduiui', 
A  ce  choix  je  suis  résijjui^. 
Puisque  Torique  de  liarhaiie 
(llunlc  sa  ^lulru  en  faux  buuiduii, 

Noiniiie/.-le  doiii'. 

Nommez  le  doue! 
Que  vous  iniporle  la  (laliie? 
lions  |ia|saus,  uouiiuez-le  donc! 


J'avilis  pensé  qu'an  plus  tial>ile 
l.es  honneurs  seraient  adjuges; 
Mais  vous  porlez,  indélébile, 
La  souillure  des  préjugés. 
Bien  qu'un  César  de  bas  élage 
Ne  vaille  pas  un  l.aridon. 

Nommez-le  doue, 

Noinin  z-le  donc! 
Qu'il  régne  par  droil  d'Iierilage 
Bons  paysans,  nonjniez-le  donc 


L'empire  n'est  point  à  sa  taille; 
Kt  pourtant,  rouvrant  les  tombeaux. 
Il  va,  sur  les  clianips  de  bataille 
Jeter  vos  enfants  les  plus  beaux. 
Pour  lui,  de  la  moindre  eiiucelle 
Ou  saura  bien  Taire  nu  brandon. 

Nommez-le  donc. 

Nommez-le  donc! 
Vive  1j  guerre  universelle! 
Boas  paysans,  nommcz-le  donc! 


Sous  ses  lois  arislocraliipies, 
Nous  allons  fêter  le  retour 
D'une  cour  aux  formes  gothique 
Pages,  nienins,  dames  d'atour; 
Des  chambellans  à  large  panse 
b'étaleronl  sur  l'édredon. 

Nonimez-le  donc. 

Nommez-le  donc! 
Le  peuple  paîra  la  dépense. 
Bons  paysans,  nonuiiez-le  donc  ! 


(iloritiant  les  algarades 
Dont  autrefois  uous  avons  ri, 
Il  va,  de  titres  et  de  grades 
ABubler  plus  d'un  favori. 
A  la  cabale  qui  le  pione 
Il  répartira  maint  cordon. 

Nommez-le  donc. 

Nommez- le  donc! 
Et  vous  saurez  ce  qu'en  vaut  l'aune 
Uon:>  paysans,  nommez-le  donc  ! 


Dans  quels  splendides  équipages 
Nous  verrons  ces  messieurs  briller! 
Pial  sera  gouverneur  des  pages, 
Et  Larabit  grand  ecuyer 
Eu  dame  d'honneur  on  aflJrnie 
Qu'on  transformera  la  Gordon. 

Nomraez-le  donc. 

Nommez-le  donc! 
Il  a  beau  n'être  qu'un  iulirnie, 
Bous  paysans,  nommez-le  donc! 


Mais,  qu'ai -je  dit'/'  Dit  l'cspérincc 
.\  mes  yeux  les  durtes  ont  lui; 
l-a  raison  n'est  pas  morte  eu  Franc 
Et  les  pi'iiices  n'ont  plus  d'appui. 
Pour  une  oulraj^eanle  pen>ec. 
J'implore,  amis,  votre  pardon. 

Cliassez-Ie  donc, 

C!ussez-le  donc! 
Des  prétendants  l'heure  e^t  pa-sée. 
Bons  citoyens,  chassez-le  dont  ! 


Que  l'hérédité  soil  bannie! 
Car  les  héros  que  nous  vantons 
Rarement  laissent  leur  génie 
A  leurs  inûnies  rejetons. 
On  voit  l'aigle  aux  élans  sublimes 
Couver  dans  son  aire  un  dindon. 

Chassez-le  donc. 

Chassez-le  donc! 
Vous  êtes  seuls  rois  Ugilinies, 
Bons  citoyens,  chassez-le  donc! 


Compagnons,  pussiez-vous  m'en  tendre! 
Et  sur  vous,  pour  calmer  vos  maux, 
La  République  va  s'étendre 
Comme  un  arbre  aux  féconds  rameaux. 
Sa  verdure  serait  flétrie 
Par  un  président  mirmidon  ! 

Chassez-le  donc. 

Chassez  le  donc! 
Pour  le  salut  de  la  patrie, 
Bons  citoyens,  chassez -le  donc! 


PKOMF.SSES  DE  DEVOIEMEM,   DEMANDES 
—  Extrait  du  Chat.  — 


u'kmplois.  —  «  Dans  iiiicliiiies  sùmajies,  loul  cela  ^era  pa\r.  » 


I,    DOOLEVAttD   DES  ITALIENS. 


30  oeiiliiiics  la  llYraiNOii. 


RIIK  RICHELIkU,  Ht 


-pXT 


lltions  de  la  Soaseription.  —  La  Revue  comique  formera  un  iiKignifuiiie  volume,  grand  in-8,  publié  en  50  livraisons  à  30  centimes, 
la  poste,  40  centimes,  —  Pour  tout  ce  qui  coucerne  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  Lireuï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 
iens. 

DUMUVX&AT,  B9XTSUB,  SS,  B.US  BX^ULISU.  3e    H^aison. 


'Z'    EDITION. 


GLORIEUX  EPISODE  DE  LA  VIE  DU  PRINCE  POUR  RIRE. 

VISITE  A  WELLINGTON. 


Attitude  (lu  neveu  de  la  colonne  devant  le  lion  de  Waterloo. 


Ptri«,— Tiré    aui  presse*  méctniqnes  de  Lichampb   fils  •!   Comj>.j  ru0  DamielUi  2. 


LA  SEMAINE. 


Cette  fois  la  Semaine  entra  chez  moi  sans  se  faire 
annoncer,  s'assit  dans  mon  meilleur  fauteuil,  et  m'an- 
nonça son  arrivée  en  me  lançant  une  bouffée  de  ciga- 
rette à  la  figure. 

C'était  une  assez  jolie  petite  Semaine,  les  yeux  ani- 
més, les  cheveux  noirs,  la  casquette  sur  l'oreille,  une 
cravache  à  la  main. 

«  C'est  vous,  lui  dis-je,  mademoiselle;  qu'avez-vous 
à  me  raconter? 

—  De  fort  jolies  choses  ma  foi  ;  par  où  faut-il  que 
je  commence  ? 

—  Par  où  vous  voudrez. 

—  Je  vous  dirai  donc  que  je  suis  allée  au  Théâtre- 
Français,  où  je  me  suis  fort  ennuyée. 

—  On  donnait  une  tragédie. 

—  Pas  du  tout,  un  drame,  un  vrai  drame,  André 
del  Sarto.  Il  est  vrai  de  dire  que  ce  drame  ne  s'atten- 
dait pas  à  monter  sur  les  planches,  et  que  c'est  un 
honneur  que  les  comédiens  lui  ont  fait  malgré  lui. 
J'espérais  me  dédommager  en  entendant  Desdemone  à 
l'Opéra,  mais  Othello  est  sérieusement  indisposé.  On 
assure  qu'il  a  fallu  le  saigner. 

—  Il  fallait  aller  aux  Italiens. 

—  J'avais  fart  retenir  une  loge  pour  voir  les  deux 
débutantes,  mademoiselle  de  Méric  et  madame  Ron- 
coni;  mais  ici  une  autre  indisposition 

—  La  grippe? 

—  Non,  quelque  chose  de  plus  grave. 


—  Quoi  donc? 

—  La  faillite  m'a  fermé  la  porte  au  nez.  Le  malade 
est  dans  un  état  grave. 

—  Il  guérira  peut-être  ;  les  médecins  espèrent-ils 
le  sauver? 

—  Oui,  si  on  lui  applique  la  subvention  à  temps. 

—  Il  vous  restait  l'Opéra-Comique. 

—  Je  n'aurais  trouvé  de  place  qu'à  la  quinzième 
représentation  du  Val  d'Andorre,  et  je  n'avais  pas  le 
temps  d'attendre.  J'ai  préféré  d'autres  distractions.  J'ai 
inventé  le  banquet  mâle  et  femelle,  le  toast  androgyne; 
j'ai  fait  communier  l'homme  et  la  femme  sous  les  es- 
pèces du  veau  et  de  la  salade;  et,  grâce  à  moi,  des  en- 
fants au-dessous  de  sept  ans  ont  récité  des  discours  po- 
litiques. 

—  J'aimerais  mieux  des  fables. 

—  Cela  dépend  des  goûts  ;  d'ailleurs  les  enfants  ne 
veulent  plus  entendre  parler  de  l'apologue.  J'aurais 
voulu  refaire  pour  eux  Peau  d'Ane  et  le  Petit  Poucet 
au  point  de  vue  des  idées  modernes  ;  malheureusement 
mes  huit  jours  d'existence  n'y  auraient  pas  suffi. 

—  D'autres  Semaines  s'en  chargeront. 

—  J'aime  à  le  croire;  d'ailleurs  des  affaires  plus 
graves  m'occupaient. 

—  Lesquelles? 

—  Des  duels  parbleu  !  Est-ce  qu'il  y  a  aujourd'hui 
de  bonnes  semaines  sans  un  petit  duel. 

—  L'Assemblée  nationale  a  donné  l'exemple. 


30 


REVUE  COMIQUE 


—  Et  elle  le  suit. 

—  Cette  fois,  c'est  le  socialisme  qui  s'est  battu. 

_  Vous  ne  dites  rien  du  manifeste  du  prince  Louisï 

—  C'est  une  chute  poui-  M.  Tliiers. 

—  Ce  grand  homme,  vous  le  savez,  s'est  posé  en 
protecteur,  non  du  prince  Louis  dont  il  dit  pis  que 
pendre,  mais  de  sa  candidature  qui  sert  ses  desseins 
secrets.  Il  avait  daigné  faire  lui-même  un  manifeste 
superbe  pour  cet  infortuné  prince  ;  or,  ce  manifeste, 
le  citoyen  iirince  a  eu  l'impertinence  de  le  refuser,  de 
le  refuser  tout  net.  Le  Constitutionnel  en  a  tressailli, 
et  la  moitié  de  la  rue  de  Poitiers,  qui  s'était  livrée  un 
peu  étourdiment  à  l'ex-prétendant,  a  fait  comme  le 
Constitutionnel.  M.  Thiers  est  de  ceux  à  qui  le  mal 
qu'il  fait  n'a  jamais  profité:  cela  devrait  le  corriger  d'en 
faire  ;  mais  à  son  âge  on  ne  se  corrige  plus. 

—  Autre  guitare  :1e  grand  poète,  l'homme  profond, 
il  est  dans  les  34  ;  il  a  voté  contre  le  général  (lavai- 
gnac. 

—  Vous  vous  trompez  ;  M.  de  Lamartine... 

—  Qui  vous  parle  de  M.  de  Lamartine".' il  n'y  a  (lu'un 
poète  et  qu'un  homme  profond  au  inonde;  deiuaiHhz 
plutôt  -Ci  l'Événement.  M.  Victor  Hugo... 


—  Allons  donc  !  en  politique,  M.  Victor  Hugo  est 
de  la  force  d'Alcidc  Tousez. 

—  Avez-vous  lu  les  vers  de  madame  de  Girardin'? 
l'auteur  aussi  illustre  que  malheureux  de  Cléopâtre. 

—  Oui.  La  haine  fait  des  miracles  que  ne  fait  pas 
l'amour.  Quand  l'ex-inuse  de  la  patrie  mourra,  je 
propose  qu'on  grave  ces  paroles  sur  sa  tombe  ; 


Ci-g!lle  nioiUMe  des  épouses; 
Elle  fut  fidèle  à  son  mari  en  vers  comme  en  prose. 


—  Ajoutera-t-on  que  son  époux  inconsolable... 

—  Vous  m'en  demandez  liop  long,  répondit  la  Se- 
maine. 

—  Est-ce  là  tout  ce  que  vous  aviez  à  nie  dire? 

—  Tout.  Est-ce  que  par  hasard  vous  ne  seriez  pas 
content?  En  ce  cas » 

La  Semaine  allait  me  provoquer  en  duel  pour  finir 
comme  elle  avait  commencé.  Heureusement  l'heure 
fatalesonna,  et  elle  s'évanouit  comme  une  légère  fumée. 

«  Je  te  parlerai  du  pape  à  ma  |)rochaine  visite,  » 
dit-elle. 


Ti-nlative  de  coiiibiiiciison  nmiisUTielle du  prince poMrnVe; 


A  i;USAGE  DES  GENS  SfillIEUX. 


^ 


Je  me  connais  !  citoyens  ;  c'est  pourquoi  je  m'engage  à  faire  réussir  toute  candidature  de  n'importe  qui  à 
n'importe  quoi,  pourvu  toutefois  que  ce  ne  soit  pas  la  mienne  !... 


A  MADAME  DELPHINE  GAY  DE  GIRARDIN, 

A  PROPOS  DU  FKLILLETOM  DE  Li.  PRESSE  DU  Î8  NOVEMBRE  1S48. 


Air  des  Rossigncls. 


Vous  qui  chantiez  l'indépendance, 
Qui  de  Foy  pleuriez  le  trépas, 
A  la  commune  décadence, 
Delphine,  vous  n'échappez  pas. . 
Le  temps,  dans  son  essor  rapide. 
Épargne  encore  vos  beautés  ; 
Mais  c'est  votre  esprit  qui  se  ride. 
Hélas  !  hélas  !  tous  m'attristez. 


Contre  un  général  que  la  Presse 
Poursuit  de  sarcasmes  amers, 
Vous  lancez  avec  maladresse 
l'n  lourd  pavé  de  deux  cents  vers. 
Suspendez,  je  vous  en  conjure, 
Des  coups  aveuglément  portés. 


A  votre  époux  laissez  l'injure. 
Hélas  !  hélas!  vous  m'attristez. 


Vous  aviez  les  ailes  d'un  ange. 
Et  voilà  leur  éclat  0étri  ; 
Et  vous  les  trempez  dans  la  fange 
Pour  le  bon  plaisir  d'un  mari. 
En  suivant  sa  funeste  voie. 
Pauvre  bas-bleu,  vous  vous  croltez  : 
Trop  de  tendresse  vous  fourvoie. 
Helas  !  hélas  !  vous  m'attristez. 


Mais  non  :  la  haine  seule  altère 
Votre  esprit  jadis  si  brillant. 


Quelle  tournure  militaire 
Vous  affichez  en  rimaillant  ! 
D'un  casque  afl'ublant  votre  verve, 
La  lance  au  poing,  vous  combattez. 
On  va  vous  prendre  pour  Minerve. 
Hélas .'  hélas .'  vous  m'attristez. 


Ou  bien  vous  serez  confondue 
Avec  ces  dames  dont  Vadé 
Prôna  la  langue  bien  pendue, 
La  verdeur  et  l'air  décidé. 
A  leur  brutal  vocabulaire 
Vos  gros  mots  semblent  empruntés. 
Voyez  où  conduit  la  colère  : 
Hélas!  hélas!  vous radotez. 


REVUE  COMIQUE 


SlITF.  OES  .VVKMlllES  I>1'  l'HI.NC.K  POIK  UIRE. 


■  Ayant  toujours  aimé  la  sociélé  des  gens  bieo  mis  et  des  hommes  spirituels, 
le  prince  Pour  Rire  se  tait  présenter  au  jockey-club,  à  son  arrivée  à  Paris. 


—  Ce  petit  chape 


1  est  beaucoup  trop  grand  pour  vous;  celui  de  monsieur 
Toui  irait  mieux. 


UN  CLUB  NAPOLÉONIEN. 

LE  PRÉSIDENT.  «  Citoycns,  la  si-ancc  est  ou- 
verte ;  la  candidature  du  prince  Louis-Napoltjon 
est  à  l'ordre  du  jour. 

IN  CITOYEN.  —  Je  demande  la  parole. 

LE  PRÉSIDENT.  —  Parlez  ! 

LK  CITOYEN.  —  Je  uionte  à  cette  tribune  pour 
appuyer  la  candidature  du  prince. 

Voix  nombiTuses.  —  Bravo  ! 

LE  CITOYEN.  —  L'Empire  fut  une  époque  glo- 
rieuse poui  nos  armes,  et  je  suis  lier  d'avoir  con- 
tribué, pour  ma  faible  part,  à  couvrir  la  France 
de  lauriers.  Ah  !  citoyens,  je  ne  puis  retenir  des 
larmes  d'admiration,  en  songeant  au  grand  hom- 
me que  nous  avons  perdu  ;  pardonnez  cette  émo- 
tion au  vieux  soldat;  elle  est  d'autant  plus  na- 
turelle que  le  héros,  je  puis  le  dire,  m'honora 
d'une  affection  particulière.  Ah!  laissez-moi  vous 
rappeler  les  principaux  faits  de  son  immortelle 
histoire,  pour  réchauiler  nos  cœurs  dans  un 
commun  enthousiasme. 

L'Empereur  naquit  en  Corse  ;  moi,  je  vis  le 
jour  dans  un  humble  village,  ile  parents  agri- 
culteurs; vous  savez  que  l'agricultureexci  ta  tou- 
jours la  sollicitude  du  héros.  A  vingt  ans,  étant 
tombé  à  la  conscription,  et  ayant  été  juge  bon 
pour  le  service,  quoique  j'eusse  avalé  vingt- 
quatre  gousses  d'ail  pour  me  donner  la  fièvre, 
je  me  cachai  afin  de  ne  point  partir.  Mon  pro- 
jet était  de  rester  au  pays  pour  le  défendre 
contre  une  invasion.  Les  événements  de  1814 
et  1813  ne  m'ont  donné  que  trop  raison.  L'Em- 
pereur me  le  dit  lui-même  à  Fontainebleau,  le 
jour  où  il  signa  son  alidication  :  »  Mon  brave, 
dit-il,  en  me  pinçant  l'oreille,  tu  avais  bien  jugé 
la  situation.  Je  n'ai  qu'un  regret  aujourd'hui, 
c'est  de  n'avoir  pas  tiré  de  tes  lumières  tout  le 
parti  possible.  Tu  aurais  pu  me  servir  dans  la 
diplomatie.  » 

Découvert  par  les  gendarmes  et  conduit  au  ré- 
giment, je  conquis  rapidement  le  grade  de  capo- 
ral. Après  six  années  de  service,  l'Empereur 
m'uffrit  lui-même  les  galons  de  sergent  sur  le 
champ  de  bataille.  Je  les  refusai  respectueuse- 
ment pour  des  motifs  qui  furent  mal  jugés  : 
«  Ah  !  ah  !  monsieur  l'orgueilleux,  médit  l'Eni- 
])crcur  en  me  donnant  une  légère  tape  sur  la 
joue,  vous  voulez  rester  toute  votre  vie  le  pre- 
mier caporal  de  France  pour  faire  concurrence 
au  petit  caporal  !  Eh  bien  !  soyez  le  premier  capo- 
ral de  France,  j'y  consens...  »  Citoyens,  après 
bien  des  années,  je  ne  puis  me  rappeler  ces 
simples  paroles  sans  verser  des  larmes.  Nom 
d'un  petit  bonhomme  !  Je  n'ai  pleuré  que  trois 


\  r;rs.\<;K  uks  gkns  skuikux 


fois  dans  ma  vie:  lorsque  je  perdis  mon  eoloiiel, 
—  le  jour  où  l'oii  iiimoii(;a  la  luort  de  l'Kmpe- 
reur,  —  ciifm,  loi>;ijue  je  reçus  le  dernier  sou- 
pir de  ma  vieille  lionne  femme...  Mille  liombes  ! 
pardonnez  à  l'émotion  du  vieux  soldat!  (//  s'es- 
suie un  œil  avec  le  revers  de  la  main.) 

Ayant  refusé  les  j^'alons  de  sergent  nlTerls  par 
l'Empereur  lui-même,  je  jurai  de  eonserver 
éternellement  le  litre  glorieux  de  premier  ca- 
poral de  France.  On  voulut  en  vain  me  nommer 
lieutenant,  capitaine,  colonel,  général  de  bri- 
gade ;  je  n'acceptai  rien,  pas  même  la  croix,  (l'est 
que  j'avais  l'àme  ulcérée  de  voir  les  anticham- 
bres du  grand  lionmie  remplies  de  grands  cor- 
dons, de  grosses  épaulettes,  d'uniformes  chamar- 
rés d'or,  qui  le  trahissaient!  Ah!  nom  d'une 
pipe!  quand  je  pense  qu'efîeclivement  il  a  été 
trahi  !...  Mille  millions  de  cartouches  !...  mil- 
liards de  bombes  !  Moi,  me  mêler  à  ces  traîtres  ! 
Moi,  faire  voir  le  tour  à  l'homme  du  destin  !  Ah  ! 
sacrebleu  !...  Mille  milliards  de  millionsde  pipes 
du  bon  Dieu  !  !  ! 

Voix  nombreuses.  — Bravo!  bravo! 

l'orateur.  —  Et  maintenant  que  je  vous  ai 
retracé  dans  une  rapide  esquisse  les  principaux 
traits  de  la  grande  ligure  de  l'Empereur  ;  main- 
tenant que  nous  avons  ensemble  jeté  de  nou- 
velles fleurs  sur  sa  tombe,  permettez  au  vétéran 
qui  fut  son  ami  de  descendre  de  cette  tribune  ; 
les  forces  me  manquent;  je  succombe  à  mon 
émotion  ;  j'ai  besoin  de  me  rafraîchir  avec  quatre 
gouttes  de  quelque  chose.  » 

{L'orateur  descend  de  la  tribune  au  milieu 
des  plus  bi'uyants  témoignages  de  sympathie.) 

LE  pRÉsiDERT.  B  Citoyens,  je  crois  me  faire  ici 
l'interprète  du  sentiment  unanime  de  l'assem- 
blée, en  votant  des  félicitations  à  l'orateur. 

Cris  nombreux.  —  Oui  !  oui  ! 

LE  PRÉSIDENT.  —  Quclqu'uu  dcmande-t-il  en- 
core la  parole  ? 

UN  MEMBRE  DU  CLUB.  —  Jo  la  demande. 

LE  PRESIDENT.  —  Parlcz! 

l'orateur.  —  L'Empire  fut  une  époque  glo- 
rieuse, et  je  suis  fier,  etc., etc.,  etc.  L'Empereur 
naquit  en  Corse;  moi,  je  vis  le  jour  dans  un 
humble  village,  de  parents  agriculteurs...  A 
vingt  ans,  étant  tombé  à  la  conscription,  et  ayant 
été  ti'ouvé  bon  pour  le  service  ,  quoique  j'eusse 
avalé  vingt-quatre  gousses  d'ail  pour  me  donner 
la  lièvre,  je  me  cachai  afin  de  ne  point  partir. 
Mon  projet,  etc.,  etc.  »  (La  suite  comme  au  dis- 
cours précéde/it .) 

Quand  l'orateur  a  fini,  un  autre  monte  à  la 
tribune. 

«  Citoyens,  laissez-moi  vous  rappeler  les  princi- 
paux traits  de  l'immortelle  histoire  de  l'homme 


De  même  que  son  oncle  consultait  ma-l' tr.o.;t-!Io  Lcrtormand,  de  même  il  se 
fait  tirer  les  cartes  pat  une  sorcière  de  la  rue  Slontorgueil;  elle  lui  promet 
tout  ce  qu'il  veut  :  la  Présidence,  l'Empire,  Austerlitz.  Mais  ce  qu'il 
demande  et  ce  qu'il  cherche  en  vain,  c'est  l'iToiLEl!!  —  sans  compter  la 
manière  de  s'en  servir. 


REVUE  COMIQUE. 


—  Prince,  nous  aTons  pensé  qu'il  fallait  vous  populariser.  J'ai 
l'honneur  de  présenter  à  Votre  Altesse  monsieur,  —  un  de  mes 
amis,  dont  je  réponds  comme  de  moi-même,  —  et  qui  va  vous 
céder  à  des  prix  doux  un  petit  Traité  skt  le  Paupérisme. 


us    AMI    DU    PRINCE    COURTIER  ELECTORAL- 

—  Nous  sommes  immenEément  riches.  Pendant  cinq  ans,  le  prince 
paie  les  impits  pour  la  France  entière,  et  il  retire  tous  les  habits 
du  Mont  de  Piété. 

—  Vous  devriez  bien  lui  dire  alors  qu'il  commence  par  votre 
redingote. 


qui, etc.,  etc.,  etc.  L'Empereur  naquit  en  Corse;  moi, 
je  vis  le  jour,  etc.,  etc.,  etc.  L'agriculture  excita  tou- 
jours la  sollicitude  du  héros,  etc.,  etc.,  etc.  A  vingt 
ans,  étant  tombé  à  la  conscription,  etc.,  etc.,  etc. 
(Tf orateur  quitte  la  tribune  au  milieu  d'un  tonnerre 
d'applaudissements.) 

IN  ouATRiÈ'\iK  oRATErn.  —  L'Empcrcur  naquit  en 
Corse;  moi,  etc.,  etc.,  etc.  »  [L'orateur  descend  en 
triomphe  de  la  tribune,  et  le  président  lui  vote  des  féli- 
citations.) 

LE  pRÉsinENT.  a  Quclqu'un  dcmande-t-il  encore  la 
parole'? 

VK  CITOYEN.  —  Je  la  demande.  Est-il  permis  d'expri- 
mer franchement  son  opinion? 

LE  PRÉSIDENT.  —  Cc  doutc  cst  uuc  injurc. 
LE  ciTOTEN.  —  Citoyens... 

LE  PRÉSIDENT.  —  Nous  somnics  tous  des  amis  de  la 
liberté. 

LE  CITOYEN.  —  .le  monte  à  cette  tribune... 
LE  PRÉSIDENT.  —  Parlcz  sans  Crainte  :  Napoléon  aima 
a  liberté  ;  il  voulait  que  chaque  citoyen  pùtmetli-eson 
opinion  au  pot  tous  les  jours.  Parlez  avec  assurance, 
vous  en  avez  le  droit. 

LE  CITOYEN.  —  Jc  viens  donc  ici  pour... 
LE  PRÉSIDENT.  —  Daus  Ics  idécs  napoléoniennes,  la 
liberté  de  la  tribune  est  sacrée  comme  la  liberté  de  la 
presse. 

LE  CITOYEN.  —  Jc  viens  donc  ici  pour  combattre... 
LE  PRÉSIDENT.  —  Hein  !  Plaît-il? 
LE  CITOYEN.  —  Pour  combattre  la  candidature  du 
prince  Louis. 

LE  PRÉSIDENT.  —  Jc  VOUS  rappelle  à  l'ordre  ! 
Plusieurs  rneiubres  du  club.  —  Qu'est-ce  à  dire?  A 
la  porte,  l'impertinent! 

Voix  nombreuses.  —  A  la  porte  !  A  la  porte  ! 
LE  PRÉSIDENT.  —  Flanqucz-moi  ce  drôle  à  la  porte. 
A  bas  le  jiékin! 

[Cris,  tumulte  :  une  douzaine  des  plus  vigoureux 
membres  du  club  escaladent  la  tribune,  enlèvent  l'ora- 
teur et  le  jettent  dehors.) 


I,ES  COMITÉS  BONAPARTISTES. 

Il  y  a  dans  Paris  une  demi-douzaine  de  comités  bo- 
napartistes qui  fonctionnent  nuit  et  jour  dans  l'intérêt 
de  la  candidature  du  prince  Louis. 

On  a  le  droit  de  s'y  présenter  en  amateur  et  comme 
un  homme  encore  indécis,  qui  désire  s'éclairer  sur  les 
mérites  respectifs  des  candidats  avant  d'écrire  son  bul- 
letin. Le  directeur  vous  reçoit  avec  la  plus  grande  po- 
litesse, afin  de  dissiper  le  préjugé  trop  répandu  sur  les 
façons  violentes  des  vieux  braves  de  l'Empire  à  l'égard 
des  pékins. 

Les  bureaux  sont  généralement  au  premier ,  pour 


A  L'USAGE  DES  (TENS  SERIEI  X. 


35 


ménager  les  jambes  des  visiteurs.  Sur  la  porte, 
on  lit  :  Ne  prenez  pus  la  peine  de  tourner 
le  bouton,  s.  v.  p.  Le  paillasson  vous  essuie  les 
pieds  du  lui-même;  c'est  un  paillasson  auto- 
mate, rt5vé  autrefois  par  Yaucanson.  II  y  a  une 
patte  d'aigle  au  cordon  de  la  sonnette  ;  mais  on 
n'a  pas  même  besoin  de  sonner  :  un  garçon  de 
bureau,  déguise  en  invalide,  avec  une  fausse 
jambe  de  bois,  vous  guette  par  un  œil-de-bœnf, 
et  la  porte  s'ouvre  avant  que  vous  l'ayez  tonclii'f. 
Il  y  a  des  gens  à  qui  le  prodige  du  paillasson 
automate  et  de  la  porte  qui  s'ouvre  d'clle-mi"nie 
inspire  une  subite  méfiance  :  au  lieu  d'entrer  ils 
prennent  la  rampe  et  redescendent  précipitam- 
ment. Mais  vous  êtes  plus  aventureux  :  vous 
mettez  le  pied  dans  l'antichambre.  Deux  domes- 
tiques vous  retirent  votre  paletot;  s'il  y  a  de  la 
poussière,  on  vous  donne  un  coup  de  brosse  ; 
s'il  d  plu,  on  vous  éponge  ;  on  vous  ^iropose  de 
vous  cirer  les  bottes;  au  besoin,  on  vous  rase- 
rait et  on  vous  donnerait  un  coup  de  fer.  Si 
vous  faites  mine  de  regarder  par  la  fenêtre,  on 
vous  apporte  une  longue-vue.  Il  y  a  des  visiteurs 
qui  abusent  de  ces  prévenances  au  point  de  de- 
mander un  bouillon,  qu'on  ne  leur  refuse  pas. 

Ces  divers  offices  d'antichambre  sont  remplis 
par  des  amis  du  prince,  qui  se  sont  déguisés  en 
domestiques  pour  épargner  à  la  bonne  cause  des 
frais  de  bureau,  il  y  en  a  un  qui  est  déguisé  en 
nègre,  et  qui  répond  au  nom  de  Cocambo.  C'est 
lui  qui  cire  les  bottes.  —  Voici  ce  qui  s>  passe 
dans  les  bureaux  du  comité  : 

Le  directeur  est  assis  dans  un  vaste  fauteuil  ; 
il  est  décoré  de  plusieurs  ordres  étrangers.  Sa 
phrase  favorite  avec  les  visiteurs  encore  indécis 
dans  leur  vote,  est  celle-ci  :  «  Fils  de  soldat,  sol- 
dat moi-même,  je  suis  convaincu  que  la  poli- 
tesse doit  être,  après'  le  courage,  la  première 
vertu  de  quiconque  porte  une  épée.  Dites-le  à 
vos  amis  ;  qu'ils  sachent  bien  que  l'on  nous  ca- 
lomnie en  nous  représentant  comme  des  traî- 
neurs  de  sabre  systématiquement  incivils  envers 
les  pékins.  Monsieur  est  sans  doute  militaire? 
cela  se  voit  à  son  air  martial. 

—  Je  suis  simple  pékin. 

—  Le  mot  est  charmant.  Simple  pékin,  comme 
on  dirait  simple  soldat  ;  le  rapprochement  est 
ingénieux!  Ah  !  monsieur,  que  l'on  a  de  l'esprit 
aujourd'hui  dans  le  bourgeois  !  Le  prince  est 
bien  loin  de  partager  les  préjugés  de  son  oncle 
contre  les  idéologues  ;  son  projet  est  de  s'en- 
tourer de  gens  d'esprit  et  de  faire  régner  la 
politesse  partout.  Oserai-je  vous  offrir  son  por- 
trait? 

—  Offrez  ! 

—  Une   courte    biographie   l'accompagne  ; 


-  Prince,  je  tous  amène  ces  messieurs,  tous  vieux  de  la  vieille,  pour  composer 
votre  cabinet  et  votre  cour. 


Le  prince,  ne  les  trouvant  pas  asseï  bien  mis,  choisit  son  cabinet  et  sa  cour 
parmi  quelques  journalistes  de  ses  amis  et  plusieurs  personnages  très-consi- 
dérés  dans  toutes  les  tables  d'hôte  des  Bâti gnoUes. 


36 


KEVLIE  COMIQIE. 


GRi;«D  cOiNCOlJns  Foin  le  foilthut  dd  pbin 

L'exposition  aura  iieu  dans  le  prochain  numéro. 

Physionomie  des   artistes^  après  qu'ils  ODt  pris  connaissance  du 

programme. 


LES    OHGUES    ELECTORALES   EN    PROVINCE. 

Rendez-lui  son  petit  chapeau. 
Sa  redingote  grise 
Et  sa  noble  dcTise; 
Rendez-lui  son  petit  chapeau 
Et  son  épée  et  son  drapeau. 

—  Connu,  connu  !  c't'  air-U  I  noua  en  avons  plein  l'  do>, 
parûtes  aussi! 

—  La  suite  au  prochain  numéro. 


quelques  lignes  seulement  sur  ses  malheurs...  ce  récit 
vous  arrachera  des  larmes.  » 

Un  garçon  de  hureau  se  présente  d'un  air  effaré  : 
«  Commandant,  il  y  a  là  six  colporteurs  qui  deman- 
dent des  portraits  du  prince. "^ 

—  Qu'on  leur  en  donne  un  ballot  à  chacun. 

—  Mais,  commandant,  il  n'y  en  a  plus;  le  tirage  est 
épuisé  ;  ces  drôles  donnent  les  exemplaires  pour  rien. 

—  Eh  bien!  servez-leur  l'image  du  Juif  errant; 
c'est  assez  bon  pour  les  campagnes.  » 

Le  garçon  de  bureau  sort  et  rentre  presque  aussitôt, 
a  Commandant,  il  n'y  a  même  plus  de  Juif  errant  : 
il  ne  reste  que  du  Crédit  est  mort. 

—  Donnez-leur  du  Crédit  est  mort,  et  laissez-moi 
tranquille.  » 

Un  commis  entre,  une  note  à  la  main  : 
«  Commandant,   voilà  encore  Turlurobert  qui  fait 
ses  farces. 

—  Qu'est-ce  que  c'est  que  Turlurobert? 

—  Notre  agent  dans  le  centre  ;  il  se  laisse  enfoncer 
par  les  paysans  en  leur  payant  bouteille.  Voici  sa  note, 
qui  s'élève  à  1,537  francs  50  centimes. 

—  Turlurobert  est  un  ivrogne  :  c'est  lui  qui  a  soif 
et  non  pas  les  électeurs.  Ecrivez-lui  que  s'il  continue  à 
griser  les  départements  nous  le  mettrons  à  pied.  Allez  !  » 

D'autres  commis  se  précipitent  dans  le  bureau  : 
«  Commandant,  de  mauvaises  nouvelles  ! 

—  Commandant,  nous  sommes  fumés  ! 

—  L'agent  Fumichon  a  voulu  prendre  la  parole 
dans  un  comité  électoral,  et  le  peuple  l'a  attendu  à  la 
porte  pour  le  lapider. 

—  Corbleu  ! 

—  L'agent  Saucissard  est  en  plan  dans  une  auberge, 
d'où  on  ne  veut  pas  le  laisser  sortir  jusqu'à  ce  qu'il  ait 
payé  sa  note. 

—  Fichtre  ! 

—  Mais  ce  ipii  nous  fait  le  plus  de  tort,  c'est  que 
Saucissard  a  promis  que  les  impôts  seraient  sujiprimés 
pendant  cinq  ans,  et  que  le  prince  Louis  distribuerait 
des  millions  aux  paysans;  avec  ça,  il  ne  paye  pas  son 
aubergiste. 

—  Eh  bien  !  que  Saucissard  aille  se  faire... 

—  Et  Fumichon? 

—  Qu'on  l'assomme  ! 

—  Mais  si  Saucissard  crève  de  faim  dans  la  rue  en 
parlant  des  richesses  du  prince  Louis,  quel  effet  ça  va- 
t-il  faire? 

—  L'effet  que  ça  pourra.  Allez  tous  vous  promener, 
vous  me  rompez  la  tète.  Nous  n'avons  plus  le  sou; 
l'emprunt  de  500,000  francs  payables  après  le  vote  de 
la  présidence  n'a  pas  réussi,  et  le  propriétaire  va  nous 
donner  congé.  Cocambo,  donnez-moi  ma  canne  et  mon 
chapeau,  et  allons-nous-en  duier.  Fils  de  soldat,  soldat 
inoi-mèine,  je  continue  de  vous  recommander  la  plus 
grande  politesse  avec  nos  visiteurs;  on  ne  sait  pas  ce 
qui  peut  arriver; 


.\  I.LSAGE  DKS  GKNS  SKUIIXX. 


37 


TYRANNIES  OCCULTES. 


DU  DESPOTISME  DES  LUNETTES. 


LE   HEGABD,   C'eST   l'bOMME. 
[Varianlt  détagréabU'pour  M.  le  cotnle  de  Buffon.) 


hose  étrange  !  Tandis  qu'à  rheurc  présen- 
te tous  les  peuples  se  ruent  à  rencontre 
des  pouvons    portant  sceptre  et  couron- 
ne, ces  mêmes  peuples  laissent  Iran 
Uement  fleurir  à  l'om 
bre  de  l'hyopcrisie  une  foule  de  tyran 
nies  inédites  bien  autrement  redou- 
tables que  celles  qui   se  pré' 
sent  sur    un   trône   entre 
deux  griffons  dore's.  ^=% 

L'une  des  plus 
dangereusesdeces 
puissances  caute- 
leuses   et    terri- 
bles, celle  à  l'en- 
droit de  laquelle 
le  moment  de  l'in- 
surrection est  en- 
fin arrivé ,  c'est  ^ 
évidemment     le 
despotisme  formi- 
dable qui  se  dissimu- 
le sous  le  nom  ano- 
din de  lunettes. 

Ceci  n'est  pas  unebou-       _ 
tade  à  prétentions  paradoxa- 
le,; —  la  pire  espèce  de  plaisan-      — 
teries,  —  c'est  un  cri  d'indignation 
sincère,  c'est  un  appel  au  courage 
de  tous  les  hommes  loyaux  qui  marclient  dans         rni 
la  vie  le  front  haut  et  l'œil  nu. 

C'est,  dit-on,  au  milieu  du  quatorzième  siècle  que  le 
Pisan  Alexandre  Spina  médita  et  accomplit  les  besicles  '^  '  ■ 

dans  son  fatal  génie.    L'Italie  du   moyen  âge,  qui   fournissait 


l'Europe  de  poi 
sons  et  d'astrolo- 
gues, d'inquisi- 
teurs et  de  bravi, 
et  qui  la  fournit 
aujourd'hui,  en 
concurrence  a- 
vec  l'Allemagne, 
d'insurrections  , 
hélas!  avortées, 
devait  en  effet  la  doter  du  plus  terrible 
^  '      auxiliaire,  de  l'astuce  et  de  l'hypocrisie. 

Voici  donc  cinq  cents  ans  que  l'humanité  se  courbe, 
ans  le  savoir,  sous  le  despotisme  persévérant  et  caute- 
leux des  lunettes. 
Depuis  ce  temps,   bien  des  races  augustes,  qui  se  promet- 
=     taient  l'éternité,    ont    disparu  devant  le  souffle    des  nations. 
Depuis  ce  temps,  bien  des    multitudes  se    sont   émues  contre 
toutes  les  tyrannies,  et  les  lunettes  se   sont   accrues  sans 
cesse  en  nombre  et  en  audace,  et  pas  une  vois  ne  s'est 

élevife      contre 


*V 


W 


leur  oppression, 
la  plus  sournoi- 
se, et  partant, 
la  plus  dange- 
reuse de  toutes. 

Mais  les  puis- 
sances d'iniqui- 
tés s'écroulent 
toujours  dans 
leur  triomphe. 

Il  est  bien 
entendu  que  ce- 
ci  ne  s'adresse 


58 


REVUE  COMIQUE. 


pas  aux  braves  gens  qui  pensent,  dans  leur  simplicité, 
que  les  lunettes  sont  faites  pour  y  mieux  voir.  — 
Loin  d'édaircir  la  vue,  elles  la  brouillent,  au  con- 
traire, connue  chacun  peut  s'en  convaincre.  Or, 
puisque  cet  instrument  trouhle  les  meilleurs  yeux,  à 
plus  forte  raison  doit-il  évidemment  empirer  les  mau- 
vais. 

Il  est  vrai  que  certains  hommes  poussent  l'effronte- 
rie jusqu'à  noircir  leurs  verres,  toujours  pour  y  voir 
plus  clair.  A  ceux-là,  nous  demanderons  ce  qu'ils  pen- 
seraient d'un  sourd  qui  se  boucherait  les  oreilles  afin 
d'y  mieux  entendre. 

Du  reste,  la  nécessité  très-visible  où  se  trouvent  tous 
ceux  qui  portent  lunettes,  de  regarder  par-dessus  ou 


par-dessous,  quand  ils  ont  réellement  intérêt  à  y  voir, 
est  une  preuve  sans  réplique  de  leur  duplicité. 

Non,  le  but  de  ces  hommes,  perfidement  habiles, 
n'est  pas  d'y  voir  plus,  mais  d'être  vus  moins.  — Dissi- 


muler leur  regard  en  brisant  celui  des  autres,  lire  dans 
la  pensée  de  leur  adversaire  en  cachant  la  leur,  voilà 
leur  seule,  leur  vraie  raison.  —  Un  duelliste  qui  se 
cuirasserait  de  fer  sous  prétexte  d'avoir  la  poitrine  fai- 
ble, ne  serait  donc  ni  plus  fourbe,  ni  plus  lâche  que 
ceux  qui  se  masquent  ainsi  les  yeux  sous  semblant  de 
mauvaise  vue. 

Mais  les  vieillards? 

Eh!  mon  Dieu,  les  vieillards  y  voient  si  net  qu'ils 
lisent  presque  tous  leur  journal  à  trois  pieds  de  dis- 
tance !  Mais  en  avançant  dans  la  vie,  tout  homme  s'a- 
perçoit que  ses  amis  à  lunettes  le  trompent  plus  encore 
que  ses  autres  amis,  et,  pour  lutter  contre  eux  à  ami~ 
tié  égale,  il  s'emprisonne  aussi  les  yeux. 


D'ailleurs,  jeune  ou  vieux,  tout  porteur  de  lunettes 
cache  derrière  elles  la  ruse,  la  défiance,  la  sécheresse 
de  cœur  et  de  tous  les  autres  vices  égoïstes  qui  consti- 
tuent ce  qu'on  appelle  la  sagesse  des  vieillards. 


C'est,  qu'en  effet,  ce  n'est  pas  au  front  que  Dieu  a 
marqué  les  bons  et  les  mauvais,  comme  l'ont  traduit 
quelques  hébraïstes  ignares;  c'est  dans  l'œil  et  dans 
l'œil  seulement.  —  La  bouche  de  l'homme  sourit  au 


mensonge,  sa  voix  chante,  pleure  et  joue  ce  qu'il  veut, 
mais  son  regard  ne  ment  jamais,  parce  qu'il  ne  lui 
appartient  pas. 

L'œil  est  donc  la  révélation  sincère  de  l'homme.  — 


A  i.isAci:  iti;s  CKNS  si^iURUX. 


39 


A  regard  droit,  cœur  loyal;  —  à  œil  faux,  cœur 
faux. 

I>ii<"  i|ii'iiii  ri'^'iird  csl  faiixesldii  reste  une  siiUise  ; 
il  est  Irès-t'nuic  ati  eniilraiii;  iMiis(ju'il  dil  liiiiiièiiie  : 
je  suis  fiiux. 

Or,  avant  la  déplurahle  invoutiou  de  Spiiia  ,  Ions 
les  lioiniiies  étaient  égaux  devant  leurs  (iropres  jeux. 


Alors,  en  politique,  en  diplomatie,  en  afraircs,  le 
viirilalde  génie,  le  calme  naturel  et  l'Iialtileté  a(((uise, 
l'enipiirlaient  toujours  de  liant  dans  des  luttes  où  cha- 
cun se  montrait  à  visage  découvert. 

Alors,  pour  domineret  tromper  les  autres,  il  (allait 
avoir  une  snpérioiité  réelle  ijni  juslili.U  le  iles|)otisme  et 
enudldit  la  tromperie. 


L'antiquité  connaissait  le  verre  :  Moïse,  Job  et  Aris- 
tote  en  parlent.  —  Mais  jamais  l'idée  de  l'employer  en 
lunettes  ne  pouvait  venir  à  des  hommes  qui  respec- 
taient trop  la  ruse  pour  la  matérialiser. 

La  célèbre  controverse  sur  les  nez  amiqces,  qui  a 
lieu  en  ce  moment  à  l'université  de  Gœttingue,  met 
en  doute,  il  est  vrai,  le  mérite  des  Grecs  dans  cette 
question  de  loyauté. 

Se  fondant  sur  ce  que,  depuis  l'Apollon  jusqu'à  la 


Vénus  de  Milo,  jamais  une  slatue  gricqu!  ne  nous  est 
parvenue  avec  son  nez  {ce  qui  est  parfaitement  liistu- 
rique) ,  la  majorité  des  docteurs  allemands  pensent  que 
le  nez  est  d'invention  romaine,  et  que  jamais  Grec  n'en 
a  porté.  —  Cette  assertion  parait  très-sensée  quand  on 
songe  aux  effroyables  nez  que  se  mettaient  les  Césars. 
Tout  inventeur  aimanta  voir  exagérer  sa  découverte, 
on  comprend  alors  combien  cette  inscription  devait 
flatter  le  sénat  et  le  peuple  romain.  S.  P.  Q.  R. 


40 


REVUE  COMIQUE 


Mais  que  ce  soit  faute  de  nez,  ou  par  un  noble  mé- 
pris ,  toujours  est-il  que  les  Hellènes  ignoraient  les 
besicles,  et  que  les  nations  modernes  ont  seules  gémi 
sous  ce  iléau. 

Dans  les  trahisons  intimes  de  Tamitié,  comme  dans 
l'exploitation  des  idées  généreuses  qui  mènent  le  peu- 
ple, les  hommes  francs,  à  l'œil  libre,  sont  donc  cons- 
tamment victimes  des  hommes  à  l'œil  Titré. 

Ainsi,  les  médecins,  les  savants,  les  usuriers,  les 
hommes  d'État  sans  état,  tous  ceux  enfin  qui  ont  be- 
soin d'imposer  et  d'en  imposer,  portent  presque  tous 
des  lunettes. 

Si  bien,  chose  honteuse,  que  pour  s'opposer  à  ce 
despotisme  des  médiocrités,  les  hommes  forts  d'eux- 
mêmes  sont  contraints  de  s'abaisser,  quand  leurs  yeux 
le  permettent,  jusqu'à  se  servir  de  ce  triste  expédient. 

Un  diplomate,  qui  gouverna  longtemps  l'Allemagne, 
ne  pouvait  s'habituer  aux  lunettes.  En  ce  péril,  de- 
vant des  adversaires  qui  en  portaient ,  il  s'est  fait 
borgne  ;  oui,  borgne  !  Et  cela,  pour  cacher  du  moins  la 
moitié  de  sa  pensée. 


Feu  ,  de  glorieuse  mémoire,  Napoléon  essaya  aussi 
inutilement,  à  Brienne  d'abord  ,  puis  en  Egypte  ,  de 
porter   lunettes.    Mais    pour  y  suppléer ,  il  inventa 


bientôt  son  fameux  coup  d'œil  d'aigle,  qu'on  ne  pou- 
vait subir,  sous  peine  de  pulvérisation,  ou  tout  au 
moins  d'éternuement. 

Ou  plus  souvent  encore  de  démission. 


A  défaut  de  son  génie,  de  sa  gloire  et  de  ses  traités , 
si  certain  oiseau  collatéral  croyait  avoir  hérité  du  moins 
de  ce  regard  avunculaire ,  nous  lui  conseillerions  de 
n'accepter  encore  cette  dernière  vanité  que  sous  l)éné- 
lice  de  lunettes. 

Enfin,  le  plus  souple,  le  plus  adroit  et  le  plus  mé- 
ridional de  tous  nos  hommes  d'État  depuis  1830;  le 
seul  qui  ait  su  pendant  dix-sept  ans  se  ménager  le  pou- 
voir dans  la  popularité  et  la  popularité  dans  le  pouvoir, 
cet  homme  qui  essaye  encore  aujourd'hui  de  remonter 
à  flot,  ne  doit  sa  supériorité  de  bonheur  et  d'adresse 
qu'aux  lunettes  historiques  qu'il  porte  depuis  son  am- 
bition, c'est-à-dire  depuis  son  enfance. 

Faute  de  descendre  ainsi  dans  les  ruses  privées  des 
grands  dominateurs  du  monde,  l'histoire  désorientée 
entasse  souvent  théories  sur  théories  pour  tâcher  d'ex- 
pliquer ces  immenses  supériorités.  Un  seul  mot  suffi- 
rait presque  toujours  pour  illuminer  ces  questions 
comme  un  phare.  Demandez  ,  par  exemple  ,  aux  his- 
toriens, la  raison  du  génie  de  Louis  XI  ?  Que  de  causes 
majeures  ne  donneront-ils  pas  aux  succès  du  despotisme 
de  ce  chat-tigre  !  Et  pourtant  cette  puissance  féline  no 
prenait  naissance  que  dans  un  simple  fait  complète- 
ment oublié  :  —  Louis  XI  était  le  seul  roi  de  son  temps 
qui  portât  des  besicles. 

Notez  que  nous  n'avons  pas  cité  l'Amour,  qui  fait 
semblant  de  n'y  pas  voir  pour  mieux  atteindre  sa  vic- 
time. 


A  cette  dégradante  tyrannie,  quelques  yeux  coura- 
geux ,  mais  imprudents,  ont  essayé  d'opposer  le  lor- 
gnon. Cette  tentative  eut  le  sort  des  demi-révoltés, 
elle  échoua.  —  Se  servir  de  lorgnon  I  Mais  autant  vau- 
drait se  jeter  dans  une  mêlée  avec  son  épée  dans  le 
fourreau  ! 

La  noble  France  qui  a  toujours  guidé  le  monde  dans 


A  L'USAC.L  DES  GENS  SERIEUX. 


41 


le  chemin  do  la  liberté,  doit  aussi  secouer  la  iirciuière 
le  joug  liuniiliaDt  des  lunettes. 

Pour  cela,  deux  simples  petites  lois  sulïisont;  cl  par 
la  fécondité  de  nos  législateurs,  deux  lois  ne  sont  pas 
une  alTaire  d'Etat. 

I.a  première  supprimerait  les  ojiticiens,  et  assimile- 
rait leurs  marchandises  à  l'acétate  de  nioii)liine,  aux 
couteaux-poignards,  aux  cannes  plombées  et  aux  fusils 
i\  vent. 

Par  la  seconde,  on  inscrirait  au  seuil  des  chambres 


législatives,  des  tribunaux,  des  études  de  notaires,  etc., 
partout  où  se  traitent  et  se  débattent  des  intérêts  :  Ici 

O.N  NK  rOUTK  PAS  DE  LINETTES. 

A  moins  ce|)cndaiit  que,  comme  pour  la  vaccination, 
l'État  ne  préfère  imposer  aux  parents  l'obligation  de 
luneter  leurs  enfants  au  berceau. 

Tous  les  hommes  n'ayant  pas  la  môme  vue,  le  pre- 
mier projet  nous  parait  encore  préférable.  —  Porter 
lunettes  est  certainement  d'un  grand  secours  pour 
tromper,  mais  il  faut  pour  cela  avoir  d'excellents  yeux. 


VOTONS  POUR  BONAPARTE. 


Air  :  Gai,  gai,  marioHS-nous 


Gai,  gai,  c'est  convenu, 
Nous  porterons  Bonaparte  ; 
Gai,  gai,  c'est  convenu. 
Nous  voulons  qu'il  soit  élu. 


On  dit  qu'  sa  bourse  est  creuse. 
Tant  mieux,  j'en  suis  content; 
La  France  est  généreuse. 
Donnons-lui  notre  argent. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Chaque  socialiste 
Dit  qu'il  va  l'appuyer, 
La  France  communiste 
Est  bonne  à  partager. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Vous,  paysans  utiles. 
Vile  plantez  vos  choux; 
Les  fainéans  des  villes 
Les  mangeront  sans  vous. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


A  la  France  on  peut  dire 
Quel  sera  son  bonheur, 
Car  elle  aura  l'empire 
Complet...  moins  l'empereur. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


La  guerre  sans  victoire, 
Le  nom  sans  le  héros  ; 
Nous  n'aurons  pas  la  gloire. 
Nous  aurons  les  impôts. 

Gai,  gai,  c'est  convenu. 


Tous  nos  principicules, 
Gras  de  dotations, 
Nous  donn'ront  des  férules 
Et  prendront  nos  millions. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Tous  les  chapeaux  à  claques 
Prendront  position, 
Puis  viendront  les  Cosaques 
Avec  l'invasion. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Ob  !  la  reconnaissance 
Déborde  de  mou  cœur  ; 
Français,  à  bas  la  France 
Et  vive  l'empereur. 

Gai,  gai,  c'est  convenu,  etc. 


Icare  impérial. 
—  Extrait  du  journal  LE  Bossu,  journal  français  publié  à  Londaes.  — 


11(111  rVAiin  iii>,  iiAi.ii..' 


:E0  rciiiiitKs   la    livraison. 


ii{  i:  Miiiviin-,  f(2 


aditions  de  la  Soascripiion.  —  La  Kevue  comique  formera  im  masailique  volume,  grand  in-8,  publié  en  SO  livraisons   à  50  cenlinies. 

mr  la  poste,  33  ceuliinos.  —  Pour  tout  ce  ([ui  coiicerue  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  LiuECX,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  d.^s 

Italiens.  , „  .       ,  ■ 

DUMINERAY,  EDITEUH,   52,  aUE  HICHELIEU  4e     inraiSOn, 


12  DÉCEMBRE  1848. 


So7.  (lu  prince  pour  rire,  —  avec  une  vue  de  son  confident. 


Pari..  —  Tir.'  mu  prc<i.'i  m,Vaiiiqn.>!  rie  T-acrampr  (il(  ol  Comp.,  rue  Damielle, 


LA  SEMAINE. 


Et  comme  la  scmainp  dernière  ?p  pn'senlait  pour 
être  entendue  à  ?on  tour,  je  me  levai  et  lui  dis  brus- 
quement : 

—  Pour  aujourd'hui,  madame,  je  me  priverai  du 
plaisir  de  vous  écouter,  car  je  sais  d'avance  que  vous 
n'avez  rien  à  me  dire. 

—  Comment  rien  ? 

—  Absolument.  Croyez-vous  que  l'on  puisse  entre- 
tenir en  ce  moment  le  public  des  vaudevilles  plus  ou 
moins  aristophanesques  de  M.  Clairville,  et  des  traduc- 
tions deM.  Bulwer,qne  l'on  joueauThéàtre-Historique? 

—  Mais  l'Opéra  ? 

—  Les  débuts  de  mademoiselle  Lagrange  dans 
Othello,  voilà  bien  de  quoi  occuper  les  Parisiens.  D'ail- 
leurs mademoiselle  Lagrange  n'a  rien  d'assez  extraordi- 
naire pour... 

—  Laissons  donc  de  côté  les  théâtres. 

—  De  quoi  me  parlerez-vous  donc? 

—  De  miss  Burdett-Conts. 

—  Qu'est-ce  que  cette  miss  '? 

—  La  plus  riche  et  la  plus  laide  héritière  de  Londres. 
Autant  de  millions  que  de  printemps  :  quarante-cinq 
peut-être  ;  le  teint  légèrement  couperosé  comme  toutes 
les  riches  héritières  anglaises  ;  les  cheveux  blonds  :  c'est 
la  future  Marie-Louise  du  futur  empereur.  Le  prince 
Louis  a  cherché  une  archiduchesse  dans  la  haute  ban- 
que. Miss  Cents  est  à  Paris,  elle  a  mis  ses  millions  à 
la  disposition  de  la  candidature  du  prétendant,  e'est 
la  France  qui  payerait  les  intérêts;  miss  Cents  a  promis 
de  se  faire  catholique  afin  de  rendre  possible  un  nou- 
veau sacre. 

—  A  Reims  ? 


—  Non,  à  Notre-Dame.  Le  prince  Louis  compte  sur 
le  pape  pour  verser  sur  son  front  l'huile  sainte.  Vous 
savez  qu'on  répand  le  bruit,  dans  les  campagnes,  que 
Pie  IX  ,  chassé  de  Rome  par  un  Bonaparte  ,  n'a  quitté 
Rome  que  pour  venir  en  France  sacrer  le  cousin  de 
son  persécuteur.  C'est  madame  Delphine  Gay  de  Gi- 
rardin  qui  doit  être  nommée  première  dame  d'hon- 
neur de  l'impératrice,  ou,  si  vous  aimez  mieux,  de 
miss  (]onts! 

—  La  muse  prendre  la  livrée,  vons  n'y  songez  pas;Né- 
mésisdame  d'honneur,  c'est  impossible.  Mais  j'ai  une 
autre  nouvelle  à  vous  annoncer. 

—  Laquelle? 

—  La  résurrection  du  poète  Barthélémy. 

—  C'est  la  troisième  au  moins. 

—  Il  chante  Louis-Napoléon. 

—  Après  avoir  chanté  la  République  et  Louis-Phi- 
lippe, que  ne  chanterait-il  pas?  Maintenant,  avez- 
vous  fini  de  défiler  votre  chapelet  de  cancans  hebdoma- 
daires? 

—  Il  me  reste  encore  à  vous  parler  des  bals. 

—  Mais  voilà  deux  semaines  que  ^L  Marrast  ne  re- 
çoit pas. 

—  Nous  avons  les  bals  publics. 

—  [Is  sent  occupés  par  des  clubs. 

—  Les  bals  d'actrices.  Figurez-vous  que  mademoi- 
selle Scrivaneck,  du  Palais-Royal,  adonné  samedi  der- 
nier une  soirée  dansante  des  plus  animées,  et  que... 

Comme  je  vis  que  mon  interlocutrice  allait  entrer  dans 
toutes  sortes  de  digressions  indignes  de  la  gravité  du  pu- 
blic, je  pris  poliment  la  semaine  dernière  par  la  main, 
et  la  conduisant  sur  le  seuil ,  je  lui  fermai  la  porte  au  nez . 


Il 


l'.i'AHK  co.Miuir; 


SLlTt  DtS  AVKMlliFS  lU    l'IJNr.t  l'(H  II   lUlU. 
CllAl'irUE  \l. 

APOTllEOS!;. 


ur  11  colonne. 


IMlllTl'.MT  DU.N  CONTEMl'OUAlN. 

11  L'.-l  un  lioiniiio  iloul  riiitelliyoïu'C  ,  iliosc  r;u'0  , 
n'est  uoiilesU'e  par  porsoiine;  cet  liuiiiino,  un  des  es- 
prits les  plus  actifs,  les  plus  pei-sêvérants,  les  plus  opi- 
niâtres, les  plus  lahoiieux  de  ce  lenips-ci ,  est  parvenu, 
à  lurce  de  patience  et  de  talent ,  à  travers  mille  dé- 
boires et  mille  diflicultés,  contre  vents  et  marées,  à 
créer  un  des  journaux  les  plus  considéraliles  de  France; 
il  est  le  roi  de  ce  journal,  il  en  est  le  maître  absolu  ; 
l'éloge  ,  le  blâme,  l'attaque  y  sont  tour  ù  tour  dispen- 
sés par  lui  d'une  main  toujours  prodigue;  cet  homme 
pourtant  n'a  pas  un  ami,  que  dis-je,  il  n'a  pus  même 
un  envieux,  ce  cpii  revient  à  due,  et  c'est  monstrueux 
h  penser,  qu'il  n'est  peut-être  personne  à  Paris  ,  à 
l'Iicure  qu'il  est,  qui  consente  à  éclianger  son  nom 
contre  le  sien. 

Objet  tour  à  tenir  de  la  haine,  du  mépris  ,  de  la  co- 
lère d'un  grauil  nombre,  cet  homme ,  disons-le,  ne 
uousa  jamais  inspiré  ([u'une  profonde  et  douloureuse 
pitié. 

A  le  voir  tous  les  soirs,  nouveau  Sisy[ihe,  rouler  in- 
raligablement  en  haut  de  la  montagne  le  roclier  que 
chaque  matin  il  retrouve  à  sa  hase,  nous  nous  sommes 
demandé  plus  d'une  fois  quand  Dieu  ^pardonnerait  à 
ce  malheureux,  et  si  tant  de  courage  n'aurait  pas  enfin 
pour  récompense  l'oubli  possible  de  son  passé. —  Et 
voyant  qu'au  contraire  la  main  qui  le  punit  s'appe- 
santit tous  les  jiuirs  davantage  sur  sa  tète,  nous 
avons  recherché  qui  donc  avait  pu  lui  attirer  cet  épou- 
vantable châtiment. 

Dieu  eût  pardonné  à  Sodome  s'il  s'y  lut  trouvé  sept 
justes;  nous  disions,  nous  :  N'y  a-t  il  pas  sept  bonnes 
actions  dans  la  vie  de  ce  coupable,  qui  puissent  plaider 
pour  lui  devant  la  justice  divine ,  ou  tout  au  moins 
l'absoudre  devant  les  hommes? 

Nous  primes  donc  sa  vie  jour  à  jour,  feuille  à  feuille, 
ligne  par  ligue  ;  d'abord  l'espoir  nous  vint  ;  car  au 
lieu  de  sept,  nous  y  rencontrâmes  cent ,  deiiv  cents 
bonnes  actions  évidentes  et  à  côté  d'un  grand  nombre 
de  paroles  mauvaises,  haineuses,  perfides,  d'idées  dan- 
gereuses et  inap[)licables,  un  grand  nombre  aussi  d'i- 
dées bonnes,  justes  et  sensées,  généreuses  peut-être. 
Kt  nous  allions  blasphémer,  nous  allions  accusera 
la  lois  et  Dieu  et  les  hommes,  nous  attendrir  sur  le  sort 
de  cet  infortuné,  aller  à  lui,  l'enconiMger,  lui  dire  de 
ne  point  désespérer,  de  revenir  au  bien  tout  à  fait,  et 
de  chasser  de  son  cœur  l'amertume  qui  chaque  jour 
eu  déborde,  quand  tout  à  coup  nous  fûmes  arrêtés  par 
nu  dernier  scrupule  ;  et  reprenant  alors  une  à  une  les 
bonnes  actions,  les  bonnes  paroles,  les  idées  généreuses 
([ui  nous  avaient  frappés  dans  sa  vie  et  qui  nous  avaient 
paru  devoir  plaider  en  sa  faveur,  nous  les  soumîmes 
pour  plus  d'impartialité,  à  une  dernière  expérience. 
Nous  recherchâmes  leurs  causes,   puis  leurs  effets; 


A  i;us.\r.K  i)i:s  r.KNS  sfiniKnx. 


.M:ii<  liiciilot,  dpouvanlés  Au  ri-siilliit  de  ce  dernier 
f\iinicn,  iioiisl'aliandonnAmes  n\oc  liorrour,  cm-  sous 
t.ïiil  ce  liicn  iiu-ntciir,  il  nous  l'nt  ini|)nssil)l(î  de  dccini- 
viir  uiu'  seule  l'oiine  iiilention,  un  seul  acte  désinlé- 
lessé,  un  seul  l'I m  uni  n'eût  son  ealcul  ;  —  les  nuil- 
leures  elioses  smis  nlle  main  liinesle  n'i'taieiit  eni- 
ployécs  ([ne  ennnne  un  innycn  de  faiie  le  mal  on  de 
détruire  le  liien. 

Centristes,  dégoùl.'s,  le  euMir  serré,  il  nous  falliU 
aliandonner  cette  déploralilo  nalin'eàson  stérile  labeur; 
assurés  désormais  que  le  mal  seul  lui  est  possible,  nous 
nous  éloi-nàmes  d'elle  avec  effroi.  I.a  voix  du  peuple 
est  bien  la  voix  de  Dieu.  —  Condamné  à  n'être  jamais 
qu'un  de  CCS  agents  dangereux  qu'on  utilise  pendant 
la  lutte,  qu'on  renie  après  la  victoire,  cet  bommeaura 
donc  fait  le  mal  sans  profit  pour  lui-même  et  le  dernier 
de  ses  ennemis  vaincus  restera  toujours  pour  lui  un 
objet  de  jalousie  et  d'éternelle  envie.  —  5a 'punition 
est  dans  ce  seul  fait,  elle  est  terrible;  qui  donc  lui 
refuserait  ce  que  nous  lui  accordons,  — de  la  pitié!  — 
On  s'éloiene  des  monstres,   on  ne  les  liait  pas. 


A  MM.  RUCKAin,  TllII'r.S  Kl   MOM.. 

La  lettre  du  maréclial  Hugcaud  prenant  parti  pour 
Louis-^apoléon,  est  un  des  plus  tristes  témoignages 
de  ce  que  la  vanité  blessée,  de  ce  que  la  rivalité  mé- 
contente peut  faire  faire  de  sottises  en  ce  monde  à  ceux 
que  n'éclaire  pas  l'amour  du  bien  public. 

Pour  n'avoir  pas  pour  chef,  pour  supérieur,  un  de 
ses  anciens  lieutenants  ,  un  homme  pour  leciuel  d'ail- 
leurs il  avait  professé  publiquement  la  pins  grande  es- 
time, et  qu'il  avait  signalé  dès  son  début  comme  devant 
atteindre  à  de  hautes  destinées,  le  maréchal  accepte  de 
se  subordonner  à  l'étourdi  politique,  à  l'ambitieux  sans 
portée,  qui  par  deux  fois  a  eu  la  prétention  de  ren- 
verser dans  la  personne  de  Louis-Philippe,  le  prin- 
cipe et  l'homme  auquel  le  maréchal  Bugeand  s'était 
aveuglément  dévoué. 

J'ai  hésité  d'abord  ,  écrit-il  lui-même  ;  et  on  eût 
hésité  à  moins,  M.  le  maréchal  !  Le  geôlier  de  la 
duchesse  de  Berry  aurait  pu  être  le  geôlier  de  Louis- 
Napoléon  ;  cela  n'a  pas  été,  parce  (ju'on  ne  vous  l'a  pas 
ordonné.  — Quand  vous  avez  passe  outre ,  avez-voiis 
cru  que  la  France  l'oublierait? 

Ce  sera  l'éternelle  honte  de  M.  Thiers,  de  M.  Bu- 
"caud,  et  de  M.  Mole,  dont  nous  voyons  à  regret  la 
carrière  finir  dans  cette  honteuse  coalition  ,  d'avoir  pu 
se  réimir  pour  tromper  tout  haut  le  pays  sur  la  valeur 
d'un  homme,  dont  chacun  d'eux  tout  bas  proclame 
rinsufiisance  et  la  nullité,  dans  des  termes  que  nous 
n'oserions  pas  répéter 

Si  Louis-Napoléon  vaut  mieux  que  ne  le  disent  ses 
perfides  conseillers,  il  le  prouvera  en  s'éloignant  d'eux 
avec  mépris,  au  cas  oii  par  impossible,  grâce  à  leur 


Y) 


<^-A" 


y/f"!\^f^ 


Si  nous  devons  avoir  cette  éclips",  je  parie  qu'elle  ne  dure  pas. 


cmicoiirs  inoincnUinL' ,  suii  nom  sortirait  de 
l'urne  olectonile  ;  car,  il  faut  bien  qu'il  le  sa- 
che, il  ne  peut  attendre  d'eux  que  trahison. 


M.  Vl.iiON   lIOMMi:  l'OLITlQUE!! 

S'il  y  a  eu  quelque  chose  de  bouffon  dans  ce 
monde,  cela  a  été  l'incroyable  prétention  qu'a  eue 
le  pharmacien  Vérou  de  se  donner  comme  un 
homme  politique. 

M.  Véron,  industriel  habile,  n'avaiteu  jusque- 
là  d'autre  prétention  que  celle  de  savoir,  comme 
on  dit,  tirer  de  l'huile  d'un  mur.  —  Quand  il  a 
pris  le  Constitutionnel,  il  a  voulu...  faire  une 
affaire.  —  Pour  faire  réussir,  je  ne  dis  pas  ce 
journal,  mais  cette  affaire,  que  n'a-t-il  pas  ima- 
giné'? Les  romans  de  M.  Sue,  ses  romans  les  plus 
rouges,  les  plus  socialistes,  qui  les  a  publiés? 
Réponse  :  M.  Véron,  chef,  avec  M.  Thiers  (pau- 
vre M.  Thiers  !),  du  parti  prétendu  modéré,  des 

MOIIÉRÉS  lUH  CES,  si  VOUS  VOUlcZ. 

Il  faut  qu'on  sache  que  le  traité  qui  lie  M.  Vé- 
ron et  M.  Thiers  est  un  traité  comme  il  pourrait 
s'en  faire  entre  un  marchand  de  pommade  et 
un  marchand  d'orviétan,  et  que,  dans  ce  traité, 
la  politicjue,  celle  du  moins  de  M.  Véron,  n'a  pas 
le  plus  petit  mot  à  dire. 

«  Vous  avez  une  boutique'?  a  dit  M.  Thiers  à 
M.  Véron. 

—  J'ai  une  boutique,  a  répondu  M.  Véron, 
et  une  fameuse,  et  je  m'en  vante. 

—  Votre  boutique  a  deux  compartunents,  a 
dit  M.  Thiers. 

—  Ma  boutique,  a  dit  M.  Véron,  a  autant  de 
compartiments  qu'il  peut  me  plairequ'elleen  ail. 

—  Supposons,  dit  M.  Thiers,  qu'elle  n'aitque 
deux  compartiments,  le  premier  étage,  le  rez- 
de-chaussée. 

—  Après,  dit  M.  Véron  en  faisant  sonner  ses 
pièces  de  3  francs  dans  sa  poche,  et  en  étalant  sa 
chaîne  d'or  sur  son  gilet. 

—  Après,  a  dit  M.  Thiers  en  tiianlde  la  poche 
de  six  de  ses  amis  un  portefeuille  d'où  sortirent 
une  centaine  de  billets  de  banque. 

Ici  il  y  eut  un  moment  de  silence,  dont  la  vi- 
gnette seule  pourrait  reproduire  l'éloquence. 

—  Après,  dit  M.  Thiers,  je  vous  achète,  avec 
l'argent  de  ces  messieurs,  votre  premier  étsge 
pour  les  cent  billets  de  mille  francs  que  voici, 
moyennant  quoi  je  débiterai  au  premier  étage 
de  votre  journal  la  politique  qu'il  me  plaira  d  y 
débiter,  sans  que  vous  ayez  à  vous  en  mêler  le 
moins  du  monde. 

—  Du  reste  ,  de  votre  boutique  ,  mon  brave 
homme,  vous  ferez  tout  ce  que  vous  voudrez  : 
IqS  arts,  la  littérature,  l'industrie,  les  chemins 


A  L'USAGE  DES  GKNS  SÉRIEUX. 


47 


(le  liT,  Il  ]ili,irmaii(' ,  l,i  lillL-ratiii-c  facile,  le 
fcuilletuii,  y  reslomnl  sniimis  à  vos  lois;  vous 
pourrez  en  garder  ou  on  livrer  la  direclion  en  tout 
ou  en  |)arlie  i  (|ui  vous  voudrez  :  nous  n'avons 
neii  à  y  vdii-,  ces  messieurs  mes  associés  politi- 
«lues  et  moi. 

—  C'est  l'ait,  dit  M.  Ynon. 

M.  Tlners  ouvrit  le  |.ortorouille,  les  lullels  lu- 
rent comptés,  nii,  (l('ii\,  tiois,  etc..  etc.,  jus(iu"à 
cent;  total  I0(», ()()(»  IV. 

—  ("/est  l'ait,  ajouta  .M.  Véron  en  tendant  la 
main  ;  c'est  fait,  sous  cette  réserve  pourtant,  que 
>i  le  caprice  me  prend  de  rentrer  dans  mon  pre- 
mier étage,  si  je  trouve  une  surenchère,  j'en 
serai  quitte  pour  vous  rendre  vos  100,000  fr. 
Ces  100,000  fr.  rendus,  je  pourrai  relouer  ledit 
premier  étage  à  un  autre  locataire  ;  et  ce  fut  ac- 
cepté. 

«  Comment  diable  M.  Véron  veut-il  qu'on 
voie  en  lui  un  homme  politique?  —  Y  a-t-il  trace 
d'une  intention  politique  dans  la  situation  qu'il 
s'est  faite  dans  son  journal?  Si  l'honorahlc  mais 
changeant  M.  Thiers  devenait  carliste  demain, 
s'il  devenait  Cavaignacquiste,  si....  qu'aurait  à 
dire  M.  Véron? 

Morale.  —  Le  chef  du  [)ouvoir  exécutif  est 
un  bien  honnête  homme.  Beaucoup,  à  sa  place, 
n'en  eussent  pas  tant  dit  au  pharmacien  Véron. 


Si  nous  sommes  le  peuple  le  plus  spirituel 
de  la  terre,  on  ne  contestera  pas  (]ue  nous  en 
soyons  aussi  le  plus  ignorant  des  qu'il  s'agit  d'un 
foi t  qui  s'est  passé  au-delà  de  nos  frontières. 
l/.\ssemblée  nationale  a  discuté  pendant  tout  un 
long  jour  à  propos  du  Pape  et  du  secours  que 
nous  avions  bien  fait  de  lui  envoyer. 

1,'Opposilion  surtout  s'est  récriée:  Vous  allez 
au  secours  des  princes,  vous  n'allez  pas  au  se- 
cours des  peuples.  S'il  y  a  quelque  part  une  ten- 
tative républicaine,  vous  êtes  contre  elle,  et  là- 
dessus  M.  Ledru-Uollin,  M.  Favre  de  parler. 

Or,  ces  messieurs  n'ignorent  qu'une  chose,  cl 
il  est  vrai  que  c'est  la  principale.  C'est  qu'en  par- 
lant, à  propos  de  l'insurrection  romaine,  de 
M.  Mamiani,  par  exemple,  et  de  ses  collègues  du 
ministère  imposé  au  papd,  ils  parlaient  pour  un 
ami,  ami  intime,  ami  non  douteux  et  politique 
de  M.  Guizot  et  de  M.  Libri,  pour  le  roi  Char- 
les-Albert et  pour  le  parti  qui  veut  faire  de  l'I- 
talie, non  une  confédération  républicaine,  niai> 
un  vaste  royaume  avec  le  roi  de  l'iéraont  pour 
chef.  M.  Mamiani  rira  bien  quand  il  verra  tout  le 
mouvement  que  se  sont  donné  pourlui,  adver- 
saire des  idées  républicaines,  nos  braves  étour- 
dis de  la  Montagne. 


Les  Tillageois,  s'aperccvant  qu'on  n'a  pas  du  tout  paye  pour  eux  les  impôts, 
ainsi  qu'on  le  leur  avait  promis,  se  lirrent  à  une  grande  chasse  à  t'oie. 


La  farce  est  jo 


EXPOSITION 

DU  GRAND  CONCOURS  OUVERT  POUR  l.K  rORTUMT  DU  PRINCE  TOUR  RlUE 


Avec  les  notes  du  jury. 


N»    1. 


REFUSÉ.  —  Les  jambes  vont  bien,  mais  la  rosscinblance  de  tèlc  csl  insuffisante. 


N"   '2. 


MEMUIN  llONOliVCLE.  —  Celle  conipojilion  est  lionne:  les  accessoires  ont  do  I.i  gaieté;  le 
costume,  les  allures  anglaises,  et  le  bras  en  trompe  d'éléphant  ,  sont  bien  saisis;  le  pantalon 
drapa  avec  sràee;  seulement,  le  masque  annonce  une  énergie  qui  manque  absolument  a  1  or.gmal. 


N"  5. 


IL  U;VtK   DU  SCI.LIL.    10  DLCKMIIRE.   PREPARATIFS. 

Bonnes  iiUcntions,  cxucution  satisfaisante  ;  une  médaille  d'argent  pour  la  chemise  et  les  papillottes. 


N"  i. 


N»  5. 


Ce  portrait  sera  ressemblant  plus  tard,  lorsque  \o  prince  pour 
rire,  de  retour  à  Lonires,  et  réduit  à  vivre  de  ses  talents^  ira 
faire  lasala'ie  en  ville. 


Vérité  dans  la  pose;  ir-ais  le  deasiu  manque.  Néanmoins,  l'ap- 
proche du  jour  dcTao  permet  d'offrir  au  peintre  25Bolsde  s-jn 
tableau. 


REFUSÉ,  mais  avec  mention  lionorali'.e.  —  Le  corps  est  bien,  mais  la  tête  est  flattée. 


No  7. 


iTRENNES  rOUR  1f<f9. 


C  .-s  es  luisses  incunvcniintes  ont  été  mises 
hor-î  de 


Nouveau  modèle  de  pipe. 


Tabatière  à  attrappe. 


N»  10. 


1.  |:nS1lI<;\KM1  M    SILTL'EL. 

MÉDAILLE  D'On.  —  M.illicurenseinenl  c'est  aussi  le  prolil  de  Gra^snt. 
N"  H.  N"  d2. 


l'IF.K.I^E    DhLIDKvrE. 

Renvoyé  au  Jardin  d*-s  plantes. 


Bou'iULl  uir.it  udî  la  Presse  à  ses  abonnés. 


N"  15. 


GliANUt;  MlLu.WLI-E  DOR.  -  Ce  i  orlniil  aurait  en  le  (-t 
SI  l'urliale,  se  ccuiforniant  au  programme,  avait  dessiné  1"( 
semble. 


LIS    l'ItllllOT   liLl  VtUT    lililTEU    L'AI  .LE. 

I  Ct  tableau  a  été  retiré  du  concours  et  acheté  par  un  monsieur 

riche  tt  am:>nt  de  l'allégorie. 


N"  'ir;. 


.\"  ;c. 


L'aute.ir  est  assez  récom|.ee.sé  :  .1  .1  obt.nu  de  nomb-euscs  com- 
maiides  p"ur  la  Frai.ce  et  l'étrangtr. 


GlUM)  PRIX!!! 

La  ressemblance  est  saisissante.  La  lournuie  Une  et  les  manières  gracieuses  .lu  moil.le  sont  liicn  rendues. 
L'exécution  est  peut-être  un  peu  trop  lùdicc  :  le  prince  semble  avoir  un  paratonnerre  dans  le  dos. 

—  Acheté  par  la  reine  de  Portugal,  — 


REVUE  COMIQUE  A  L'USAf-E  DES  GENS  SÉRIEUX. 

LE  CHEVALIER  »K  LA  TRISTE  FIGDRB. 

PROBLÉHE  MATUEMATIQUE. 

Du  succt^s  (le  celui  (ju'il  avait  conilamné, 

D'un  zéro  que  l'on  encense, 

Emile  Girardin  se  montre  consterné. 

Les  discours  feraient  pitié, 

On  (lirait  un  fanlùme  errant  sur  les  ruines, 

Si  de  sa  rare  éloquence. 

Et  son  bit'me  visage  accuse  un  noir  cliaurin. 

Un  tiers  n'était  la  moitié. 

Le  fait  n'est  pas  nouveau:  l":imi  de  Sainl-Bcrain, 

A  toujours  eu  du  tristes  mines. 

VOTfZ  Nl-IIEBO  8. 

Lorsipron  nous  représente,  en  un  certain  local. 

DENEGAKON. 

Un  préti.'ndant  connu  par  m^iiule  peccadille. 

On  assure,  depuis  longtemps. 

Nous  nous  rappelons  tous  ce  refrain  musical  ? 

Que  l'autocrate  paye  à  beau'i  deniers  comptants 

Où  peut-on  être  mieux  qu'au  sciu  de  sa  f.iiiiille. 

Emile  Girardin.  Le  propos  est  niable. 

Le  Czar,  nous  le  pensons,  sait  mieux  placer  son  or. 

Amis,  lisez  la  Presse,  et  vous  serez  il'l(M;ord, 
Que  Girardin  est  impayable. 

(:O.MPL.\INTE 

LES  LOl'ANXES  DK  LA  PRESSE. 

BN     FAVF.IR     d'kMILE     DE    GIRARDIN. 

Depuis  que  Louis  Bonaparte, 

Est  appuje  par  vous,  Emile  Girardin, 

—  PREMIÈRE    P.^RTIE  — 

Du  pauvre  candidat  chaqui!  jour  on  s'écarte. 

L'éloge  de  la  Presse  engendre  le  dédain. 

Air  de  FualJts. 

Cependant  le  pouvoir  que  vous  vouliez  détruire, 

Sur  ses  rivaux  confus  est  prêt  à  l'emporter; 

Ecoulez,  peuples  de  France, 

A  notre  président  si  vous  clicrcliiez  à  nuire, 

Des  Baligoolles  aussi. 

Le  moyen  le  plus  sûr  était  de  le  vanter. 

Le  si  surprenant  récit 

D'une  histoire  où  la  décence 

N'a  rien  à  faire  Dieu  merci  ! 

En  raccourci  la  voici. 

DU    PEC  d'aide  fait  GRAND  BIEX. 

D'un  manifeste  vain  pourquoi  faire  tapage'? 

Autrefois  dans  les  afl'jires 

Grognards  impériaux,  cessez  d'en  être  tiers. 

Il  y  avait  un  certain 

Le  prioce  n'a  pas  seul  rédige  cette  page; 

Monsieur  Emile  Girardin, 

On  sait  que,  pour  écrire,  il  a  besoin  d'un  tiers. 

Journaliste  doctrinaire. 

Inventeur  du  bon  marché 

Pour  le  papier  imprimé. 

SDR  UNE  HL'SE  ATRABILAIRE. 

En  l'an  dix  huit  cent  vingt-huile, 

Ce  jeune  homme  eut  la  candeur. 

'Delpbine  Gay,  jadis  poêle  de  bon  (on. 

De  publier  le  f^oleur, 

L'autre  jour,  dans  un  leuilletou, 

Journal  assez  mal  écrite, 

Outragea  Cavaigoac,  et  le  traita  d'infime. 

Oiis  qu'il  n'y  eut  d'attrappé 
Qu'  l'actionnaire  et  l'abonné. 

Cette  amére  satire  esl-elle  d'une  femme"? 

En  voyant  tant  de  fiel  tristement  prodigué. 

Cbacun  se  dit:  ce  n'est  pas  gai. 

—  La  suite  au  numéro  prochain.  — 

^^^^0 

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TAliLEAU  UllISlUIUK. 


Les  deux  Scsie. 


Extrait  du  Litehaky-Pionier  journal  anglais.  — 


lori.i-VAiin  nr-  itki  uns. 


ao  ceiitlincM  lu   lUi-aiHoii. 


mr.  RiciiFLiEt',  rii 


indldons  < 

par  la  poste,  33  ceii 
lt;ilit>iis. 


de  la  SoascripUon.  -LaREVCE  coïiQDE  formera  un  maRnifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  50  liTraisons   à  30  centimes, 
.   33  ceiilimos.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  Lireci,  au  bureau  de  h  Revte,  2,  boulevard  des 


:  qui 
DUMIMX&AT.  ÉI>ITE1T&,  5»,  B.VT  miCHELIZU- 


a«  Livraison, 


Ce  petit  citoyen,  dont  la  France  se  mo(|ue, 
A  du  bonapartisme  arboré  le  drapean. 
Des  brillants  souvenirs,  qu'avec  bruit  il  évoque, 
Aux  campagnards  séduits  il  présente  l'appeau. 

El  pour  mieux  soutenir  son  candidat  baroque, 
Astucieux  serpent,  il  a  cliangé  de  peau. 
Du  vainqueur  d'Austerlilz  il  a  pris  la  défro  |U0  : 
La  redingote  grise  el  le  p  élit  chapeau. 

La  lorgnette  à  la  main,  en  général  hjbile. 

Il  contemp'e  le  champ,  souillé  d'encre  et  de  bile, 

Où  comb  ittent  Bugeaud,  Girardin  et  Véron. 

Ce  pygmée,  affublé  d'un  harnais  de  bataille, 
Espère  en  vain  grandir  sa  misérable  taille; 
Mais  ce  n'est  que  le  tiers  d'im  faux  Napoléon. 


Dessiné  par  Faeritziis. 


Gravé  par  Baulant. 


P«ri<.  —  Tire  OUI  pros. 


LA  SEMAINE. 


La  Semaine  se  précipita  tout  éplorce  à  mes  genoux. 

—  Relevez-vous ,  lui  dis-je  avec  bonté  ;  qu'y  a-t-il 
pour  votre  service? 

—  Sauvez-moi  du  déshonneur,  me  répondit-elle  en 
versant  des  larmes.  Je  suis  une  Semaine  perdue. 

—  Comment  cela? 

—  Il  est  question  de  rétablir  la  censure  dramatique. 
Quel  désespoir  pour  moi,  si  cela  arrivait  pendant  ma 
vie  !  Je  n'ai  pas  eu  le  moindre  banquet  à  présider;  que 
répondrai-je  donc  lorsque  mon  juge  souverain  me  de- 
mandera :  Qu'as-tu  fait  de  tes  huit  jours  d'existence? 

Faudra-t-il  que  je  lui  réponde  :  J'ai  rétabli  la  cen- 
sure  

—  Rassurez-vous,  ma  chère,  les  choses  n'en  sont  pas 
encore  là.  La  commission  des  théâtres  a  ses  inconvé- 
nients, sans  doute;  mais  elle  a  aussi  ses  avantages. 
Avec  elle  la  tyrannie  d'un  ministre,  celle  d'un  direc- 
teur des  beaux-arts  est  impossible.  Mais,  à  propos,  puis- 
que nous  parlons  de  théâtres,  dites-moi  donc  de  quoi  se 
plaignent  messieurs  les  directeurs  ;  tous  lessoirs  les  théâ- 
tres regorgent;  d'un  bout  du  boulevard  à  l'autre  depuis 
le  poulailler  de  la  Poule  aux  œufs  d'or,  jusqu'au  Val 
d'Andorre,  il  n'est  pas  un  théâtre  qui  ne  ferme  sa 
porte  au  nez  du  public  désappointé.  Est-ce  que  la  Ré- 
publique ne  serait  pas  aussi  ennemie  qu'on  le  dit  des 
arts  et  des  plaisirs? 

La  Semaine  essuya  en  souriant  ses  larmes  hypocri- 
tes, et  s'assit  à  mes  côtés;  causons  politique,  lui 
dis-je. 


—  Autant  dire  :  Causons  élections,  reprit-elle.  Les 
chances  continuent  d'être  pour  le  général  Cavaignac  ; 
la  marée  monte  de  ce  côté  ;  tout  le  commerce,  la  ban- 
que, la  vraie  banque,  M.  de  Rothschild,  M.Odier,  etc., 
voient  en  lui  la  seule  digue  à  opposer  aux  révolutions. 
—  Les  adresses  pleuvent  de  toutes  parts  ;  et  si  l'on  en 
croit  des  gens  qui  se  prétendent  bien  informés,  les 
campagnes,  si  affolées,  disait-on,  du  nom  du  prince 
Louis,  seraient  bien  loin  de  lui  être  acquises.  —  En 
voulez-vous  juger?  Lisez  la  Presse;  sa  rage  redouble  ; 
elle  s'use  les  dents  ;  elle  devient  idiote,  imbécile  de 
fureur.  Quand  on  sent  sa  force,  on  est  plus  modéré, 
fût-on  la  Presse. 

H  Emile  manque  décidément  de  tact  et  de  générosité, 
disait  hier  un  de  ses  amis.  Non  content  d'attaquer 
chaque  matin  le  général,  il  s'en  prend  aussi  à  son  père. 
Comment  voulez-vous  que  le  général  lui  réponde?  Les 
armes  ne  sont  pas  égales.  » 

Que  dites-vous  des  efforts  tentés  par  les  Baziles  du 
parti  bonapartiste  pour  faire  une  montagne  de  l'af- 
faire des  récompenses  nationales?  Et  quelle  souris  a 
enfanté  cette  montagne!  Le  triomphe  du  général 
Cavaignac  ne  leur  a  donc  pas  appris  que  chaque  ba- 
taille était  pour  eux  un  échec?  Il  manque  un  nom  à  la 
liste,  disait  un  bonapartiste  rouge;  c'est  <celui  du 
prince.  Sa  place  y  était  marquée  à  côté  de  celui  de 
Barbes.  Tous  deux  n'ont-ils  pas  conspiré?  Tous  deux 
n'ont  ils  pas  tué  un  soldat  français,  en  haine  de  Louis- 
Philippe? 


f.O 


REVUE  COMIQUE 


—  Ayez  donc  des  amis  ! 

Parlons   de    l'alliance   de    la    Montagne    et   de 

M.  Thiors.  M.  Lediu-Roliin  et  M.  Tliiers  s'entendent 
pour  s'abstenir  en  matière  de  République:  lequel  des 
deux  doit  avoir  plus  de  honte  de  servir  aux  desseins  de 
l'autre?  Quelle  est  la  dupe,  si  tous  les  deux  ne  sont  pas 
dupeurs? 

—  Et  les  pamphlets,  ma  chère  Semaine;  on  dit  que 
la  province  et  Paris  en  sont  inondés.  —  Et  cette  fois 
le  Gouvernement 

—  Le  Gouvernement!  ne  m'en  parlez  pas;  un  gou- 
vernement de  journalistes  qui  n'a  pas  un  journal  à  lui: 
qui  est  défendu  d'oflice  par  deux  ou  trois  amis  ;  qui  a 
pris  M.  Yéron  pour  un  homme  politique;  qui  ne  ré- 
pond pas  à  la  Presxe  jour  par  jour,  dans  In  Presse 
même,  et  qui  se  contente  de  démentir  dans  un  coin  du 
Moniteur  du  soir  les  innombrables  attaques  dont  il  est 
l'objet;  vous  faites  trop  d'honneur  à  un  gouvernemcnl 
comme  celui-là  ,  quand  vous  le  supposez  capable  de 
combattre  ses  ennemis  sur  leur  propre  terrain. —  Hélas! 
détrompez-vous.  Les  cordonniers  sont  toujours  mal 
chaussés. 

—  Et  le  Pape  ;  oubliez-vous  le  Pape'? 

—  Le  Pape"?  eh  bien  !  le  Pape,  chassé  de  Rome  par 
un  Bonaparte ,  n'a  jias  voulu  rentrer  en   France  tant 


que  la  question  de  la  Présidence  ne  sera  pas  vidée. 
Fuir  l'un,  pour  trouver  l'autre,  il  n'y  avait  pas  de 
quoi  rassurer  le  Saint-Père. 

Ail  !  j'oubliais:  on  a  lu  dans  la  Presse  du  8  : 

On  dit  qu'une  comniaude  considérable  de  bottes  à  double 
fond  vient  d'ôlre  faite  dans  un  très-grand  atelier  de  menui- 
serie. 

Nous  laissons  à  la  saga>:ité  des  électeurs  de  deviner  à  ([uel 
usage  sont  destinées  ces  boites. 

Est-ce  plus  bète  qu'ignoble?  est-ce  plus  ignoble  que 
béte?  Qui  pourrait  le  décider?  Des   boîtes   à   double 

fond  —  et  ce  double  fond;  double Girardin   que 

vous  êtes,  ce  double  fond,  ce  serait  donc  un  double 
fond  qui  saurait  lire,  qui  choisirait  les  votes,  tout  seul, 
à  mesure  qu'ils  tomberaient  dans  l'urne.  La  belle  in- 
vention que  ce  dcuible  fond  !  M.  de  Girardin  devrait 
bien  avoir  un  double  fond  de  ce  genre  à  la  boite  où  i 
laisse,  pendant  le  jour,  cuver  ses  calomnies;  entre 
toutes,  il  choisirait  au  moins  les  vraisemblables. 

—  Que  tu  es  candide  à  ton  tour,  chère  Semaine  ! 
Les  électeurs  du  prince,  demande-le  au  prince  lui- 
même,  ses  électeurs  peuvent  tout  croire  :  ils  croient 
en  lui. 


La  République  éUnt  justement  dans  son  ncu\iéme  mois,  monsieur  Vipérin,  journaliste  venimeux, 

que  nous  connaissons  trop,  lui  présente  à  l'improvistc  un  monstre 

pour  la  faire  avorter. 


Mais  ciinn.  dilcs-moi  un  pou  |iouri]uoi  vous  uomniei  Louis-Najioîéou". 
DamI ma  feinrao  aime  beaucoup  les  oiïCiuT. 


Ce  qu'il  y  a  dans  le  sac,  on  n'en  sait  rien  ;  mais  voyez 
l'étiquette. 


—  Une  idée  l  si  je  nommais  Napoléon-Landais  î . . . 

Ma  foi,  non!...  ce  Napoléon-là  sait  un  peu  le  français  ;  il 

n'aurait  qu'à  nous  faire  des  calembours  î. . , 


Dessiné  par  BERT.iii. 


Gravé  par  Leblanc. 


62 


REVUE  COMIQUE 


LES   PARVENUS. 


«  Voulez-vous  parler  raison  ? 

—  Volontiers;  je  suis  un  homme  de  poids. 

Je  n'en  doute  pas.  Vous  votez  pour  Louis  Boua- 

paite  ? 

—  Certes. 

—  Peut-on  vous  demander  pourquoi"? 

—  Je  vous  le  permets. 

—  En  votant  pour  le  prince,  prétendez-vous  protes- 
ter contre  la  République? 

—  Dieu  m'en  garde  ! 

—  Alors,  vous  avez  pour  lui  une  sympathie  person- 
nelle? 

—  Pas  la  moindre. 

—  Vous  le  tenez  au  moins  pour  un  homme  de  ta- 
lent ? 

—  Je  sais  que  c'est  un  bien  pauvre  sire. 

—  Alors,  pourquoi  diable  lui  donnez-vous  votre 
voix  ? 

—  Parce  que  c'est  un  nom. 

—  Qu'est-ce  que  vous  entendez  par  là? 

—  J'entends  que  Louis  Bonaparte  n'est  pas  le  pre- 
mier venu;  que  c'est  un  homme  comme  il  faut,  un 
prince! 

—  Il  faudrait  peut-être  parler  beaucoup  pour  vous 
prouver  que  cette  idée  n'est  rien  moins  que  républi- 
caine; mais  passons.  Quel  besoin  avez-vous  que  le 
président  de  la  République  soit  un  prince  ? 

—  Quel  besoin? 

—  Oui,  répondez. 

—  Je  veux  pour  président  un  prince  par  égard  pour 
moi-même  ;  ma  propre  considération  y  est  engagée. 
Voulez-vous  donc  que  je  reconnaisse  pour  chef  su- 
prême de  l'État  M.  Pierre  ou  M.  Paul  tout  court? 

—  Pourquoi  pas,  si  M.  Pierre  ou  M.  Paul  tout  court 
a  fait  ses  preuves. 

—  Preuves  ou  non,  c'est  toujours  M.  Paul  ou 
M.  Pierre  ;  et  comment  voulez-vous  qu'un  homme 
comme  moi... 

—  Qu'est-ce  que  vous  appelez  un  homme  comme 
vous? 

—  Monsieur  !... 

—  Vous  avez  dit  que  nous  allions  parler  raison. 

—  Soit.  L'n  homme  comme  moi  !  mais  sachez  que 
j'ai  gagné  un  million  dans  mes  opérations  commercia- 
les; j'ai  une  voiture  et  un  valet  de  chambre;  je  dine 
bien,  j'ai  du  ventre  ;  je  porte  une  grosse  épingle  eu  dia- 
mant et  des  breloques.  Voilà  ce  que  c'est  qu'un  homme 
comme  moi  ! 

—  Et  monsieur  votre  père  était  sans  doute  un  duc 
ou  tout  au  moins  un  marquis? 

—  Mon  père  était  un  simple  ouvrier,  monsieur!  Il 
ne  m'a  pas  laissé  un  sou,  monsieur!  J'ai  fait  ma  for- 
tune peu  à  peu,  jour  par  jour,  à  force  de  travail ,  et, 


j'ose  le  dire,  grâce  à  quelque  pou  d'intelligence.  Je 
suis  le  fils  de  mes  œuvres,  monsieur! 

—  Kt  cela  fait  votre  éloge. 

—  Je  le  crois  bien.  Je  m'appelle  Funiichou  tout 
court,  moi!  Mais  parlez  de  Fumiclion  à  qui  vous  vou- 
drez dans  le  commerce,  et  l'on  vous  dira  si  ma  signa- 
turc  ne  vaut  pas  mieux  que  bien  d'au  très  plus  brillantes. 

—  Eh  bien,  M.  Fumiclion  tout  court,  soyez  un  peu 
conséquent  avec  vous-même. 

—  Comment? 

—  Trouvez-vous  raisonnable,  vous  Fumichon,  lils 
de  vos  œuvres,  de  vouloir  pour  président,  tin  nom, 
c'est-à-dire  un  homme  qui  soit  (ils  des  œuvres  d'autrui? 

—  Permettez.... 

—  Ne  protestez-vous  point  par  là  contre  votre  pro- 
pre fortune  ? 

—  Cependant  il  me  semble  que  la  politique.... 

—  Qu'est-ce  que  vous  direz  sur  la  politiciue?  Pen- 
sez-vous par  hasard  qu'il  soit  plus  facile  de  gouverner 
un  État  comme  la  France  que  de  gérer  la  maison  de 
commerce  Fumichon  et  compagnie? 

—  Je  suis  loin  de  le  penser. 

—  S'il  vous  eijt  fallu  confier  la  gérance  de  votre 
maison  à  quelqu'un,  auriez-vons  pris  un  nom  ou 
un  homme  capable? 

—  Dans  le  commerce,  la  capacité  avant  tout;  c'est 
ainsi  qu'on  fait  les  bonnes  maisons. 

—  Les  bons  gouvernements  se  font  de  la  même  ma- 
nière ;  est-il  besoin  de  vous  le  prouver? 

—  C'est  clair  comme  le  jour. 

—  En  serez-vous  plus  avancé ,  quand  le  président 
de  la  République  s'appellera  le  prince  Louis  ou  le  prince 
de  Saint-Amaranthe ,  si  ce  président  est  un  niais  et 
que  le  pays  soit  sens  dessus  dessous  ? 

—  Il  est  certain  que  non. 

—  Eu  serez-vous  plus  lier  quand  vous  pourrez  vous 
Jire  :  —  Mes  correspondants  ont  fait  faillite,  c'est  vrai  ; 
je  suis  ruiné ,  c'est  encore  vrai  ;  mais  du  moins  ce  n'est 
pas  M.  Pierre  ou  M.  Paul  qui  habite  l'hôtel  de  la  pré- 
sidence, c'est  le  prince  de  Saint-Amaranthe. 

—  Hélas  non  ! 

—  Vous  êtes  un  bon  homme  au  fond,  mais  en  de- 
mandant un  prince,  vous  avez  cédé  à  un  sentiment 
d'orgueil  irréfléchi,  mais  ordinaire  aux  parvenus.  Je 
prends  le  mot  dans  sa  bonne  acception.  Vous  êtes  un 
parvenu,  M.  Fumichon  ,  c'est-à-dire  un  homme  qui 
doit  tout  ce  qu'il  est  à  sa  propre  capacité,  et  la  juste 
estime  que  vous  en  avez  conçue  pour  vous-même  doit 
vous  faire  estimer  les  autres  parvenus  comme  vous. 
Parvenus  dans  le  commerce ,  parvenus  dans  la  poli- 
tique ,  dans  la  littérature ,  dans  les  arts  ,  dans  l'armée, 
la  République  est  le  règne  des  parvenus.  Injuste  pour 
eux  ,  vous  n'avez  pas  le  droit  d'être  juste  pour  vous. 


A  i;US\r.E  DES  GENS  SIÎRIEUX. 


f)3 


—  Vous  pourriez  bien  avoir  raison. 

— Cette  vrritéotaitdéjà  vieille  ilu  temps ilcl" Encyclo- 
pédie; mais  les  mœurs  sont  toujours  en  relard  d'un 
siècle  sur  les  idées  ,  voilà  poiu(iuoi  il  faut  tant  répéter 
lesclioses.  Uappeicz-vous  .seulement  (pie  vous  ,  l'"umi- 


chon,  fils  d'ouvrier,  enrichi  par  votre  travail ,  et  au- 
jourd'liui  un  homme  considérable,  vous  ôtes  la  glori- 
fication vivante  de  la  démocratie  et  la  condamnation 
des  princes.  .Ne  l'oubliez  pas  rpiand  vous  écrirez  votre 
bulletin  !  C.  C. 


h\  POLITIQUE  DK  DETAIL. 


I.e  Spee/iilnr,  un  dos  jouniaux:  les  plus  sérieux  et 
les  plus  iniluents  de  r.\iiglelerro,  publie  sous  le  litre, 
lu  /'oli/if/iie  (la  Détail,  de  très-curieuses  et  très  origi- 
nales réilexions  dont  riuimeur  n'exclut  ni  la  justesse, 
ni  la  raison,  (let  article  est  évidemment  de  Carlyle, 
écrivain  et  philosophe,  justement  renommé  chez  nos 
voisins;  nous  la  traduisons  littéralement.  M.  ïliiers. 
M.  Lamartine  et  le  général  Cavaignac  pourront  trouver 
leur  profit,  sinon  leur  compte,  dans  la  lecture  de  celte 
appréciation  de  chacun  d'eux,  faite  par  un  des  esprits 
les  plus  éminents  de  rAngleteire. 


Les  liommcs  d'État  de  ce  temps-ci  manquent,  généralement, 
d'idées  larges  et  bitn  définies,  et  sont  surtout  incapables  d'un 
dévouement  absolu.  Ils  font  palriolcs,  jusqu'à  une  certaine 
limite,  suivant  l'enjeu  qu'il  faut  risquer.  Lamarline,  tout 
poétique  qu'il  est,  ne  s'aventurera  pas  dans  la  bataille  élec- 
torale pour  la  présidence  de  la  République,  sans  prendre  ses 
garanties  contre  le  ridicule.  Tliiers,  son  aiUipode,  ne  peut  s'é- 
lever au-dessus  des  questious  purement  nialériellis;  sa  plus 
haute  philosophie  n'est  que  de  l'crononiie  politiciue  d'occa- 
sion. 11  y  a  peu  d'hommes  de  celle  classe  qui  brûleraient  leurs 
vaisseau.i  derrière  eux.  Lepoëte  patriote  lui-même  a  toujours 
ro'il  sur  son  domaine.  Il  en  rcnille  ([ue  dans  la  confusion  où 
l'Europe  est  jetée,  il  ne  se  présente  pas  un  h  omme  qui  puisse 
j^uider  le  peuple  et  le  rallier  autour  de  ses  drapeaux,  an  nom 
d'un  grand  sentiment  qui  leur  soit  commun  ;  il  n'y  en  a  pas 
un  qui  soit  prêt  à  périr  à  la  tSche ,  qui  fasse  même  les  sacri- 
fices qu'exige  le  succès.  Il  n'y  a  pas  de  Curtius  prêt  à  se  dé- 
vouer pour  le  triomphe  de  tous.  Et  ce  n'est  pas  seulement  à  lu 
France  <iue  s'appliquent  ces" observations:  il  en  est  de  môme 
en  Allemagne.  Les  chtfs  du  pays  ne  pensent  qu'à  eux  et  à 
leurs  idées  plus  ou  moins  bizarres;  chaque  prince  n'est  oc- 
cu  pé  que  de  ce  qu'il  peut  sauver  pour  lui  et  sa  famille.  Tout 
a  été  détruit,  mais  personne  n'a  un  plan  d'action  bien  étudié, 
et  ce  plan  exislàl-t-il,  son  auteur  ne  risquerait  pas  tout  ce 
qu'il  possède  pour  l'exécuter. 

li  n'en  était  pas  ainsi  autrcf^'is.  11  ne  faut  pas  remonter 
bien  loin  pour  trouver  des  exemples  de  ces  fermes  résolutions, 
de  ces  volontés  de  fer,  de  celte  persévérance  indomptable  il  i 
immortalisent  les  héros  et  entraînent  les  peuples  aux  plus 
grandes  actions.  Napoléon  savait  mettre  des  trônes  pour  en- 
jeu afin  de  gagner  des  empires.  Avant  lui ,  Robespierre  mar- 
chiiit  à  son  bul,  à  travers  le  sang  et  les  haines.  Nelson,  quand 
il  avait  arrêté  son  plan  de  bataille,  ri^qu3it  une  flotte  four 
une  victoiie.  Consultez  l'histiire,  et  vous  verrez  tous  les 
grands  hommes  non-seulement  risquer  leur  vie  (c'est  ce  que 
font  tous  les  jours  les  agents  de  police,  au  milieu  des  disputes 
d'hommes  ivres),  mais  accept  r  toutes  les  conséquences  de 
leurs  actes.  Cromwell,  la  Bible  d'une  main,  l'épée  de  l'antre, 
n'aurait  point  été  arrèlé  par  un  lion.  Pour  lui,  il  n'y  avait  qcc 
la  victoire  ou  la  défaite,  le  iricir.phe  ou  la  dcslinciitn.  Bruns 
m  arcbait  a  Philippes.César  passait  le  Rubicon  avec  cette  résolu- 
tion qui  fait  les  héros,  de  vair.cre,  et  csrs  icus  Us  cas  dt  n  :  i 
cher  en  avant.  C'est  l'audace  qui  a  sanvé  Tbémistocle  ;  Venise- 


aurait  pi-ri  à  Chio/,za  sans  des  sacrifices  dése.'prrés  de  sang  et 
d'argent;  et,  de  nos  joitr'.s,  Washington,  abandonné  par  pres- 
que toutes  ses  irorrpes,  dont  11  ne  lui  restait  plus  qu'un  faible 
noyau ,  est  parvenu  à  maintenir  le  blocus  de  Boston  avec 
l'ombre  f;'une  arn  ée ,  et  à  battre  le  général  Gage  avec  les 
seules  fjrces  d'une  volonté  inflexible.  Washington  était  un 
colonel  diins  l'armée  anglaise,  il  avait  une  certaine  fortune,  et 
une  grande  dose  de  prudence;  eh  bien!  il  a  tout  risqué,  sa 
vie,  son  rang,  sa  fortune;  rien  ne  l'a  arrêté;  il  a  toujours  été 
en  av.inl,  et  c'est  ainsi  que  souvent,  sans  argent,  sans  armée, 
même  sans  espoir,  il  est  parvenu  à  faire  passer  tant  bien  que 
mal,  à  ses  concitoyens,  les  jours  de  tribulations,  et  à  fonder 
une  républiciue  en  dépit  de  la  Grande-Bretagne. 

Mais  de  telles  vertus  ne  conviennent  pas  à  notre  système  de 
détail.  Nous  ne  les  trouverons  que  parmi  Jes  gens  qui  ne  sont 
guère  err  renom  aujourd'hui:  les  barbares  Croates,  les  Ita- 
liens, si  dégénérés,  qu'ils  se  ressentent  encore  de  l'ancienne 
domination  militaire  du  moyen  âge,  les  Arabes  algériens,  qui 
ont  coûté  tant  de  sang  à  la  France. 

Cavaignac,  avec  ses  rudes  façons  de  soldat,  nous  parait 
marqué  de  ce  cachet  héroïque,  ([ui  a  presque  entièrement 
disparu  de  nos  jours.  Dans  les  grandes  occasions,  et  dans  les 
questions  de  sa  compétence,  il  s'est  montré,  indépendamment 
des  règles  de  la  politique  technique,  doué  d'une  résolution 
inébranlable.  Il  va  droit  au  but,  sans  s'inquiéter  du  bruit  qui 
se  fait  autour  de  lui.  Chargé  de  défendre  Paris,  il  le  défend 
suivant  les  règles,  sans  égard  aux  reproches  et  aux  objections 
des  hommes  de  robe.  Calomnié,  il  .défie  ses  adversaires  et 
mar-cbe  à  la  tribune  comme  il  marcherait  au  canon.  Il  ne  re- 
doute pas,  lui,  les  conséquences.  Orateur  des  plus  médiocres, 
il  étonne  tout  d'un  coup  Paris  par  l'éloquence  de  sa  défense, 
le  vulgaire  confondant  l'éloquence  des  faits,  de  la  détermina- 
tion, des  réalités,  avec  l'adresse  du  langage.  Cavaignac  ne 
connaît  que  les  faits,  et  les  enfonce  jusqu'à  la  gorge  dans  la 
bouche  béante  de  ses  adversaires.  Là  où  il  prend  sa  position, 
il  demeure  sans  que  rien  puisse  l'en  arracher;  vous  pouvez 
le  couper  en  pièces',  mais  non  le  faire  reculer.  Sa  force  ne  re- 
pose pas  sur  des  subtilités,  c'est  contre  le  fait  brutal  que 
ceux  qui  luttent  contre  lui  doivent  absolument  se  heurter.  Ses 
idées  ne  s'étendent  ni  ne  s'égarent  contre  son  gré;  elles  sont 
positives;  toute  sa  puissance  est  toujours  au  service  de  sa 
résolution  ;  s'il  est  déterminé  à  s'abstenir,  rien  au  monde  ne 
le  fera  mouvoir;  s'il  veut  frapper,  il  frappe  de  toutes  ses 
forces  et  le  sabre  arrive  jusqu'aux  os.  Il  ne  s'atlache  pas  aux 
petits  avantages,  aux  profils  de  détail,  il  lui  faut  toutou  rien. 
Toutes  les  fois  que  son  ministère  s'est  jeté  dans  des  combi- 
naisons de  détail,  soyez  sur  que  Cavaignac  ne  l'a  pas  suivi. 
C'est  un  soldat,  ce  n'est  pas  un  boutiquier.  C'est  lui  qui  le 
premier  a  jeté  l'ordre  au  milieu  de  l'anarchie;  de  la  lame  de 
son  sabre  a  lui  le  premier  éclair  de  paix  dans  cette  tempête 
sanglante;  son  canon  a  dominé  le  chaos  et  a  annoncé  le  réta- 
blissement du  pouvoir  dans  l'Ét;.t.  En  marchant  droit  au  but 
sans  que  rien  l'ait  arrêté,  le  soldat  est  arrivé  à  un  résultat 
que  le  rci-détaillant  n'avait  pu  atteindre  en  cherchant  à  sub- 
stituer les  ressources  de  l'intrigue  à  la  puissance  de  la  force. 
Louis-Plrilippe  a  pu  être  un  excellent  instrument  poirr  des 
temps  tranquilles  et  heureux  ,  mais  il  ne  pouvait  plus  servrr 
au  moment  d'une  grande  crise  nationale. 


Audaces  foi-tuna  juviit. 


Dc»iiié  par  Otto. 


Cruvé  par  DliEVlliKli. 


REVUK  COMIQIIK  A  I/l'SAGE  DES  GENS  S|::UIKlix. 


65 


SAINT  CimiSTOPlIli  ET  LA  Ri:i'LTiLlQLI-: 


En  tc  loiiips-li  il  y  avait  un  liiMiiiiii'  ipii  s'appelait 
(',luiï.ti)plie,  cl  voici  |)our([iioi  : 

O'iitail  un  géant  qui  faisait  métier  do  passer  les  voya- 
geurs qui  voulaient  traverser  un  lleuve  à  un  endroit  où 
il  y  avait  un  gué. 

l'n  jour  qu'il  était  assis,  attendant  les  prati(|ues,  il 
vit  venir  vers  lui  un  tout  petit  enfant  qui  lui  demanda 
s'il  croyait  pouvoir  le  porter  sur  ses  épaules  jusciu'à 
l'autre  rive.  Le  géant  sourit  à  cette  question,  lui  dit 
qu'il  avait  porté  de  bien  plus  lourds  fardeaux  que  lui; 
et  il  le  prit  et  le  mit  sur  ses  épaules. 

Mais  à  mesure  qu'il  avançait  dans  le  gué,  le  poids 
devenait  de  plus  en  plus  lourd;  et  enfin,  succombant 
sous  le  fardeau,  il  n'arriva  qu'avec  une  peine  et  une 
fatigue  extrêmes  à  la  fin  de  sa  tiîche. 

Cet  enfant  était  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  et  c'é- 
tait l'intelligence  qui  écrasait  la  matière.  C'est  pourquoi 
cet  homme  l'ut  saint. 

Dans  ce  temps-ci,  un  autre  tout  petit  enfant  d'un  an  à 
peine  eut  un  instant  la  fantaisie  de  se  faire  porter  à  un 


passage  très-périlleux,  sur  les  épaules  d'un  iiomniequi 
ne  s'appelait  pas  Christophe,  mais  qui  était  le  neveu 
d'un  géant.  Celui-ci  était  présomptueux,  il  accepta. 

Il  croyait  la  chose  d'autant  plus  facile  que  son  oncle 
le  géant  avait  pendant  quelque  temps  porté  la  sœur 
aînée  de  la  petite  fille,  et  que,  fatigué  de  la  porter,  il 
avait  fini  par  la  manger.  Mais  il  était  si  grand  et  si  fort 
(ju'on  jiouvait  bien  lui  passer  ce  caprice. 

Le  neveu  du  géant  espérait  trouver  une  occasion 
pour  en  faire  autant.  Mais  le  téméraire  n'avait  pas  les 
forces  de  son  oncle  ;  il  ne  lit  que  quelques  pas,  trébu- 
cha, et  s'engloutit  au  fond  de  l'eau  pour  ne  plus  repa- 
raître jamais. 

Pour  ce  (juiestdu  petit  enfant,  après  avoir  fait  un  geste 
d'adieu  moqueur  à  ce  pauvre  homme,  il  passa  lestement 
tout  seul  de  l'autre  côté,  et,  arrivé  sur  la  rive,  il  gran- 
dit, grandit,  que  c'était  U[i  plaisir  pour  tout  le  monde 
de  le  voir. 

Personne  ne  se  soucia  plus  du  pauvie  homme,  qui 
depuis  resta  toujours  au  fond  de  l'eau. 


'l'^^ll 


G6 


REVUE  COMIQUE 


-  La  Jievue  comique  l'appelle  une  oie,  —  mais  ce  tt'est  pas  une 
oie,  car  le  beau  d'une  oie  est  de  sauver  le  Capitole,  et  celui-là 
en  est  incapable. 


—  Tout  cela  n'empêchera  pas  Mosieu  de  voter  pour  lui. 


LES  CLUCS  EN  PLEIX  YENT. 


^ i te  lieux  Ikiiicï.-,  qiinlrc  plantlies,  un  Iréleau,  un 
échafaudage  quelconque,  l'aris  ne  saurait  se  passer 
plus  longtemps  de  huslings. 

A  tous  les  coins  de  rues ,  sur  les  places  publiques, 
dans  tous  les  carrefoui's,  sur  les  boulevarls,  nous 
avons  des  clubs  en  plein  air  où  l'on  discute  les  candi- 
dats à  la  présidence,  mais  ce  sont  des  clubs  de  conver- 
sation, la  tribune  y  manque,  que  voulez-vous  que 
fasse  un  orateur  ? 

11  s'épuise  au  milieu  des  groupes,  il  argumente  à 
droite,  il  argumente  à  gauche,  il  discute  des  pieds,  des 
mains,  des  coudes,  mais  sa  voix  meuit  étouffée  dans 
la  foule  ;  il  n'a  pas  le  libre  jeu  de  son  argumentation, 
son  éloquence  reste  inutile  comme  une  épée  qu'on  a 
à  son  côté,  mais  qu'on  ne  peut  tirer  du  fourreau.  Si 
au  moins  auprès  de  l'orateur  il  y  avait  une  borne  ! 
mais  la  borne  a  été  supprimée  depuis  longtemps  par 
les  progrés  de  l'édilité,  ce  n'est  plus  qu'une  illusion, 
nne  métaphore,  un  trope,  un  souvenir! 

Je  ne  comprends  pas  le  suffrage  universel  sans  les 
hustings. 

Vous  voulez  donc  naturaliser  en  France  les  orgies 
électorales  de  l'Angleterre  et  de  l'Amérique  ?  Quoi  ! 
nous  verrions  au  milieu  de  notre  Paris  civilisé,  se  re- 
nouveler sur  un  cirque  de  quatre  pieds  carrés  les 
cruautés  du  paganisme  ?  Ici  c'est  un  orateur  qu'on  la- 
pide, là  deux  orateurs  se  prcnnentau.t  cheveux,  et  font 


de  l'escrime  à  poing  formé.  Ilurrah  [)our  le  gladiateur 
rouge!  bravo  pour  le  gladiateur  tricolore.  Celui-ci  a 
le  nez  écrasé,  le  front  de  l'autre  est  ouvert,  ^"y  aura- 
t-il  pas  dans  la  foule  quelque  âme  sensible  pour  lever 
le  pouce  et  mettre  un  terme  à  ce  combat  ?  Laissez  donc, 
le  peuple  souverain  s'amuse,  il  est  venu  ici  pour  voir 
tirer  la  savate  électorale,  il  ne  s'en  ira  pas  avant  d'avoir 
vu  cinq  ou  six  orateurs  sur  le  carreau;  le  peuple  ne 
demande  que  punem  et  circenses,  plaies  et  bosses. 

L'origine  des  hustings  se  perd  dansia  nuit  des  temps  ; 
le  jour  où  Diogèue  dressa  sur  son  toimeau  deux  plan- 
clies  transversales  et  se  servit  decette  tribune  pour  par- 
ler aux  citoyens,  il  inventa  les  hustings.  Ne  soyons  pas 
plus  fiers  que  les  Athéniens,  et  ne  faisons  pas  fi  de  cotte 
éloquence  qui  ne  déguise  rien,  et  qui  ne  craint  rien. 
Les  Anglais  et  les  Américains  dont  vous  parliez  tout 
à  l'heure,  nous  valent  bien  sans  doute,  et  ils  trouvent 
tout  naturel  que  des  candidats  qui  après  tout  se  font 
les  solliciteui-s  du  peuple,  lui  adressent  leur  requête 
avec  les  formes  qui  peuvent  lui  plaire,  et  dans  la  langue 
qu'il  connaît. 

Nous  n'eu  sommes  pas  encore  là.  Les  candidats  ne 
descendront  pas  cette  fois  sur  la  place  publique,  mais 
ils  y  viendront  tôt  ou  tard  ;  il  serait  absurde  d'en  dou- 
ter, et  puéril  de  le  craindre.  Il  y  a  vingt  ans  que  les 
hustings  préservent  l'Angleterre  des  barricades. 

Et  d'ailleurs  ces  clubs  en  plein  vent,  ces  réunions 


A  i;ilSACF,  DIvS  f;ENS  SI^IUIKIIX. 


07 


ipii'  nous  voyons  se  former  le  soir,  ù  l'iunire  de  lu  ces- 
siilion  (les  Inivaiix  ,  smil-ils  nu  fond  plus  |mciri([iies, 
plus  digues  ([iif  les  iiustiiif;s?  Non,  mille  l'ois  non.  l.à 
les  trois  quarts  des  audileurs  n'aperçoivent  pas  l'orn- 
teur  en  face;  là  les  l)rij;ues  et  les  menées  ont  beau 
jeu  ;  ce  que  Diogène  lui-nic^mc  n'eiU  pas  osé  dire  du 
iiaut  de  sa  tribune  en  plein  soleil,  on  le  murmure  tout 
l)as,  on  ne  clierclio  pas  à  émouvoir  le  peuple,  mais  à 
le  séduire.  I/intrigue  circule  dans  les  groupes;  l'élo- 
quence seule  agit  sur  les  hustings.  Quelle  éloquence, 
bon  Dieu  !  Qu'importe  ,  nous  ne  sommes  pas  des  pro- 
fesseurs de  rbétoriiiue,  et  j'aime  bien  mieux  entendre 
un  mauvais  discours  ,  que  de  ne  pas  entendre  ce  que 
certaines  bouches  peuvent  glisser  à  l'oreille  des  gens 
ignorants  au  milieu  d'un  rassemblement. 

Mais  d'où  vous  vient,  mon  pauvre  ami,  cette  joue 

enllée-? 

—  J'ai  perdu  deux  dents  à  la  porte  Saint- Denis,  à 
vouloirdire  quelques  niotsen  favenrde  Louis-Napoléon. 

—  Et  vous,  mon  brave,  pourquoi  ce  tatouage  au- 
dessous  de  l'a'il  '? 

—  Parce  que  j'ai  essayé  sur  la  place  de  la  Bourse  de 
convertir  quelques  ouvriers  aux  idées  napoléoniennes. 

Des  dents  brisées,  des  yeux  pochés,  des  nez  écrasés 
par  la  politique,  on  n'entend  plus  parler  que  de  cela 
depuis  que  les  clubs  on  plein  veut  existent.  De  ce  côté- 
là  ,  ils  n'ont  déjà  rien  à  reprocher  aux  hustings.  Si 
après  l'élection  du  président,  on  faisait  un  relové  des 
blessés  des  diverses  candidatures ,  je  suis  sur  qu'on  en 


trouverait  pour  le  moins  autant  h  Paris  qu'à  Londres 
ouàNew-Yorck.  Seulement,  bien  plus  philanthropique 
que  l'Angleterre  ou  l'Amériiiue,  la  France  trouverait 
alors  dans  son  sein  un  citoyen  pour  proposer  de  con- 
vertir les  Tuileries  en  hôtel  des  invalides  électoraux. 

Les  clubs  les  plus  noiid)reiix  sont  ceux  qui  se  réu- 
nissent sur  les  boulevarts  et  sur  la  place  de  la  Bourse. 
Celui  de  la  place  Vendôme  est  entièrement  composé  de 
domestiques.  La  haute  cl  i)asse  livrée,  l'office  et  l'an- 
tichambre, les  marmitons  et  les  suisses  s'y  réunissent 
non  point  pour  discuter,  leur  vole  est  acquis  quand 
même  au  prince  Louis,  mais  pour  le  saluer  à  son  pas- 
sage. C'est  escorté  de  ces  acclamations  touchantes  qu'il 
se  rend  à  l'Assemblée  nationale  lorsqu'il  s'y  rend  ,  ce 
qui  lui  est  bien  ariivc  trois  fois  depuis  sa  rentrée. 

Le  badaud  abonde  dans  les  clubs  en  plein  vent,  le 
badaud  nuit  essentiellement  à  l'orateur.  11  demande 
sans  cesse  :  Qu'y  a-t-il'?  Qu'est-ce?  Qu'enlendez-vous 
par  là  ?  N'est-ce  pas  que  l'Empereur  n'est  pas 
mort?  etc.,  etc.,  etc. 

Je  sais  bien  qu'on  leur  répond  on  général  par  des 
renfoncements,  mais  à  la  longue  les  renfoncements 
même  fmissent  par  paraître  médiocrement  comiques. 
Aussi  jusqu'à  présent  les  clubs  en  plein  vent  n'ont-ils 
pas  tout  le  succès  qu'on  pouvait  en  attendre.  Le  cu- 
rieux commence  à  les  dédaigner;  l'hcmme  timide  les 
évite,  vous  verrez  que  bienlôt  ils  dégénéreront  en  forum 
do  gobo-nionchos  et  de  nouvellistes.  Ils  remplacent 
l'ancien  arbre  do  C.racovie. 


LE  PARTI  DES  DOMESTIQUES. 


C'est  un  parti  nombreux  ot  important,  et  qu'il  n'est 
point  facile,  quoi  qu'on  on  dise,  do  faire  voler  contre 
ses  opinions. 

Mais  quelles  sont  ses  opinions? 

Pour  cola,  je  l'ignore,  tout  ce  que  je  puis  vous  dire, 
c'est  que  la  livrée  pense,  la  livrée  agit,  la  livrée  est  un 
parti,  demandez-le  plutôt  à  l'ancien  régime.  Les  deux 
plus  grands  ennemis  de  l'aristocratie  ont  été  les  philo- 
sophes elles  valets.  La  révolution  se  fit  le  jouroù  Figaro 
emporta  d'assaut  la  bastille  du  Théâtre-Français. 

La  livrée  cependant  n'était  point  unanime;  mais  où 
est  l'unanimité?  Crispin,  Frontiii,  Jasmin,  Lafleur 
endossèrent  la  carmagnole  révolutionnaire,  tandis  que 
Bourguignon,  Dubois,  Laverdure,  Bemy,  la  Jeunesse 
passèrent  le  Rhin  avec  l'émigration,  se  cachèrent  dans 
les  caves  de  leurs  anciens  maîtres,  ou  portèrent  leur 
tète  sur  l'échafaud.  Ils  tenaient  à  leurs  privilèges  et 
ne  voulaient  pas  déposer  leurs  galons  sur  l'autel  de  la 
patrie. 

Crispin,  Frontin,  Lafleur,  Jasmin,  Pasquin,ont  de- 
puis longtemps  quitté  le  service.  La  révolution  leur 


ouvrait  une  carrière  brillante,  ils  l'ont  suivie,  et  c'est 
poiit-ètre  un  des  plus  utiles  bionfails  de  cette  révolu- 
lion  d'avoir  aboli  celle  domesticité  effrontée,  intri- 
gante, mendiante,  cynique,  s'essayant  à  l'égalité  par 
l'égalité  des  vices,  faisant  descendre  l'aristocratie  à  son 
niveau,  tyrannisant  les  familles  dont  elle  possédait  tous 
les  secrets,  remplaçinl  enfin  le  confesseur  par  le  valet. 
Tartufe  par  Pasquin. 

Mais  ne  nous  laissons  point  emporter  au  vol  de  la 
philosophie;  pmdo  majora  cancamis,  prenons-le  sur  un 
ton  plus  modeste. 

Vous  fignroz-vous  le  jour  où  ce  pauvre  la  Jeunesse 
sortit  enfin  de  ce  souterrain  où  il  avait  passé  les  cruel- 
les années  de  la  terreur,  ce  trou  sombre  où  la  petite 
laitière  du  château  venait  chaque  matin  ,  au  péril  de 
sa  vie,  lui  apporter  sa  nourriture?  Et  Dubois,  l'in- 
tendant Dubois,  et  Bourguignon,  le  valet  de  pied  gras 
et  fleuri?  on  vient  leur  dire  tout  d'un  coup  qu'ils  sont 
libres,  qu'ils  peuvent  se  montrer  au  grand  jour,  que 
personne  ne  demande  plus  leur  tète  !  Les  voilà  qui  sor- 
tent de  leur  cachette ,  et  leur  premier  soin  est  de  se 


REVUE  COMIQUE 


La  Grenouille  et  le  Bauf. 


LE  PRINCE  POUR  RIRE,  parle  a  haute  voix  en  arpentant  son  salon 
à  grands  pas. 

De  Itclat  de  mon  nom  le  peuple  est  ébloui. 
l'écuo Oui. 

Âussî<«es  buUelins  porteront  tous  mon  noiu, 
L'ÉCHO Non. 


rendre  au  château  ou  à  l'hôtel.  Bien  souvent  le  châ- 
teau est  hnilé,  l'iiôtel  en  ruine  ;  les  maîtres  sont  ah- 
sents  ou  morts.  La  Jeunesse,  Duhois  et  Bourguignon 
ne  sont  plus  les  domestiques  de  personne,  c'est  tjgal, 
leur  premier  soin  est  d'endosser  leur  livrtje,  de  se 
promener  dans  cet  équipage,  d'affronter  le  muni- 
cipal et  l'ancien  président  du  cluh.  Qui  l'eût  dit"? 
cette  livrée  est  poureu\  le  signe  de  l'affranchissement 
et  de  la  liberté  ! 

Qui  leur  a  fait  ces  doux  loisirs?  Bonaparte.  Qui  est- 
ce  qui  a  ramené  les  lourdes  perruques,  les  gros  co- 
chers à  triple  collet,  les  bas  de  soie,  les  culottes  cour- 
tes, le  feutre  galonné,  l'habit  à  la  française?  L'empe- 
reur Napoléon.  Ceci  peut  vous  donner  l'explication  de 
kl  ptilitique  du  parti  des  domestiques. 

Hériter  à  ce  point  d'un  oncle,  qu'on  lui  doive  tout, 
même  la  sympathie  des  laquais.  C'est  honteux! 

Lisette  et  Marton  travaillent  dans  l'ombre  la  matière 
électorale.  On  avait  de  si  bons  prolits  sous  l'Empire; 
l'amour  était  de  courte  durée,  mais  il  était  généreux, 
c'est  ce  qu'il  faut  aux  confidents  de  l'alcôve  ou  <le 
l'antichambre.  C'était  alors  le  beau  temps  des  femmes 
de  chambre;  pour  elles  c'était  bien  mieux  que  l'ancien 
régime.  Loin  d'ici  Frontin  et  Crispin  !  Marton  et  Li- 
sette sont  devenues  riches,  elles  peuvent  épouser  un 
colonel,  et  même  un  général,  manchot  à  la  vérité, 
mais  on  n'y  regarde  pas  de  si  près  pour  être  madame 
la  générale.  Quant  à  Nanon  la  cuisinière,  qui  a  eu  son 
premier  tué  à  Waterloo,  pour  qui  voulez-vous  qu'elle 
fasse  voter  son  quatrième  ou  son  cinquième?  car  Ma- 
non a  plus  de  quarante  ans,  mais  elle  est  encore  fraîche 
et  a])pélissante  pour   un   tourlourou  de  vingt  ans? 

Et  puis  elle  a  des  économies,  et  le  fruitier  du  coin, 
qui  est  veuf,  est  trop  habile  pour  ne  pas  se  laisser  iii- 
lluencer  par  mademoiselle  Nanon. 

La  République  a  donc  de  rudes  eimemis  à  com- 
battre. Les  souvenirs  de  la  grande  livrée,  les  profits 
de  Marton  et  de  Lisette ,  le  bouillon  de  mademoiselle 
Nanon  et  son  livret  à  la  caisse  d'épargne ,  le  plumet 
de  coq  des  chasseurs ,  et  mille  autres  choses  sembla- 
bles; mais  la  République  triomphera  de  tout  cela,  la 
France  ne  s'affublera  pas  tout  entière  de  la  livrée;  la- 
(juais  qui  attendent  un  siège  derrière  une  voiture, 
poètes,  généraux,  journalistes,  administrateurs  aux- 
quels on  a  promis  des  places  ,  le  parti  des  domesti- 
ques ne  ti'iomphera  point. 


SOLDATS,  VOILA  CATI.N  ! 

La  halte  est  bonne  après  une  longue  marche.  En- 
trons dans  cette  auberge,  le  vent  fait  crier  l'enseigne 
de  fer  à  la  Vieille  vivandière;  on  dirait  qu'elle  nous 
appelle.  L'âtre  flambe  joyeusement.  Arrêtons- nous  ici; 
bientôt  nous  continuerons  notre  roule.  Encore  une 
étape,  et  nous  serons  au  régiment. 


A  i/usALK  DKs  c.KNS  si::»ii:i;x. 


0«.» 


Kl  les  jouiios  suMats  l'iilirrenl. 

Ijx  lille  (riuilifrpe  les  salue  de  son  plus  gracioux 
sourire;  on  leur  fait  place  au  foyer,  place  à  la  lalile  ; 
les  enfants  de  l'In^te  traînent  les  lourds  havre-sacs  dans 
la,sallc  voisine  ;  le  plus  A^'é  transporte  un  à  un  rlia(|ne 
fusil  dont  le  puids  l'ait  ployer  ses  épaules,  ("est  l'accueil 
que  reçoit  partout  le  soldat  eu  France,  mais  avec  un 
grain  de  liienveillance  et  d'atnitié  de  plus,  ("."est  (|ue  la 
mère  de  l'hôte  a  l'ait  toutes  les  guerres  de  la  révolulicui; 
elle  a  été  vivandière,  elle  a  >u  ri';|.'ypte,  l'Italie,  l'Ks- 
pague,  rAlleniagne.  Aussi  voyez  connue  son  lils  en  est 
lier. 

o  On  est-elle'î  se  deniauileiit  alors  les  jeuiies  soldais, 
nous  voulons  boire  à  sa  santé. 

—  Kt  rin  tin  tin,  lép.md  une  voi\  chevrotante,  sol- 
dais, voilà  Catin  I  » 

I,a  vieille  se  luonlre  en  uu-nie  temps,  le  chef  un  ])eu 
tremhiant,  la  taille  un  peu  voûtée,  mais  Td-il  hrillaiil 
encore,  et  l'air  robuste  malgré  les  rides.  C'est  elle  ipii 
va  verser  le  coup  de  l'étrier  à  ses  hôtes. 

a  A  votre  santé  ,  la  mère,  et  à  celle  de  l'Knipereur  1 

—  De  quel  empereur  voulez-vous  parler? 

—  Parbleu,  de  celui  que  nous  allons  faire.» 
La  vieille  poussa  un  petit  éclat  de  rire. 

«  Mais,  mes  enfants,  reprit-elle,  savez-vous  com- 
ment case  fait  un  empereur"? 

—  Ou  écrit  le  nom  de  I.ouis-.N'apoléon  Bonaparte 
sur  un  petit  morceau  de  papier,  et  l'affaire  est  faite. 

—  Oui-dà,  ils  disent  tous  la  même  chose,  le  sulfragc 
universel  !  Nous  savons  bien  que  le  suffrage  universel 
n'est  pour  rien  dans  tout  cela,  nous  autres  qui  en  avons 
fait  un  d'empereur. 

—  Vous? 

—  Cela  vous  étonne,  mes  enfants,  c'est  pourtant 
comme  cela.  Moi  qrù  vous  parle,  je  suis  partie  comme 
vivandière  lors  de  la  levée  en  masse,  aux  cris  de  vive 
la  République  1  Plus  de  vingt  gars  du  village  sont  par- 
lis  en  même  temps  que  moi.  Nous  comptions  être  de 
retour  après  avoir  chassé  l'étranger,  et  reprendi-e  qui 
l'aiguille,  qui  la  bêche  et  la  charrue,  mais  ça  n'a  pas 
été  fait  en  un  tour  de  main  ;  nous  nous  sommes  tant 
battus  qu'il  nous  a  semblé  que  nous  ne  pouvions  plus 
faire  autre  chose.  Le  drapeau  du  régiment  nous  avait 
fait  perdre  de  vue  le  clocher  du  village;  nous  ne  con- 
naissions plus  que  notre  général ,  si  bien  qu'un  beau 
jour  nous  avons  voulu  qu'il  devint  le  général  des  bour- 
geois conmie  le  général  des  soldats,  et  nous  l'avons  fait  ^ 
empereur.  Nous  lui  avons  donné  une  couronne  eu  re- 
tour de  vingt  victoires.  Voilà,  mes  enfants,  comment 
se  font  les  empereurs.  » 

La  vieille  reprit  après  un  moment  de  silence  : 
«  11  ne  faut  pas  croire  que  plus  d'une  fois  nous  ne 
l'ayons  regretté.  Un  empereur,  voyez-vous,  ça  finit  par 
devenir  gênant.  Il  donne  des  croix,  des  épauletles  ,  des 
titres,  mais  il  faut  le  suivre  aujourd'hui,  demain,  tou- 
jours; on  se  bat  pour  lui ,  on  se  fait  tuer  [lour  lui  ,  o 


Le  Renard  et  les  Uaîï 


Oa  prétend  que  Caligula 

Fit  son  cheval  consul  de  Rome. 

Quoi  d'éloanant.â  crlu  î 
Eo  France,  on  va  bien  au  delà; 
Puisque  d'aucuns  veulent  qu'on  nomme, 
Se  basant  sur  ce  précédent, 
D'une  autorité  fort  antique. 

Un  âne  comme  président 

De  notre  jeune  République. 


70 


REVUE  COMIQUE 


n'est  plus  un  lionmic ,  on  n'a  plus  de  patrie.  Les  an- 
ciens sentaient  cela,  quoi  qu'on  en  ait  pu  dire;  Lien 
souvent  pendant  les  nuits  de  bivouac,  je  les  voyais  tris- 
tement rangés  eu  cercle,  silencieux  et  rêveurs.  Alors, 
j'arrivais  avec  mon  rel'raiu  :  Uin  tin  tin,  soldats,  voilà 
Câlin  ! 

a  Les  tètes  balafrées  des  grenadiers  se  levaient  vers 
moi,  leurs  yeux  pensifs  s'illuminaient,  ils  me  faisaient 
une  place  devant  le  foyer.  C'est  que  ce  n'était  pas  seu- 
lement de  la  liqueur  que  je  leur  versais,  mais  des  sou- 
venirs. Je  leur  parlais  de  Marceau,  de  lioclie,  de  Kléher, 
je  leur  chaulais  la  Marseillaise,  le  Chant  du  ilépart, 
et  tout  bas  ils  répétaient  les  refrains  républicains.  Alors 
on  eût  vu  plus  d'un  de  ces  vieux  grognards  essuyer 
furtivement  sa  paupière.  Souvenez-vous,  jeunes  sol- 
dats, de  ces  larmes  de  vos  pères.  » 

l.a  voix  de  l'aïeule  sembla  s'attendrir. 

«  Et  moi  aussi  je  pleurais,  car  je  me  souvenais  de 
celui  que  j'avais  voulu  suivre,  et  qui  chantait  la  Mar- 
seillaise lorsqu'il  tomba  frappé  dans  mes  bras  sur  les 
rives  du  Rhin,  en  criant .  Vive  la  liberté  ! 

«  Enfants,  croyez-moi ,  si  la  grande-armée  aimait 
Catin,  c'est  ([ue  Câlin,  c'élail  pour  elle  In  P>épul)li(|ue, 


c'est-à-dire  la  jeunesse,  l'élan,  l'enthousiasme  de  la 
patrie  et  de  la  liberté,  que  le  fanatisme  de  la  gloire  ne 
remplace  jamais.  C'est  ce  que  j'aurais  voulu  dire  au 
chansonnier  qui  a  écrit  mon  histoire.  Pauvre  Répu- 
blique! ils  ne  l'ont  pas  revue,  les  braves  qui  sont 
morts  !  ils  l'auraient  saluée  et  bénie.  Ce  n'est  point  de 
leurs  mains  mutilées  qu'on  eût  pu  attendre  un  bulletin 
pour  ressusciter  le  fantôme  de  l'Empire. 

«  Soldats,  rappelez-vous  les  paroles  de  la  vivandière  : 
On  ne  meurt  bien  que  pour  la  patrie.  Je  le  sais,  moi, 
qui  ai  recueilli  les  dernières  paroles  de  tant  de  vieux 
combaltanls.  Rnvez  à  leur  mémoire  et  à  la  jeune  Ré- 
publique !  » 

El  comme  rajeunie  par  ses  souvenirs,  la  vieille  ver- 
sait d'une  main  moins  tremblante  la  liqueur  aux  jeu- 
nes gens,  en  répétant  d'une  voix  plus  claire  et  plus 
ferme  :  Riu  lin  tin  ,  soldais  ,  voilà  Catin  ! 

Les  hôtes  lui  répondaient  en  criant  :  Vive  la  Répu- 
blique !  Ce  cri  lunglemps  répélc  par  l'écho,  se  perdit 
enfin  avec  les  pas  mesurés  des  soldats  qui  disparurent 
sur  la  route  dans  l'ombre  du  soir. 

Réranger,  Béranger,  ajoutez  donc  ce  dernier  couplet 
à  la  chanson  de  (!alin. 


LA  TOUR  DE  B.\BEL. 


l'n  Picard  qui  était  venu  d'Amiens  pour  être  socia- 
liste ,  prit  un  cabriolet  à  l'heure  et  dit  au  cocher  de 
le  conduire  chez  M.  Lcdru-Rollin. 

Il  se  trouva  que  le  cocher  était  un  citoyen  des  plus 
avancés ,  homme  de  bon  conseil  et  en  état  de  prendre 
la  parole  dans  un  club,  de  sorte  qu'il  recoimut  bien 
vite  l'ingénuité  du  Picard,  et  tous  deux  se  mirent  à 
disserter  chemin  faisant,  sur  l'avenir  humanitaire. 

—  Vous  le  voyez  ,  dit  le  Picard  ,  je  suis  un  patriote 
de  bonne  volonté  qui  ne  demande  qu'à  prendre  ses 
grades  dans  le  socialisme  ;  c'est  pourquoi  je  vais  me 
présenter  au  citoyen  Ledru-Rollm  pour  qu'il  m'impose 
les  mains. 

A  ces  mots  le  cocher  ricanant  avec  amertume  : 

—  On  voit  bien,  dit-il,  que  vous  arrivez  d'Amiens. 
ne|)uis  vingt-quatre  heures,  il  a  été  reconnu  que  Lcdi-n- 
Rollin  était  un  faux  frère.  Le  club  Montesquieu  l'a 
signalé  hier  comme  traître  à  la  République  ;  dans  une 
lettre  publiée  ce  matin  par  les  journaux,  le  saint 
Blanqui  assure  que  Ledru-Rollin  est  un  ennemi  achar- 
né du  peuple.  Aussi  vous  pensez  bien  que  je  ne  vous 
conduirai  pas  jusqu'à  sa  porte,  mes  opinions  me  le 
défendent.  Descendez  ici,  vous  n'avez  guère  que  deux 
cents  pas  à  faire  dans  la  rue,  et  il  ne  pleut  ])resque 
])as. 

—  Je  ne  descends  |)as,  s'écria  le  Picard;  je  tiens  à 


avoir  ce  qu'il  y  a  de  mieux  porté  en  socialisme.  Puis- 
que Ledru  est  un  ennemi  acharné  du  peuple,  menez- 
moi  chez  Proudhon. 

En  route,  le  cocher  dit  au  Picard  que  Proudhon 
n'aurait  peut-être  pas  le  temps  de  le  recevoir,  parce 
qu'il  se  battait  le  matin  même  avec  un  autre  socialiste  ; 
— Je  tombe  de  mon  haut,  dit  le  Picard  ;  les  socialistes  se 
battent  donc  entre  eux?  Et  la  fraternité! — Tu  raisonnes 
comme  un  mouchard  ,  dit  le  cocher.  Le  Picard  liumi- 
hé,  se  rejeta  dans  le  fond  du  cabriolet  et  ne  souffla 
mot. 

Arrivé  chez  Proudhon,  il  le  trouva  effectivement  qui 
descendait  l'escalier  avec  une  boite  de  pistolets  sous  le 
bras. 

—  Lisez  mes  livres  et  mon  journal,  lui  dit  le  socia- 
liste en  le  regardant  par  dessus  l'épaule;  au  surplus 
vous  avez  bien  fait  de  vous  adresser  à  moi  ;  tout  le  reste 
est  un  amas  de  crétins.  Et  il  passa  sans  lui  en  dire 
davantage. 

Le  l'icard  se  fil  alors  conduire  chez  Pierre  Leroux. 

—  Monsieur,  lui  dit-il,  j'arrive  d'Amiens  pour  sa- 
voir... Pierre  Leroux  l'interrompit  en  lui  demandant 
s'il  connaissait  la  triade.  Le  Picard  pensa  qu'il  s'agis- 
sait de  quelque  monument  d'Amiens;  mais  Pierre  Le- 
roux, sans  lui  laisser  le  temps  de  répondre;  —  Voyez- 
vous,  reprit-il,  un  cordonnier  est  un  empereur  et  un 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


71 


l'tiiptM'i'Ui'  csl  lin  cordonnier,  c'i'sl  la  vérilé  puro  ;  (|uaiit 
.'(  l'i'oiitlIiOM  on  110  saurait  voir  vn  Ini  qii'ini  Vandale; 
mais  je  vous  (|ui(le;  on  m'attend  à  un  linni|uet  oi'i  je 
dois  portiM-  un  toast  à  saint  Crépin. 

Le  l'ieard  avait  envie  de  retourner  à  Amiens,  tepen- 
ilantil  voulut  voir  M.  C.ahet.  — l'icard,  lui  dit  M.  Ca- 
liel,  je  suis  sur  que  Pioudlion,  Leroux  et  (Considérant 
vous  ont  dit  (pie  j'étais  un  radoteur  ;  le  fait  est  qu'ils 
nnt  tous  les  trois  perdu  la  tête;  mais  je  vois  bien  que 
votre  intention  est  de  vous  cnihanjucr  pour  riearic. 
Partons,  il  y  a  un  liacre  en  bas  (]ui  nous  attend.  Le 
l'icard  s'échappa  à  grande  |)eine  et  arriva  dans  les  bu- 
reaux de /«  Itcfurme,  où  l'on  était  en  fureur  contre  la 
Réjiulilique.  Il  courut  à  la  IW-imblique  où  l'on  se  plai- 
iinait  ainèrenient  de  la  Itoforme. 

—  Où  donc  trouvcrai-je  la  fralernilé?  s'écria  dou- 
loureusement le  Picard. 

—  A  Vincennes ,  dit  le  cocher  ;  c'est  là  qu'un  trouve 


lus  vrais  amis  du  peuple.  En  parlant  ainsi  il  regarda 
le  Picard  de  travers,  paice  qu'il  le  prenait  de  plus  en 
pins  pour  un  mouchard. 

Le  Picard  courut  à  Vincennes.  Il  ne  put  voir,  à  la 
vérilé,  Blaïupii,  Barbés  et  llas|)ail ,  mais  on  lui  apprit 
que  ces  trois  martyrs  habitaient  des  chambres  séparées 
et  qu'ils  n'avaient  aucun  rapport  entre  eux  |)arce  qu'ils 
avaient  juré  de  s'élianjjler  réciproquement  a  la  ])remière 
occasion. 

Alors  le  Picard  se  fit  conduire  au  chemin  de  fer  du 
Nord;  il  paya  ÔO  francs  de  cabriolet,  et,  sans  le  poste,  le 
cocher  qui  n'aimait  pas  les  mouchards,  l'aurait  battu  : 
—  0  socialisme  !  s'écria-til,  o  Proudhon  ,  ô  Cabet ,  ô 
Pierre  Lero\ix,  ô  Raspail  ,  ô  vous  tous  qui  vous  déchi- 
rez à  belles  dents  au  nom  de  la  fraternité,  je  serai  des 
vôtres  quand  vous  aurez  échangé  un  baiser  sincère.  Il 
monta  dans  le  wagon  qui  partait,  revint  à  Amiens  el 
reprit  sa  profession  de  fabricant  de  pâtés. 

C.   C. 


jn — ^ 
Le  retour  des  cendres  de  celui-là. 


IinVAIlD    IlF<  ITAI.irNS. 


ao  ceiiilinrN  la  livralHon. 

Niiiii  .mil  mil III  I  II  111,1!,,   ,,|JJJII|IIIIII||II|IIII|iII|IIhI.MI'i|Ii  ,:!  f.'ij')- liU,,!,,; ,  ,';'* 


IIIR  nlCIlKMEl',  .'>2 


M  l)l>A.L£, 


•ndUlons  de  la  Sonscrîpdon.  _  La  Rewe  com.qoe  formera  un  magnifique  volume    grand  in-8,  publié  ^n  SO  livrabons    à  ^^J^^^^'^ 
p°f"  p°Us  40  ceulimes.  -Pour  tout  ce  qui  conoerue  la  direction,  écrire  (franco)  à  M.  L.becï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  de. 


Italiens 


DUMINKHA-r,  ijUTSVU,  5»,  RUB  BICHEIIXU. 


6«  Livraison. 


Desâiné  pai  Otto. 


Vovrz  de  ce  dessin  (|iiel  est  le  sens  prolund  : 
Dansée  chapeau  fameux,  mais  qui  n'a  plus  de  fond, 
Si  noire  République,  hélas  !  pique  nue  lèle , 
Eu  passant  au  travers  comine  un  trait  d'arbalète , 
Aux  mains  du  parti  rouge  elle  tombe  d'uji  bond  ! 
Oui,  bourgeois  aveuglés,  gent  débonnaire  au  l'ond. 
On  peut  vous  le  prédire,  et  sans  être  prophète, 
Si  la  Terreur  revient,  c'est  vous  qui  l'aurez  l'aile. 


Gravé  par  Eal'LANt 


liqtie'  'le  Lacrampb    fiU  el    rom|i.. 


LA  SEMAINE. 


—  Quoi  !  c'est  vous? 

—  Sans  doute.   N'est-ce  point  mon  tour   de  vous 
raconter  mes  aventures. 

—  Vos  aventures  ? 

—  Certainement. 

—  Eh  bien  !  repris-je  d'un  ton  goguenard,  voyons 
vos  aventures,  ma  chère  Semaine. 

—  Eh!...  j'ai  nommé  un  président  de  la  Républi- 
que. 

—  Et  vous  appelez  cela  une  aventure? 

—  Évidemment ,  puisque  c'est  une  affaire  h  laquelle 
le  hasard  a  eu  la  plus  grande  part. 


I  — Je  vous  passe  donc  votre  aventure  présidentielle. 
Alix  autres  maintenant. 

La  Semaine,  embarrassée,  garda  le  silence. 

—  Vous  n'avez  absolument,  ma  belle,  lui  dis-je, 
que  des  chiffres  à  me  donner  :  je  connais  le  résultat 
général  du  scrutin,  cela  me  suffit.  Allez  faire  vos  ad- 
ditions ailleurs;  j'attendrai  la  Semaine  prochaine  pour 
raconter  quelque  chose  d'amusant  à  nos  lecteurs.  11 
faut  espérer  que  d'ici  là  les  événements  ne  nous  man- 
queront pas. 

Ayant  dit  cela,  je  poussai  la  Semaine  dernière  par 
les  épaules  et  lui  fermai  ma  porte  au  nez. 


COUP  D'OEIL  SIR  Li;  NOIVEAI  MINISTÈRE. 


Quelle  sera  la  couleur  du  nouveau  ministère?  Ques- 
tion difficile  à  résoudre,  tant  l'iiabilelé  de  ses  parrains 
s'est  exercée  à  fondre  en  une  douteuse  combinaison 
toutes  les  nuances  du  prisme  parlementaire.  Les  lis- 
tes, d'ailleurs,  ne  sont  point  closes  encore.  Chaque  jour 
y  apporte  quelque  modification.  Nous  avons  tant  de 
dévouements  à  pourvoir  !  Toutefois,  à  en  juger  par  cer- 
tains choix  qu'il  est  permis  de  considérer  comme  défi- 
nitifs, c'est  la  teinte  ci-devant  centre  gauche  qui  do- 
minera, augmentée  d'une  nuance  de  gauche  dans  la 
personne  du  président,  adoucie  par  une  addition  de  lé- 
gitimisme,  corrigée  parla  présence  d'un  élément  con- 
servateur. Quant  à  la  République,  on  en  mettra  sur 
l'éliquetle. 

Après  cela,  si  le  pays  se  trouve  plus  mal,  la  faculté 
s'en  lave  les  mains.  Elle  l'aura  traité  suivant  toutes  les 


règles  du  codex.  C'est  l'honorable  conducteur  d;  l'an- 
cienne opposition  conslitulionnclles  qui  est  appelé  à 
couvrir  de  son  nom  les  actes  de  l'administration  na- 
poléonienne. 11  y  a  longtemps  que  la  probité  de 
M.  Oïlilon  Barrot  est  affectée  au  service  de  chaperon. 
M.  Odiion  Barrot  sera  le  chef  nominal  .sinon  réel  du 
cabinet.  C'est  donc  à  lui  de  prendre  le  pas.  Ab  j'ove 
principium. 

Hélas  !  nous  le  voyions  hier  encore,  et  il  nous  a  sem- 
blé plus  sombre,  plus  fatidique  que  jamais.  Moins  que 
jamais  son  front  ne  se  déride  ;  les  noirs  pensers  et  les 
soins  pesants  alourdissent  ses  sourcils  contractés.  Quel- 
les préoccupations  assiègent  son  âme  inquiète  ?  Songe- 
t-il  à  l'intervalle  qui  le  sépare  encore  de  ce  pouvoir 
convoité  pendant  dix-huit  ans,  et  qu'il  n'atteignit  un 
jour,  Tantale  politique,  que  pour  le  voir  emporté  loin 


82 


r.EVLE  COMIQIE 


de  ses  lèvres  par  la  vague  populaire.  Son  expérience 
lui  ferait-elle  redouter  une  nouvelle  déception,  quel- 
que saut  de  vent  semblable  ù  celui  de  Février?  Ou 
bien  gémirait-il  sur  le  rôle  ingrat  auquel  l'a  soumis 
de  tout  temps  et  le  soumet  encore  l'égoïste  amitié  de 
son  allié,  M.  Tliiers? 

Comme  contraste  à  cette  figure  désolée,  le  nouveau 
ministre  de  l'intérieur  étale  sa  face  épanouie.  Pendant 
longtemps,  les  électeurs  de  Montauban  (extra-muros) 
nommèrent  à  l'unanimité  M.  de  Maleville  pour  sa 
taille  héroïque,  sa  physionomie  empourprée  et  sa  voix 
retentissante.  Quand  M.  de  Maleville  montait  sur  leslius- 
tings  du  Tarn-et-Garonne,  il  dépassait  'de  plusieurs  cou- 
dées le  plus  haut  de  ses  compétiteurs,  et  le  meeting, 
enthousiasmé  d'une  aussi  incontestable  supériorité, 
élisait  d'acclamation  ce  magnifique  candidat.  «  C'est  le 
plus  bel  homme  de  la  Chambre  !  »  disaient  avec  or- 
gueil les  électeurs  montalbanais  admis  par  la  protection 
de  leur  député  dans  les  tribunes  du  palais  Bourbon  ;  et 
ils  emportaient  à  Caussade  la  satisfaction  d'avoir  doté 
l'ordre  de  choses  d'un  de  ses  plus  solides  piliers. 
M.  Thiers  s'appuyait  avec  confiance  sur  le  bras  de 
M.  de  Maleville  ;  et  il  s'y  appuie  probablement  au- 
jourd'hui plus  que  jamais. 

Plus  frêle  d'aspect,  M.  Léon  Faucher  possède,  à  l'en- 
droit de  l'ancien  président  du  !'=■■  mars,  un  de  ces  dé- 
vouements de  longue  date,  dont  la  solidité  est  à  l'é- 
preuve. M.  I.éon  Faucher,  entré  dans  la  politique  par 
la  porte  du  libre  échange,  ne  dissimule  nullement  son 
dédain  pour  les  opinions  stationnaires  de  son  ancien 
patron  en  matière  de  finances  et  d'économie.  Mais  une 
conformité  d'humeur  et  de  vieux  liens  de  subordination 
en  font  un  de  ses  séïdes  les  plus  ardents.  M.  Faucher 
est  de  plus  un  des  chicaneurs  les  plus  aigres  de  la  rue 
de  Poitiers.  Devant  sa  dialectique  acariâtre,  l'enfant 
prodige  de  la  rue  de  Poitiers,  M.  Fresneau,  c'est  tout 
dire,  est  contraint  de  baisser  pavillon.  Et  depuis  le  "> 
mai,  il  a  partagé  à  l'Assemblée,  avec  M.  de  Maleville, 
le  monopole  des  interruptions  passionnées  et  des  ré- 
criminations amères. 


Qui  tempérera,  dans  le  cabinet,  la  fougue  juvénile 
de  ces  deux  ministres  introduits,  ce  nous  semble,  tout 
exprès  par  M.  Thiers  pour  embourber  la  voiture, 
comme  il  le  dit  patriotiquement?  Sera-ce  l'honnètc  et 
conciliant  M.  Drouyn  de  Lhuys  ou  le  nébuleux  M.  de 
Tracy,  placé  probablement  à  la  marine  pour  glisser  un 
grain  de  philosophie  dans  la  discipline  de  nos  esca- 
dres, où  l'on  éprouve  le  besoin  de  remplacer  les  coups 
de  garcette  par  des  démonstrations  in  balordo  ? 

M.  Passy,  le  financier,  apporte  ici  la  panacée  à  nos 
finances.  Cet  ex-conservateur  de  la  monarchie  saura- 
l-il  mieux  conserver  la  République? 

Devant  une  nouvelle  bataille  de  Juin,  est-ce  la  ra- 
pière de  M.  le  général  Rulhières  qui  sauvera  la  société 
menacée? 

Quant  à  M.  de  Falloux,  qui  représente  la  liberté  de 
l'enseignement,  n'esl-il  pas  surprenant  de  voir  son  nom 
accolé  aux  champions  de  l'Université,  aux  hommes 
de  cette  école  soi-disant  libérale,  qui,  dans  la  dernière 
Chambre,  se  montrait  moins  libérale  que  M.  Guizot? 

Certes,  si  nous  étions  à  la  place  de  M.  de  Falloux , 
de  M.  Drouyn  de  Lhuys,  de  SE  de  Tracy,  nous  goûte- 
rions médiocrement  de  servir  ainsi  de  paravent  aux 
tours  de  passe-passe  de  la  rue  de  Poitiers.  Nous  aimons 
à  croire  que  M.  Odilon  Barrot,  qui  a  l'expérience  de  ces 
choses,  est,  au  fond,  peu  flatté  de  hasarder  encore  une 
fois  sa  main  dans  les  charbons.  Les  oreilles  ne  lui  tin- 
tent-elles pas  du  classique  refrain  :  Sic  vos  non  vo- 
his?.. 

Le  nouveau  cabinet  est  placé  là,  dit-on  ironique- 
ment, pour  ressuyer  les  plâtres.  C'est  un  jeu  malsain. 
On  y  gagne  des  rhumatismes.  Quelque  soit  le  dévoue- 
ment des  hommes  qui  se  sotrt  consacrés  à  cette  tâche, 
nous  ne  pouvons  supposer  qu'il  aille  jusqu'à  jouer 
ainsi  leur  santé.  Qui  sait,  lorsque  la  maison  sera  as- 
sainie et  devenue  habitable,  s'ils  ne  se  sentiront  pas 
quelque  envie  d'y  rester  définitivement?  Le  tour  se- 
rait charmant  et  de  bonne  guerre  !  et  nous  ne  serions 
pas  les  derniers  à  en  rire  aux  dépens  des  chefs  ù'em- 
plois  dépossédés  de  leurs,  rôles  par  leurs  doublin-es 


LES  HOMMES  DU  LENDEMAIN. 


Dans  les  changements  politiques,  il  y  a  quelquefois 
des  hommes  de  la  veille  ;  il  y  a  toujours  des  hommes 
du  lendemain.  Les  uns  sont  exposés  à  s'entendre  re- 
procher la  constance  de  leurs  opinions;  les  autres  ne 
sont  jamais  convaincus  d'erreur,  parce  qu'ils  se  laissent 
aller  au  cours  des  événements. Ceux-là  devancent  l'ave- 
nir; ceux-ci  attendent  le  présent. 

IjCS  circonstances  produisent  les  hommes  du  lende- 
main, comme  la  pluie  fait  éclorc  les  grenouilles. 

Avant  le  10  décembre,  ils  étaient  pleins  d'hésita- 
tion et  d'in  lilférence  ;   aujourd'hui,  ils  chantent  vic- 


loire,  et  lèvent  les  mains  au  ciel.  L'élection  est  leur 
ouvrage  ;  le  nouveau  Président  est  selon  le  vœu  de 
leur  cœur  ;  ils  n'ont  jamais  songé  qu'à  lui,  et  bros- 
sent leurs  fracs  râpés  pour  aller  réclamer  la  rétribu- 
tion de  leur  zèle.  Jls  ont  tous  des  titres;  ils  ont  tous 
lies  droits  ;  ils  demandent  tous  des  places,  n'en  fût-il 
plus  au  monde  !  Si  l'on  n'écoute  pas  leurs  conseils;  si 
on  ne  suit  pas  leur  impulsion;  si  l'on  ne  leur  confie  pas 
la  direction  des  affaires,  nous  tombons  dans  l'abomi- 
natinn  de  la  désolation.  Pauvres  gens,  qui  uni  oublié 
la  fable  du  Coche  et  de  In  Mnuehel 


«  Je  ue  suis  iju'uue  femme,  une  folle,  nue  buse.  » 

—  Extrait  d'un  grand  journal. 


SUR  CERTAINE  El'lTKU 

Enlre  tous  les  journaux  qui,  chaque  jour,  énielknl 
Ces  récils  mensongers  dont  le  peuple  est  repu, 

La  Presse  est  le  plus  corrompu. 

Vous  le  voyez  :  les  vers  s'y  metleut  ! 


AVÈNEMENT. 

Desigué  par  le  choix  d'une  foule  égarée, 
Sur  un  char  triomphal,  en  costume  éclatant; 
L'héritier  d'un  grand  nom  va  faire  son  eulrée. 
Vous  le  verrez  :  le  char  l'attend  ! 


84 


REVUE  COMIQUE 


AU   GÉNÉRAL   CAVAIGNAC 


LA  FEMME  D  l'N  DE  SES  ELE(.TEUI\S. 


Mon  cher  Général, 

Vons  avez  dit  le  lemleinain  des  journées  de  Juin,  au 
moment  même  où  l'AssemJjlée  nationale,  unanime  ce 
jour-là,  avait  déclare  que  vous  aviez  bien  mérité  de  la 
patrie,  vous  avez  dit  que  les  républiques  étaient  ja- 
louses, vous  pouvez  ajouter  aujourd'hui  qu'elles  sont 
ingrates. 

En  effet,  la  première  ville  de  France  semble  avoir 

oublié  qu'ily  acinqmoisà  peineellcvousavait  proclamé 

son  sauveur.  Qu'avez-vousdoncfait  pour  ètrcabandonné 

parcette  ville  sans  mémoire  et  trabi  par  elle  aujourd'hui. 

Quels  sont  vos  crimes? 

Permettez,  Général,  à  une  femme,  à  une  Parisienne 
de  vous  les  dire. 

Paris,  mon  cher  Général,  nos  poêles,  nos  artistes 
l'ont  toujours  représentée  sous  la  figure  d'une  belle  et 
séduisante  femme,  pleine  de  grâce  encore  plus  que 
de  majesté.  Vous  n'en  avez  pas  jugé  ainsi,  Général, 
vous  lui  avez  fait  plus  d'honneur  qu'elle  n'en  méritait, 
vous  l'avez  traitée  comme  une  ville  antique,  vous  l'a- 
vez forcée  au  respect,  à  l'admiration,  elle  vous  a  res- 
pecté, elle  vous  a  honoré;  mais,  il  faut  vous  le  dire, 
Général,  on  n'aime  pas  tout  ce  qu'on  admire,  et  Paris 
vous  a  craint  et  admiré  plus  qu'elle  n'a  pu  vous  aimer. 
Paris  n'a  pas  que  des  vertus,  Général,  et  si  bour- 
geoise qu'on  la  suppose,  elle  n'a  pas,  non  plus,  que 
des  intérêts.  Ses  maisons,  ses  foyers,  son  honneur,  ses 
biens  vous  les  avez  sauvegardés,  c'était  beaucoup; 
une  autre  ville  que  Paris,  une  ville  sage  et  sensée  eût 
trouvé  que  c'était  assez,  et  dans  ce  jour,  jour  solennel 
où  elle  a  dû  se  donner,  se  choisir  un  protecteur,  entre 
vous  et  tout  autre,  aucune  capitale  d'Europe  n'eût 
hésité. 

Ce  n'est  pas  Londres ,  cette  fille  bien  élevée  et 
toujours  convenable  de  l'aristocratique  Angleterre; 
ce  n'est  pas  Vienne,  cette  Vienne  battue  et  pourtant 
fidèle,  qui,  abandonnée  de  son  vieil  et  imbécile  empe- 
reur, se  livre  docilement  et  sur  son  ordre  à  un  enfant, 
son  neveu;  ce  n'est  pas  Berlin,  qui  garde  son  roi 
fantasque,  malgré  ses  représentants  eux-mêmes;  ce 
n'est  pas  Saint-Pétersbourg  enfin,  qui  baise  les  pieds 
de  son  redoutable  maître,  ce  n'est  aucune  de  ces  villes 
qui  vous  eût  préféré  votre  douteux  rival. 

Mais  Paris  est  une  ville  unique,  elle  ne  ressemble  à 
aucune  autre:  grande  et  petite  tout  ensemble,  assem- 
blage bizarre  de  défauts  monstrueux  et  de  magnifiques 
qualités,  quand  on  a  pris  toute  sa  raison,  quand  on  a 
toute  son  estime,  on  ne  la  possède  point  encore  tout 
entière,  on  n'est  encore  que  son  frère  ou  son  ami.  — 
Or,  Général,  Paris  est  une  Parisienne,  c'est-à-dire  une 
de  ces  Françaises  qui  ne  vieillissent  pas,  et  qui,  dans  un 


époux,  cherchant  surtout  un  amant,  prennent  plus  vo- 
lontiers l'amant  à  part  de  l'époux  que  l'époux  à  part 
de  l'amant,  si  un  miracle  ne  leur  montre  pas  l'un  et 
l'autre  réunis  dans  un  seul. 

A  qui  la  ville  de  Paris  vous  a-t-elle  préféré,  mon 
cher  Général.  Ne  le  lui  demandez  pas.  Elle  n'en  sait 
rien  encore!  Ce  qu'elle  sait,  c'est  que  vous  avez  eu  un 
tort  envers  elle  ;  ce  tort,  tort  léger  mais  énorme,  a  été 
de  l'enfermer,  sans  la  consulter,  dans  le  cercle  de  Po- 
pilius  du  mariage  quelques  jours  plus  tôt  que  la  chose 
ne  pouvait  lui  convenir.  —  Je  te  donne  six  semaines, 
lui  avez-vous  dit  un  jour,  jour  fatal,  six  semaines  pour 
faire  un  choix!  De  ce  jour-là,  Paris  a  été  perdue  pour 
vous,  hélas!  et  vous  avez  été  perdu  pour  elle. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  féroce  au  monde,  ce  n'est  ni  un 
tigre,  ni  une  hyène,  ni  un  peuple  en  furie,  ni  des  sol- 
dats ivres  de  poudre  et  de  sang,  ni  un  bourgeois  dé- 
fendant sa  propriété,  ni  un  communiste  se  ruant  sur 
celle  des  autres,  c'est  une  femme  aimable,  à  qui  l'on 
semble  vouloir  prendre  aujourd'hui  ce  qu'elle  avait 
résolu  de  ne  livrer  que  demain. — Vous  avez  f;iit  de  Pa- 
ris, en  une  journée,  cet  être  implacable.  — Dût-elle  en 
mourir,  elle  devait  se  venger,  —  elle  s'est  vengée! 

Que  pouvait  faire,  en  effet,  cette  fille  très-fière  et  un 
peu  folle  en  présence  de  deux  soupirants,  l'un,  grand, 
noble,  victorieux  sans  doute,  mais  pressé,  mais  impé- 
rieux, mais  au  geste  hautain;  l'autre,  timide,  embar- 
rassé, soumis,  prêt  à  tout,  promettant  tout,  acceptant 
tous  les  délais;  si  ce  n'est  une  sottise? 

Cette  sottise,  Paris  l'a  faite.  —  Votre  tort  a  été  de 
ne  pas  la  prévoir,  votre  faute  de  ne  pas  l'éviter.  Crai- 
gnant d'avoir  en  vous  un  maître,  elle  vous  a  préféré 
votre  rival.  —Après  tout,  s'est-elle  dit,  c'est  un  fils  de 
famille,  c'est  l'héritier  d'un  grand  nom.  Je  serai  nièce 
d'empereur,  et  mon  nom  sera  sonore,  c'est  une  aven- 
ture à  courir.  Et  le  oui  fatal  a  été  dit. 

Plaignez  Paris,  Général,  mais  ne  vous  ne  plaignez 
pas.  —  Vous  auriez  été  le  mari,  vous  serez...  l'amant. 
Paris  était  à  peine  dans  la  voiture  qui  la  ramenait 
de  l'hôtel  de  ville  avec  son  nouvel  époux,  —  j'y  étais 
avec  elle  et  j'en  parle  savamment,  —  que  se  prenant 
pour  la  première  fois  peut-être  aie  considérer  sérieuse- 
ment, un  long  et  significatif  soupir  sortit  de  sa  poitrine, 
l'atience  donc,  Général,  le  dernier  mot  d'une  femme 
n'est  jamais  dit,  le  divorce  est  de  tradition  dans  cer- 
taines familles,  un  jour  viendra  oi'i  vous  aurez  à  par- 
donner, pardonnez  alors,  mais  n'oubliez  pas.  N'ou- 
bliez pas  qu'une  fennne,  une  ville  et  une  nation,  se 
prennent  et  se  prendront  toujours  par  leurs  défauts, 
aussi  bien  que  par  leurs  qualités. 

Vous  êtes  bien  coupable,  Général  :  vous  nous  avez 
crus  parfaits.  Mahie  "■. 


A  L'USAGK  DIÎS  GENS  SIÎRIliUX. 


LE  (KUOM'I.  Vr.lto.X. 

Le  liiiiil  sV'st  ri'();in<lii  ijuc  .M.  Vi'iiin  tilait  un  colo- 
nel en  rotiaili',  et  (lue  c'éliiil  à  lui  qu'il  fiiliail s'adres- 
ser |)our  obtenir  ([iieliiue  laveur  ili;  M.  I.ouis  IJoria- 
|)arle. 

»  M.  Véion,  nous  disait  iiier  un  provincial,  est  un 
ancien  colonel  de  cuirassiers  misa  la  demi-solde  par 
les  Bourlions  en  I8iri. 

—  Vous  vous  trompez;  M.  Véron  est,  au  contraire, 
un  ancien  pluuinacien  qui  a  inventé  la  pàte-Ke- 
gnauld. 

—  Vous  voulez  dire  la  cuirasse-Hegiiauld. 

—  Qu'est-ce  (jue  vous  ajipelez  la  cuirasse-Ite- 
gnauld? 

—  Une  cuirasse  d'un  nouveau  genre,  essayée  pour 
la  première  fois  à  Wagram,  et  inventée  par  Véron, 
alors  simple  chef  d'escadron.  L'Empereuren  fut  si  con- 
tent, qu'il  nomma  Véron  colonel  sur  le  champ  de  ba- 
taille. 

—  Qui  diable  a  pu  vous  donner  ces  renseigne- 
ments? 

—  l'arbleu  !  tout  le  monde.  Lisez  les  bulletins  de  la 
grande  armée,  vous  y  verrez  le  colonel  Véron  et  ses 
cuirassiers  mis  à  l'ordre  du  jour  pour  s'être  couverts 
de  gloire.  On  dit  que  sa  Mlle  va  se  marier  avec  M.  Louis 
Bonaparte. 

—  La  fille  de  qui  ? 

—  Du  colonel  Véron. 

—  Mais  le  colonel  Véron,  puisque  vous  y  tenez, 
n'est  pas  marié. 

—  Vous  voulez  dire  qu'il  est  veuf? 

—  J'entends  qu'il  n'a  jamais  eu  femme  ni  enfants. 

—  La  plaisanterie  est  bonne.  Alors,  vous  prétendez 
que  le  colonel  n'a  pas  une  fille,  la  charmante  Alina? 

—  Je  soutiens  que  non. 

—  Et  cette  fille  n'a  peut-être  pas  été  élevée  par  un 
ancien  maréchal  des  logis  de  cuirassiers  nommé  Brant, 
qui  sauva  autrefois  la  vie  à  son  colonel  dans  une  ba- 
taille? 

—  Je  n'ai  jamais  entendu  parler  de  Brant,  je  ne 
connais  que  .Mcrruau. 

—  l'ossible  iiue  Brant  ne  soit  qu'un  nom  de  guerre. 
Merruau,  puisque  c'est  le  véritable  nom  de  Brant, 
après  avoir  été  longtemps  le  brosseur  du  colonel  et  lui 
avoir  sauvé  la  vie  dans  une  bataille,  l'a  suivi  dans  sa  re- 
traite ;  et  lecolonel,  qui  le  considère  comme  son  ami,  lui  a 
confié  l'éducation  de  sa  fille,  la  charmante  Mina. 

—  Et  Mina  doit  épouser  Louis  Bonaparte,  qui  de- 
viendrait ainsi  le  gendre  du  colonel  Néion? 

—  On  ledit.  Fidèle  Brant,  que  tu  vas  être  heu- 
reux! 

—  Vous  voulez  dire  Merruau? 

—  Soit.  On  m'a  montré  hier  le  fidèle  Merruau  sur 
le  boulevard  :  quelle  belle  tète  de  grognard!  Deux  ba- 


VII'    l'OLITIori'.   l'T   LITTi:il  Allli: 

m: 

VIPÉIUIN 

JOiniNALISTE   ET    IM)L>Tri|(-;L. 


Vipérin  vint  au  monde  tout  seul. 


Recuei  li  par  des  perîODnes  chaniable?,  il  voit  en  rêve  son 
ange  gardien. 


8ti 


REVUE  COMIQUE 


hitVes  sur  h  joue  et  une  moustache  on  broussailles  :  un 
vrai  dessin  de  Cliarlet  !  Je  nie  suis  laissé  dire  que  Mer- 
ruau  n'avait  versé  que  deux  pleurs  dans  sa  vie  :  ce  fut 
d'abord  le  jour  où  il  reçut  la  croix  des  mains  de  l'Em- 
pereur, et,  plus  lard,  lorsque  son  colonel,  qu'il  venait 
de  sauver,  le  serra  dans  ses  bras. 

Il  versera  un  troisième  pleur,  le  jour  où  il  si- 

o-nera  au  contrat  de  mariage  de  Mina,  son  élève,  avec 
Louis  Bonaparte. 

—  Je  le  crois  volontiers.  Ce  mariage  est  un  acte  de 
haute  politique,  qui  fera  tomber  tous  tes  bruits  qui 
courent  au  sujet  d'une  protendue  alliance  entre  Louis- 
îsapoléon  et  l'empereur  de  Russie.  A  vrai  dire,  le  pays 
n'aurait  pas  vu  cette  alliance  avec  plaisir,  les  Russes 
ayant  toujours  été  nos  ennemis.  La  campagne  de  Mos- 
cou ne  nous  a  point  laissé  d'agréables  souvenirs.  «  Ils 
sont  là-bas  qui  dorment  sous  h  neige...  » 

—  Je  sais  le  reste  ;  mais  la  dot? 

—  Quelle  dot  ? 

—  Celle  que  l'empereur  Nicolas  devait  donner  à  sa 
nièce. 

—  Est-ce  que  vous  croyez  que  le  colonel  n'a  pas  de 
quoi  doter  richement  sa  fille?  C'est  un  colonel  à  la  de- 
mi-solde, il  est  vrai  ;  mais  quand  il  vit  sa  carrière  mi- 


litaire brisée  par  la  Restauration,  il  se  lança  dans  l'in- 
dustrie. 

—  C'est  alors  qu'il  inventa  la  pàte-Regnauld? 

—  Où  diable  avez-vous  pris  ce  conte?  Je  vous  ai  dit 
que  c'était  la  cuirasse-Regnauld  qu'il  avait  inventée 
sous  l'Empire.  Rentré  dans  la  vie  privée,  il  fonda  une 
usine  pour  la  fabrication  des  cuirasses  ;  et  cette  entre- 
prise réussit.  Des  dépôts  de  cuirasses-Regnauld  furent 
établis  chez  tous  les  pharmaciens,  et  ces  cuirasses  sou- 
veraines contre  les  rhumes  et  les  maladies  de  poitrine 
eurent  un  succès  prodigieux.  Le  ciel  bénit  les  efforts 
du  vieux  soldat,  secondé  par  le  lidèle  Merruau,  contre- 
maître de  l'usine  ;  sa  iille  Mina  elle-même  tenait  les 
livres  de  compte.  Celte  charmante  enfant  était  la  pro- 
vidence des  ouvriers  ;  aussi  fallait-il  les  voir  se  cotiser 
tous  pour  lui  acheter  un  superbe  bouquet  le  jour  de 
sa  fête!  Aujourd'hui,  le  colonel  Vcron  est  le  plus  ri- 
che industriel  de  France  ;  et,  certainement,  il  donnera 
une  dot  impériale  à  sa  fille. 

—  Le  fidèle  Merruau  lui-même  n'est  pas  sans  quel- 
([iies  petites  économies,  et  je  suis  bien  sûr  qu'on  aura 
Ibrt  à  faire  pour  l'empêcher  de  les  donner  à  la  char- 
mante Mina.  Mais  il  se  fait  tard,  et  je  vous  quitte  pour 
aller  assister  à  la  reprise  du  Soldat  laboureur.  » 


Comment  Vipérin  se  fit  journaliste, 


Et  passa  tonjours  pour  un  homme  de  mauvaise  mine. 


A  I.ISAf.E  DES  r.KNS  SIIUIKIIX. 


«7 


UU.NMiZ-.NUlS  IMiNC  DES  NOUVELI.LS  Dl.  M. 


|»l.  (.II'.AI'.IMN. 

_  Oii  »ont  iM  «iffleti,  «a  «orpcnti.  ! 


Qu'est  dcvcniiM.  (leCiiaidin?  QtiedevienlM.  de  Ci-  I 
raidin?  En  vain  nousle  deniandoiisii  tous  les  écliosde  ta  \ 
Presse  ;  le  échos  sont  muets  ;  la  J'ressc  ne  répond  nen . 

—  Il  se  fait  celer,  dit  l'un,  pour  échapper  à  la  cohue 
des  solliciteurs. 

—  Un  autre  :  il  court  sur  la  loule  de  Saint-Péters- 
bourg où  on  l'envoie  négocier  un  grand  mariage. 

—  Bouderait-il  par  hasard,  répliiiue  un  troisième? 

—  Quoi,  déjà! 

Au  fait,  tandis  que  les  plus  obscurs  d'entre  lesvam- 
queurssont  convoques  pour  le  partage'du  butin,  seul 
le  rédacteur  en  chef  de  lu  Presse  manque  au  gala  des 
[uirtefeuilles  et  des  places.  C'est  à  peine,  infortuné 
convive,  si  la  rumeur  publique  lui  a  un  jour  attribue 
l'héritage  de  M.  Caussidiére;  vingt-quatre  heures  après 
il  n'en  était  déjà  plus  question. 

Avec  le  quart  d'heure  de  Rabelais,  l'heure  des  désil- 
lusions aurait-elle  déjà  sonné'? 

11  est  de  tels  services  qu'il  devient  souvent  diflicile 
de  reconnaître.  On  se  sauve  alors  par  l'ingratitude. 
C'est  l'expédient  des  souverains,  peuple  ou  prince.  U 


uous  plait  de  von-  qu'en  l'an  de  grâce  18iH  les  bonnes 
traditions  du  pouvoir  se  conservent. 

En  ce  qui  touche  M.  de  Girardin,  nous  ne  pensons 
pas  cependant  que  l'opinion  réclame  bien  fort  contre 
ces  réminiscences  monarchiques.  Si  /«  Presse  n'a  pas 
satisfaction,  disait  ces  jours-ci,  avec  quelque  effroi,  un 
ami  de  M.  L.  Bonaparte,  elle  est  capable  de  recom- 
mencer contre  nous  la  même  cami)agne  qu'elle  a  faite 
successivement  contre  M.  Guizot,  contre  le  Couverne- 
ment  provisoire,  la  Commission  executive  et  le  géné- 
ral Cavaignac.  —  Qu'elle  recommence,  répondit  .me 
interlocutrice,  dont  les  mâles  conseils  ne  sont  point, 
dit-on,  sans  quelque  influence  dans  les  conciliabules  de 
l'hôtel  du  Uhin. 

Si  le  futur  président,  au  premier  coup  de  plume,  fait 
jeter  le  rédacteur  de  la  Presse  à  Viucennes  et,  moins 
clément  que  son  prédécesseur,  l'y  laisse  pendant  quatre 
ans  écrire  les  mémoires  d'iin  journaliste  au  secret, 
croyez-vous  qu'il  y  ait  à  Paris  soixante  voix  pour  pro- 
tester? Croyez-vous  qu'il  y  en  ait  vingt?  Croyez-vous 
qu'il  y  en  ait  dix? 


REVUE  COMIQUE 


El  fit  sa  tétc  avec  les  anciens  ami?. 


CONFIANCE!  CONFIANCE! 

Sur  le  coup  de  deux  heures,  Gobseak,  N'ucingea  , 
Chaudnreille,  i'etitrenard ,  Leiiipoignas  et  Hapinaud  , 
les  princes  de  la  (inance,  firent  leur  entrée  à  la  Bourse 
au  milieu  d'un  cortège  de  courtiers  marrons,  de  prè- 
teuzs  sur  gage,  d'escompteurs  de  primes,  d'avaleurs 
de  différences  et  do  coulissiers  pattus  de  la  grande  et  de 
la  petite  espèce. 

Aussitôt  il  y  eut  un  mouvement  extraordinaire  au 
parquet,  et  les  fonds  commencèrent  à  monter. 

Grandputois,  l'agent  de  change,  échangea  un  signe 
avec  lioursicot;  son  collègue,  et  un  effroyable  tumulte 
plongea  dans  le  ravissement  la  foule  grouilianle  à  l'en- 
tour  de  la  corbeille.  On  aurait  pu  croire  que  le  monu- 
ment croulait ,  et  que  les  sculptures  détachées  de  la 
voùle  fendue  allaient  tomber  du  haut  en  bas  sur  le 
cinq  pour  cent.  Heureusement  le  cas  a  été  prévu  ; 
les  sculptures  sont  peintes  à  la  détrempe,  et  les  murs 
sont  à  l'épreuve  de  la  hausse.  Le  bruit  de  la  cave 
montait  jusqu'au  grenier ,  où  siège  la  justice  consu- 
laire, et  l'on  vit  des  magistrats  quitter  leur  fauteuil 
et  leur  toge  pour  reprendre  leur  costume  civil  de 
marchands  d'huile  en  gros,  d'escompteurs  patentés,  ou 
de  négociants  en  peaux  de  lapin,  et  aller  faire  quelque 
coup  de  commerce  dans  les  fonds  publics  avec  la  dot  de 
leur  femme  en  couverture.  —  C'était  un  beau  désor- 
dre, un  véritable  effet  de  l'art  ! 

Les  fonds  montaient....  montaient  toujours. 
Gobseak  et  Nucingen  faisaient  cercle  au  milieu  du 
temple.  (Le  vieux  style  revient  avec  la  hausse  ) 

Quanta  Chaudoreille  et  Petitrenai-d,  ils  circulaient 
comme  deux  fouines  dans  les  bas  côtés,  entraînant 
sur  leur  piste  des  meutes  de  gobe-mouches  la  langue 
pendante. 

Lempoignas  et  Rapinaud  ,  en  leur  qualité  de  grands 
pvopriétaires  de  primes  et  de  banquiers  fonciers, 
s'étaient  mis  en  lapport  direct  avec  la  haute pe^re  de 
l'endroit,  comme  disent  plaisamment  les  hnanciers  du 
perron  de  Tortoni,  lorsqu'ils  sont  assez  riches  pour 
avoir  un  peu  d'argot. 

Ce  fut  alors  que  l'on  put  assister  à  un  spectacle 
bien  fait  pour  mettre  du  baume  dans  l'âme  de  nos 
concitoyens,  et  pour  assurer  la  reprise  soudaine  du 
véritable  commerce.  On  a  vu  dans  cette  journée  favo- 
rable, reparaître  le  crédit  qui  s'était  retiré  du  monde 
depuis  quelque  temps.  Crédit  a  mis  un  habit  neuf; 
—  bleu  barhot  à  boutons  de  métal  ,  basques  en  queue 
de  morue  ;  breloques  battant  sur  le  devant  <i^,  la  culotte 
à  petit  pont,  —  et  deux  montres  en  sautoir  comme  au 
jours  de  suprême  élégance  du  consulat. 

Confiance  !  confiance!  voilà  Gobseak  et  Nucingen 
qui  rassurent  les  pontes I  Allons,  messieurs  et  dames, 
faites  votre  argent. 


i 


J 


A  L'IISAGF  I)KS  Cr.NS  SKHir.lX. 


«9 


—  Mon  pon  ami  Cobseiik,  dit  Nuciiigen  ù  liaiilc 
voix,  fuitos-fous  les  bedilcs  iiiïaircs? 

—  Baron,  répond  C.olisoak  d'un  air  cap.ii)li',  j'acliètu 
LiMil  nulle  cens  de  renies!  —  Puis  se  i)en(hanl  niyslé- 
rieiiseinenl  à  l'oreilie  de  NucingiMi,  —  Je  sais  de 
sdiiiie  ceitaine  (pie  l'on  vient  de  l'aiie  une  eominande 
iuipoi-laule  de  manteaux  de  cour  aux  tadieurs  de  la 
iiie  Neuve  Vivieiuie. 

—  Oli!  mon  pon  ami,  s'écrie  Nuciuyeu  transpoité, 
i|ue  me  liles-lbus  là!...  J'aciiète  tout. 

Confiance!  conliance!  —  On  éloulVe  C.obscak  cl  Nu- 
cmgen.  — Les  imbéciles,  les  aigrelins,  aclictcurs,  ven- 
deurs, dupes  eldupeurs,  joueurs,  llàneurs,  le  paniuel 
et  la  coulisse  ne  sont  plus  qu'une  même  coliue. 

—  Que  dit-on?  Quoi!  Gobseak  et  Nucingen  acbè- 
Icnl? 

—  Six  mille  manteaux  de  cour  chez  les  tailleurs  de 
la  rue  Vivienne  ! 

—  En  vérité  !  Boursicot,  prenez-moi  du  cinq!... 

—  Pu  cinq?  Qui  est-ce  qui  vend  du  cinq?  au  comp- 
tant? —  Le  cinq  demandé  !  —  Vendeurs  à  "otr.  —  J  a- 
cbète  ! 

I.e  cinq  monte  de  ô  francs. 

A  ce  moment,  un  personnage  perce  la  foule.  C'est 
Crocanti,  ex-colonel  des  Cent-Jours  si  connu  à  Tor- 
loni,  par  sa  redingote  à  poil.  Crocanti  est  l'iiomme  des 
nouvelles,  ses  relations  avec  les  puissances  étrangères 
et  trois  danseuses  de  l'Opéra,  en  font  un  oracle  :  «  Eh 
bien!  colonel,  quelles  nouvelles?  —  Messieurs,  vtve  la 
Colonne!  répond  le  colonel  Crocanti  en  se  découvrant 
avec  solennité.  » 

Ces  simples  mots  produisent  un  effet  d'émotion. 
Les  plus  farouches  crocodiles  se  sentent  une  larme  au 
coin  de  l'œil.  —  Confiance!  confiance  !  le  cinq  monte 
à  76.  —  1  fr.  de  hausse-! 

Chaudoreille  el  Petit-Renard  ne  sont  pas  gens  à  ar- 
rêter le  cours  du  crédit  public.  —  Je  tiens  de  M.  de 
Nucingen,  s'écrie  Chaudoreille  avec  son  adorable  naï- 
veté, que  la  garde  nationale  va  être  entièrement  sup- 
primée et  remplacée  par  des  constables  spéciaux  qui 
conduiront  le  soir  avec  des  lanternes  les  bourgeois  dans 
les  maisons  dont  ils  ne  sauraient  pas  l'adresse.  Genre 
anglais  ! 

Confiance  !  confiance  !  le  cinq  monte  comme  la  ri- 
vière. 1  fr.  50  G.  de  hausse! 

—  Je  ne  sais  pas  trop,  continue  Petit-Renard,  si  je 
puis  sans  indiscrétion  vous  faire  part  d'une  confidence 
que  je  tiens  de  quelques-uns  de  ces  messieurs  de  la  rue 
de  Poitiers  qui  font  des  affaires  ici.  Il  parait  qu'il  n'y 
aura  plus  de  journaux:  on  est  décidé  à  s'en  passer. 

Plus  de  journaux!  confiance!  confiance!  —  On  se 
précipite  sur  les  coupons.  —  Encore  t  fr.  de  hausse. 

Vous  savez,  ditRapinaud  dans  un  autre  groupe, 

que  nous  nous  débarrassons  de  l'Algérie.  Mon  Dieu  oui, 
on  va  la  donner  aux  Anglais,  c'est  bon  pour  eux  ! 
Plus  d'Algérie!  confiance  !  et  50  c.  de  hausse. 


liant  el  le  plu» 


Fout   d'idées  !  —  Mais  c'est  toujours  de 
farine. 


Confiance  I  confiance 


90 


REVUE  COMIQUE 


— C'est  incontcstableinentaux  curés,  insinue  Lein  pei- 
gnas à  plusieurs  financiers  dévots,  que  nous  devons  Télec- 
tion  :  quand  ils  le  voudront,  ils  feront  nommer  Henri  V. 

Confiance!  confiance!  notre  belle  France  n'a  point 
cessé  d'èlre  catholique  ! — 5  fr.  de  hausse!  — Si  rheure 
de  la  clôture  n'avait  pas  sonné,  on  ne  sait  où  la  hausse 
se  serait  arrêtée. 

Gobseak,  iNuciiigen  et  leurs  amis,  très-satisfaits  de  la 
journée,  s'en  allaient  en  assurant  avec  autorité  que  le 


futur  président  était  résolu  à  ne  plus  jamais  laisser 
baisser  les  fonds.  —  Sur  la  dernière  marche,  le  baron 
heurta  le  petit  jière  Lavcrtu,  cet  imbécile  qui  escompte 
à  4  p.  100  ,  qui  ne  prend  qu'un  demi  de  commission, 
et  ne  joue  jamais.  —  Et  pien,  mon  prave  homme,  lui 
dit-il,  vous  n'affre  bas  fait  de  bedites  affaires. 

—  Eh  !  eh!  répondit  le  père  Lavertu,  je  me  réserve 
pour  le  jour  oii  vos  bonnes  nouvelles  seront  vraies;  la 
rente  vaudra  cent  sous,  j'achèterai  au  comptant. 


LA  DISCORDE  AU  CAMP  D'AGRAMANï 


Nous  serions-nous  trompés  avec  tant  d'autres?  Celui 
qu'on  traitait  d'àne  chargé  de  reiiquesaurait-il  l'heu- 
reuse opiniâtreté  d'un  mulet?  Tiré  à  droite  par  les  lé- 
gitimistes, moins  à  droite  par  les  Orléanistes,  refuse-t-il 
de  monter  tout  à  fait  sur  la  Colonne  à  la  place  de  son 
oncle?  Aurait-il  la  raison,  ou  l'entèlenient,  comme 
quelques-uns  de  ses  faux  amis  le  disent,  de  comprendre 
que  le  seul  parti  en  France  qui  puisse  n'être  ni  jaloux 
de  lui,  ni  dangereux  pour  lui  ;  qui  ne  puisse  être  l'en- 
nemi dans  sa  personne  que  de  l'empereur,  c'est  préci- 
sément ce  parti  qu'il  est  supposé  avoir  vaincu? 

Tels  sont  pourtant  les  bruits  qui  courent. 

On  assure  que  la  guerre  est  dans  le  camp  d'Agra- 
mant:  M.  ïhiers  boude  :  le  Constitutionnel  lui  est 
enlevé;  les  légitimistes  sont  furieux  ;  le  prétendant  s'a- 
vise de  prendre  son  rôle  de  président  au  sérieux.  — 


KEB  ACTION. 


Résolu  de  se  contenter  du  certain,  il  recule  devant  l'in- 
certain, c'est-à-dire  devant  le  piège  qui  lui  était 
tendu. 

M.  Louis-Napoléon  Bonaparte  est  encore  un  peu 
républicain  :  il  parle  de  la  Constitution  sans  mépris; 
—  les  ministres  qu'il  choisit  sont  décidés  à  n'en  point 
sortir,  à  la  défendre.  On  parle  de  conciliation  ;  des 
propositions  sont  faites  à  des  républicains  de  la  veille  ; 
François  Arago  serait  vice-président.  —On  ne  rom- 
prait pas  avec  cet  odieux  parti. 

Le  prince,  placé  en  face  du  quart  d'heure  de  Rabe- 
lais, se  sentant  chanceler  sur  sa  montagne  de  votes,  et 
sur  le  point  d'avoir  à  rendre  à  chacun  ce  que  chacun 
lui  a  prêté,  jette  un  regard  d'envie  sur  les  votes  acquis, 
bien  acquis,  au  général  Cavaignac. 

Patience  !  patience  !  la  République  vit  encore! 


LE  bERFEST  ET  LA  LIME. 

Drtsi-i  qui  peut  se  passer  de  leg  nde. 


Il  se  choisit  alors  un  ami  bien 
iDnocent  pour  lui  donner  la  ré- 
plique. 


Et  poursuivit  son  édition  quotidienne  de 

l'An  de  s'eng en  société  el  de  t'en 

/aire  plusieurs  mille  francs  de  revenus. 


A  l.lISAf.E  DES  GENS  Si::i\IEL'X. 


!t| 


NOIIVKLI.ES  DES  DÉPARTKMENTS. 

Onassiiri'  que  neuf  mille  cinq  cenls  Corsos  vieiineiil  il'arri- 
ver  à  Mar>eille.  Cliacini  lii-nl  à  la  main  droite  une  pelilioii  i 
l'adresse  lin  futur  Président. 

On  a  classé  ainsi  ci'S  [leliliims  : 


4.120 

80 
2,00« 
1,200  . 


9.500 


.  deniaiidi'nt  un  consulat  en  Italie; 
.  demandent  la  prifeelnrc'  d'Ajaecio; 
.   exit;ent  lu  vice-iiresidenee; 
veulent  l'Ire  colonels  de  };endarmerie  ; 
viennent  représenter  au  neveu  de  IKiuperenr 
que  le  siejje  de  l'Assemblée  nationale  doit 
élre  transfeié  à  Ajaecio  ; 
nombre  épal,  d'iiabilanls  de  Baslia  réclament 

cet  honneur  pour  leur  ville. 
(  On  assure  que  le  futur  Président,  pour  les 
mettre   d'aeeiird  ,    inclinerait    à   laisser  le 
siège  du  gouvernement  à  Paris.  ) 


Trois  mille  veuves  d'anciens  compagnons  de  l'Empereur  se 
Minl  jointes  à  ce  convoi  et  vont  arriver  à  Paris;  elles  sont 
loHiesparcntfS  à  un  degré  trés-rapproclié  du  prince  Louis. 

l'Insieurs  autres  convois  de  Corses  sont  egalemet  en  route, 
pir  divers  chemins,  pour  P.iris. 


Af  Conslittilionnel  venant  n  n  joiif  on  aille  à  In  Presse, 
M.  Véfon  .ioiinant  la  main  à  M.  de  Giiardin,  s'est 
élevé  contre  rénormité  commise,  disait-il,  par  le  gé- 
nérai Cavaignac,  à  Tégard  de  M.  de  f.irardin.  Uien  ne 
instillait  cette  airestation  aux  yeux  du  journal  de  M. 
Tliieis.  Elle  n'avait  pas  de  précédent.  —  C'était  un 
forfait  inouil  —  Comment  se  fait-il  qu'aucun  joiii'- 
ual  n'ait  relevé  cetle  incroyable  assertion? 

Qui  donc  avait  emprisonné,  mis  au  secret  Armand 
Cartel. 

Qni  donc,  après  l'avoir  accusé  sans  preuve  de  com- 
plicité dans  un  odieux  assassinat, —  celui  deFiesclii, — 


qui  donc  fui  obligé  de  le  lelâclier?  Si  ce  n'est  M. 
Thieis,  —  le  patron  du  Constilulionnell 

Et  qui  oserait,  d'autre  part,  comparer  ce  qu'il  y 
avait  de  révoltant  dans  la  mesure  par  laquelle  M.  Tliiers 
accusait  le  noMe  Armand  Carrel  de  complicité  avec  un 
infâme  scélérat,  avec  ce  qti'avait  d'explicable  l'arresta- 
lioii  do  M.  de  Cirardin  attisant  le  feu  de  la  guerre  ci- 
vile à  la  veille  des  journées  de  juin'? 


Nous  croyons  devoir  avertir  nos  lecteurs  que  si  nous 
avons  cru  pouvoir,  dans  la  personne  de  M.  Louis-Na- 
poléon Bonaparte,  combattre  énergiqucment  le  candi- 
dat à  la  présidence,  c'est-à-dire  le  simple  citoyen  am- 
bitieux d'un  titre  et  d'un  pouvoir  dont,  selon  nous,  un 
antre  s'élait  montré  plus  digne,  nous  nous  trouverions 
coupables  d'user  de  la  même  liberté  envers  celui  dont 
le  suffrage  universel  aura  fait  le  premier  magistral  de 
la  République. 

Contrairement  à  l'usage  où  l'on  est  en  France  d'at- 
taquer le  pouvoir  dans  l'bomme  qui  en  est  investi, 
nous  pensons  que  ce  qu'il  faut  avant  tout  respecter  et 
se  garder  d'affaiblir,  c'est  le  principe  de  l'autorité, 
quelles  que  soient  les  mains  dans  lesquelles  il  repose. 
A  défaut  de  l'bomme,  c'est  la  fonction,  qui,  selon 
nous,  doit  être  honorée.  Nous  aurons  donc  grand  som, 
.lès  que  la  nomination  officielle  du  président  de  la  Ré- 
publique sera  définitivement  arrêtée,  de  séparer  la 
personne  du  président  de  la  personne  de  M.  Louis-Na- 
poléon Bonaparte.  L'une  nous  sera  sacrée  ;  et  quand 
notre  critique  touchera  l'autre,  nous  prendrons  garde 
encore  d'atteindre  le  président. 


Mais,  comme  il  tournai!  à  l'hydro- 
phobie,  OB  le  musela  pour  cause 
de  sécurité  publique. 


Entrée  de  Vipérin  en  prison.  —  Effet  proluit  par  sa 
présence  sur  les  autres  animaux  malfaisants  et 
venimeux. 


Pour  se  tirer  de  là,  il  file  doux  et 
offre  ses  services,  dont  on  ne  veut 
pas. 


REVUE  COMIQUE 


PKTITE  EXPLICATION   D  INE   GRANDE  MAJORITE. 
AlK  :  Ai/icu,  chiiiismts. 
ClIOEUll    DES    BLANCS. 

Pour  Henri  Cinq  on  sait  noire  faiijlesse; 
Oui,  nous  coin  liions,  sous  l'empire  des  lis. 
Ressusciter  les  titres  de  noblesse, 
En  février  vainement  abolis. 
Puisque  aujourd'hui  le  peuple  nous  écarte. 
Pauvres  débris  des  barons  féodaux! 
A  notre  élu,  monseigneur  de  Bordeaux, 
Pour  marche-pied  donnons  un  Bonaparte. 

Nos  jours  viendront,  il  faut  qu'en  attendant 
Nai)oléon  soit  nommé  président.      (bis.) 

CHOEIB    DES    BLEUS. 

Sous  un  vieux  roi,  qui  nous  donnait  l'exemple, 
Chacun  de  nous  cherchait  à  s'arrondir; 
Pour  le  veau  d'or  nous  avions  fait  un  temple 
Qu'une  débâcle  empêcha  de  grandir. 
Seuls  détenteurs  de  l'urne  électorale. 
Nous  avions  droit  d'y  déposer  nos  noms. 
Ayons  un  prince,  et  sans  bruit  retournon  ;, 
Par  la  traverse,  à  la  roule  royale. 

Nos  jours  viendront,  il  faut  qu'en  attendant, 
Napoléon  soit  nommé  président,      (bit.) 

CHOEl'R    DES    ROUGES. 

Nous  avions  dit  :  «La  lutte  est  nécessaire: 
Frères,  marchons,  fermes  et  convaincus  » 
Mais  Cavaignac,  implacable  adversaire, 
A  décimé  nos  bataillons  vaincus. 
Inaugurons  un  pouvoir  plus  fragile; 
Et  quand  de  tous  il  sera  détesté, 
Au  nom  du  peuple  et  de  l'Égalité, 
Nous  briserons  cette  idole  d'argile. 

Nos  jours  viendront;  il  faut  qu'en  attendant, 
Napoléon  soit  nommé  président,      (bis.) 


f  leine  demorali'.- . 


Et  sur  combien  uc  cliosts  avyii. 

voile  de  la  pudeur  !1! 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


RÉCLAMATION  D'UN  CUL'UTIER  ÉLECTORAL. 


Air  :  Marchong  !  n'écriait  Mayeux. 


93 


Vous  V(]ilii  iioniini',  je  pense. 
Mon  prince,  et  j'en  suis  ravi; 
Mais  j'  veux  une  rcconipeuse. 
Car  je  vous  ai  bien  servi. 
Pour  attirer  dans  la  nasse 
Le  rictie  et  le  plébt'ien. 
J'ai  {'.lit  (les  coules  eu  niasse: 
A  vot"  tour,  faites  le  luien. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Un  emploi. 
Ou  n'importe  quoi!  {bis.) 


Pour  votre  eauiliilaluie, 
lui  toui  lieux  j'ai  r('|iauiln 
Mainte  superbe  brochure. 
Dont  le  fruit  u'e.-t  pas  perdu. 
Couini'  sauveur  de  la  patrie, 
A  tous  j'  vous  ai  révélé; 
Dans  la  Fiance  et  l'Alfiérie 
Que  nus  canards  ont  volé  ! 

Pajez-nioi  ! 

Duiinez-nii'i 

lin  eiiipini. 
Ou  n'importe  quoi. 


I'iii<,  auprès  de  la  Colonne, 
IJans  les  groupes  ameutés, 
De  votre  auguste  personne 
J'ai  vanté  les  qualités. 
Maltraité  par  des  sauvages, 
Qui  de  vous  ne  voulaient  point. 
Je  n'ai  ro<;u,  pour  mes  gage.", 
Hélas  1  que  des  coups  de  poing. 

Payez- moi! 

Donnez-moi 

Un  emploi. 
Ou  n'importe  quoi! 


On  m'a  promis  des  espèces 
Payables  dans  l'avenir; 
J'avais  rêvé  des  richesses, 
El  je  ne  vois  rien  venir. 
Je  suis  accablé  de  notes 
Pour  c'  que  j'ai  dit  dépenser; 
Car  c'est  en  usant  mes  bottes, 
Que  j'  vous  ai  fait  avancer. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Un  emploi, 
Ou  n'importe  quoi! 


J'ai  parcouru  la  province. 
En  disant  aux  campagnards 
Que  vous  étiez  un  grand  prince, 
Riche  de  plusieurs  milliards. 
De  piquette  détestable 
Obligé  de  m'abrcuver. 
Je  suis  tombé  sous  la  table, 
Alin  de  vous  relever. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Uu  emploi, 
Ou  n'importe  quoi! 


Montrez  d'  la  reconnaissance. 
Président,  si  vous  avez 
Les  honneurs  et  la  puissance, 
A  mes  soins  vous  le  devez. 
Avoir  en  décnnliture 
Mis  r  général  Cavaignac, 
Ça  vaut  bien  un'  préfecture. 
Et  môme  un  bureau  d'  tabac. 

Payez-moi  ! 

Donnez-moi 

Un  emploi, 
Ou  n'importe  quoi!  [Ins.) 


LES  VARIATIONS  D  l  N  PARISIEN. 


Air  :  Saluf,  petit  covsin  (jfrmttin. 


28    FÉVniEB. 

Louis-Philippe  est  expulsé  ; 
La  nation  s'est  aflVanchie; 
Sa  grande  voix  a  prononcé 
La  chute  de  la  monarchie. 
Pour  notre  France,  l'avenir 
l-M  plein  de  bonheur  et  de  gloire  ; 
Il  ni-sons-nous  pour  soutenir    (lis. 
Le  gouvernement  provisoire!!! 


10    DÉCEMBRE. 

Ah!  gardons-nous  bien  de  porter 
Oavaignac  à  la  présidence. 
Pour  Bonap  irte  on  doit  voter: 
RenJons-noiis  tous  à  l'évidence. 
Dans  la  ville  et  dans  le  faubourg, 
.\vec  transport  chacun  le  nomme. 
Oublions  Boulogne  et  Strasbourg  : 
VfVe  le  neveu  du  grand  homme!!! 


1' 


Unis'on5-nous  pour  renverser 
Le  gouvernement  provisoire, 
Et  ne  nous  laissons  plus  bercer 
Par  mainte  pronie.ssc  illusoire. 
Un  seul  homme  habile  et  (irudent, 
Nous  a  sauvés  de  la  ruine. 
Ah!  mes  ami-;,  pour  président 
Choisissons  le  grand  Lamartiue!!! 


\"  JUILLET. 

Ah!  mes  smi-,  pour  président 
Ne  choisissons  pas  Lam  irline. 
Cavaignac  en  nous  défendant 
Briie  la  discorde  intestine. 
Sous  un  chef  énergique  et  loit. 
Que  l'autorité  se  condense; 
Elevons  d'un  commun  accord, 
Cavaignac  a  la  présidence!!! 


Mais  ce  choix  peut-il  des  Français 
Changer  l'inconstant  caractère'? 
J'ai  vu  les  dieux  que  j'encensais 
Tour  à  tour  re:iversés  à  terre. 
Si  Ton  m'invite  à  remplacer 
Celui  qui  tient  le  rang  suprême, 
Ne  sachant  sur  qui  me  fixer, 
Je  prétends  me  nommer  moi-même. 


Dessiné  pir  Fabritzius. 


Cet  homme  à  l'œil  rairon,  i\\ù,  ccrl.'s,  n'est  pas  beau. 
Est  connu  dans  la  prisse  et  dans  la  pliarmacie, 
Par  la  pite-Regnault,  le  biberon-Darbo, 
Et  les  premiers-Paris  auxquels  Tliiers  s'associe. 
Son  image  est  lidéle,  et  nous  avons  pris  soin 
D'y  placer  les  produits  qu'on  doit  à  sa  science  ; 
Môme  le  biberon  dont  il  aura  besoin, 
Car  son  journal  tombe  en  enfance. 


Gravé  par  MoNTIgneul- 


nol  1  8VA«D    ORS  ITALIENS. 


3<l  rciidiiies  Ih  livraison. 


MUE  mCBELIEU,  S2 


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.ndlUoosde  la  Sonscriprton.  -  L:i  Revue  comique  formera  un  m,isn.lu[,io  volume,  gran.l  in-8,  publié  en  50  livraisons    à  30  centimes, 
^  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco]  à  M.  Lirecï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  de» 


lar  la  poste,  40  centimes.  —  Pour  tout 
italiens. 


DUMUVKHAT,  ÉDITEVB,  S9,  AUS  BICHSLXZV. 


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LK  M.\U1U.E    IMPREVU. 


En  prùscnce  de  Dieu  cl  devrint  le  peuple  fiMnetiis,  je  juic  île  rcslcr  fidèle  à  lu  UiaTiiuorE  di;mocratioue, 
"  une  el  indivisiljle,  el  de  reiiiplii'  lous  les  de\oirs  ijuc  m'ini])Ose  la  Goiislilution.  » 

—  Article  48  de  la  Coiislilulioii.  — 


P.iiii.— Tire-    MU  prajsoj  m.-cml.|iic»  d.'  LiCluMPU  lil'  ol   fomi..,  rut  lliiiiiiillf,  ï. 


LA  SEMAINE. 


—  Ah  çà  !  ma  chère  ,  dis-je  à  la  Semaine,  il  n'est 
pas  permis  Je  négliger  nos  intérêts  et  nos  distractions 
comme  vous  venez  de  le  faire. 

—  Que  voulez-vous  dire'.'  nie  répondit-elle;  ne 
vous  ai-je  pas  donné  une  revue  au  théâtre  Montansier, 
un  vaudeville  de  M.  Bayard  au  Gymnase,  et  la  conti- 
nuation des  débuts  de  mademoiselle  Lagrange  à  l'O- 
péra? 

— 11  s'agit  bien  de  vaudevilles,  en  vérité  !  Comment, 
vous  avez  une  chose  des  plus  nouvelles ,  des  plus  rares, 
des  plus  choisies,  l'inslallalion  d'un  président  de  la 
République ,  et  vous  vous  la  laissez  escamoter. 

—  Vous  avez  raison,  mais  que  voulez-vous"?  il  faut 
bien  faire  quelques  sacrifices  à  la  raison  d'Ktat. 

—  Belle  raison  !  Eh  quoi  !  la  politique  s'opposait-elle 
à  ce  que  vous  nous  donniez  une  fête  quelconque  ,  des 
ifs,  un  cortège,  un  serment  en  plein  air  sur  la  place 
de  la  Concorde;  un  orchestre  monstre,  les  chœurs  de 
rOpéra,  des  lampions,  tout  cela  fait  bien.  En  fait 
d'illumination,  j'ai  été  obligé  de  me  contenter  du  gaz 
municipal.  Mon  portier  était  navré.  C'est,  à  peine  si 
on  a  entendu  tonner  le  canon  des  Invalides,  et  encore 
n'a-t-on  su  que  le  lendemain  pourquoi  il  avait  tonné. 

—  J'ai  agi  d'après  les  ordres  du  président  du  conseil, 
ainsi  ma  responsabilité  est  à  couvert.  Le  citoyen  Bar- 
rot  craignait... 

—  Quoi  donc  ? 

—  Demandez-le  au  citoyen  Changarnior  qui  crai- 
gnait aussi... 

—  Mais  quoi  donc  '? 


—  Interrogez  le  citoyen  Malloville,  ministre  de  l'in- 
térieur, qui  redoutait  de  son  cùté... 

—  Me  direz-vous  quoi  ? 

—  Informez-vous  auprès  du  citoyen  r.ébillot ,  iiré- 
fet  de  police,  qui  n'était  pas,  de  son  côlé,  sans  conce- 
voir de  sérieuses  appréhensions. 

—  Encore  un  coup,  que  craignaient-ils? 

—  Ma  foi ,  je  n'en  sais  rien;  mais  tout  ceci  ne  me 
regarde  pas.  C'est  de  la  haute  politique.  D'ailleurs  de 
quoi  vous  plaignez-vous,  n'avez-vouspas  eu  une  revue? 

—  Voir  cent  mille  nez  rouges,  le  beau  plaisir  !  Et 
puis,  cette  revue  manquait  de  gaieté. 

—  Comment,  le  colonel  Dumoulin  à  cheval  à  côté  du 
président  1  vous  ne  trouvez  pas  cela  drôle?  Et  puis,  mal- 
gré le  froid,  on  a  beaucoup  crié  :   Vive  la  liêpublique  ! 

—  Oui  ,  c'est  une  compensation.  A  propos,  pouvez- 
vous  me  dire  de  quel  ordre  le  président  de  la  Répu- 
blique française  portait  le  grand  cordon  ? 

—  De  la  Légion  d'honneur. 

—  Et  où  l'a-t-il  gagné? 

—  Le  prince  l'a  dit  devant  le  jury  de  Strasbourg  : 
Je  l'ai  trouvé  dans  mon  berceau. 

Je  croyais  que  ce  n'était  point  là  que  se  trouvait 

oïdiiiairenient  la  crois  d'honneur,  et  ni  Lannes,  ni  La- 
place,  ni... 

—  Mais  tous  ces  gens-là  n'étaient  pas  princes. 
Louis-Napoléon  est  grand-cordon  de  naissance.  Igno- 
rez-vous donc  que  Louis  XIV  lui-même  venait  confé- 
rer l'ordre  du  Saint-Esprit  à  ses  petits-lils  le  lende- 
main du  jour  où  ils  étaient  nés  ? 


100 


REVUE  COMIQUE 


—  Mais  il  me  semblait  que  la  nouvelle  Constitution 
avait  aboli  tous  les  privilèges  de  naissance,  et  qu'il  ne 
pouvait  y  avoir  des  légionnaires  de  droit  divin. 

—  Oui,  mais  ici  il  y  a  un  sénatus-consulte.  Le  ci- 
toyen Odilon  Garrot  range  les  sénatus-consulte  au  nom. 
bre  des  faits  accomplis.  Acceptons  donc  sans  murmurer 
îe  grand  cordon  du  président  de  la  République. 

—  Va  pour  le  grand  cordon  ;  mais  les  épaulettes  de 
lieutenant  général,  qui  ont  brillé  sur  les  deux  épaules 
du  président,  que  vous  en  semble?  Feu  le  système  de 
Louis-Philippe  ne  donnait  aux  princes  leurs  grades  que 
l'un  après  l'autre.  Que  doit  penser  de  ces  épaulettes 
le  vieux  général  Lebreton?  J'espère  bien  qu'après  avoir 
attaqué  les  promotions  illégales  du  général  Lamori- 
cière,  il  va,  en  honnête  homme,  monter  à  la  tribune 
et  dire  leur  fait  à  ces  malencontreuses  épaulettes... 

—  Vous  êtes  fou,  mon  cher;  le  général  Lebreton, 
comme  pas  mal  d'autres  vieux  grognards,  est  fort  ai- 
mable quand  il  n'a  pas  devant  lui  les  jeunes  officiers 
autrefois  ses  inférieurs,  aujourd'hui  ses  supérieurs;  il 
pardonnera  tout,  sinon  au  président,  au  moins  au 
prince. 

—  Vous  croyez'?  Alors,  passons  à  d'autres  tableaux. 
Voyons  un  peu,  chère  Semaine,  ce  que  vous  avez  fuit 
à  l'Académie? 

—  J'ai  ressuscité  feu  Monlhyon. 

— Quoi  !  ce  vertueux  philanthrope  existerait  encore? 


—  Oui,  sous  le  pseudonyme  de  M.  Delestre-Poirson. 
Cet  estimable  directeur  vient  de  fonder  des  prix  de 
vertu,  de  bon  sens  et  de  géographie.  Mille  francs  à  la 
vertu,  mille  francs  au  bon  sens,  ])ourvu  qu'il  n'outrage 
pas  la  langue  française,  et  mille  francs  à  la  géographie, 
à  condition  qu'elle  sera  domiciliée  dans  le  douzième 
arrondissement.  Deux  mille  francs  seront  ensuite  ac- 
cordés à  l'éloge  du  général  Cavaignac,  soit  eu  vers,  soit 
en  prose.  Ici  une  petite  difliculté  se  présente. 

—  Laquelle? 

—  C'est  que  r.\cadémie  ne  peut  vanter  (jiie  les 
morts,  il  lui  est  intcidlt  par  le  règlement  de  faire  l'é- 
loge des  vivants. 

—  Comment  fairu? 

—  On  a  nonuné  une  commission  qui  se  chargera 
d'aplanir  les  obstacles. 

—  Très-bien.  En  attendant,  s'occupe-t-on  de  rem- 
placer les  trois  académiciens  défunts? 

—  L'Académie  attend  que  l'Assemblée  nationale  ait 
voté  les  lois  organiques. 

—  Je  ne  vois  pas  grand  intérêt  dans  tout  ce  que  vous 
me  racontez,  ma  pauvre  Semaine,  et  vous  êtes  d'un 
vide,  d'une  insignifiance  '. 

—  Ingrat,  me  répondit-elle,  ne  t'ai-jc  pas  apporté 
le  réveillon  de  famille,  et  peux-lu  traiter  ainsi  ta  pau- 
vre semaine  de  .Noël?  Attends  ma  sœur;  d'ailleurs  elle 
t'apportera  dès  demain  mille  et  uue  interpellations. 


Quelques  nez  commencent  à  s'allonger. 


Nouvelle  représeutalion  d'une  vieille  comédie. 


NOËL. 


—  Pan  !  pan  ! 

—  Qui  est  là? 

—  Le  vieux  père  Noël  de  18-48. 

—  Farceur  ! 

—  Il  n'y  a  pas  de  farceur  ;  je  suis  réellement  le 
père  Noël  qui  vient  vous  rendre  visite.  Ouvrez,  je 
meurs  de  froid. 

—  Entrez,  alors  ;  mais,  à  vrai  dire,  je  ne  vous  at- 


tendais guère.  Pourquoi  n'èles-vous  pas  tombé  chez 
moi  par  la  cheminée,  selon  l'usage? 

—  H  y  avait  du  feu,  et  j'ai  craint  de  griller  mes 
vieilles  jambes. 

—  Asseyez-vous  dans  ce  fauteuil  et  réchaulTez-vous. 
Voici  un  verre  de  i-atafia  pour  vous  remettre  le 
cœur. 

—  Merci,  jeune  homme.  S'il  entrait  dans  vos  pro- 


A  I.IISACK  DKS  GlvNS  SKlUiaJX. 


101 


jets  (le  faire  réveillon,   iiy  vmis  gi'iu'/.  pas  ;  ji'  iiiaii(,'orai 
un  morcL'au,  pour  vous  tenir  coni|)agnio. 

—  Je  vois  ([ue  vous  n'avez  pas  soupe  depuis  l'année 
dernière. 

—  Ma  foi,  non,  puisqu'il  faut  vous  l'avouer. 

—  Voici  une  moitié  de  boudin,  mangez.  Queiionle 
ne  vous  fasse  pas  dommage,  comme  dit  Sanelio.  Mais 
à  quoi  dois-je  riionnourde  votre  visite'? 

—  Je  viens  vous  apporter  mon  cadeau  annuel. 

—  Vous  êtes  donc  toujours  dans  l'usage  de  faire  des 
cadeaux? 

—  Certainement.  On  met  un  soulier  dans  la  chemi- 
née, et  j'y  dépose  ce  que  je  veux.  Or,  comme  vous 
n'aviez  pas  mis  votre  soulier  dans  la  cheminée,  et  que, 
du  reste,  il  y  avait  grand  feu,  j'ai  frappé  à  la  porto. 

—  Je  comprends.  Et  que  m'apportez-vous? 

—  A  un  homme  sérieux  connue  vous,  à  un  électeur, 
on  ne  peut  pas  donner  des  dragées,  des  sucreries,  des 
brimborions;  je  vous  apporte  un  cadeau  politique. 

—  Un  nouveau  ministère,  peut-être? 

—  Justement.  Un  nouveau  ministère  sous  la  prési- 
dence du  citoyen  Odilon  Barrot. 

—  Nous  l'avions  avant  que  vous  eussiez  |)ensé  à  le 
mettre  dans  mon  soulier. 

—  Je  comptais  vous  faire  une  surprise. 

—  La  surprise  n'en  existe  pas  moins.  Un  ministère 
Barrot-Falloux  sera  toujours  quelque  chose  de  bien 
surprenant.  Mais  dites-moi,  père  Noël ,  pcnsez-vnus 
que  ce  ministère  dure  ? 

—  Il  durera  toujours  autant  que  moi. 

—  Autrement  dit,  vingt-quatre  heures  :  les  enfants 
prodiges  vivent  peu.  Je  vous  trouve  bien  sarcastique, 
père  Noël  ? 

—  C'est  votre  moitié  iFc  boudin  qui  me  met  en  belle 
humeur  ;  je  me  sens  tout  gaillard.  Que  pensez-vous  de 
votre  nouveau  président? 

—  Heu  !  heu  ! 


—  Je  comprends. 

—  Vous  ne  comprenez  |ias  du  lonl.  .i'i'iili'nds  que  le 
nouveau  président  pourrait  jouer  un  bien  joh  loiir  à 
M.  Thiers  et  aux  légitimistes  qui  lui  ont  donné  leur 
voix  ;  ce  serait  de  se  faire  franchement  républicain.  F'^t 
voici  ce  qui  arriverait  :  le  jour  où  les  dynastiques  qui 
ont  fait  son  élection  voudraient  le  renverser,  —  et  ce 
jour  n'est  pas  bien  éloigné, —  Louis  Bonaparte  serait 
défendu,  par  qui?  Justement  par  les  véritables  républi- 
cains, par  ceux  qui  ont  eoiiiliiitlu  sa  candidature  avec 
le  plus  d'acharnement. 

—  VA  pensez-vous  que  la  chose  arrive? 

—  Pourquoi  pas?  Ce  serait  alors  la  gloire  du  parti 
républicain,  d'avoir  su  reconnaître  et  défendre,  dans 
un  chef  de  l'État  qui  n'a  pas  ses  sympathies,  le  droit 
sacré  de  l'élection  ;  ce  serait  sa  justification  aux  yeux 
de  l'Euiope  et  la  démonstration  irrécusable  de  sa  vi- 
talité. Après  une  telle  épreuve,  la  forme  républicaine 
deviendrait,  pour  tous  les  esprits  sensés,  une  nécessité 
politique  prouvée  mathématiquement. 

—  Vous  pourriez  hien  avoir  raison.  Mais  Bonaparte 
sera-t-il  républicain? 

—  Peut-être,  si  son  entourage  le  lui  permet.  Voilà 
déjà  M.  de  Girardin  qui  commence  son  opposition. 

—  Ce  nom  m'agace  les  nerfs,  il  me  met  en  fuite  ; 
aussi  bien  le  boudin  est  fini,  et  je  vais  continuer  mes 
excursions  <lans  les  cheminées  voisines.  Si  je  passe  par 
l'Elysée  national,  et  que  le  nouveau  président  ait  mis  sa 
botte  dans  la  cheminée,  j'y  laisserai  tomber  les  quel- 
ques mots  de  conversation  que  nous  avons  eu  à  son 
sujet. 

—  Vous  ferez  bien,  père  Noël  ;  mettez  aussi  dans 
la  botte  de  Bonaparte  que  ce  sont  les  conseils  d'un  en- 
nemi de  la  veille,  et  que  ces  ennemis-là  valent  mieux 
pour  lui  que  ses  amis  de  la  veille  et  du  lendemain. 
Bon  voyage,  père  Noël,  et  à  l'an  prochain,  si  nous 
sommes  encore  de  ce  monde. 


LE   GENERAL   CAVA1GX.4C. 


AU    OÈNEBAL    C&V&IONAC. 


Nous  recevons,  avec  prière  de  l'insérer,  celte  adresse  au 
Général  Cavaignac. 

Nous  adhérons  complètement  aux  sentiments  si  péuéreu- 
semeut  exprimés  dans  cette  adresse. 

«  Général, 

«  La  France  vient  de  donner  au  monde  un  douloureux  spec- 
tacle, celui  de  son  ingratitude  pour  l'homme  qu'elle  avait  par 
deux  fois  proclamé  son  sauveur. 

<(  Mais  vous  donnerez  au  monde  le  spectacle  consolant  d'un 
honnèle  homme  suhissant,  sans  étonnement,  sans  amertume 
et  sans  emphase,  une  monstrueuse  injustice  ;  el  ce  dernier 
spectacle,  aussi  glorieux  pour  vous  que  rassurant  pour  la  di- 
gnité humaine,  contiendra  une  leçon  qui  sera  comprise  par  la 
France,  un  instant  égarée. 

a  Pour  nous,  Général,  plus  Termes  que  jamais  dans  la  voie 
où  vous  marchez  à  noire  lélc,  vaincus  aujourd'hui,  mais  non 
découragés,  confiants  d'ailleurs  dans  les  destinées  impérissal)lcs 
de  la  Répuhlique,  nous  serons  calmes  el  recueillis  comme  vous. 

0  Sentinelles  vigilantes,  maisnonmalvcillanlesde  notre  Con- 
stitution républicaine,  résolus  que  nous  sommes  à  rester  justes 


en  dépit  de  nos  plus  vives  sympalhies,  préoccupés  uniquement 
du  salul  de  la  République  et  de  son  bien-être,  nous  savons  que 
nous  sommes  d'accord  avec  vous  quand  nous  prenons  l'enga- 
gement solennel  de  voir  le  bien  partout  où  il  sera,  et  de  res- 
pecter le  principe  d'autorité  dans  la  personne  du  citoyen  que 
le  suffrage  universel  en  a  fait  le  représentant. 

«  Nous  ne  rendrons  donc  pas  à  nos  adversaires  coalisés  la 
guerre  déloyale  qu'ils  nous  ont  faite;  nous  n'oublierons  pas 
que  c'est  toujours  aux  dépens  de  la  patrie  que  de  pareilles  luî- 
tes peuvent  se  soutenir  ;  et,  décidés  à  n'avoir  d'ennemis  que 
les  ennemis  de  la  République,  nous  nous  inclinerons  devant 
toul  acte  émanant  d'un  pouvoir  régulier,  quand  cet  acte  aura 
pour  bul  rafrermisscmcnt  et  la  défense  de  la  Conslilulion. 

<(  Que  si  un  jour,  —  désintéressés  pour  vous  comme  pour 
nous-mème,  nous  souhaitons  que  Dieu  veuille  éloigner  ce  jour; 
—  que  si  un  jour,  la  France  malheureuse  el  divisée  devait 
tourner  ses  regards  vers  vous,  Général,  comme  vers  une  ancre 
de  salut,  il  faut  que  les  plus  pervers  puissent  vous  rendre 
récbilant  témoignage  qu'innocent  de  ses  maux  votre  mission 
ne  peul  être  que  de  les  guérir. 

«  Des  Electeurs  du  (jcncral  Cavairjnac.  » 


LOUIS-NAPOLEON    DONAPARTE. 

—  D'après  un  dagaeiréoty,-'( 


AU  CITOYEN   LOUIS   BONAPARTE,   PRESIDENT  DE  LA  REinBLIQITE  FRANÇAISE. 


Citoyen  présiilcnl, 

Hier  encore,  vous  n'étiez,  pour  les  gens  de  bon  sens  et  de 
bonne  foi  qui  ont  voté  contre  vous  pour  le  général  Cavaignac, 
qu'un  bomme  dont  le  passé  turbulent  devait  faire  redouter 
1  'avenir,  qu'un  joueur  léméraireet  opiiiiàlrc,  résolu  à  pousser 
jusqu'au  bout,  sans  pilié  pour  la  France,  les  cbances  de  cetle 
martingale  politique,  votre  rêve  incessant,  dont  deux  fois  déjà 
vous  aviez  en  vain  tenté  le  succès  à  Sirasbourg  et  à  Boulogne. 

Pour  beaucoup  d'autres,  amoureux  du  passé,  impatients  du 
présent,  vous  étiez  un  prince,  un  prétendant  à  l'empire,  un 
ennemi  de  la  République  pouvant  servir  d'arme  contre  elle  et 
frayer  le  passage  à  d'autres  prétendants,  vos  rivaux,  tout  préis 
à  confisquer  à  leur  profit  votre  victoire. 

Quant  au  peuple,  —  celui  des  campagnes  voyail  en  vous 
l'héritier  d'un  grand  nom  et  le  destructeur  fanlaslique  de  tout 
irapiil,  pendant  que  celui  des  villes,  personnifianl  dans  votre 
candidature  la  baine  qu'il  portait  à  son  vainqueur  de  juin,  vous 
faisait  le  symbole  de  sa  première  vengeance. 

Aujourd'hui  vous  êtes  pour  tous  le  président  de  la  Républi- 
que française. 

Devant  ce  grand  fait,  oublions  le  passé,  le  votre  surtout  ; 
oubliez  la  Suisse,  oubliez  Londres  ;  laissez-y  le  jeune  homme, 


dont  mieux  qu'un  autre,  si  la  lumière  s'est  faite  dans  voire  es- 
pril,  vous  savez  ce  qu'il  fallait  penser;  el,  obligé  de  compter 
avec  ce  redoutable  succès  et  de  le  justifier,  pensez,  non  aux 
grandeurs  de  votre  situation  nouvelle,  mais  aux  devoirs  qu'elle 
vous  impose,  aux  dangers  qui  l'environnent,  —  et  reconnaissez 
que  par  un  sort  bizarre,  mais  fatal,  la  plupart  de  vos  amis 
d'hier,  si  vous  êtes  sage,  doivent  être  cuusidérés  par  vous 
comme  vos  ennemis  d'aujourd'hui. 

Diles-vous  que,  prétendant,  vous  éles  isolé  entre  tous; 
qu'orléanistes,  légitimistes  et  républicains  se  tourneront  contre 
vous  et  que  vous  succomberez. 

Dites-vous  qu'empereur,  vous  ne  serez  jamais  que  l'ombre 
afl'aiblie  de  votre  oncle,  tandis  que,  président  de  la  Républi- 
que, vous  aurez  dans  l'histoire  un  rôle,  rôle  unique,  magnifi- 
que, dont  la  gloire  sera  bien  à  vous,  dont  le  mérite  vous  ap- 
partiendra et  qu'aucuiî  autre  ne  saurait  effacer. 

Dites-vous  cela,  et  vous  aurez  fondé  une  république  là  oii 
le  plus  grand  homme  des  temps  modernes  n'a  pas  suffi  à  fonder 
un  empire,  —  el  vous  aurez  donné  aux  partis  une  de  ces  le- 
çons de  probité  contre  laquelle  aucune  voix  n'osera  s'élever,  et 
qui  vous  assurera,  non-seulement  l'eslime,  mais  le  concours 
même  des  honnêtes  gens  que  vous  aurez  vaincus. 

Des  Électeurs  du  Général  Cavaignac. 


iOt 


REVUE  COMIQUE 


UNE  RAISON   PAUMI  IVAllUKS  rOlT.  F.XrMQUF.R  L'KCHEC  DE  M.  DE  LAMARTINE. 


S'il  était  besoin  de  donner  à  quelquo  âme  candide 
les  raisons  de  l'incroyable  échec  de  M.  de  Lamartine 
dans  la  question  de  la  présidence  de  la  République,  un 
les  trouverait  résumées  en  un  seul  petit  fait  qui,  pour 
être  minime  en  apparence,  n'en  est  pas  moins  au  fond 
très-sisniticatif  pour  tous  les  physiologistes  de  bonne 
foi. 

Le  Bien  public  ,  journal  créé  par  M.  de  Lamartine, 
et  qui  soutenait  avec  quelque  talent  sa  candidature, 
vient  de  mourir  avec  cette  candidature.  A  quelle  porte 
croyez- vous  que  la  rédaction  du  Bien  public  ait  été 
frapper,  à  qui  pensez-vous  que  l'écrivain  de  confiance 
de  M.  de  Lamartine,  et  M.  de  Lamartine  lui-même 
aient  été  demander  asile.  Hélas!  à  la  Presse,  et  à 
M.  de  Girardin.  Cet  incroyable  manque  de  tact,  de 
conduite  politique  n'explique  que  trop  lachute  immense, 
chute  imméritée  d'ailleurs  sous  beaucoup  de  rapports, 
de  l'homme  qui,  ayant  tenu  dans  ses  mains  le  pays  tout 
entier  pendant  trois  mois,  en  est  arrivé  à  y  trouver 
moins  de  suffrages  que  iL  Raspail  ! 

Un  des  grands  défauts  de  M.  de  Lamartine,  c'est  de 
se  croire  au-dessus  du  proverbe  :  Dis-moi  qui  tu  han- 
tes, je  te  dirai  qui  tu  es,  et  de  ne  pas  connaître  les 
hommes.  Comme  nos  anciens  rois  de  France,  il  nie  la 


contagion  de  certaines  maladies  morales,  et  semble 
croire  au  contraire  qu'ainsi  qu'eux,  il  a  le  don  de  les 
guérir  :  Aussi  le  voit-on  s'entourer  sans  discernement 
d'esprits  faux,  de  natures  imparfaites,  et  parfois  de 
gens  peu  considérés  à  qui  il  prodigue  en  public  les  mar- 
ques les  moins  équivoques  des  jjIus  singulières  préfé- 
rences. Semblable  en  cela  à  ces  amants  ou  naïfs  ou  ef- 
frontés qui  donnent  le  bras  en  plein  soleil  à  des  fem- 
mes dont  les  relations,  si  pleines  de  charmes  qu'elles 
puissent  être  dans  l'intimité,  reculent  d'ordinaire  de- 
vant le  grand  jour  et  la  publicité. 

Il  n'y  a  peut-être  qu'un  homme  d'état  au  monde 
qui  soit  capable  de  se  sentir,  à  tort  ou  à  raison,  assez 
fort  de  son  aveuglement  pour  s'associer  tout  le  monde 
dans  un  gouvernement  ;  cet  homme,  c'est  M.  de  La- 
martine. —  Dans  sa  loyauté,  disait  hier  un  de  ses  amis, 
il  eût  à  coup  sûr  ou  refusé  les  services  de  M.  de  Girar- 
din, ou,  les  ayant  acceptés,  il  les  eût  récompensés  d'un 
portefeuille.  —  Le  président  actuel  de  la  République 
ne  l'a  point  osé. 

Nous  répondrons  à  l'ami  de  5L  de  Lamartine  par 
une  seule  question  :  Est-il  une  voix,  une  seule  qui  se 
soit  élevée  contre  la  réserve  du  nouveau  président,  et 
qui  l'ait  taxé  d'ingratitude. 


Charles-Quint  disait  :  «11  faut  que  la  France  soit  un 
pays  bien  particulièrement  aimé  de  Dieu  ;  car  elle  ne 
cesse  de  faire  de  grandes  fautes,  de  commettre  les  plus 
graves  erreurs,  de  courir  d'elle-même  à  sa  perte;  et 
toujours  elle  sort  de  toutes  ses  épreuves  plus  grande, 
plus  belle  et  plus  puissante.  »  Dieu  veuille  que  le  mot 
de  Charles-Quint  soit  vrai  aujourd'hui  comme  au  temps 
de  François  I". 

—  Ce  n'était  pas  assez  de  l'aigle  de  Boulogne.  Un  ami 
du  président,  ami  à  la  façon  de  l'ours  de  la  fable,  ne 


UN  TERRIBLE  LOGICIEN. 


Un  de  plus,  ils  étaient  trois.  Le  plus  chauve  releva 
ses  lunettes  sur  son  front  dévasté  par  le  syllogisme,  et 
se  sourit  agréablement  dans  un  miroir  qu'il  avait  volé 
vingt-cinq  sous. 

Si  la  Société  avait  vu  ce  sourire,  elle  aurait  tremblé 
comme  dans  une  caverne  de  propriétaires. 

Car,  chez  le  grand  socialiste,  celte  douce  gaieté  est 
le  prélude  des  plus  impitoyables  parado.xes. 

L'unique  témoin  de  cette  révélation  sublime  se 
prosterna  devant  le  buisson  ardent  des  favoris  roux  de 
son  dieu. 


s'est- il  pas  avisé  de  lancer  au  moment  de  la  revue  un 
aigle  en  papier  peint,  sous  forme  d'un  cerf-volant,  dans 
les  alentours  des  Champs-Élisées  !  —  Il  épuisa  alors 
toute  son  adresse  à  diriger  cet  aigle  d'un  nouveau 
genre  et  à  le  faire  planer  au  dessus  de  la  lète  de 
M.  Louis  Bonaparte.  On  assure  que  l'auteur  de  cette 
innocente  bêtise  a  été  arrêté  et  mis  en  prison,  lui  et  son 
aigle.  —  C'est  bien  cruel. 

—  On  offre  de  parier  (lue  le  maréchal  Bugeaud  et  que 
le  général  Cluuiganiier  se  brouilleront  avant  un  mois. 


Et,  pour  se  faire  un  nom  dans  Israël,  des  hommes  vous  débiteront  les 
plus  impies  extravagances.  (Jérémie.  Lamentalions.) 

Le  dieu  releva  son  Moïse,  et  l'invita  à  partager  une 
proposition  dont  la  majeure  était  une  tasse  de  lait,  la 
mineure  un  petit  pain,  et  la  conséquence  un  déjeuner 
social. 

11  est  juste  de  dire  que  cette  cène  avait  lieu  un  de  ces 
derniers  dimanches.  Un  beau  jour  de  printemps  encadi;é 
dans  l'hiver!  Le  ciel  était  bleu,  l'air  était  tiède.  Les 
oiseaux  égrenaient  leurs  éclatantes  ritournelles  qui  se 
mêlaient  aux  cris  joyeux  des  enfants  dans  la  rue.  C'é- 
tait enfin  un  vrai  temps  du  bon...  diable,  selon  l'expres- 
sion chérie  de  riiôle  de  céans. 


A  l/ISACK  l»i;S  C.I'.NS  SKIlll.rX. 


105 


Pour  conilile  de  mallii'iii',  l'ii  I  ne  ilc  son  Siiiai  ,  ili' 
braves  ouvriers  se  disposaienl  ;j;ui'iiieiil  à  |ic>i'l('r  leur 
vœu  dans  l'urne  uléalcire.  Après  (|ii()i  iino  iironienadc' 
en  famille  terniiiieiall,  pniir  eux,  eelte  siileiiiiilé. 

Kt   pas  un    Idasplièine   n'(iiitra;;eail   Dicii!    pas   une 
colère  ne  maudissait  la  Sdcic'ti'  I 
C't'tait  viaiinent  iiilnli'iaide. 

Celte  (jniétude  anti-siu-ialiste  cxasinMait  doiu;  élian- 
gciuent  la  verve  ardenlc  du  célèlire  réloriiialeiir. 

Aussi,  après  iivnir  résolu  sa  pioposilimi  an  lai(,  il 
s'écria  tu  IV.ippaiit  trois  eoiips  de  >in\  jonc  l'oniiiilaijic  ; 
KuuÉKk ! 

A  celle  exclamation  qu'il  |uit  pour  un  éternunient, 
le  disciple  peu  rassasié  répondit  par  un  respectueux  : 
Dieu  vous  bénisse  ! 

Mais,  tout  entier  à  son  ins])iration  ,  le  niailie  n'en- 
tendit pas  cette  odieuse  parole  qui  l'eût  l'ait  bonJir  de 
colère. 

—  Oui,  j'ai  trouvé,  répéta-t-il  en  français  cette 
fois.  Aussi  bien  ,  il  nie  fallait  un  dernier  axiome  ponr 
former  ma  triade.  I^eroux  a  raison.  Toute  théorie  doit 
être  une  et  triple  comme  l'Humanité.  Ce  n'est  pour- 
tant pas  que  Leroux  soit  bien  fort.  Sa  tète  est  une  vraie 
cave  sans  soupirail.  11  dit  qu'il  y  a  quelque  chose  de- 
dans parce  qu'on  n'y  voit  goutte.  Demandez- lui  ,  par 
exemple,  comment  l'Homme  est  toujours  un  et  triple 
à  la  fois;  s'il  comprend,  plus  que  moi,  un  mot  à  ce 
charabia  philosophique,  je  veux  bien  que  Dieu  m'em- 
porte. Ah!  s'il  s'agissait  de  prouver  que  l'Homme  est 
souvent  triplement  ennuyeux,  ce  serait  une  autre  paire 
de  vérités! 

Quelle  différence  entre  les  nuages  de  ses  rêve- 
ries et  le  soleil  de  ma  logique!  Quand  j'ai  dit  p(Mir 
mon  début:  Dieu,  c'est  le  Diable,  qui  donc  n'aurait 
pas  compris'!  A  vrai  dire,  cette  idée  manquait  un  peu 
de  fraîcheur.  Vers  le  troisième  siècle  ,  un  certain  Cu- 
bricus  fut  légèrement  écorché  vif  pour  avoir  prêché 
pareille  drôlerie.  Mais  combien  ne  l'ai-je  pas  rajeunie 
à  force  d'audace  dans  l'absurde,  et  de  mépris  pour  le 
bon  sens  des  hommes! 

Et  vraiment ,  ami ,  continua  le  socialiste  ,  après 
avoir  laissé  souffler  un  moment  son  orgueil,  c'est  là 
tout  le  secret  de  ma  célébrité.  » 

Le  disciple  profita  de  cette  pause  pour  essuyer  ses 
yeux  ccarquillés  qui  pleuraient  d'admiration. 

—  Oui,  reprit  le  maître,  la  sottise  humaine  est 
ainsi  faite.  Jetez  une  pensée  honnête  et  juste  dans  le 
monde,  et  elle  tombera  à  terre  sans  bruit.  I^ancez  au 
contraire  un  sophisme  odieux  ou  ridicule,  et  l'indi- 
gnation des  uns  et  la  bêtise  des  autres  vous  serviront 
aussitôt  de  hérauts.  Vois,  ami,  mon  axiome  sur  la 
propriété.  C'est  un  barbarisme  plus  vieux  que  le  l'ar- 
thcncn.  Du  temps  d'Aristophane,  Athènes  en  riaitdéjà 
à  gorge  chaude.  C'est  enfin  une  invention  rancie  de- 
puis deux  mille  ans.  Et  pourtant  quel  triomphe!  Tu 
l'as  vu  :  rien  ne  lui  a  manqué,  pas  même  la  parodie  ! 


—  C'est  vrai,  balbutia  le  conliibnl,  dont  le  cerveau 
s'eiii humait  d'enthousiasme. 

—  l',h  bien  !  je  vais  augmenter  cette  gloire  par  une 
maxime  plus  audacieuse  encore.  Ma  tiare  se  complé- 
tera par  celle  dernière  couronne.  El,  sur  cette  triade 
de  mon  génie,  la  Société  pourra  s'asseoir  enfin  solide- 
ment comme  une  marmite  sur  un  trépied. 

—  Et  celle  maxime,  ô  grand  penseur"? 

—  .Mouche-toi  d'abord,  dit  avec  bonté  le  socialiste, 
en  voyant  le  dé[)lorable  étal  du  nez  de  son  ami. 

—  C'est  l'ait,  inaitre. 

—  Eh  bien  !  mon  nouvel  axiome,  c'est  : 

lE    PARRICIDE    EST    UNE    VERTD. 

«  Qu'en  dis-tu?  s'exclama  le  moraliste,  en  dessi- 
nant avec  sa  canne  un  délicieux  moulinet  socialiste. 
Vois-tu  quel  effet  produira  cette  sentence  imprimée  en 
grosses  lettres  ?  Entends-tu  d'ici  les  vociférations  des 
bourgeois  qui  prendront  celte  fantaisie  au  sérieux? 
Si  je  ne  passe  pas  du  coup  à  l'état  de  Croquemilaine- 
Olympien,  je  reconnais  une  idée  h  Raspail ,  et  je  jette 
ma  dialectique  aux  Icariens. 

—  0  sublime  révélateur  !  celte  découverte  est  un 
chef  d'œuvre.  Mais,  vu  la  pruderie  de  nos  jours,  ne 
la  trouvez-vous  pas  un  peu  gaillarde? 

—  Enfant,  plus  on  frappe  fort  et  plus  on  fait  de  bruit. 

—  C'est  d'autant  plus  beau,  maître  ,  que  je  vous 
sais,  comme  Figaro,  le  meilleur  fils  du  monde. 

—  C'est  vrai,  et  je  bourre  les  enfants  de  pain  d'é- 
piee.  Mais  qu'importe  ce  que  je  pense,  ami,  pourvu 
que  je  prouve  ? 

—  Et  vous  prouverez  qu'un  bon  lils  doit  tuer  papa 
de  temps  à  autre  ? 

—  Rien  de  plus  simple.  Écoute  et  comprends. 

—  J'aime  mieux  vous  admirer,  loussa  le  disciple. 

—  A  ton  choix.  D'abord  lu  m'accorderas  bien,  n'est- 
ce  pas,  qu'Adam  et  Eve  n'ont  eu  ni  père  ni  mère  ? 

—  Avec  le  plus  grand  plaisir. 

—  Eh  bien  !  privés  d'ascendants  qu'ils  étaient, 
Adam  et  Eve  n'ont  pas  pu  connaître  l'amour  filial. — 
Ceci  est  limpide  comme  eau  de  roche.  —  Car,  en  les 
créant,  pourquoi  la  nature  leur  aurait-elle  donné  un 
sentiment  dont  ils  n'auraient  pas  eu  l'emploi? 

-^  En  effet,  c'eût  été  un  gaspillage. 

—  Tu  as  raison,  ami,  un  pur  gaspillage.  Donc,  suis 
bien  mon  raisonnement.  — .Si  Adam  et  Eve  n'ont  pas 
connu  l'amour  filial;  si  la  nature  n'a  pu  les  doter  de 
ce  sentiment  ;  ledit  sentiment  est  alors  purement  d'in- 
vention humaine  ;  c'est-à-dire  une  violation  flagrante 
des  lois  naturelles  et  primordiales.  Ce  que  je  nommerai 
en  termes  de  philosophie  socialiste,  — une  usure  pré- 
levée par  le  capital  de  l'égoïsme  paternel  sur  l'ignorance 
exploitée  des  enfants.  En  un  mot,  une  superfétation 
anti-naturelle  dont  le  contraire,  par  conséquent,  doit 
être  la  vcrilc  et  la  vertu.  Or,  ceci  reconnu,  je  pose 
ainsi  mon  syllogisme  : 


106 


REVUE  COMIQUE 


MAJKIRE. 

Le  contraire  de  tout  sentiment  naturel  est  un  crime. 

MlNEl'HF. 

Or,  l'amour  filial  n'est  pas  un  sentiment  naturel. 

CONSÉOCENCE. 

Donc,  le,  contraire  de  l'amour  filial  est  une  vertu. 

Et  maintenant,  ami,  —  acheva  le  sophiste  triom- 
phant, —  dis-moi  un  peu  ce  qu'il  y  a  de  plus  opposé  à 
l'amour  filial  que  le  petit  expédient  en  question? 

—  Bénissez  votre  esclave, — hurla  l'apôtre  au  comble 
de  son  coriza.  — Bénissez-le,  maître,  car  si  vos  raison- 
nements sont  un  peu  tirés  par  les  cheveux ,  vous  n'en 
demeurez  pas  moins  le  plus  grand  logicien  du  monde. 

—  Heureux  ceux  qu'on  peut  tirer  par  les  cheveux , 


—  soupira  le  maître  en  jetant  un  regard  mélancolique 
sur  le  miroir  qui  reflétait  sa  calvitie. 

Sur  quoi  le  disciple  se  retira  sufllsamment  héni  et 
complètement  enchifrené. 

—  Ah  !  stupide  espèce  humaine,  —  murmura  le 
sophiste  en  saisissant  sa  plume.  — Ah  !  société,  ma 
mie,  le  scandale  seul  attire  ton  attention.  Eh  bien  ! 
je  vais  t'en  flanquer. 

Et  en  effet,  quand  paraîtra  ce  nouvel  évangile  de 
l'immoralité,  on  entendra  le  troupeau  des  niais  bêler 
en  chœur  : 

—  Voilà  un  terrible  logicien  ! 

Puis,  au  lieu  d'ensevelir  ces  déplorables  perversités 
dans  le  silence  de  leur  dédain ,  les  esprits  honnêtes 
augmenteront  encore  cette  clameur  par  la  maladresse 
de  leur  indignation. 

Alors  le  bruit  sera  fait  et  le  tour  aussi. 


Lorsque  vous  conlemple/.  cel  lionnôle  visage. 
Ce  menton  entouré  d'un  cordon  de  poils  ronx, 
Ce  front  patriarcal,  et  ces  jeux  sans  courroux, 
Vous  croyez,  d'un  bourgeois  voir  la  lidùle  image. 
Cest  un  propriétaire,  un  ancien  conimerrant. 
Dont  les  tonds  sont  placés  en  rentes  cinq  pour  cent. 
Erreur!  ces  trait-benins  sont  ceux  d'un  pamplilélaiio, 
Que  redoute  à  bon  droit  la  gent  propriétaire, 


Car  des  antiques  lois  adversaire  fatal, 

11  lutte  sans  relâche  avec  le  capital, 

Ses  sopliismes  hardis,  parés  de  grandes  phrases. 

De  la  société  démolissent  les  bases, 

Comment  refera-t-il  l'édiDce  écroulé  ? 

On  l'ignore,  et  les  gens  qu'il  charge  d'anathèmes 

Veulent  en  vain  saisir  le  fil  de  ses  systèmes. 

C'est  un  dédale  obscur  dont  lui  seul  a  la  clé. 


A  I.TSACi;  liKS  CKNS  Shil'.l  i;ii\. 


107 


I.KS   I,.\1\11M0NS. 


!,('  i't    il.rcniliro,    (|iirli|ii(w    li;ililt:inl<   de   Pdiilni-^i' 

lurent  il,in->  1rs  jiiiiriiau\  d mIIii  .  k  II  y  mira  rc  soir 

il  Paris  une  illuiuiniiliou  yi'ucraK'.  n 

«  Ma  foi!  sfi  (liront-ils,  si  nous  nous  passions  lu  liu- 
taisic  (l'aller  la  voir?  »  V.l  ils  montèrent  en  wa;,'iiu. 

[.e  soir  venu,  après  avoir  (lin(;  à  la  liAte,  ils  s'eni- 
pressèrenl  de  s'aventurer  dans  les  rues,  pour  jouir  de 
l'i'hlouissant  speetacle  ([ni  leur  était  promis. 

Tout  était  sombre.  Le  lictzar  des  Vui/tu/es  vWd  seul 
éclairé  de  (luehjues  verres  de  couleur;  mais  c'était 
moins  une  manirestation  politi(iue,  ((u'une  ivclaiiic 
commerciale. 

«Peut-être,  pensèrent  les  IVmtoisiens,  est-il  d'usage 


(rallumer  un  peu  [iliis  (lud.  Mlendnns.  »  VA  ils  atten- 
<lirciil.  Mais  les  façades  des  maisons  reslèicnt  noires 
et    mornes  comme  des  lonibeaux. 

Alors  les  l'oiiloisieus  cluuilèieiit  le  cliniii  de  la 
/>iiiiw  IHuiicIk:  : 

Je  n'y  puis  lieii  ciiinpreiulrel 

Ktraii^e  mystère  !  vuil.'i  un  lioinme  ipie  Imil  le  lucpude 
a  nommé,  et  dont  personne  ne    fête   l'avéueinent. 

L'élu  de  six  millions  de  suffrages  ne  voit  pas  six 
lampions  fumer  pour  lui  ! 

On  aura  beau  dire,  ça  n'est  pas  clair. 


POllTlliMT  l'LMTE. 


4.  Or,  il  il  arriva  que,  comme  je  marchais  et  que  j'approchais  de  l'Assemblée 
nationale,  tout  a  coup  une  grande  lumière  venant  du  ciel  resplendit  comme  un 
éclair  à  l'eniour  de  moi. 

5.  Et  je  tombai  sur  la  place  et,  levant  les  yeux  en  l'air,  je  vis  le  petit  chapeau 
qui  rayonnait,  et  je  rayonnais  aussi  de  l'espoir  d'un  petit  ministère  ou  autre 
chose.  l^"*'  -^«'«s  ''c»  Aj'Olres,  cap.  xjcu.) 


Cet  avocat  retors,  l'on  •luiii  l'url  ur.iloire, 
D'argumenls  spécieux  possède  un  réperloire. 
Il  siégeait  à  la  Chambre,  assez  obscurément, 
Quanti  Fc^vrier  brisa  le  trône  héréditaire; 
Et,  bien  qu'il  n'eiUjamai?,  avant  révénemenl. 
D'un  cœur  républicain  montri^  le  dévouement, 
Il  se  douiia  Uii-mènie  un  petit  ministère. 
Et  se  glissa  sans  bruit  dans  le  gouvernement. 


Depuis,  il  a  prouvé  son  humour  ineoiislaiile, 

De  partis  en  partis  incessamment  llottame. 

D'abord,  de  Cavaignac  partisan  déclaré, 

A  tous  les  candidats  il  l'avait  préféré  ; 

Mais,  voyint  l'autre  étoile  à  l'horizon  grandie, 

11  emplit  les  journaux  de  sa  palinodie. 

De  ces  revirements  ne  vous  étonnez  pas. 

L'i  raison  en  est  simple...  Il  descend  de  Judas. 


108 


REVUE  COMIQUE 


LES  JOURNAUX  DEVANT  LE   NOUVEAU  GOUVERNEMENT. 


On  a  changé  le  nom  sur  Taffiche  et  rafraîchi  les  dé- 
cors. Voici  les  acteurs  déjà  en  scène.  Nous  les  avons 
passés  en  revue  déjà.  Les  uns  débutent  dans  remploi  : 

Eub!  Si  fata  aspera  rumpas! 

Les  autres  font  leur  rentrée,  et  nous  sommes  forcés  de 
dire  qu'à  l'exception  des  Romains  du  parterre,  le  pu- 
blic a  fait  une  assez  froide  réception  à  leur  mérite  su- 
ranné. 

Nousn'en  sommes  encore  qu'au  prologue.  Orozmane- 
Barrot  se  fait  attendre;  l'intérêt  languit  quelque  peu 
sur  les  planches.  Regardons  au  parterre  de  la  presse  où 
les  uns  s'impatientent  déjà,  les  autres  crient  et  gesti- 
culent, ou  chacun  prépare  ses  esprits  et  son  visage  pour 
la  circonstance. 

Semblable  au  chœur  de  la  tragédie  grecque,  le  Jour- 
nal des  Débats  se  renferme  dans  le  rôle  de  conseiller 
mélancolique  et  débonnaire  qu'il  a  adopté  depuis  le  24 
février  vis-à-vis  du  pouvoir  :  «L'Expérience,  mère  de  la 
Sagesse,  m'a  appris,  dit-il,  que  l'implacable  Justice 
châtie  les  peuples  qui  foulent  aux  pieds  les  lois,  filles 
du  grand  Jupiter.  Puisse-tu,  ô  mon  fils,  préserver  ta 
maison  des  maux  qui  accablèrent  les  Atrides,  les  frères 
de  Paris  et  la  race  incestueuse  d'CEdipe.  Puissé-je, 
avant  de  descendre  dans  la  sombre  nuit,  ne  pas  voir 
l'industrieuse  patrie  des  Gaulois  bien  bottés,  dévastée 
par  les  barbares  de  la  Colchide,  leur  capitale  opulente 
rasée  et  complantée  de  peupliers  par  le  Scythe  Pierre 
Leroux;  les  femmes  et  les  enfants  à  la  mamelle  trans- 
portés aux  rivages  d'Icarie  d'où  nul  n'est  jamais  re- 
venu !  » 

Mais  ses  confrères  traitent  le  journal  de  la  rue  des 
Prêtres  de  vieillard  poltron  et  rêveur.  Le  Constitu- 
tionnel surtout  ne  partage  pas  ses  craintes,  fruit  d'un 
cerveau  affaibli.  Le  voyez-vous  depuis  quelques  jours, 
ce  ci-devant  beau  de  IS'î"?  Il  a  repris  son  aplomb,  et 
le  voilà  très-ragaillardi.  La  gaieté  lui  revient,  tempérée 
par  cet  air  digne  qui  convient  à  une  position  semi-of- 
ficielle. Foin  des  appréhensions  et  des  alarmes!  Du 
haut  du  ciel,  sa  demeure  dernière,  l'ombre  du  grand 
homme  ne  nous  protége-t-elle  pas?  et  du  haut  de  la 
colonne  aussi?  Après  tant  de  vœux  et  de  déceptions,  le 
Constitutionnel  est  enfin  au  pouvoir  ;  il  entend  que 
tout  le  monde  soit  en  liesse  avec  lui.  Ceux  qui  ne  s'a- 
museront pas,  on  leur  coupera  la  tête. 

Il  ne  parait  pas  que  cette  jubilation  soit  partagée 
entièrement  par  cet  autre  combattant  de  la  veille,  qui, 
mieux  que  le  Constitutionnel  pourtant,  semblerait 
avoir  droit  aux  dépouilles  opimes.  La  Presse,  il  est 
vrai,  déclare  qu'elle  ne  veut  rien  du  pouvoir.  Ambas- 
sades, ministères,  rien  ne  lui  sourit.  Vit-on  jamais  dé- 


sintéressement plus  inattendu?  Mais  voici  bien  une  au- 
tre affaire  :  M.  de  Cirardin,  qui  ne  veut  pas  avoir  à 
conduire  un  ministère  ni  une  administration,  M.  de 
Cirardin  prétend  conduire  la  République  tout  entière. 
La  réformer,  la  refaire  à  sa  façon,  tailler  en  plein  drap 
dans  la  Constitution  et  l'administration.  Avec  un  petit 
bout  de  projet  qu'il  présente,  on  aura  bientôt  organisé 
la  France  par  doit  et  avoir,  comme  une  caisse  de  négo- 
ciant. Recettes,  dépenses,  voilà  tout  ce  dont  se  com- 
pose le  mécanisme  d'un  gouvernement.  C'est  simple 
comme  bonjour.  M.  Proudhon  n'a  pas  inventé  autre 
chose  avec  sa  banque  d'échange.  Maintenant,  si  le 
nouveau  président  refuse  d'appliquer  le  plan  que  lui 
apporte  le  rédacteur  de  la  Presse,  M.  de  Cirardin  le 
désintéressé,  M.  de  Cirardin,  le  Spartiate,  lui  retirera 
son  concours.  On  sait  ce  que  ce  mot-là  signifie.  Qui- 
conque n'a  pas  le  concours  de  M.  de  Cirardin,  est 
traîné  par  lui  sur  la  claie. 

De  leur  côlé,  les  légitimistes  ne  dissimulent  plus  les 
espérances  que  leur  apporte  le  vote  du  10  décembre. 
«  Ce  n'est  plus  qu'une  alfaire  de  temps,  »  disent-ils  à 
mots  plus  ou  moins  couverts.  Ils  sont  trois  d'humeur 
et  de  langage  différents  en  raison  de  leur  nature  et  de 
leur  âge,  mais  au  fond  ejusdem  fnrinœ  :  l'Cnion  ex- 
quotidienne, vieille  douairière  prudente,  qui  a  vu  les 
mauvais  jours  et  s'en  souvient  ;  l'Opinion  publique, 
blanche,  fougueuse,  héritière  en  droite  ligne  des  reve- 
nants de  1816,  et  la  Gazette  enfin,  celte  fantasque 
étoile  qui  vécut  pendant  dix-huit  ans  sur  ce  thème  du 
suffrage  universel  si  heureusement  appliqué  aujour- 
d'hui, lien  perdrait  la  tète,  si  ce  n'était  déjà  fait,  ce 
cher  abbé  !  il  se  permet  même  à  cet  endroit  des  excen- 
tricités que  son  état  peut  seul  faire  excuser.  Sa  mé- 
moire, trop  nourrie  de  Montesquieu  et  de  Tacite,  lui 
donne  le  change  sur  la  réalité  d'aujourd'hui.  Ignorant 
que  nous  sommes  en  République,  M.  l'abbé  se  pros- 
terne devant  la  royauté  appuyée  sur  le  double  suffrage 
qu'il  prôna  pendant  si  longtemps,  et  n'entend  rien  des 
voix  furibondes  qui  crient  à  ses  oreilles  que  le  jour  des 
funérailles  de  la  République  sera  un  jour  de  deuil 
pour  un  grand  nombre,  et  ipi'il  pleuvra  des  balles  sur 
sa  tombe. 

C'est  la  Iléfortne  qui  gronde  ces  menaces,  et  elle 
n'est  pas  la  seule.  Avec  elle  la  Démocratie  pacifique, 
(pacifique!  que  vous  en  semble?)  et  la  Révolution  dé- 
niocratique  et  sociale,  et  le  Peuple,  exhalent  leur  fu- 
reur sur  un  ton  à  peu  jirès  unanime.  Peut-être,  an 
fond,  n'ont-ils  pas  tout  à  fait  tort.  —  Mais,  messieurs, 
au  lieu  de  gronder  et  de  menacer,  que  n'avez-vous  su 
faire  un  peu  mieux  nos  affaires,  quand  vous  les  aviez 
en  main,  alors  que  vous  étiez  les  maîtres?  Avez-vous 


A  LUSAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


<09 


bonne  gnlcc  aujourd'hui  à  crier  contre  la  réaction  qui 
est  votre  ouvragi-? 

Exagération  lic  [i.ut  it  il'aiilii'  ot  ou  sons  tonlrairos. 
Toi  est  riHornel  bilan  do  i'o|iinioti  ot  do  la  prosso.  Uuo 
si,  au  milieu,  se  trouve  quelque  bonuole  fouille  vou- 


lant se  maintenir  dans  les  borne*  de  la  justice  et  de 
l'impartialité,  chacun  de  lui  rire  au  nez  insolemment, 
(i'esl  ce  que  la  réaction  fait  au  Siècle ,  c'est  ce  que  la 
IU'|)ubli(|ue  fait  au  iSuliounl. 
Soyez  donc  modéré.  ! 


TKSTAMENT    IMU.lTKjl  K   1)1     SIKI  lî    i:\III. i:   I)i:   (illiAl'.DiN 


COK:>i:ilS    A    M.    LUITS    BON.ll'AIlTK,     l'Ol  II    KAUIE    SlITE    Ai:    LIVllE    DE    MACIIUVEL 


IVinio, 

Kn  partant  pour  IaKussioavec  lo  titre  de  votre  am- 
bassadeur extraordinaire,  j'é|)rouve  le  besoin  de  vous 
communiquer  mes  dernières  rolloxions. 

Ce  petit  écrit  que  vous  avez  en  ce  moment  sous  les 
yeux  est  un  véritable  talisman  ijui  doit  vous  tirer  de 
tous  les  embarras  dont  un  gouvonionient  peut  être  en- 
touré. Mettez- le  soiis  votre  oreiller  la  nuit,  et  portez-le 
dans  votre  poche  le  jour;  il  est  nécessaire  que  vous 
puissiez  à  tout  moment  le  consulter. 

1°— Entourez-vous  d'hommes  forts,  éprouvés  dans  les 
luttes  |>oliliques.  Je  vous  roconimando  particulièrement 
le  colonel  Bonnelier  :  mettez- le  où  vous  voudrez,  il  ne 
sera  déplacé  nulle  part  ;  (juant  au  générai  Odilon  Bar- 
rot,  mon  opinion  est  qu'il  faudrait  le  mettre  à  la  demi- 
solde.  Pour  ce  qui  est  des  choux  et  navets  qu'on  a  de- 
puis longtemps  l'habitude  de  semer  en  octobre,  quoi- 
que à  mon  avis  lo  mois  de  novembre  soit  plus  favorable 
pour  cette  opération,  il  serait  peut-être  imprudent  de 
contrarier  sur  ce  point  le  préjugé  populaire;  n'y  tou- 
chez pas  avant  d'être  bieivsùrde  votre  force. 

■2° — J'en  dirai  autant  des  radis  roses,  que  je  crois  de. 
voir  se  semer  en  tout  temps,  contrairement  à  l'opinion 
reçue;  mais  ceci  se  rattache  à  un  système  complot  sur 

l'agriculture,  que  j'exposerai   en    temps   ot   lieu.  

Biiire  frais,  avoir  confiance  en  Dieu  et  éviter  l'outrée  de 
M.Crémieux  au  ministère. 

3° — Il  serait  d'une  politiquehabile  do  pereuaderaux 
Français  que  tous  ceux  qui  naîtront  sous  votre  gouver- 
nement seront  doux,  chastes,  tempérants,  pleins  de 
grandeur  d'àme  et  de  bravoure.  Parla  il  se  ferait  beau- 
coup plus  de  mariages,  et  le  mariage,  c'est  la  force  des 
Etats.  —  Quand  les  tragédies  vont  deux  à  deux,  l'a'^ri- 
culture  en  va  mieux.  Semer  du  froment  en  janvier, 
c'est  vouloir  récolter  des  cailloux  en  juillet.  Respecter 
ses  père  et  mère. 

-4° — Il  serait  d'une  politique  habile  de  persuader 
aux  Français  que  tous  ceux  qui  naîtront  sous  un 
autre  gouvernement  que  le  vôtre  seront  violents, 
injustes,  de  mauvaise  foi  et  amis  de  l'arbitraire. 
>ous  parviendiioz  peut-être  par  ce  moyen  à  vous 
faire  nommer  président  perpétuel.  —  Mettre  des 
éperons  pour  monter  à  cheval  et  se  tenir  les  pieds 


chauds  on  tout  temps.  No  jamais  jurer  lo  imm  ,k'  l)icu 
en  vain. 

o»— Qui  donne  ce  qu'il  a,  donne  autant  qu'un  autre, 
et  l'on  ne  peut  tirer  d'un  sac  que  ce  que  l'on  y  a  mis. 
I.e  moineau  à  la  main  vaut  mieux  que  la  grue  qui  vole; 
un  bon  tiens  vaut  mieux  que  deux  tu  l'auras;  et,  com- 
me dit  cet  autre,  toujours  pèolie  qui  en  prend  un.  Qui 
a  fait  lundi  a  fait  mardi  ;  si  tu  éternues  n'attends  pas 
qu'un  autre  te  dise:  Dieu  vous  bénisse  !  Et  quand  la 
sauce  est  finie,  lèche  le  plat.  Ces  maximes,  résultat 
des  méditations  de  toute  ma  vio,  sont  la  quintessence 
de  la  sagesse. 

C"— En  fait  d'industrie,  ce  qu'il  y  a  de  plus  pressant, 
c'est  de  faire  remplir  de  charbon  les  mines  de  Saint- 
Bérain  ;  cent  mille  ouvriers  y  trouveraient  de  l'occupa- 
tion ;  cent  mille  autres  seraient  employés  à  extraire  le 
charbon  apporté  par  les  premiers;  il  y  aurait  donc  là 
du  travail  assuré  à  deux  cent  mille  ouvriers.  Souve- 
nez-vous de  ce  conseil.  Le  gouvernement  provisoire 
aurait  bien  mérité  de  la  patrie  si,  au  lieu  de  s'aban- 
donner à  la  ruineuse  folie  des  ateliers  nationaux,  il  eût 
adopté  ce  projet  que  je  lui  recommandais  cliaque  ma- 
lin dans  la  Presse.  —  Quand  les  fonds  baissent  à  la 
Bourse,  c'est  signe  que  la  confiance  se  perd.  Alexandre 
le  Grand  disait  à  son  précepteur  :  —  Vous  êtes  plus 
que  mon  père,  car  celui-ci  ne  m'avait  donné  que  la 
vie,  et  c'est  vous  qui  m'avez  fait  homme.  —  Chômer 
les  fêtes  et  dimanches. 

7" — Faites  des  motsleplus  possible,  sans  toutefoisen 
abuser.  Votre  oncle  Napoléon  en  a  fait  de  sublimes. 
Si  vous  avez  besoin  de  quelqu'un  qui  vous  les  prépare, 
prenez  Bonnelier.  — A  la  Saint-Remy,  tous  les  per- 
dreaux sont  perdrix;  à  la  Saint-Barnabe,  le  printemps 
a  commencé.  —  Honorer  les  saints! 

Telles  sont,  prince,  les  principales  recommandations 
que  ma  fidélité  me  fait  un  devoir  de  vous  adresser  au 
moment  de  monter  en  chaise  de  poste.  Je  les  ai  rédi- 
gées rapidement;  je  n'ai  pu  y  glisser  qu'une  anecdote, 
le  temps  pressait,  et  c'est  ce  qui  m'a  empêché  égale- 
ment d'y  faire  entrer  quebjues  prédictions  météorolo- 
giques, des  centuries  nouvelles  et  plusieurs  recettes 
utiles.  Au  surplus,  je  n'ai  fait  que  résumer  l'almanach 
de  Liège  et  la  collection  de  la  Presse,  à  quoi  je  vous 
conseille  de  recourir  dans  les  moments  difficiles. 


ilO 


REVUE  COMIQUE 


—  Ce  qu'on  redoute  le  plus  pourle  nouveau  ministère, 
c'est  qu'il  se  trouve  dans  son  sein  deux  ou  trois  uicni- 
bres  dont  le  caractère  est  si  difficile,  qu'il  y  a  beaucoup 
de  chances  pour  qu'ils  ne  puissent  rester  d'accord.  — 
Tant  mieux,  aurait  répondu  le  président  de  la  Répu- 
blique à  l'observation  qu'on  lui  en  faisait;  je  n'y  serai 
pour  rien,  et  leurs  querelles  m'aideront  à  donner  au 
cabinet  l'unité  qui  lui  manque. 

—  On  raconte  que  l'ambassade  d'Espagne  aurait  été 
offerte  à  M.  Mole.—  Je  ne  puis  accepter,  aurait  répondu 
M.  Mole,  avec  cette  politesse  qui  le  distingue  ;  j'ai  re- 
fusé cette  même  ambassade  il  y  a  ^29  ans,  —  et  c'était 
un  ami  qui  me  l'offrait. 

_  La  Presse,  qui  a  tant  fait  pour  rélection  du  prési- 
dent, commence  actuellement  à  le  dénigrer.  Après  l'a- 
voir représenté  comme  un  sauveur,  elle  essaye  déjà  de 
le  perdre  dans  l'opinion  publique.  «  Ha,  dit-elle,  les 
mêmes  sentiments  que  nous;  nous  avons  les  mêmes 
sentiments  que  lui.  » 

Voilà  donc  le  président  rangé,  par  une  seule  phrase, 
dans  la  catégorie  des  Cleemann,  des  Boutmy,  etc. 

Le  voilà  d'abord  complice  de  toutes  les  fangeuses 
calomnies  dont  on  a  essayé  de  salir  le  dernier  chef  du 
pouvoir  exécutif.  Louis  Bonaparte  et  Girardin  sont,  s'il 
faut  s'en  rapporter  à /a  Pmse,  en  parfaite  communion 
d'idées.  Ils  sont  faits  pour  se  comprendre  et  s'estimer. 
Agréable  compliment  ! 


=  de  la  pr 


RESTAURATION   DE  CLICUY. 


L'Assemblée  nationale  vient  de  rétablir  la  contrainte 
par  corps.  L'honorable  corporation  des  gardes  du  com- 
merce va  renaître  de  ses  cendres.  Place  au  phénix  de 
la  signilicalion  et  du  protêt  ! 

La  révolution  de  Février  avait  fait  un  atelier  de  la 
maison  de  détention  de  Clichy  :  la  voilà  rendue  à  son 
ancienne  destination.  Réparez  les  serrures,  grillez  les 
fenêtres,  forgez  de  nouvelles  clefs,  renforcez  le  nombre 
des  gardiens,  les  nôtres  seront  nombreux  ,  car  la  mi- 


sère est  grande.  Le  citoyen  Schylock  ne  pouvait  plus 
continuer  son  honorable  industrie  :  la  société  lui  de- 
vait des  garanties,  la  société  lui  restitue  le  droit  d'in- 


carcération.  Criez  donc  vive  la  République  !  citoyen 
Schylock. 

Les  vaudevillistes  ont  f.iit  de  Clichy  une  espèce  de 
paradis  terrestre,  un  séjour  enchanteur  où  la  vie  s'é- 
coule dans  de  longs  festins,  au  milieu  des  éclats  de  rire 
de  vingt  femmes  charmantes,  aux  détonations  de  l'Aï 
pétillant.  Hélas!  la  race  des  dissipateurs  joyeux  s'est 
éteinte;  les  fils  de  famille  se  ruinent  au  lansquenet  et 
ne  font  plus  de  lettres  de  change. 

Et  puis,  la  pruderie  philanthropique  de  nos  jours 
s'est  effarouchée  des  joyeux  ébats  des  détenus  de  l'an- 
cienne Sainte-Pélagie.  11  y  a  longtemps  que  Clichy 
était  une  prison  tempérée  par  une  charte  constitution- 
nelle, mais  enlin  une  prison.  Les  philanthropes  ont 
voulu  moraliser  la  dette  ;  et,  au  moment  où  la  révolu- 
tion de  Février  a  éclaté,  on  allait  proposer  d'imposer 
le  travail  aux  détenus.  Vous  figurez-vous  l'enfant  pro- 
digue travaillant  à  des  chaussons  de  lisière? 

La  philauthropieavait  exiléde  Clichy  le  vin  de  Cham- 
pagne; le  punch  était  mis  à  l'index.  (Plus  de  Champa- 
gne ni  de  punch  !)  Aussi  les  riches  banquiers,  les  in- 
dustriels fameux,  lesOuvrard  de  nos  jours  préféraient- 
ils,  à  l'heure  des  revers,  le  séjour  de  liruxclles  à  celui 
de  Clichy. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


111 


De  petits  commerçants,  Ans  éditeurs  ruinés,  de  pau- 
vres gens  de  li'llres,  (im-Kiiios  urlisles,  l'oriiient  le  per- 
sonnel ordinaire  de  l'élaliiisseinent.  On  y  trouve  des 
fruitiers,  des  commissionnaires,  des  porteurs  d'ean.  Ils 
ont  deux  seaux  et  un  tonneau:  ne  sont-ils  pas  négo- 
ciants? 

Allez  visiter  (llicliy,  disions-nous  à  ceux  ijiii  nous 
chantaient  sur  ce  séjour  dos  cou|)lels  de  vaudeville. 

La  misère,  l'ahallenient,  l'eniini  régnent  à  Clicliy 
comme  dans  toutes  les  antres  prisons,  ("est  à  peine  si 
quelques  ligures  essayent  de  grimacer  la  gaieté.  Pau- 
vres prisonniers!  Les  uns  sont  les  uniques  soutiens 
d'une  famille  nombreuse,  les  autres  ont  été  arrachés 
à  leui-s  affaires  qu'ils  commençaient  à  relever;  tous  re- 
grettent quelque  chose  ;  l'ennui,  l'oisiveté,  les  soucis 
du  dehors  et  du  dedans  les  consument.  Ils  souffrent 
par  tous  les  colés  à  la  fois. 

L'été,  du  moins,  les  prisonniers  ont  la  jouissance 
d'un  jardin  cultivé  et  entretenu  par  leurs  soins.  Si  l'a- 
milié  est  souvent  oublieuse,  si  l'amour  a  encore  moins 
de  mémoire  que  l'amitié,  la  famille  reste  au  détenu. 
Le  père  peut  entendre  les  cris  joyeux  de  ses  enfants 
jouant  sous  la  charmille.  La  femme  apporte  sa  brode- 
rie, et  travaille  à  l'ombre  des  acacias.  Ceux  qui  n'ont 
pas  de  famille  se  consolent  avec  les  fleurs.  Mais  l'hiver 
arrive,  adieu  tous  ces  plaisirs  !  Par  la  pluie,  par  la 
neige,  les  courses  deviennent  difficiles;  on  n'a  pas  les 
moyens  de  prendre  une  voiture  ;  les  petits  enfants  tom- 
bent malades,  la  femme  n'a  pas  de  robe  :  les  visites  de- 
viennent plus  rares.  On  s'écrit,  triste  consolation!  11 
faut  se  renfermer  dans  sa  cellule,  ou  arpenter  de  long 
en  large  une  étroite  galerie,  au  milieu  d'une  atmos- 
phère épaisse  d'haleines  humaines,  de  calorifère  et  de 
tabac. 

Cela  n'empêchera  pas  les  vaudevillistes  et  les  ro- 
manciers de  continuer   la   tradition.    Clichy-Paphos, 


Clicliy-Cytlière,  (îlichy  de  Cocagne  !  Puissent-ils  eux- 
mêmes  ne  jamais  voir  le  vrai  <!licliy! 

Le  vrai  Clicliy  est  un  séjour  lugubre,  im  purgatoire 
anticipé,  une  antichambre  de  l'enfer. 

Et  pourtant,  sa  résurrection  a  causé  des  transports 
de  joie  :  les  reenrs,  que  le  Gouvernement  provisoire 
avait  admis  à  faire  valoir  leurs  droits  à  la  retraite,  en- 
tonnent un  hymne  de  reconnaissance  en  rhonneur  de 
la  Législature. 

Ils  rêvent  de  nouvelles  captures;  ils  brûlent  de  se 
signaler  par  des  exploits  ;  ils  reconstituent  leur  troupe 
dispersée,  et  cherchent  de  tontes  parts  les  individus 
il'assez  mauvaise  mine  pour  ne  pas  déparer  leur  con- 
frérie. 

Des  physionomies,  que  la  police  elle-même  repous- 
sait comme  trop  coniprumettaïUes,  vont  liouver  à  s"u- 
liliser. 

Malheur  aux  débiteurs!  Leurs  ennemis  sont  dt-bout, 
pleins  d'crdeur,  restaurés  par  le  repos,  allâmes  par  un 
long  jeûne.  La  bande  des  eiiipuigneurs,  prête  à  entrer 
en  campagne,  répète  des  chants  pareils  à  ceux  que  les 
sauvages  psalmodient  autour  de  leurs  victimes. 

Vive  Clichy!  s'écrient-ils;  Clichy  for  ever!  comme 
(lisent  les  .\nglais.  Il  n'est  pas  hors  de  propos  de  citer 
les  Anglais  en  celle  circonstance. 

L'n  banquet,  peu  démocratique  et  encore  moins  so- 
cial, se  prépare  pour  fêler  la  réouverture  An  la  dette. 
Il  réunira,  dans  une  manifestation  solennelle,  tous  les 
juifs,  usuriers,  huissiers,  gardes  du  commerce  de  Paris 
et  de  la  banlieue. 

Les  frais  seront  j)rélevés  sur  le  prix  des  futures  ex- 
péditions. 

D'ici  à  lin  mois,  Clichy  sera  repeuplé  ;  ses  cellules, 
qui  sentaient  le  renferme,  se  rouvriront;  la  contre-ré- 
volution y  sera  complètement  opérée. 

Puisse-t-il  n'en  être  pas  de  même  partout  ailleurs! 


-^ 


112. 


Du  nouveau  prosiJenl  dévoué  feudalaire, 
Girardin  aux  lionneurs  espérait  parvenir. 
Vous  le  voyez  ici  dans  le  seul   minùlere 
Qu'il  puisse  jamais  obU'uir. 


Dessiné  pjt  Fabriizius 


Giavé  par  Ball*nt. 


Bill'LEVARD    DES  ITAl.ICNS. 


AL.MiWArii  DK  1.1  nr.viF.  coulait:. 

iiirsrui    p.\a  nauah» 


RIE  mcnriiEii,  '.j'i 


ff  ■'!35^ISuÎ^K55^^ 


Ions  de  la  Soascripdon.  —  La  Revue  comiqce  formera  un  ning.nfiiiue  volume,  grand  in-8,  publié  en  30  livraisons   à  30  centime 
poste,  40  ce:ilime~    —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco]  à  M.  Libeui,  au  bureau  de  la  Retoe,  2,  boulevard  d 

DumiNxaAT,  cDiTKim,  SI,  atr»  aioBsixxv.  ge  Utraison. 


me*, 
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LE   CALENDRIER. 


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„„,„._r.nu,l,c.l.narier.n'..pl;q..cpo,.  d         l«q^       ^^^  ^^^^.^^^  ^,, 

moîl  wr  clvilVres,  I»  mot  alcndncr  u'«  pas  de  sons,  —  il  r«iidrait  ^"f ,°"'"'°''" 
Zr  Z^  >™o  .w.n..ian  ex.c.e.- C'est  d'ailleurs  U  lo  ...ot  <,„»  eho.sU  la  Con- 
«,  ioro.,u'enrr.™p,».a  le  ealendner  .«.orie.  par  l'a..ua,re  ,,;,  da  u 
«  septembre  179Î  et  ,ee„t  jus,,,'.,.  1"  janvier  1806,  ,o«r  où  Qmt  1  v.e  r,  pu 
blicaine  et  où  l'on  reprit  l'ancien  stylo. 

„i.,.  ,„.»  ee  mot  d'annuaire  républicain,  le,  «^^-^^ -^  ^  '':l;:;:^tT:, 
rire.  De  «inellc  bouffonnerie  nous  parlerons,  d  sent  ils.  ucau 
l'on  ne  ponvail  rencontrer  son  patron  qi^  1.  condition  de  s'appe  er  Rave  _  N  vo 
-Charrue,  ou  de  quelque  prénom  semblable!  V.l  l'apparence  dn  ■■"';"''»  ,^'""' 
le  change  sur  cet  annuaire  de  la  Conv.nlion,  qui  fut  tout  ,imp  emen  le  m  Ueui, 
t  plus  vrai,  le  pins  utile  et  en  même  temps  le  plu,  poétique  des  caleudrie  ,. 

L  Î2  septembre  179Î,  »n  décret  de  la  Convention  nationa  e  proclanja  la    é- 
cbéanee  du  calendrier  .ré=orien  et  le  commencement  ^1""'^  "Tll\u-m. 

de  ce  Sî  septembre  même,  jour  précis  où  le  soleil  arrivait  A    '1'""™      

,„.„e  eu  entrant  dans  le  si,ne  de  la  Balance  ^  9  Heures  18  minutes  M  seconde 
-la  veille  avait  été  le  dernier  jour  de  la  monarchie.  Les  représentant,  du  peuple 
avaient  nrononcé,  le  H  s,-ptembre,  l'abolition  de  la  royauté. 

ilut  d'abord  cette  llxati'on  du  commencement  de  l'année,  a,ec  le  commence- 
m.„,  d'une  s.aison,  est  pln<  rationnelle  que  le  cboi,  sans  raison  du  1  janvier 
pour  premier  jour  de  la  nMre.  -  C'est  Charles  IX  qui  eut  la  tolaisie  de  fuer  au 
î"  janvier  le  premier  jour  de  l'année,  qui  jusqu'en  KM  avait  commence  i  P  - 
m,e..  -  Maintenant  que  la  longueur  de  l'année  a  été  doteimiuée  par  la  connai  - 
;,„ce  e«cte  du  mouvement  do  la  terre  autour  du  soleil,  et  que  son  commence- 
ment n'est  plus  cTposéà  parcourir  successivement  toutes  les  saisons,  il  y  a  presque 
de  la  barbarie  à  n'en  point  fixer  le  premier  jour  soit  aux  solstices,  soil  aux  cqui- 
„oxos,  l'accordant  ainsi  avec  les  saisons  el  les  signes.  C'est  là  ce  que  la  Con.enl, 
avait  compris.  .       ,     ,  ,. 

-  •      -s  plus  lucide,  de  plus  exact  el  de  plus  simple  que  cel  «unuairc  reniiuina 


L'appellation  des  jours  de  la  semaine grésori.nne  est  ridicule;.  I'«";:"''"'3"'; 
i„„„er  des  noms  auxjours  do ladécade.lescherche  dans  l'économie  mémo  de  on  sjs- 
"""  -,     -,      .    ■    ■      1      i„„  „„  r,;ir.>^sorlir  avec  un  rare  bonheur,  el 

émede  division  si  lucide  el  si  simple,  les  en  railri-ssouir  avei 
es  compose   do  façon  A  établir  une  coi-rolation  numéralive  entre  eux  cl  I  s  qmin 
tiémes  dumois.  Chacun  des  dixjouvs  de  la  décade  prend  un  nom  H"'  1""=  'J^^' 
ure,  et  qui,   pourtant,  conserve   dan,  sa  compos.lion  la  signilication  des  nombre, 

A;ZL  \\  bien  01  e  ce  nom  «cul  du  jour  de  la  décade  indique  le  quantième 
„rdmaiies.SibienqueiOu^om^.^^ul^a^J^^^^.^^^^^^^^^_^^^,^^  ,„al6riel.Eneirol,  le, 

romrdliaràireT's'onl":  primidi.duodi.tridi,  etcetc;  il  est  facile  :>«  -"'F-'i™ 
que  iridi,  par  exemple,  esl  le  5,  le  13  ou  le  Î3  d'un  mois  -  el  "'"»■/"''"'';" 
iôir.  Or  comme  l'o,  sait  toujours  si  le  mois  e,t  !i  ,on  commeneeinen  ,i,on 
m-lieù  «;  à  sa  fin.  chaque  jour  de  la  décade  porte  bien  réellement  avec  lu,  la  date 

■""voTircependanl  queUsl  cet  annuaire  républicain,  qu'il  est  de  mode  i' ^'««J 
si  méprisable  et  tout  h  fait  digne  des  désordre,  et  de  1  isnoranco    '>-™l""° 
ros,  comme  veulcut  bien  dire  le,  sens  trop  instruils  qui  no  savent  pas  encore  que 
la  Convention  a  autant  fait  pour  la  science  que  pour  la  libcrlc.  Si  nou,  avons 


montré  qu 
lifiques  de 


i  soit  iV  la  hautei 


il  calend 

noire   temps,  nous 

France  le  ridicule  esl  ■ 

>.  Qui  le  croirait?  —  di 
pourtant  rien  de  bien  risible,  —  ( 
l'ordonnance  technique  :  on  l'a  tro 
facile  de  Iravcelir  que  de  comprendre.  Le  calend 
festival  du  catholicisme  que  la  règle  de  l'année 


connaissance,  scien- 

réellemcnl  utile. 

■tel  ;  c'est  par  le  ridicule  qu'on  s'est  attaqué 

celle  division  scieulifique  du  temps,  il  n'y  a 

;  .-.-«n  cherché  le  ridicule  ailleurs  que  dan, 

une  admirable  pensée  qu'il  était  plus 

grcçorien  est  plnlOl  le  cercle 

:  sur  le  mouvement  céleste;  — 


qu 


id.ant  13 

Le  calendrier  grégoriei 
sont  plus  qu'un  non-! 
mœurs,  notre  religioi 
la  lune;  —  et  de  raSm 

lancbe.  qui  était  i\  Ro 


s  la  place  du  calcndr 


r  gro; 


!  fait  du  latin  Don 


-elBjo_ 

1  a  gardé  pour  ses  mois  et  se,  jours  des  i 

lens    qui  sont  un  contre-sens  grossier  ave 

,.  -  Ainsi  :  janvier  (le  moi,  de  Janusl;  lundi  (le  jour 

e  de  tous  les  .lulres  mois  et  jours,  sauf  un  seul  jo 

™.^  le  jour  du  soleil,  et  qui,  dans  le  calendrier  grégo- 


rs,  que  l'annuaire 

s  appellations.  I-es 

mouvoments  de  la 

3)jo 


(le  jour  du  Selg 

Dans  l'annuaire    au  contraire,  le,  appellations  ridicules  disparaissent  ;  chaqu 
mois  prend  un  nom  pittoresque,  poétique,  auquel  son  harmonie  imitati.e  et  une  ingé- 
nieuse  etmologie  donnent  une  incroyable  propriété.  -  Septembre  devien^vei 
mi»ire(leraoi3desïcndanges^;  —octobre-brumaire  (lemois  dosbl-umes);     no' 
bre-frimaire   (le  mois  des  froids)  ;  -  puis  les  mois  d'hiver:  décembre,  jau 
février,  font  nivôse,  pluviése,  ventôse  :  —  neige,  pluie,  yent.  —  (Juin  oc  piu     ^ 
pressifque  les  trois  noms  des  mois  du  piintemps:  germinal,  floréal,  piaina 
(sève,  fleur,  prairie,  au  lieu  de  mars,  avril   et  mai.  -  Enfin,  les  noms  des  ti 
mois  de  l'été  sont  encore   plus  heureusement  sonore,  et  indicatifs  peut-être: 
Juin,  juillet  et  août  -  se  ch,ingent  en  messidor,  ll.ermidor,  fructidor  (les  mt 
son,,  le  soleil,  les  fruits). 

Mais  c'est  dan,  la  division  de  l'année,  des  mois  et  des  j< 
l'emporte  sur  le  calendrier,  bien  aulreiucnl  encore  que  dans 
mois  grégoriens  sont  inégaux  enlre  eux,  discordants  avec  le 
lune.  On^se  fatigue  à  chercher  si  un  mois  est  de  23,  S9,  30 

Cette  inégalité  est  un  reste  de  l'ignorance  de,  peuples,  qui,  faisant  leur  a...„„ 
trop  courte,  corrigèrent  grossièrement  leur  calendrier  en  ajoutant  plusieurs  jours 
i  quelques-uns  de  leurs  mois.  Au  .caudale  d'un  siècle  éclairé,  eettefau.se  di- 
yision  de  Pannée  est  conservée  dans  l'almanach  grégorien.  La  sous-division  du 
mois  lui-même  est  pire  encore. 

Pour  l'assimiler  sans  doute  aux  quatre  phases  de  la  lune,  on  a  voulu  partager  le 
mois  en  quatre  parties.  Mais,  faute  de  pouvoir  diviser  29,  30  ou  31  jour,  sans 
traction,  ou  a  établi  la  division  sur  28  et  fait  la  semaine  de 7  jours;  si  bien  que 
le,  quatre  parties  on  semaine,  ne  co-incidenl  plus  avec  la  durée  réelle  au  luoi. 
Celle  sous-di.ision  particuliore  ne  mesure  exaclemenl  m  le  mois,  m  1  année,  m 
les  saisons,  ni  les  lunaisons.  , 

Ces  erreurs  matérielles,  ces  incohérentes  division,  du  temps,  ce,  yestige,  de, 
époque,  de  barbarie  ou  de  superstition,  l'annuaire  républicain  les  rejette. 

C'est  avec  une  haute  raison,  les  certitudcj  de  la  science,  la  propriété  ingénieuse 
des  mol!,  que  la  Convention  a  fait  son  œuvre. 

AdopUnl  la  .ayante  division  de  l'antique  Kgypte,  qui  coupait  1  année  en  l. 
mois  e-iux  el  1.  complétait  avec  5  jour,  épagomène,,  l'annuaire  républicain 
donne  °30  jours  à  chacun  de.  12  mois,  et  leur  surajoute  S  jours  qu,  n  appart.cn- 
n<>nt  i  aucun  moi,  et  qui  achèvenl  de  remplir  le  cycle  annuel. 

Ces  cinq  jours,  qui  terminaient  chaque  année,  étaient  consacré,  â  de.  félo.  pa- 
iriolian...  On  les  appelait  le,  san.-euloll.d...  Pour  maintenir  une  coïncidence 
eiicle  avec  le.  moo.emenl.  célc.le,,  l'année  ordinaire  prenait  ""  -ixiémo  lour 
ipai/omiat  ou  .aM-euloI((d«  .eloi,  que  le  comportait  la  poiilioi 
La  inbdivi.ion  du  moi.  républicain  est  rationnelle  et  eiacle  con 
née.  A  l'impo.sible  parUge  du  moi.  en  quatre  partie,,  Pannuairo 
Ui«e  en  décade.,  appliquant  ain.i  k  la  divi.ion  mensuelle  l'admi 
numération  décimale  qni  «enail  d'être  adopté  en  France. 

Le  nom  de  .emaine  donné  à  l'inexacte  diyi.ion  grégorienne  n  a  point  de  .en,. 
Ce  .impie  mol  de  dcc.dc  défmil  et  explique  la  rigoureuse  diyi.ion  de  l'annuaire, 
qui  .eut  que,  du  premier  an  dernier,  le»  jour,  de  la  décade  el  le.  jour,  de  I  année 
préci.eol  dan»  leur  paralléli.mc  lonlc»  le.  phase,  du  cycle. 


\  chacun  de  ses  jours  un  nom  patronymique  de  saint  est  attaché.  Li 

■inuua  re  d'un  peuple  qui  venait  de  reconnaître  la  liberté  de,  cultes 
:h„i,„er  un  calendrier  purement  civil  au  calendrier  religieux;    dégager 
.1        spirituel,-   les  saints  du  calendrier  grégorien   foreu     répudiés. 
,    :éli;cl!it    Ôe  le  calendrier  étant  une  chose  é  laquelle  tout  le  monde  a 
foreémcnt  recours,  on  pouvait  profiter  delà  fréquence  de  cet  usage  V"' f''" 
ûpèuple  d'uliles'nolions;  que  la  place  ealholiquemenl  "«"P- P-  ';  ^  '  [ 
il  ra  ioiiellement  remplie  par  l'admirable  abrège  d'un  "«l"  .'''™^  |""  l  ";  °, 
ie  rurale.  -  Sous  le  coup  de  celle  inspiration,  la  Convention    q,  on  a  pem, 
oire  aussi  «roee  qu'on  dit,  à  voir  comment  elle  se  préoccupa  de  I  agnculluu 
faire    aimer    les  champs,  et  de  couseiUer  ces  ulilcs  travaux  du  l»'>"u'-=;'' V 
.ont  la  fortune  réelle  des  Liions,   la  Convention,  disons-nous    inronisada 
eolonne  jadis  dédiée  aux  saint  Mathias,  aux  sainte  Cunégonde,  »' «'»  "'   O"'"  ■"" 
Rigoberl,  Palerue,  Runn,  Blandiui.  Loyola,  et  autres  «'■■"•  rrllie  1 
sent  peut-être  en  réalité  l'Évangile  cl  la  religion  moins  que  la  saeiislie, 
.,  richesse,  agricole,  que  la  terre  fécondée  donne  au  labeur  hnniain. 
La  (01     niion  voulue  que  son  .uinuaire  en,eign«  4  ton,  le,  Franc»,,  la  eon- 
ii,,ance  des  objets  de  la  oilture,  des  utiles  productions  de  la  terre,  de,  instru- 
m;™  aratoire,, 'de.  animaux  domes.iques,  la  richesse  du  fermier.  -  K  comine 
livr.riil,\  cotte  fantaisie  de  ramener  par  le  calendrier,  livre  usuel     "J"      ' 
iple  français  i>   l'agriculture,  la   Convention  ne  croyait  pas   faire  une  cl  ose 
oimêm    bigarre,  elle  prit  la  peine  de  disposer,  avec  un  ordre  admirable  et 
2  pratique  qui  lui  foui  honneur,  le.  nom.  des  6™""';»';"'°''  "^:    ' 
.,,  fleurs,   fruits,  piaules,  etc.,  de  façon  que  chaque    prodoc Uon  «  ™-  '- 
:,  il  sa   place  el  au  quantième  où  l'homme  doitraltendre  de  la  na- 


nléres- 


luri 


jnsi  que  les  légume,  et  le,  bSloi  furent 
8  la  Convention,  qui  joignirent,  comme  i 


lis  eu  place  de,  saints  par  ces 
1  le  dit  avec  complaisance,  le 


1  de  l'équinoxe. 
ime  celle  de  l'an- 
suliatitue  le  par- 
rable  syslème  de 


Et  C'est 
barbares  , 

^'f  l:;nul1i::lnce,  la.„b,titution  vous  .emble-l-elle  '""i"""»-'^^ 
,„e,  et  l'idée  prële-t-elle  i  rire  1  Croyez-vous  qu'il  .o,l  encore  '•  «"  »P  "'"    "l 
coûter  le.  bous  plaisant,  qui  aff,rn,ent  que  la  Convention  ,i  poiis,   la  '  """'«    j, 
,,,1'J  vouloir  .affubler  le,  Français  de   prénom.  »'"P'''«' :' T..  "'" '"' ,:"' ,f  ' 
jardin  de  l'annuaire  ont  été  simplemeul  introduits  dan,  le  but  naît  ,1e  '""-"'^'" 
miler  l'homme  ,^  la  bêle  et  .  la  nalure  inerte  ,^  l'aide  d'une  P.»'-"?"-; ''^f^-,  ;.   "J^ 
La  calomnie  a  fait  son  chemin  cependant;  le  cierge  qui,  en  1806,  soll.c, la  et 
obUnlTe  rZlisseuien.  de  l'ancien  style,  ne  ,e  fll  pa,  faute  de  la  propager        y 
réellement,  »  l'heure  qu'il  e.t,  trés-peu  de  gensqu,  n'aient  I  "P  "  »" '«  P  "'  f"';^' 
de  cel  annuaire  républicain,  q,ie  nou.  yeuon.  de  reliab, .  1er,  =''"«;;•   '';^;; 
Na.,,  et  Pioeli.  .ont  toujour.  le  texte  do  la  méuie  gaieté  1  -  On  b  ■■«'«;;    ^'^ 
avec  celte  bonne  plai.anlerie;  -  nou.  cpéron,  cependant  que  no,  Ufeue.  p. 
ront  faire  changer  quelqui 


e  cèle. 


La  Contention  pensait  que  l'on  ne  fait 
daud,  de,  prénoms  ii  choisir;  elle  n'avait 
raonclalure  instructive  do  l'annuaire  pour 

Mai,  admetton,  que  certain,  patriote, 
prénoms  comme  on  eu  trouvait  dan,  l'ar 
TMmyU.  Sylvie  P.n.M,  ou  mémo  Itaii 


bien. 


p.,o  .... .-- --   pour  donner  aux  b;,- 

!Crte,  pas  prévu  qu'on  prendrait  la  no- 
me série  de  patron!  de  son  invention, 
je  .oient  avisés  d'aller  chercher  lii  de, 
^icu  calendrier,  est-ce  que  les  .Sabine, 
et  Pioolie  de  l'annuaire  ne  valaient  pas 
du  ca- 


i  do.  ge 


■pire  aux  prc.sc.  mécanique  de  La 


iphoniect  poésie,  le»  Cloud,  Caiilou,  Panerao.  ol  aul 

,     ,  ■         .       ■     s.       p„;=    r.l-ce  il  l'annuaire  qu'il  faut  .'en  prendre 
lendrier  grégorien?  —  Pui.,  c.l-ce  a    aum, ,..c  4 

de  lilu,  ou  moin,  de  goût  lui  ont  emprunte  des  nom.r 

rt  enliu   ,i  l'on  regrellail  l'ancienne  palronymie  catholique,  ne  pouvail-on  pas 
l'ac;ommoderauxd..e,de  l'annuaire,  ^ ^  ^^ Z^^:^':^^'!^ 

"""'•fr'trZltu  ^u'hlnLu  ;  r^Ila^:  ,«'.1  esl..aei:î  .OUI  » 
cependant  ne  saurait  (lupiaiic  ail  uu»  wiu"   \ 

"C'r;r:::rd— :;::.:'r::::r;;ur  faire  quoique  piai.ir  peu, 

.:T:e:xdLo.  co„ci.,e„.  qui  datent  d^l'è.r,.ib^.ne^^3^^^ 
avoir  leur,  patron,  dan,  l'annuaire,  nou»   aveu,  mil,  lu  cg 
IS'iO,  l'annuaire  républicain.  —  One 
rcllcment,  la  différence  de.  deux  style, 

R&MVB  rtCu^ip.  >ue  DamiellOf  2. 


tout  à  fait  ainsi,  el  prc.que  uotii.  ■ 
Aon.  LIREUX. 


n^ 


ALIANACH  RÉPUBLICAm  POUR  1849,  CONFORME  AD  DÉCRET  DE  LA  CONVENTION 


JAN 
Ce  mois  est  d'onlioaire  insignifiant.  Son  nom  vient  du  latin 
janua,  porte,  et  januarius  oujanilor,  portier.  Janvier  ouvre 
eu  effet  l'année,  il  ouvre  la  porte  aux  mois  qui  le  suivent.  Ce 
mois  est  insignifiant,  en  ce  sens  qu'il  n'a  jamais  vu  et  qu'il  ne 
verra  jamais  s'accomplir  de  grands  événements;  les  cœurs, 
touchés  par  les  élrennes  remues,  restent  trente  et  un  jours 
dans  l'attendrissement,  état  bleu  doux,  mais  qui  enlève  à 
l'homme  son  énergie  et  le  rend  impropre  aux  grandes  choses. 
On  peut  dire  qu'en  général  un  mois  ne  se  doute  guère  de 
ce  que  fera  te  mois  suivant;  ainsi.  Janvier  de  1848  était  loin 
de  compter  sur  le  Février  qui  l'a  suivi,  ce  qui  prouve  combien 
l'homme  est  insensé  de  vouloir  pénétrer  les  mystères  de  l'avenir. 
Le  mois  de  janvier  est  propice  aux  mariages,  à  cause  des 
relations  de  société  qui  s'établissent  au  sujet  des  étrennes  et 
du  gâteau  des  rois.  —  On  verra  un  mauvais  plaisant  à  qui  la 
fè?e  sera  échue,  l'avaler  adroitement  pour  s'éviter  les  frais  de 
trois  bouteilles  de  cidre  qu'eu  qualité  de  roi  il  aurait  dû  offrir 
à  la  compagnie  :  vil  exemple  de  gloutonnerie  et  en  même  temps 
d'avarice!  C'est  aussi  durant  le  mois  de  janvier  qu'il  se  donne 
le  plus  de  coups  de  canifs  aux  contrats  de  mariage.  —  Fem- 


VIER. 

mes,  soyez  fidèles  à  vos  époux;  époux,  ne  trompez  pas  vos  fem- 
mes! Une  loi  fort  sage  condamnait  autrefois  les  époux  adultè- 
res à  avoir  le  nez  coupé.  — Si  cette  loi  était  encore  en  vigueur, 

disait  un  railleur,  que  de  gens  on  rencontrerait  sans  nez  !  

Evitez  la  médisance  en  vos  propos. 

Le  président  de  la  République  donnera  des  fêtes  brillantes. 
Un  vieux  général,  admis  à  ces  réunions ,  avalera  de  joie  sa 
culotte  de  peau,  et  paraîtra  dans  un  état  peu  décent  aux  veux 
des  dames.  Grande  rumeur  à  ce  sujet. 

Plusieurs  promotions  auront  lieu.  Le  général  Cbann-arnier, 
déjà  investi  du  commandement  de  la  garde  nationale,  de  la 
garde  mobile  et  de  la  1'°  division  militaire,  aura  encore 
sous  ses  ordres  les  troupes  des  départements,  tous  nos  bâtiments 
de  guerre  et  les  garnisons  des  colonies.  Le  soleil  ne  se  couchera 
plus  sur  ses  ordres  du  jour. 

Foire  aux  places  établie  chez  M.  Odilon  Barrot. 

Guerre  des  paysans  et  des  percepteurs. 

Le  nez  des  légitimistes  s'allongera. 

M.  de  Girardin  fera  plusieurs  voyages  en  Angleterre,  ainsi 
que  l'ami  Gilles. 


Mois  consacré  à  la  fièvre.  Trop  souvenl  les  fièvres  amènent 
les  révolutions.  ,    , 

Les  cœuis  qu'avaient  touchés  les  élrennes  ilu  mois  iirece- 
dent  ont  eu  le  temps  d'oublier  toute  reconnaissance  ;  ils  se 
sont  endurcis  de  nouveau,  et  se  montrent  capables  des  plus 
noirs  forfails.  On  voit  l'ami  trahir  l'ami,  le  fils  méconna.lre 
l'autorité  paternelle,  et  l'oncle  déshériter  le  neveu. 

Des  fêtes  de  plus  eu  pins  brillantes  attireront  beaucoup  de 
monde  à  Ibôtel  de  la  présidence.  —  Plaintes  des  voisins  que 
le  bruit  empêche  de  dormir.  —  Le  vieuv  général  qui  avait,  le 
mois  dernier,  avalé  par  mégarde  sa  culotle  de  peau  au  mdieu 
du  bal,  commettra  derechef  la  même  inadvorlauce  ;  mais  un 
juste  e\il  en  sera  la  punition. 

L'invalide  à  la  lête  de  bois  sera  nommé  ministre  de  la  guerre 
.\  la  pLice  du  général  Rulhiêre,  beaucoup  trop  jeune  et  trop 
ingambe  pour  cet  emploi. 

Un  retour  vers  les  modes  et  les  usages  de  1810  se  fera  re- 
marquer aux  fêles  de  la  présidence,  et  passera  de  la  cour  i  la 
ville.  Le  général  Changaniier  remettra  la  gavotte  en  faveur. 

La  Gazelle  de  France  publiera  un  feuillelon  hebdomadaire 
Irès-piquaut  sur  les  mœurs  el  les  usages  parisiens  en  1849. 
i;e  feuillelon  aura  pour  titre  :  Le/(res  d'un  Ermite  de  la 
Chaussée-d'Anlin,  et  on  l'attribuera  à  un  malin  vieillard, 
M.  Sarrans  (jeune 


On  verra  des  .^ens  bien  portants,  et  nés  sous  la  Restaura- 
tion, traîner  la  jambe  en  marchant  et  afiecler  une  démarche 
d'anciens  mililaires.  Quelques-uns  se  mettront  des  jambes  de 
bois.  Fortune  rapide  d'un  ébéniste  qui  excellera  dans  la  labri- 
calion  des  jambes  postiches. 

Un  mauvais  plaisant  saura  persuader  à  la  populatuui  pari- 
sienne que  le  mois  de  février  est,  celle  année,  de  Irenle  el  un 
jours  Mais  quand  les  Parisiens  verront  le  1'^  mars  succéder 
immédiatement  au  28  février,  ils  donneront  la  chasse  au  mys- 
lillcateur,  qui  s'enfuira  à  l'étranger.  —  Rapport  fait  a  1  Aca- 
démie à  ce  sujet.  —  La  mvstificalion  étant  une  des  traditions 
impériales,  un  prix  de  10,000  francs  sera  fondé  pour  l'aiileur 
de  la  meilleure  mvslification  faite  dans  l'année. 

Conlinuation  dJ  la  foire  aux  places  che^  M.  Odilon  Barrot. 
M  Léon  Faucher,  bien  connu  par  son  mauvais  caractère, 
après  s'être  brouillé  avec  tous  ses  collègues,  se  fâchera  avec 
le  président  de  la  République,  Il  perdra  son  portefeuille  vers 
le  quinze  de  ce  mois  ;  ses  collègues,  ivres  de  joie,  s'embrasse- 
ront en  public  à  celte  occasion.  M.  de  Falloux  donnera  huit 
jours  à  tous  les  collégiens  de  Paris  pour  célébrer  un  si  beau 
jour  — Apparition  dugrand  serpent  de  mer  surlescôtesdeNor- 
mandie.  —  Le  théâtre  de  la  Moubnsier  obtient  un  grand  succès 
avec  une  pièce  intitulée  les  dernières  Avenlures  du  duc  Avod 
de  Richelieu. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


117 


[.KNDHIKR    POUR    1819. 
(Scjlo  G..lo..rl»ii.) 
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CALENDRIER  REI'UIII.ICAIN. 

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loi  mur».  L«i»  fleor» 

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MARS. 


On  verra  tous  les  jours  de  vieux  soldats,  crus  morts  depuis 
iSI'i,  reparaître  du  fond  de  la  Sibérie,  et  obtenir  des  pensions 
de  retraite.  Le  nombre  des  gens  qui  embrasseront  cette 
profession  nouvelle  sera  si  considérable ,  que,  pour  éviter 
l'encombrement,  le  ministre  de  la  guerre  mettra  les  places 
au  concours. 

Un  programme  des  conditions  imposées  aux  concurrents  sera 
public  dans  le  Moniteur. 

Les  candidats  devront  particulièrement  fournir  leur  acte  de 
naissance,  constatant  qu'ils  ont  au  moins  seize  ans  accomplis, 
un  certificat  de  vaccine,  et,  s'ils  sont  mineurs,  une  pièce  dû- 
ment légalisée  par  laquelle  leur  parent  ou  tuteur  les  autorise 
à  concourir  pour  le  retour  de  Sibérie. 

Les  traditions  impériales  reprenant  faveur  de  jour  en  jour, 
M.  V.  Hugo  fera  jouer  au  Tliéàtre-Frani;ais  une  tragédie  inti- 
tulée le  Faux  Smerdis.  —  Talma  acceptera  le  principal  rôle. 

Voici  ce  qu'on  lira  dans  les  faits-Paris  des  journaux  : 

«  On  remarque  depuis  quelque  temps,  dans  les  g.aleries  du 
Palais-Uojal,  un  original  avec  des  babits  délabrés  et  une  lon- 
gue barbe,  qui  gesticule  et  déclame  tout  seul  contre  l'injus- 
tice et  l'ingratitude  des  hommes.  Les  curieux  font  cercle  au- 
tour de  ce  misanthrope  qui  possède,  à  ce  ([u'on  assure,  une 
assez  grande  fortune,  et  n'afl'ecte  un  extérieur  misérable  que 
pour  faire  de  l'opposition  au  gouvernement.  Ce  moderne  Gho- 


druc-Duclos  est,  dit-on,  un  nommé  Emile  de  Girardin,  qui 
fit  assez,  de  bruit  dans  son  temps. 

«M.  Odilon  Barrot  ayant  donné  sa  démission  de  ministre,  se 
verra,  en  récompense  de  ses  vertus,  métamorphosé  en  canard 
et  placé  dans  le  grand  bassin  des  Tuileries.  —  Grande  partie 
de  pèche  qui  aura  lieu  à  cette  occasion  dans  ce  même  bassin. 

Grandes  nouvelles  d'Autriche,  à  la  suite  desquelles  M.  de 
Rotbscbild  regrettera  la  république  rouge.  —  Les  vieux  de  la 
vieille  ;  le  colonel  Dumoulin,  les  généraux  Piat  et  Moiitho- 
lon,  etc.,  liis  d'être  méconnus,  lèveront  une  armée  de  vingt- 
cinq  hommes  et  s'empareront  de  la  Colonne.  —  On  les  y  ren- 
fermera avec  leur  armée,  et  on  les  condamnera  à  la  garder  à 
perpétuité. 

L'exposition  de  tableaux  sera  plus  brillante  qu'on  ne  l'avait 
prévu...  On  y  remarquera  des  chefs-d'œuvre  dignes  du  pin- 
ceau des  Cancrcnen,  des  Guérin  et  des  Girodet-Trioson.  — 
Conversion  de  M.  Delacroix,  qui  exposera  une  Danaé  visitée 
par  Jupiter.  M.  J.  Dupré  se  signalera  par  un  grand  paysage 
historique,  représentant  Hippolyte  dévoré  par  un  monstrema- 
rin.  Couture,  chargé  du  portrait  du  président,  le  peindra  en 
Neptune  conjurant  les  Ilots.  —  Le  nommé  Jean  Borgne,  manou- 
vrier,  se  verra  condamné  par  la  cour  d'Amiens  (Somme),  pour 
avoir  tué  sa  mère,  octogénaire,  à  écrire  dix  fois  :  J'admire  E.de 
Girardin.  Jean  Borgne  s'étranglera  pendant  la  iiuit. 


OMBRES    CHINOISES    DE    1848.    MARS. 


Partie. 


Premières  fleurs,  premiers  bouriieons.  Ou  eu  verra  jusque 
sur  le  nez  d'un  muuilionnaire  célèbre. 

La  France,  prospère  et  florissante,  s'occupera  beaucoup  de 
beau\-arls  et  de  llltérature.  L'annonce  suivante  fixera  tous 
les  yeuî  ; 

«  En  vente  cbez  l'éditeur  Pagnerre,  rue  de  Seine,  \i  bis, 
le  cinquantième  volume  de  I'Almasach  des  Mi  ses.  Cet  ou- 
vrage annuel,  véritable  Parnasse  français,  dont  il  avait  fallu 
suspendre  la  publication  à  cause  du  mauvais  goût  littéraire 
des  dernières  années,  a  pu  reparaître  enfin,  grâce  à  la  réac- 
tion salutaire  qui  s'est  opérée  daus  les  esprits.  Le  numéro  eu 
vente  contient  des  épigrammes,  madrigaux,  acrosliclics,  bouts- 
rimés,  bouquets  à  Cliloris,  et  autres  poésies  légères  de  nos  plus 
aimables  poètes,  MM.  Hippolyle  Bonnelier,  Vacquerie,  Pouger- 
ville,Tissot,  Baour-Lormian,  Sarrans  (jeune),  et  mesdames  Del- 
phine de  Girardin,  Ancelot,  Eugénie  Niboyet,  elc,  etc.,  etc. 

«  En  vente  à  la  même  librairie  : 

(i  Le  Temple  de  Terpsychure,  ou  l'Art  de  la  Danse,  poème 
didactique  eu  quatre  chants,  par  M.  Vacquerie.  [Ouvrage 
couronné  par  l'Académie  française.) 

€  Le  Spectacle  de  la  Salure,  poème  descriptif  en  douze 
chauts,  par  M.  Th.  Gautier,  a\cc  une  préface  par  M.  de  Pou- 
gervilte.  (Deuxième  édition.) 

«  Le  Faux  Smerdis,  tragédie  nouvelle,  par  M.  V.  Hugo.  » 


Un  chanteur  fera  la  fortune  de  l'Opéra  avec  la  romance  du 
Point  du  jour. 

M.  X.  Durrieu,  avant  renoncé  à  la  carrière  politique,  dé- 
butera, comme  danseur-mime,  par  le  rôle  de  Télémaque, 
daus  un  nouveau  ballet  de  M.  Garnier-Pagès,  intitulé  l'Ile  de 
Calypso  ;  son  succès  sera  colossal  dans  le  pas  appelé  :  «  Pas  de 
mouchoirs.  » 

Grande  fête,  dite  de  la  Fraternité,  à  la  suite  de  quelques 
mésintelligences  dans  la  population.—  Confiance!  confiance'. 
—  La  plus  grande  franchise  régnera  pendant  quelque  temps 
dans  les  rapports  des  citoyens  entre  eux,  el  jusque  d-.-i  les 
opérations  de  Bourse.  Ce  sera  au  point  que,  laissant  de  co'.é 
les  ruses  et  les  sublerfuges  ordinaires,  on  volera  ouvertement 
des  coupons  de  rentes  et  même  des  foulards.  —  Retour  de  la 
dissimulation. 

Un  agronome  distingué,  par  un  nouveau  procédé  de  cul- 
ture, découvrira  l'art  de  faire  pousser  dans  son  parc  des  fau- 
vettes et  des  rossignols  artificiels.  —  Réveil  de  la  Belle  au 
bois  dormant,  qui  s'était  endormie  au  mois  de  février  1T49. 

Fondation  d'un  phalanstère  aérien  sans  pivot. 

Grande  discussion  des  critiques  sur  le  mérite  respectif  de 
deux  tragédiennes.  —  Le  préfet  de  police  fait  afficher  une  or- 
donnance sur  le  musèlement,  appliqué  à  tous  les  citoyen',  pour 
les  empêcher  de  parler  politique. 


U.UBHliS    CHINOISES    DE    1848, 


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Revanche. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


119 


CALENDRIER  POUR   1849. 

(filvie  Or^B«rl«ii.) 


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Un  vieux  brave  qui  avilit  l'ait  partie  de  rexpéJiliou  de 
Breiiiius  à  Rome,  et  qui  avail  passé  pour  mort  depuis  ce  temps, 
revient  dil  fond  de  l'Italie,  où  il  était  resté  prisonniM-.  On  le 
nomme  ministre  de  la  guerre  à  la  place  de  l'invalide  à  la  tète 
de  bois.  —  Le  temps  vole,  emportant  dans  sa  course  nos  cha- 
grins et  nos  plaisirs. 

Grand  banquet  de  femmes  libres,  où  il  est  décidé  que  le 
mois  de  mai  sera  consacré  doréiiavanl  à  madame  Eugénie  Ni- 
boyel.  —  Le  citoyen  Sarrans  (jeune)  meurt  de  vieillesse;  on 
lui  ouvre  les  portes  du  Panthéon.  —  Un  dessinateur,  qui  êlait 
allé  en  Afrique,  le  crayon  à  la  main,  pour  croquer  la  nature, 
se  voit  lui-même  croqué  par  un  lion. 

Lu  mode  des  myslifiealions  l'ail  fureur.  Un  mauvais  ]il.Ti- 
sant  va  trouver  M.  Alexandre  Dumas,  el  lui  persuade  qu'il  vieiil 
d'être  nommé  président  du  conseil  des  niinislres.  Sur  celte  assu- 
rance, l'auteur  à'Anlony  se  hàle  d'aller  prendre  possession  de 
l'hôtel  de  la  présidence.  Arrivé  là,  on  lui  apprend  en  riant 
qu'il  a  été  victime  d'une  plaisanterie,  et  il  s'en  retourne  de 
fort  mauvaise  humeur.  Celte  mystification,  racontée  le  soir 
dans  les  foyers  de  lliéâlres,  dans  les  salons  et  à  l'Assemblée 
nationale,  fait  rire  tout  le  monde.  Son  auteur  obtient  le  prix 
de  10,000  francs  fondé  par  l'Académie.  — Grand  combat  de 
M.  Proudhon  et  d'un  épicier  à  coups  de  parapluie. 

Un  électeur  de  province,  qui  a  beaucoup  contribué  à  l'élec- 


tion de  M.  Louis  Bonaparte,  arrive  à  Paris  pour  solliciter  une 
récompense,  et  ce  dialogue  s'engage  entre  lui  et  un  passant; 
«  Monsieur,  où  faut-il  s'adresser?  —  Pourquoi  faire?  — 
Pour  être  récompensé.  »  Le  passant  facétieux  lui  donne  l'a- 
dresse d'un  bureau  d'omnibus. 

Le  cz.ir  Nicolas  meurt,  laissant  par  testament  sa  couronne 
à  son  perruquier,  et  500  francs  de  renie  viagère  à  cha- 
cun des  rois  ou  reines  de  l'Europe. —  Courbettes  des  grands 
de  l'empire  devant  le  perruquier,  qu'ils  essayent  de  faire  pas- 
ser pour  le  fils  naturel  de  l'empereur  défunt.  —  Le  perruquier, 
trouvant  ces  bruits  injurieux  pour  la  vertu  de  sa  mère,  intente 
aux  grands  un  procès  en  police  correclionnelle.  —  11  perd 
son  procès.  —  Apothéose  du  perruquier.  —  11  publie  une  or- 
donnance relative  à  son  ancienne  profession  :  désormais  on 
rasera  à  l'heure,  à  raison  de  1  fr.  2o  c.,  et  1  fr.  50  c.  passé 
minuit. —  Tous  ces  événements  agitent  l'Europe. 

Ouverture  de  l'exposition  des  produits  de  l'industrie  fran- 
çaise.   On  y  distingue  un  télégraphe  sélénien,  avec  lequel 

on  peut  entrer  facilement  en  communication  avec  les  habi- 
tants de  la  lune.  Plusieurs  banquiers,  agents  de  change  et 
négociants  ,  en  profitent  pour  aller  faire  des  trous  à  cet 
astre. 

Changement  de  ulilli^lère.  M.  Emile  de  Girardin  y  entre  avec 
M.  Charles  Marchai. 


O.VIBKES    r.lIlNOISES    DE     18-48.    MAI. 


Un  nouveau  18  brumaire. 


120 


CALENDRIER  POUR  1849. 

(Sivlo  Grcgorien.) 


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Samedi 

JULN. 


Le  général  N'arvacz,  cliassé  d'Espagne,  vient  à  Paris,  où  il 
fonde  un  bureau  d'achat  de  reconnaissances  et  de  dégagements 
des  effets  du  mont  de  piélé.  —  Souscription  nationale  pour 
offrir  un  bouquet  à  madame  Eugénie  Niboyet. —  Cette  dame 

est  enlevée  par  M.  l'abbé  de  G ,  rédacteur  d'un  journal 

bien  connu. 

Réception  de  M.  Vacquerie  à  l'Académie  française,  en  ré- 
compense de  son  poème  intitulé  le  Temple  de  Terpsychore.  ou 
l'Art  de  la  Danse.  M.  de  PongerviUe  le  félicite  de  son  retour 
aux  saines  doctrines  littéraires.  —  Une  tragédie  enragée  court 
les  rues,  et  cause  pendant  deux  jours  de  grands  malheurs. 
Elle  est  abattue  par  un  gardien  de  Paris,  qui  reçoit  ses  entrées 
perpétuelles  à  l'Odéon,  en  récompense  de  son  courage. 

Nouveaux  scandales  suscités  par  le  perruquier  autocrate  de 
toutes  les  Russies.  —  Il  veut  contraindre  les  boyards  à  porter 
leurs  bottes  fourrées  sur  la  tète.  —  Plusieurs  boyards  sont 
exilés  à  cette  occasion.  —  Ukases  incendiaires.  —  Le  peri-u- 
quier  ose  demander  la  main  de  la  reine  d'Espagne,  qui  est 
pourvue ,  et  nomme  M.  Cabet  sou  premier  ministre.  — 
Plaintes  générales.  —  On  découvre  que  le  czar  sort  tous  les 
soirs,  déguisé,  du  palais,  et  va  dans  une  petite  boutique  des 
faubourgs  exercer  en  secret  son  ancienne  profession.  Il 
donne  la  princesse,  sa  lille,  en  mariage  à  M.  de  Balzac,  qui 
réalise  ainsi  le   rcve   de  toute  sa  vie.    —   Congrès  des  di- 


verses puissances  de  l'Europe,  tenu  à  ce  sujet  à  Aix-la-Cha- 
pelle. 

Un  monsieur,  se  disant  arrière-petit-neveu  et  héritier  de 
Molière,  se  présente  au  Théâtre-Français  pour  toucher  les 
droits  d'auteur  du  répertoire  de  son  grand-oncle,  échus  de- 
puis 1675,  année  de  sa  mort,  jusqu'à  nos  jours,  avec  tous  iii- 
téiêts  et  arrérages.  —  Élonnement  du  Théâtre-Français.  — 
L'affaire  est  portée  au  conseil  d'État.  —  Plusieurs  poètes  tra- 
giques imaginent  de  s'emparer  des  principales  pièces  de  l'an- 
cien répertoire,  et  de  les  faire  jouer  sous  leur  nom. 

Mort  d'un  grand  citoyen.  —  L'Assemblée  nationale,  dont 
il  faisait  partie,  décide  qu'il  sera  empaillé  aux  frais  de  l'État 
et  suspendu  au  plafond  de  la  salle  des  séances.  —  Nouvelles 
élections.  M.  V.  Hugo  n'est  pas  réélu. 

La  reine  de  Saba,  ayant  beaucoup  entendu  parler  de  M.  Vc- 
ron,  vient  lui  rendre  visite  du  fond  de  l'Orient.  Cette  grande 
reine  avoue  que  tout  ce  que  la  renommée  lui  avait  appris  sur 
cet  homme  célèbre  est  bien  au-dessous  de  la  réalité.  —  Elle 
s'extasie  sur  son  admirable  laideur,  et  lui  brode  une  paire  de 
bretelles  avant  son  départ,  et  lui  fait  promettre  de  l'aller  voir 
à  son  tour  dans  sa  capitale. 

Un  décret  de  l'Assemblée  nationale,  reconnaissant  que  le 
jeu  de  billard  a  été  complètement  dénaturé  depuis  l'Empire, 
proclame  l'abolition  des  queues  à  procédés. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SI^IIÎMIX. 


121 


CALENDRIER  POUK  1849. 

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I  ai.i;ndi<ikk  HKPrHr.icAiN. 

AN    97    DB    LA    RKrnBI.IQDBi 


Iravailleiir  et  son  8|)ôtru 
Pour  deux  jumeaux  nous  sonl  connus. 
L'un  par  l'aulre  ils  suiit  parvenus; 
Us  sont  tombés,  l'un  porUuil  l'aulrc. 


JUILLET. 


Grande  exposition  Je  produits  d'Iiorliculture  dans  l'oran- 
gerie du  Luxembourg.  —  On  y  remarque  des  fruits  magnifi- 
ques, et  particulièrement  un  melon  dont  l'odeur  se  répand 
dans  tout  le  quartier.  —  Un  habitant  de  la  rue  de  Vaugirard, 
excédé  de  celle  odeur,  déménage  sans  payer  son  terme.  — 
Procès  célèbre  à  ce  sujet.  —  Le  locataire  prétend  avoir  le 
droit  de  rompre  le  bail  d'un  appartement  qui  sent  le  melon. 
—  Le  propriétaire  soutient,  le  Code  eu  main,  qu'il  n'y  a  ijue 
le  voisinage  d'un  établissement  où  s'exerce  une  profession  dite 
à  marteaux  qui  puisse  valider  une  rupture  do  bail;  or,  l'odeur 
du  melon  ne  saurait  être  considérée  comme  une  profession  à 
marleaui.  —  Embarras  des  juges.  —  Le  melon  est  apporté  h 
l'audience.  —  La  cour  mangt  le  melon,  et  décide,  à  l'instar  de 
Saloinon,  que  le  melon  a  bien  son  cbarme. 

Reprise  du  ballet  des  Sabines  à  l'Opéra. 

M.  Voron  se  mel  en  devoir  de  rendre  sa  visite  à  la  reine 
Saba.  —  Son  entrée,  dans  la  capitale  de  cet  empire,  sur  un 
éléphant  blanc  splendidement  caparaçonné.  —  La  reine  de 
Saba  lui  offre  sa  main.  —  De  retour  en  France,  M.  Véron  se 
fait  construire  un  palais  en  bois  de  cèdre  et  en  or.  —  Cent 
mille  ouvriers  y  travaillent  nuit  et  jour  pendant  vingt  ans.  — 
M.  Véron  écrit  un  livre  de  maximes  et  de  proverbes.  —  Il  in- 
vente pour  la  pâte  Regnauld  de  nouvelles  boites  ornées  de  ver- 
set du  Cantique  des  Cantiques. 


Grandes  chaleurs  qui  servent  de  prétcxie  à  des  gens  mal  in- 
tenlionnés  pour  jeter  les  passants  à  l'eau.  —  Apparition  d'un 
évéquedc  mer  sous  le  |)ont  des  Arts. 

Un  journaliste  bien  connu  se  livre  à  des  excès  tels,  qu"il  est 
condaniiic  à  recevoir  le  fouet  en  plate  publique.  —  La  sen- 
tence est  exécutée  par  la  garde  nationale.  —  Le  prix  Mon- 
thyon  est  décerné  à  Scipion  l'Africain  pour  un  trait  de  conti- 
nence relaté  dans  tous  les  journaux. 

La  reine  d'Espagne  abdique  et  ouvre  un  atelier  de  modiste. 

Extirpation  radicale  et  définitive  des  préjugés  au  moyen 
d'une  pommade  inventée  par  M.  Emile  de  Çirardin.  Sur  de 
son  succès,  M.  de  Girardin  publie  celle  annonce. 

«  Cent  mille  francs  à  quiconque  pourra  prouver  qu'un  pré- 
jugé politique  ou  autre  a  résisté  à  la  pommade  dont  je  suis 
l'inventeur.  Qu'on  se  le  dise  1  Une  pommade  nouvelle  par 
jour!  » 

Guerre  d'épigrammes  entre  M.  Bariol  et  M.  de  Falloux. 
Celui-ci  en  décoche  une  ainsi  conçue  : 

Barrol,  de  gloire  se  nourrit  : 
Aussi,  voyez  comme  il  maigrit  I 

Alais  le  grand  politique  répond  immédiatement  : 

Sottise  entretient  la  santé  : 
Falloux  s'est  toujours  bien  porté. 


OMBKES    CHINOISES    DE    18-18.    JUILLET. 


État  de 


Paris  le  suir  à  iieiil  Ijcin-rs. 


]44 


ALMANACH  DE  LA  REVUE  COMIQUE 


AOUT 


Continuation  des  grandes  chaleurs.  —  Un  philanthrope  pro- 
fite de  la  circonstance  pour  naturaliser,  sur  le  sol  de  France, 
le  lion  le  tigre,  l'hyène,  le  boa-constrictor  et  plusieurs  autres 
espccel  de  serpents"venimeus,  originaires  des  pays  chauds  — 
A  l'aide  des  chaleurs,  M.  Isamhert  parvient  à  se  métamorpho- 
ser en  nè^re.  —  U  est  réduit  en  esclavage  par  un  colon. 

Le  Co^tifvlionnel,  exaspéré  par  les  progrès  du  desabonne- 
ment, publie  l'arrèlé  suivant  : 

\  partir  du  1"  août,  tout  individu  aspirant  à  se  desabon- 
ner au  Constitutionnel  devra  fournir  les  pièces  suivantes  : 

io  _  Un  extrait  de  naissance  qui  établisse  son  identité  ; 

2»  _  Un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs  ; 

30  _  Son  acte  de  libération  du  service  militaire,  constatant 
qu'il  a  satisfait  à  la  loi  sur  le  recrutement  ; 

40  _  L'autorisation   de  ses  parents  ou  tuteur,  en  cas  Me 

minorité;  ...  . 

S»  _  Les  quittances  de  son  propriétaire,  depuis  un  an  au 
moins,  constatant  cju-il  paye  son  terme. 

Nota  —  11  ne  sera  tenu  aucun  compte  des  inlirmites  pu;- 
sinue^  ou  morales;  le  cas  de  cécité  même  ne  sera  pas  consi- 
déré comme  une  raison  suffisante  de  désabonnement. 

abdication  du  roi  de  Naples.  -  Ce  prince  vient  ouvrir  a 
Paris  un  restaurant  italien  pour  la  spécialité  du  macaroni.  -- 
Entrepôt  de  mortadelles  el  de  saucissons  de  Bologne.  —  Il 


prend  le  marquis  del  Carrclo  pour   cuisinier.  —  FiiUire  à 

Lc'^président  de  la  République  prononce  un  superbe  dis- 
cours qui  élonne  bien  des  gens.  -  On  ne  veut  pas  croire 
qu'il  l'ait  composé  lui-même.  —  Plaisanteries  à  ce  sujet,  a  la 
suite  desquelles  on  va  prendre  des  glaces. 

Un  chien,  que  l'on  surprend  à  se  mordre  la  queue,  passe 
pour  le  svmbole  de  l'éternité.  —  Grand  bal  masqué  dans  la 
plaine  Sa'mt-Denis.  —  Résurrection  du  caveau  moderne.  — 
M  Clairville,  qui  en  fait  partie,  s'étrangle,  comme  Anacreon, 
en  avalant  ui.  grain  de  raisin.  —  Plus  on  est  de  fous,  plus  ou 

rit.  „         ,      ,         • 

M.  de  Girardin  propose  à  M.  Proudhon  de  s  associer  avec 

li.i  ■    (I  Pas  si  béte  !  »  lui  repond  M.  Proudhon. 

Le  Tand  serpent  de  mer  fait  une  seconde  apparition  sur  les 
côtes  de  Normandie.  Des  corsaires  s'arment  peur  aller  le  com- 
baltre  ,  et  l'attaquent  avec  de  l'artillerie  ;  mais  sa  peau  est  im- 
pénétrable aux  boulets.  Ne  pouvant  le  vaincre  par  la  force,  on 
a  recours  à  la  ruse  :  on  l'endort  en  lui  lisant  un  numéro  de  Ja 
Patrie  (Journal  du  soir),  et  on  parvient  à  s  en  rendre 
maître. 

Une  jeune  couturière,  contrariée  dans  ses  inclinations, 
s'empoisonne  en  avalant  un  numéro  de  la  Presse. 

Mort  étrange  d'un  facteur  de  la  poste. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


123 


CALENDHIER   POUR   1S19. 

|8>,lc  (ir<|p„l.».) 

•lit.)  t£S  Lœ  :j->  -(Jf  -iia  aSiu  '.u  ia^  .juo 


c.u,i:Nnnii;it  Bi^:i'riii,if;AiN. 

AN    117    DB    LA    KAPDBI.2QDI;. 

(Wric^l.  cotrniMd^iil  .  S.  |.l.inl.«,| 


Siniorll 

•    Lcu.  •.  liilliu. 

lloi.CKI 

•  .  L.iaro. 

Uii.li 

•  .  Ur^'iir*. 

Mardi 

■  le  nnuli.. 

M.rcr..ll 

1.  Ilrrlln.  m\3\.i. 

V,n,lrc<ll 

i.  (.loud.  pr«ira. 

Saiiioili 

.\.ili>ii.t  d.  la  Vlrrga. 

ni»<i:il« 

Luii.li 

•lo  Pulcli.<ri<>. 

Hardi 

1    Uvacinlbe. 

>l«rcrod( 

..  Ripbiàl. 

JoM.li 

■.  Kulae». 

Viiitlredi 

ïuliaiioii  do  la  Craii. 

Sinimli 

U  Saer<il<car  do  Mirii:. 

|l|»>SCttl 

Lun.li 

1.  Uoiberl,!'..^!..^. 

Murdi 

p.   T..  t.  Jean  c;lit...i 

Mercredi 

ilunlr,  /■..„,..  iie  La,   . 

Jeudi 

i.  tuttache. 

V;,ll(lr«Hi 

1.  Mailiie.. 

Samedi 

..  Maur.ce,  martyr. 

niii<scB« 

lie  Tliiel». 

Lundi 

t    Corneille,  martyr. 

M.rdi 

1.  Firmin,  è\é^ae. 

SEPTEMBRE 

Le  Conslilutionnel  s'n\icrcev3nt  que  son  arrêté  du  mois  dei'- 
nier  n'a  pas  rtiprimé  la  l'ui-etir  ilii  dtisabonnement,  annonce 
qu'il  sera  désoi-mais  rédigé  iii  latin. 

Le  peuple  juif  est  enfin  délivré  de  la  captivité  de  Babylone. 
—  M.  de  Gaspariu  reparait  à  la  Chambre  et  demande  la  ré- 
vocalion  de  l'édil  de  Nantes. 

Renibrunisseraent  de  l'horizon  politique.  —  Le  Journal  des 
Debals  public  à  cette  occasion  des  articles  sur  l'état  des  éludes 
philosophiques  chez  les  Esquimaux.  —  Sages  conseils  qu'il 
donne  à  ses  lecteurs. 

Ouverture  de  la  chasse.  M.  Louis  Bonaparte,  entouré  d'un 
brillant  état-major,  tire  un  lapin  et  le  manque.  —  Contesla- 
lion  à  ce  sujet.  —  Un  r.ipport  inséré  au  Moniteur  décide  que 
M.  Bonaparte  a  tué  le  lapin.  —  Protestation  d'un  gaide- 
chasse. — Ce  brave  homme,  père  de  famille,  est  destitué, 
pour  sa  franchise,  par  un  ministre  trop  courtisan.  — M.  Louis 
Bonaparte,  apprenant  cette  injustice,  fait  venir  le  garde- 
chasse  et  le  rétablit  dans  son  emploi.  —  La  discussion  le- 
prend  de  plus  belle  au  sujet  du  lapin  ;  les  courtisans  décident 
encore  une  fois  que  le  lapin  est  moi-t.  —  Nouvelle  protesta- 
tion du  garde- chasse,  qui  est  destitué  de  nouveau  par  le  mi- 
Qistre.  —  Mandé  derechef  auprès  du  prince,  il  obtient  de  l'a- 
Tancemenl,  une  gratilicalion  et  la  croix  d'honneur.  —  Ce 
grand  caraclcre  se   laisse   corrompre  à  moitié;  il  consent   à 


avouer  que  le  lapin  a  été  blessé.  —  Les  honneurs  changent  les 
hommes. 

Sur  la  proposition  philanthropique  de  M.  V.  Hugo,  qui  ne 
veut  punir  Icscoup.ibles  ipie  parle  repentir,  on  ouvre  les  por- 
tes de  toutes  les  prisons,  et  les  détenus  sont  rendus  à  la  liberté. 
—  HaiMngue  de  M.  Hugo.  —  Un  ex-délenu  lui  répond  :  — 
Du  llaii  1  —  De  grands  vols  se  commettent  dans  Paris,  à  celle 
occasion,  en  signe  de  réjouissance.  —  Les  citoyens  ne  sortent 
plus  qu'en  armes,  et  l'on  met  toutes  les  maisons  en  état  de 
soutenir  un  .Mégc.  —  On  décide  que  les  voleurs  seront  dei-e- 
chef  empi-isonnés.  —  Lamentations  de  M.  V.  Hugo.  —11  pro- 
nonce un  niagnilique  discours  pour  demander  que  l'on  accorde 
<i  cliai|ue  voleur  une  pension  de  mille  écus,  ,ilin  de  le  vaincre 
par  la  générosité.  —  Trois  cent  mille  voleurs  vont  immédia- 
tement se  faire  inscrire  à  la  préfecture  de  police. 

Le  perruquier  qui  a  succédé  au  czar  iNicolas,  sur  le  trône  de 
Russie,  fait  louetter  la  mer. 

Le  procédé  d'épuration  des  marrons  d'Inde,  appliqué  on 
graiid,  donne  les  plus  magnifiques  résultats.  Afin  de  le  pro- 
pager, le  président  de  la  République  donne  un  grand  repas, 
où  l'on  ne  sci-t  que  des  marrons  d'iniledivinement  accommodés. 

Les  discussions  au  sujet  du  lapin  tiré  par  .M.  Louis  Bona- 
parte, qui  semblaient  terminées,  reprennent  de  plus  belle  et 
continuent  pendant  une  partie  du  mois  suivant. 


OMBRES    CHINOISES    IIE     ISJh      SEPTEMBRE. 


La  visite  d'outre-MdULUu. 


ALMANACII  DE  LA  REVUE  COMIQUE 


OCTOBRE 


C'est  à  l'occasion  d'une  maladie  grave  du  garde-chasse,  que 
les  discussions  reprennent.  —  Cet  honnête  homme,  près  d'ex- 
pirer, se  reproche  sa  faihlesse  et  déclare,  en  présence  de 
quatre  témoins,  qu'il  a  fait  uue  fausse  déposition  au  sujet  du 
lapin,  et  que  cet  animal  a  été  réellement  manqué  et  non  pas 
tué,  ni  même  blessé  par  le  prince.  —  Cette  déclaration,  pu- 
bliée par  les  journaux  de  l'opposition,  cause  un  grand  scan- 
dale.   Le  garde-chasse  est  destitué  par  le  ministre  une  troi- 
sième fois.  —  Rumeurs  dans  le  pays  à  ce  sujet.  —  Le  prince 
Louis  Bonaparte  perd  son  prestige.  —  Souscription  nationale 
en  faveur  du  garde-chasse  et  de  sa  famille.  —  Les  étrangers 
profitent  de  nos  troubles  civils  pour  envahir  la  France.  --  Une 
armée,  envoyée  contre  eux,  perd  son  temps  en  folles  di.'.cus- 
sions  au  sujet  du  lapin,  et  se  laisse  battre.  —  Une  seconde  ar- 
mée repousse  les  ennemis. 

Elections  générales.  —  Le  pays  est  divisé  en  deux  factions: 
les  lapins  morts  et  les  lapins  vivants.  —  Les  candidats  qui  se 
présentent  dans  les  clubs  électoraux  sont  sommés  d'expliquer 
d'abord  leur  opinion  sur  le  lapin  tiré  par  le  piincc.  —  Le 
parti  des  lapins  vivants  l'emporle.  —  Juste  sujet  d'alarmes 
pour  les  amis  de  la  liberté. 

Les  vendanges  s'annoucent  sous  le  plus  bel  aspect.  —  Plu- 
sieurs hommes  des  champs  reconnaissent  leur  bonheur.  — 
Des  grives,  en  état  d'ivresse  pour  avoir  mangé  Irop  de  raiMii, 


se  livrent  à  des  écarts  qui  blessent  la  pudeur  de  1  autorité.  — 
OuadriUes  aériens  et  chocnosophiques  de  ces  oiseaux  ;  cancan 
et  chaloupanes  grivois,  qui  lont  rire  même  les  gendarmes,  re- 
duil*  à  les  contempler,  le  nez  en  l'air,  sans  pouvoir  y  mettre 
obstacle  ;  mais  la  mère  n'en  permet   pas  le  spectacle    à   sa 

*''''■•  ..  j  1 

Le  vin  est  si  fihondant,  cette  année,  que  1  on  prend  le  parti 

de  supprimer  l'eau. 

On  s'occupe  beaucoup  de  l'expédition  d'Alexandre  le  Grand 
dans  les  Indes.  —  Protocoles  à  ce  sujet.  —  L'Angleterre  en 
prend  ombrage  et  envoie  lord  Hardinge  en  Macédoine  deman- 
der des  explications  à  Alexandre.  —  Après  de  longs  pourpar- 
lers, on  consent  à  lui  concéder  le  royaume  de  Caliore,  à  con- 
dition ([u  il  embrassera  le  mahométisme. 

Continuation  des  chasses  de  M.  Louis  Bonaparte.  —Un 
cerf,  lancé  dans  la  foret  de  Saint-Germain,  part  en  ligne 
droite,  traverse  plusieurs  déparlements,  sort  de  France,  par- 
court l'Europe;  et,  toujours  poussé  par  les  chiens,  il  passe  à 
Astrakan,  à  Calcutta,  eu  Egypte,  traverse  à  la  nage  le  détroit 
de  Magellan,  remonte  les  deux  Amériques,  rentre  en  Europe 
par  le'nord  de  la  Russie,  el  revient  se  faire  forcer  à  son  point 
de  départ.  —  Grande  renommée  acquise  pour  ce  haut  fait  par 
la  meute  du  prince.  Nos  plus  illuslres  poètes  se  disputent 
l'hnnneiir  de  la  chanter. 


OMBRF?    CHINOISES    DE     1848.    OCTOBRE 


Salons  d'une  foule  de  couveris  et  cabinets  particuliers. 


Arrèlé  du  garde  des  sceaux  qui  enjoint  au  bâtonnier  de 
l'ordre  des  avocats,  de  remplacer  ce  titre  par  celui  de  baloii- 
oiste. 

Plusieurs  Savoyards  arrivent  à  Paris  pour  ramoner  les  clie- 
minées  et  trouvent  une  société  de  poeies  tragiques  en  possession 
de  cet  emploi.  —  Disputes  et  conil):its  à  ce  sujet.  —  L'Acadé- 
mie prend  parti  pour  les  tragiques  qui  restent  maîtres  des 
cheminées  de  Paris. 

Vente  des  meubles  de  M.  de  Genoude  à  la  requête  du  gou- 
vernement qui  ne  peut  parvenir  depuis  di\-liuil  ans,  à  olitenir 
de  ce  citoyen,  sa  cote  d'imposition.  —  Tentative  de  dcménii- 
gemenl  nocturne  par  M.  de  Genoude.  —  Cette  lenlalivc  est 
déjouée  par  la  vigilance  de  l'autorité. — Vente  pul)li(|ne. — 
L'enchère  est  poussée  lr>''S-haut  par  deux  riches  Anglais. — 
Le  gouvernement  se  paye  de  la  cote  de*  impositions  et  em- 
barque M.  de  Genondc  pour  l'Anuricine,  après  lui  a\(or 
acheté  uue  pacotille  avec  le  surplus  du  produit  de  la  vente. 

Rétablissement  des  titres  de  noblesse.  —  M.  Véron  est  nom- 
mé comte  de  quelque  chose  et  se  fait  composer  des  armoiries 
d'après  le  codex. 

Le  goût  littéraire  se  purifiant  de  plus  en  plus,  M.  Ancelot 
est  chargé  de  retoucher  l'.l «droma</we  de  Racine.  —  Il  est 
nommé,  en  récompense  de  ce  travail ,  officier  de  la  Légion 
d'honneur. 


EMBRE. 

Plaintes  générales  contre  les  poètes  tragiques.  —  Il  sont 
accusés  de  réciter  des  tirades  dans  les  tuyaux  de  cheminées, 
tout  en  les  ramonant.  —  On  rappelle  les  Savoyards.  —  Al- 
houpements  de  tragiques  à  la  porte  Saint  Denis.  —  Des  pa- 
trouilles les  dissipent. 

Symptômes  d'un  hiver  rigoureux.  —  On  voit  des  bandes 
d'oiseaux  sauvages  traverser  les  airs,  allant  du  Nord  au  Midi. 

Abond.ince  de  bécasses.  —  Quelques-unes  se  montreiit    à 

un  l)an(iuetde  femmes  socialesetcommnuautaires.— Naissance 
d'un  enfant  à  une  tète.  —  Ce  phénomène  n'étonne  personne. 

.\pparition  de  plusieurs  almanarhs  qui  chantent  à  l'envi  les 
louanges  du  président  de  la  République.  —  Le  Constitution- 
nel, quoique  rédigé  en  latin,  continue  de  perdre  des  abonnés. 
Sa  raison  s'égare,  il  poursuit  les  gens  dans  les  rues  i  coups  de 
lùlon. 

Revues  nombreuses  au  Champ  de  Mars  et  dans  les  théâtres. 

Un  vaudevilliste  connu   paraît   lui-même  sur  la  scène,  et 

réalise  un  vœu  formé  depuis  longtemps,  qui  consistait  à  se 
montrer  au  public  dans  une  position  renouvelée  du  souper  de 
Grandvaux.  —  Le  public  trouve  la  plaisanterie  excellente  et 
ne  siflle  pas. 

On  s'aperçoit  enfin  que  le  peuple  français  est  le  peuple  le 
plus  spirituel  de  la  terre. 

Assassinat  d'un  marchand  d'allumetles. 


OMBRES    CHINOISES    DE     l84S.    NOVEMBRE. 


Le  I  aptême  Je  la  LousUtuliou. 


126 


ALMANACH  DE  lA  REVUE  COMIQUE 


GALENDRIEH   POUR   1849. 

(Sljle  Gt*(;<iri.-i..) 

(is-ooi..)  sE3ifecïa:^aaiC5s.îJî-ii.iî£3i. 

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rfris  DU  MOIS. 

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s.   François  Xavier. 

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Mardi 

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Mercredi 

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Mardi 

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Jeudi 

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Vendredi 

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Samedi 

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16 

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g.   T..  SIC  Adilndo. 

X'.l 

17 

Lundi 

8i«  Olyuiiiiade. 

li-=^'? 

359 
353 

18 
19 

Mardi 
Mercredi 

SIe  Zo&yme. 

Q.   r.,  s.  Tinioléuu. 

n.  — =-â"5' 

90 

Jeu.li 

s.   Pliilofione. 

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355 

91 

Veudredi 

s.  Thomas. 

99 

Snnifdi 

s.  Honorât. 

91 

IllU.NCgE 

sie  Vicloire. 

9t 

Lundi 

35'.1 

95 

Mardi 

NUEL. 

■   s  °-3  ? 

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ir. 

Mercredi 

3lil 

97 

Jeudi 

U-  3   ?-C 

98 

Vendredi 

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99 

Samedi 

s.  Trophinie. 

30 

Di.AScm 

su  Colombe. 

3r>5 

31 

Lundi          1   ..  SyKe<lr« 

Ce  guerrier  que  l'on  déoigra 
Kst  rentre  iniict  dans  sa  tente. 
Pour  une  revanche  éclatante. 
Quelque  jour  il  en  sortira. 


CALENDRIER  REPUBLICAIN. 

AN    58    nx:    LA    RÉPUBLIQUE. 


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Seilidi 

7 

Seplidl 

S 

Ociidi 

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Nnoidi 

10 

nKCADI 

Terrw  v#î;^I«I 


DECEMBRE. 


A  roceasioii  Ju  joiii-  ilc  l'an,  nui  s'a|i|)ro<lio,  la  |iliipart  des 
grands  hommes  contemporains  sont  sculplés  en  sucre  et  en 
chocolat.  —  Exposition,  chez  Marquis,  d'un  superbe  Odilon 
Barrot  en  pain  d'épices.  —  Un  Léon  de  Malleville  en  frangi- 
pane, à  la  vanille,  attire  tous  les  regards.— Félix  met  en  vente 
des  petits  gâleauv  contenant,  au  lieu  de  crème,  des  Avond, 
des  Grémieux  et  des  Léon  Faucher  en  sucre,  ainsi  que  beau- 
coup d'autres  représentants. 

M.  Viicquerie,  allant  on  ne  sait  où,  se  laisse  choir  dans  un 
jiuits.  —  M.  V.  Hugo,  appelé  à  son  secours,  lui  fait  un  dis- 
cours avant  de  le  tirer  de  l'eau.  —  Rupture  de  rengagement 
de  M.  X.  Durrieu  avec  l'Opéra  ;  le  théâtre  des  Funambules 
paye  un  dédit  de  50.000  fr.  pour  se  l'attacher. 

Un  candidat  à  l'Académie  française  traverse  la  Seine  à  la 
na"e  pour  arriver  à  l'Institut.  —  Il  fait  fausse  route  et  aborde 
dans  un  bateau  de  blanchisseuses,  où  on  le  reçoit.— Réveillon 
à  l'hôtel  de  la  présidence.  —  L'année  1849  meurt,  par  écono- 
mie, pour  ne  pas  donner  d'étrennes. 

Après  cela,  si  vous  consultiez  d'autres  caries  que  les  nôtres, 
d'autres  étoiles  que  celles  qui  sont  au  bout  de  notre  lorgnette, 
les  entrailles  d'autres  victimes  que  celles  qui  fument  au  bout 
de  notre  fourchette,  vous  auriez,  il  faut  en  convenir,  des  pré- 
dictions bien  différentes  de  celles-ci.  11  y  a  devin  et  devin, 
somnambule  et  somnambule,  vérité  et  vérité,  les  bonnes  et  les 


mauvaises,  les  vraies  et  les  fausses,  nous  vous  en  dirions  plus 
si  nous  en  savions  davantage,  s'il  s'agissait  du  passé  nous  se- 
rions plus  clairvoyants.  —  Aussi. nous  permellons-vous  le  doute, 
mais  le  doute  seulement,  sur  quelques-unes  de  nos  hypothèses. 
D'autres  vous  affirmeront  peut-être  qu'au  mois  de  décembre 
1849,  Henri  V  sera  sur  le  trône,  que  le  maréchal  lîugeaud 
épousera  la  duchesse  de  Berry  après  avoir  tué  en  duel  le  duc 
de  Lucchesi-Palli,  et  après  avoir  fait  oublier  à  la  princesse  la 
petite  affaire  de  Blaye;  que  M.  de  Falloux  se  fera  alors  voltai- 
rien,  que  M.  Thiers  se  fera  socialiste,  et  que  Proiidliou  entrera 
au  séminaire  Saint-Sulpice.  On  vous  soutiendra  que  la  du- 
chesse d'Orléans,  éprise  du  beau  caractère  du  général  Cavai- 
guac,  lui  aura  offert  sa  main  par  correspondance;  le  général 
aura  accepté;  il  aura  adopté  le  comte  de  Paris. Louis-Philippe, 
heureux  enfin  comme  un  roi,  aura  béni  la  République  en  mou- 
rant. La  clef  de  la  Ibéorie  du  Circulus  aura  été  trouvée  à  l'aide 
du  chiffre  100  par  le  bon  Pierre  Leroux.  On  vous  dira  que  le 
pape  sera  noipmé  président  d'une  République  universelle; 
que  les  races  rcychcs  passeront  à  l'état  fossile;  que  l'on  résou- 
dra le  problème  de  la  félicité  du  genre  humain.  —  Que  ne 
vousdira-t-ou  pas?  —  La  République  sera  renversée,  rétablie, 
reconstituée,  etc.,  etc.  Croyez  tout,  ne  croyez  rien,  prenez  pa- 
tience. Dieu  est  grand,  nous  sommes  petits,  et  il  peut  bien 
se  passer  de  prophètes. 


OMBRES    CHINOISES    IiE    1S4«. 


lil.lKMBllF.. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


127 


liKYUii  u1':trosi»i:(;tivk  di-:  is'«h 


TAI1I.ETTES    D  UN    TOI  RISTK    ANGLAIS 


JANVIER.  —  l.'Aiinli'Icnv  n'o^l  |ii>  lri\ii.|iillli';  lis  cli.iilistcs 
se  reimu'iil;  ou  vciil  me  coiiliaiiidre  i  iii'cHrolcr  ilaiis  les 
cunstalles  spéciaux.  Je  piciuls  le  paili  de  (itiiller  Loiidi-es  pour 
clierclicr   uu  séjour  plus  paisible. 

FtVRiEn.  —  Je  loue  uu  apparlciiieiit  à  Taris,  cl  jr  le  imuMe 
svec  soiu.  Tout  est  calme;  le  carnaval  pioinel  dèlre  gai;  les 
Imls  masi|ués  commeuccnt.  —  Révolution.  —  Je  suis  reveille 
par  la  fusillade  ;  mon  portier  a  pris  les  armes  ;  un  i  lui)  de- 
mof  ritique  s'élaldil  uu  premier  éta-e  de  ma  maison  ;  nu-des- 
sus de  ma  tète  s'iuslalleul  les  Imreaux  d'un  nouveau  journal.... 
Mes  pauvres  nerfs  sont  bien  malades  ! 

MARS.  — Forcé  d'illuminer,  j'allrape  un  gros  rlmiiic  en 
allumanl  des  lampions.  On  m'invile,  en  qualilé  de  représen- 
t.inl  de  la  Gran.l.-Brelagne,  à  honorer  de  ma  présence  la 
plantation  d'un  arbre  de  liberté.  —  Grand  accompagnemeni 
de  coups  de  fusil.  —  Je  resie  à  moitié  sourd.  —  Impossible 
de  dormir  après  quatre  heures  du  malin,  à  cause  du  vacarme 
que  font  les  crieurs  publics.  Mes  nerfs  soiil  dans  uu  élal  dé- 
sespéré.   Vente  de  mon  mobilier  avec  cinquante  pour  cent 

de   perle.  —  Je    prends  la  résolution    d'aller  vivre  sous  un 
gouvernement  despotique. 

AVRIL.  —  ^n-iree  à  Milan.— ic  me  meuble  une  jnlie 
chambre  sur  la  Piazza  del  Duomo.— Révolution.  —Les  Au- 
trichiens bombardenl  ma  maison.  —  On  me  jette  un  piano  sur 
la  léle.  —  Vente  de  mon  mobilier,  avec  soixante  pour  ceiil  de 
perte.  —  Décidément  j'irai  vivre  sous  un  régime  constitution- 
nel. 

MAI.  —  Je  nie  fixe  à  Berlin.  —  Révolution.  —  Ma  maison 
est  occupée  iiiililairement ,  et  plusieurs  balles  sifllent  à  mes 
oreilles.  —  Venle  démon  mobilier,  avec  quatre-vingts  pour 
cent  de  perle.  —  Je  me  logerai  à  l'hôlel ,  et  dans  un  pays 
absolutiste. 

jiiN.  —  Me  voici  à  Vienne,  hôlel  de  l'Aigle.  —  Révolution. 
Le  gouvernemenl   est  renversé  le  jour  de  mon  arrivée.  — 


Je  me  jelte  dans  un  cabriolet ,  dont  on  s'empare  pour  faire 
une  barricade.  — On  me  laisse  dedans.  —  Les  deux  parti»  «c 
tiraillent  par- dessus  ma  tête.  —  En  essayant  de  quitter  la 
ville,  je  suis  arrêté  comme  prupagaiidiile ,  et  avant  perdu 
mon  passeport ,  je  suis  retenu  quinze  jours  en  prison.  —Mes 
nerfs  vont  plus  mal  (|ue  jamais. 

jiiLLET.  — En  desespoir  de  cause,  je  veux  retourner  ii  Paris, 
lorsqu'on  m'apprend  les  .»naire»  de  Juin. -Je  me  rejette  sur 
la  confédération  germanique.  —  Arrivée  à  Hesse-Darmstadt, 
au  moment  où  les  étmliants  déposent  l'électeur  et  cassent  les 
carreaux.— Obligé  de  boire  avec  eux  une  énorme  quantité 
de  biere. 

AOUT.- Visite  ii  Francfort ,  capitale  de  la  confédération.  — 
J'assiste  à  lieux  jours  de  combat  dans  les  rues  ,  mais  je  com- 
mence à  ni'j  habituer. 

sEi'TEMiiui:  ET  ocTomiE.  —  Sijour  i  Bruxelles,  ville  Iriste 
et  monotone.  —  Pus  la  moindre  émeute  en  expectative.  — Les 
émotions  me  sont  devenues  nécessaires.  Malheureusement  l'Eii- 
ropes'apaise.  —Où  pourrais-je  me  procurer  une  révolution'? 
Mon  alïeclion  nerveuse  m'a  repris.  —  Une  Révolution,  ou  la 
mort  !  — Rome  m'est  recommandée. 

NovEMBiiE.  —  Arrivée  à  Rome  à  propos ,  pour  assister  à 
l'assaut  du  (^uirinal.  —  Je  suis  affilié  à  un  club  populaire.  Je 
fraternise  avec  Brulus,  Gergos  et  Cicerovacchio.  Donné  au 
pape  des  lettres  de  recommandation  pour  un  ami  que  j'ai  a 
Civita-Vecchia. 

DECEMBRE.  —  Excursiou  intéressante  dans  le  nord  de  l'Ita- 
lie ;  visite  à  Maîzini  et  campagne  d'une  semaine,  avec  les  in- 
surgeants, sur  le  lac  di  Guarda.  Je  lis  dans  le  Times  un  avis 
de  °mes  parents  désolés,  qui  me  supplient  de  revenir  en  An- 
gleterre ;  mais  non  !  J'ai  pris  goût  aux  révolutions,  ^lxe  la 
République  !  Vive  la  Liberté  !  Je  vais  aller  faire  de  la  propa- 
gande en  Ru.-sic  ou  à  Constantinople. 


Jusqu'à  présent,  nous  avions  fait  ii  M.  de  G'irardln  l'bon- 
neur  de  le  compter  parmi  les  gens  qui  ont  le  courage  de 
leurs  défauts  et  l'orgueil  même  de  leurs  mauvaises  passions. 
Nous  le  croyions,  en  un  mot,  brave  dans  le  mal,  et,  en  qnebpie 
sorte,  droit  dans  le  travers;  nous  nous  étions  trompé  :  M.  de 
Girardin  est  encore  plus  complet  que  nous  ne  le  pensions;  il 
est  hypocrite  :  une  petite  note  publiée  dans  la  Presse,  il 
y  a  quelques  jours,  nous  le  révèle  sous  ce  dernier  aspect.  Dans 
cet  entremet  honteux,  M.  de  Girardin  se  plaint  de  la  publica- 
tion de  certaines  caricatures  dirigées  contre Devinez  con- 
tre qui?  Contre  le  général  Cavaignac!!  0  tartuffe!  M.  de 
Girardin  demandant  aide  et  protection  pour  le  général  Cavai- 
gnac'.Cela  ne  rappelle- t-il  pas  M.  de  Girardin  visitant  la 
tombe  de  Carrel"? 

Allons,  monsieur  de  Girardin,  un  peud'audace  donc.  Dites- 
nous  tout  droit  que  vous  n'avez  pense  aux  caricatures  qui  se  font 
contre  le  général  Cavaignac,  que  quand  vous  avez  vu  que,  s'il 


y  avait  des  crayons  disposés  à  attaquer  ce  noble  vaincu,  il  y  en 
avait  aussi  qui  ne  craignaient  pas  de  le  venger. 

Eh  quoi  !  vous  avez  outrageusement  calomnié  pendant  trois 
mois  uu  homme  de  bien,  et  vous  espérez  en  être  quitte  pour 
dire  :  «  Oublions  tout,  c'est-à-dire  oubliez  le  mal  que  je  vous 
ai  fait!  »  Et  il  ne  se  trouverait  nulle  part  un  homme  de  cœur, 
sinon  d'esprit,  pour  vous  inlliger  de  sa  plume  ou  de  son  crayou 
le  châtiment  que  vous  méritez  ! 

Allons,  monsieur  le  défenseur  de  la  liberté,  de  la  licence,  du 
cynisme  de  la  presse,  élevez-vous,  si  vous  l'osez,  contre  la 
liberté  du  crayon  !  —Vous  ne  trouverez  pas  un  procureur  de 
la  République,  vous  ne  trouveriez  pas  un  procureur  de  l'Em- 
pire, si  Empire  il  y  avait,  pour  vous  défendre,  pas  un  juryjiui 
n'absolve,  qui  ne  loue  peut-être  l'artiste  ou  l'écrivain  coura- 
geux qui  aurait  fait  claquer  à  ïos  oreilles  le  fouet  d'une  juste 
satire  ! 


IS 


Lamennais  fut  le  pivciirseiir 

Du  régime  démocratique  : 

A  la  fois  poëte  et  penseur, 

Des  couleurs  de  la  bible  antique 

11  habilla  la  poliliiiue 

Et  tonna  contre  l'uppresseur. 

Sa  parole  retentissante, 

A  la  guerre  nous  excitait  ; 


Maintenant,  qu'il  nous  représente, 
(1  reste  dans  l'ombie  et  se  lait. 
C'est  qu'au  sein  de  l'aréopage 
On  fait  pour  lui  trop  de  tapage  ; 
Les  bruits  du  monde,  trop  souvent, 
Iroiblenlsa  pacilique  étude 
Il  faut,  au  prophète  rêvant, 
Le  silence  et  la  solitude. 


Dessiné  pir  Faehitzius. 


Gravé  par  lîAUUNT. 


Udlll.RVARD    DUS  ITAI.IKM. 


30  <*<'ii<iiii('N  la  livruiNoii. 


niiK  niciir.i.iEi',  '.i'i 


Idltions  de  la  Sonscriptlon.  —  La  Revue  comique  foimcra  un  magnifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  SO  livraisons   à  30  centime*, 
Ir  la  poste,  40  centimes   —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  direction,  écrire  [franco)  à  M.  Lireuï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des 
liens. 

DUMIN£B.A-r.  XSITKUB,  58,  RU«  RICHELIEU  Q-     fJi,raison. 


Le  GiU'au  (li-s  Ilois  île  Islfl. 


D«»iné  par  FaeritziiS. 


Gravi'  paj  Baiilant. 


rii.— Tir.;    lui  prei»e<  nlécanic|UC»  de  LicniMPS  fil'  «1  Coinp.,  rue  Damielle,  2. 


LA  SEMAINE. 


La  Semaiiii?  se  laissa  tomber  plulùt  qu'elle  ne  s'assit 
sur  le  fauteuil  que  je  lui  présentais. 

«  Qu'avez-vûus,  madame,  au  nom  du  ciel  !  et  pour- 
quoi TOUS  évanouissez-vous  comme  une  héroïne  de  co- 
médie? Ilolà,  quelqu'un  1  vite  un  flacon,  des  sels,  du 
vinaigre,  de  l'eau  ! 

—  Mauvais  plaisant!  vous  riez  de  ma  fatigue,  com- 
me si  elle  pouvait  avoir  i[uelque  chose  d'extraordinaire 
après  tant  de  visites.    • 

—  Vous  faites  encore  des  visites? 

—  C'est  mon  devoir  de  Semaine  bien  apprise.  Ne 
devais-jo  pas  offrir  mes  félicitations  au  président  de  la 
République  française? 

—  Vous  l'avez  vu  ? 

—  Comme  je  vous  toîs. 

—  Décidément,  comment  es-til? 

—  Il  est  blond  foncé;  il  aies  yeux  petits,  le  teint 
gris,  le  nez  gros,  les  jambes  un  peu  courtes,  le  buste 
un  peu  long,  et  un  maintien  embarrassé  qui  ne  déplaît 
pas  dans  un  débutant.  Il  ressemble  prodigieusement  à 
Louis  Huard.  11  portait  l'uniforme  d'officier  général  de 
la  garde  nationale.  C'était  le  cas  oùjamais  de  se  montrer 
dans  tout  le  lustre  civil  d'une  fonction  qui  n'a  rien  de 
militaire  ;  c'est-à-dire  en  frac  noir  ;  mais  le  président 
tient  à  porter  l'épée  :  laissons-le  jouer  au  soldat, 

—  Que  vous  a-t-il  dit  ? 

—  Rien. 

—  Et  aux  personnes  réunies  autour  de  lui  ? 

—  La  même  chose, 

—  En  sortant  de  l'Elysée-National,  où  êtes- vous 
allée? 

—  A  l'hôtel  de  ville,  complimenter  M.  Berger,  cet 


heureux  Aiivi>ignal  qui  rem|)]ace  M.  de  Rambuteau 
par  la  grâce  de  M.  Louis-Napoléon  Bonaparte.  J'ai 
trouvé  tout  le  monde  dans  la  désolation  ;  quand  je  dis 
tout  le  monde,  il  s'agit  tout  simplement  des  conseillers 
municipaux. 

—  0  ciel  !  ce  gros  Berger  serait-il  indisposé? 

—  Lui,  non,  mais  le  conseil  municipal;  nos  édiles 
étaient  malades  d'un  déjeuner  rentré.  M.  Berger  a  cru 
devoir  supprimer  le  repas  traditionnel  du  premier 
jour  de  l'an.  Dans  ces  temps  de  révolution,  il  faut 
bien  se  montrer,  par  quelque  côté,  partisan  des  ré- 
formes. 

—  Où  ètes-vous  allée  après  Ibùtel  de  ville? 

—  Ma  foi,  le  monde  officiel  me  paraissait  si  froid,  si 
triste,  si  monotone,  que  je  lai  quitté,  et  je  me  suis  rnise 
à  parcourir  les  magasins,  les  boulevards,  les  rues,  me 
mêlant  à  la  foule,  regardant,  marchandant,  bavardant 
avec  le  premier  venu.  Les  bons  dialogues  que  l'on  en- 
tend !  Si  les  cadeaux  du  jour  de  l'an  pouvaient  parler 
à  l'oreille  de  ceux  qui  les  reçoivent,  que  d'agréa- 
bles surprises  ils  leur  causeraient.  —  Il  y  a  un  an,  jour 
pour  jour,  M.  le  duc  d'.\umale  a  donné  à  son  précep- 
teur, M.  Trognon,  un  ours  jouant  de  la  guitare,  l'ours 
et  la  guitare  en  bronze.  Si  l'ours  avait  pu  parler,  il  au- 
rait pu  apprendre  au  précepteur  pourquoi  le  choix  de 
son  élève  était  tombé  sur  lui.  J'étais  dans  le  magasin 
de  bronze  de  la  rue  de  Choiseul  où  se  fit  cette  empiète. 
«  Dieu  qu'il  est  laid!  s'écria  le  duc  d'Auraale  à  son 
frère  Joinville,  en  apercevant  l'ours  en  question  ;  de- 
vine à  qui  je  vais  donner  cette  abominable  bête  ?  —  A 
Trognon,  dit  Joinville.  —  A  Trognon,  répondit  d'Au- 
male. 


REVUE  COMIQUE 


—  Et  vou^ ,  madame ,  savez-vous  pourquoi  vous 
n'avez  pas  reçu  ce  bracelet  de  médailles  antiques  que 
TOUS  avait  d'abord  desliné  votre  amant  :  «  C  est  trop 
beau  pour  elle,  elle  ne  comprendrait  pas.  » 

_  Cette  broche,  à  qui  la  devez-vous ,  à  madame  —, 
votre  rivale,  qui  Ta  refusée... 

—  Dis-donc,  ma  femme,  si  son  mari  allait  être  des- 
titué, sais-tu  que  je  regretterais  diablement  les  100 
écus  que  me  coûte  ce  cotTre  de  Taban. 

—  Quel  dommage!  un  si  bel  album  à  une  si  sotte 
créature. 

—  Et  ces  beaux  livres,  j'aimerais  bien  mieux  les 
garder.  Que  le  diable  emporte  le  jour  de  l'an  ! 

—  Que  penses-tu  de  ce  cachemire,  pour  la  petite 
p..._'ru  es  fou,  moncher,  il  est  trop  cher  de  moitié; 
tu  vas  nous  la  gâter.  Elle  sera  hors  de  prix. 

Pour  qui  ce  beau  Christ  d'ivoire  sur  fond  de  ve- 
lours violet.  Pour  l'archevêque  de  Paris  ;  pour  le 
curé  de  la  paroisse?  —  Non,  c'est  pour  la  grande  J... 
Elle  est  si  dévole. 

Bon!  mais  tu  oublies  quelque  chose  ;  il  a  quatre 

enfants!  —  Quatre  enfants  !  —  Si  tu  ne  donnes  rien 
au  quatrième,  la  mère  sera  furieuse,  et  l'cifet  des 
trois  premiers  cadeaux  manqué.— Mais  c'est  ignoble  ! 
on  n'a  pas  quatre  enfants  (etc.,  etc.,  etc.) 

C'est,  au  fond,  une  chose  assez  amusante  que  le  jour 
de  l'an;  et  la  semaine  qui  me  succédera 'en  1850  aurait 
tort  de  le  supprimer. 

—  L'avenir  ne  nous  regarde  pas  ;  mais,  voyons,  n'a- 
vez-vous  donc  rien  de  plus  intéressant  à  me  raconter? 

—  En  politique,  par  exemple,  il  a  été  question  d'une 
foule  de  nominations  bizarres. 


—  On  parlait  de  certains  préfets? 

—  Amis  trop  exigeants,  dont  il  f.uuha,  au  lieu  de 
préfets,  se  décider  à  faire... 

—  Quoi  donc? 

—  Des  ingrats! 

—  Et  les  dossiers  des  affaires  de  Strasbourg  et  de 
Boulogne  :  que  pensez- vous  de  cette  affaire-là? 

—  Je  pense  qu'il  y  a  dans  ces  dossiers  bien  des  let- 
tres curieuses.  Ou  écrit  souvent  des  choses  bizarres, 
on  fait  des  demandes  excentriques  quand  on  est  en  pri- 
son, llendu  à  la  liberté,  on  est  bien  aise  de  comparer 
les  impressions  d'aujourd'hui  à  celles  d'autrefois  ;  en 
somme,  quoi  de  plus  naturel? 

Vous  auriez  donc  remis  les  dossiers  ? 

—  Je  ne  dis  pas  cela  ;  mais  enfin,  il  faut  du  courage 
pour  résister  au  neveu  de  lEmpereur  ;  et  j'estime 
qu'on  ferait  bien  de  proposer  une  souscription  pour 
décerner  une  couronne  civique  à  MM.  de  Malcville  et 
Bixio. 

—  Ils  l'ont,  parbleu,  bien  méritée!  Maintenant, 
parlons  un  peu  littérature. 

Est-ce  que  jamais  dernière  semaine  d'une  année 

s'est  occupée  de  littérature? 

—  Théâtres. 

—  Encore  moins.  Les  pièces  nouvelles  attendent. 
Ce  qui  commence  n'aime  point  ce  qui  linit,  comme  di- 
rait M.  Victor  Hugo. 

—  Est-ce  là  tout  ce  que  vous  avez  à  me  dire? 

—  Tout. 

—  Adieu  donc.  Maintenant  que  vous  voilà  reposée, 
reprenez  votre  voyage  vers  l'éternité.  » 

Et  je  vis  partir  sans  regret  ce  dernier  échantillon 
maussade  et  rabougri  d'une  année  qui  aura  pourtant 
vu  et  fait  de  grandes  choses.  Mais  que  penser  d'une 
Semaine  qui  vous  débite  des  bourdes  comme  le  vol  des 
diamants  de  la  couronne  (maintenant  de  la  prési- 
denci).  Ah!  1848,  tu  avais  commencé  par  une 
révolution,  il  était  indigne  de  loi  de  Unir  par  un  ca- 
nard ! 


Invocation  à  la  triade. 
Pour  Idirc  pendant  à  rinvocation  du  r  acte  de  (a  Juive. 


A  L'IJSACK  DKS  CKNS  Sl^lilIXX. 


,i;S  KTUENNKS. 


^\...  va  Ions  les  juins  vnic  son  ami  lî  ..,  i|iii  est  iria- 
v'iv.  M...  est  un  t'xtx'llfiit  lioiiime  ciitii!  doux  àycs,  un 
pou  bizarre  dans  sos  allures.  I.o  jour  de  l'an  arrive  : 
«Que  vais-jo  dunuor,  se  dit-il,  à  la  fotutno  de  mon 
ami?  Il  Taudrait  un  cadeau  <léiiiat,  ingénieux,  (]iiol(|Me 
chose  d'agréable  et  eu  iiu'ine  temps  d'utile,  comme  il 
Convient  de  la  part  d'un  homme  de  mon  âge. 

Je  ne  puis  pas  donner  un  écrin  ni  un  cacliemire;  ce 
serait  une  folie  inconvenante,  eu  égard  à  ma  forluiie 
et  au  prix  de  l'olijet.  J'aurais  l'air  d'être  amoureux  de 
madame  B 

Des  dragées  et  des  sucreries,  ce  serait  bèto.  De  telles 
étrennes  ne  sont  acceptables  que  de  la  part  d'un  mu- 
guet de  vingt  ans. 

Une  montre  !  qu'est  ce  que  cela  signifie,  une  montre? 
On  nie  prendrait  pour  un  horloger.  D'ailleurs,  ma- 
dame B...  on  a  deux. 

Un  bracelet,  des  boucles  d'oreilles,  une  broche!  tout 
cela  manque  de  gravité.  Pourquoi  pas  des  breloques 
ou  des  joujoux?  Madame  B...,  quoique  jeune  encore, 
est  une  femme  d'un  esprit  sérieux.» 

M...  est  en  proie,  pendant  quelques  jours,  aux  plus 
cruelles  perplexités.  Il  est  célibataire,  sans  parents 
d'aucune  sorte.  Son  unique  préoccupation  est  de  sa- 
voir ce  qu'il  donnera  en  étrennes  à  la  femme  de  son 
ami.  Plus  il  y  songe,  moins  il  se  décide.  Il  en  perd 
l'appétit  et  le  sommeil. 

Tout  à  coup  une  idée  le  frappe.  Madame  B...  est 
dans  une  position  intéressante,  position  dont  elle  sortira 
dans  un  avenir  qui  n'est  pas  très-éloigné.  Je  vais  lui 
envoyer  une  layette  somptueuse.  Ce  n'est  pas  à  la 
femme  que  je  fais  le  cadeau,  c'est  en  quelque  sorte  à 
l'enfant  qui  va  venir  au  monde,  et  la  mère  en  sera 
bien  plus  flattée  que  si  le  cadeau  s'adressait  à  elle- 
même.  Le  cœur  d'une  femme  doit  comprendre  la  dé- 
licatesse de  ce  procédé. 

Heureux  de  cette  idée.  M...  court  commander  une 
layette,  et  l'envoie,  le  matin  du  grand  jour,  par  un 
commissionnaire  :  «  Je  ne  puis  pas,  se  dit-il,  courir 
les  rues  à  la  suite  du  commissionnaire  et  me  présenter 
avec  lui,  j'aurais  l'air  d'attacher  trop  d'importance  à 
la  chose.  D'ailleurs  un  peu  de  mystère  ne  gâtera  rien, 
et  je  veux  savoir  si  l'on  devinera  que  le  cadeau  vient 
de  moi.  » 

B...  est  seul  chez  lui  quand  le  commissionnaire  ar- 
rive. 11  défait  le  paquet  et  voit  la  layette,  qui  n'est 
accompagnée  d'aucun  mot  d'explication  :  «  Qui  dia- 
ble, pense-t-il,  a  pu  faire  ce  cadeau  à  ma  femme?» 
Cette  idée  le  rend  tout  pensif.  Il  se  promène  quelques 
minutes  dans  le  salon  en  réfléchissant  à  l'aventure  : 
«  Parbleu  !  se  dit-il,  la  layette  ne  peut  venir  que  de  la 
mère  de  ma  femme  ou  de  son  oncle.  11  sei're  la  layette 


dans  son  cabinet,  descend,  monte  en  cabriolet  et  se 
l'ail  conduire  chez  sa  belle-mère. 

B.i.  attend  que  sa  iielle-nièrc  lui  parle  île  la  layelte, 
mais  il  n'en  est  jias  question.  Klle  lui  montre  même 
deux  bracelets  qu'elle  veut  donner  en  étrennes  à  sa 
lille. 

Décidément,  se  dit  B....,  la  layette  vient  do  l'oncle 
de  ma  femme.  Il  remonte  eu  cabriolet;  en  route  il  a 
des  sueurs  froides.  Arrivé  chez  l'oncle  qu'il  trouve  en 
train  de  déjeuner,  il  a  la  figure  si  bouleversée  que  l'on- 
cle lui  demande  s'il  est  malade.  —  Ce  n'est  rien,  ré- 
pond B...,  c'est  le  grand  air  qui  m'a  saisi  :  —  Bois 
un  verre  de  rhum,  lui  dit  l'oncle  ;  à  propos,  viens  donc 
voir  le  chàle  que  j'ai  acheté  pour  ma  nièce.  —  L'n 
chàlo!  balbutie  B....  L'oncle  se  fait  apporter  l'objet 
et  le  montre  à  son  neveu,  qui  le  regarde  sans  le  voir, 
fait  quebjues  observations  au  hasard,  et  trouve  un  pré- 
texte pour  s'en  aller. 

Il  rentre  chez  lui  furieux,  se  demandant  qui  a  pu 
envoyer  la  layette  :  «  Ma  femme  aurait-elle  donné  à 
quelqu'un  le  droit  de  commettre  une  telle  imperti- 
nence? Est-ce  une  insulte  directe,  une  provocation?» 
11  se  rappelle  que  l'hiver  précédent,  dans  le  monde, 
un  officier  de  dragons  avait  montré  quelque  assiduité 
auprès  de  sa  femme.  Un  jeune  homme  blond  et 
exactement  frisé  s'était  trouvé  deux  fois  à  son  côté,  au 
spectacle,  comme  par  hasard.  «J'aurai  le  mot  de  cette 
énigme  et  l'on  ne  rira  pas  à  mes  dépens.  » 

Sa  femme  rentre.  B...,  résolu  à  dissimuler,  ne  lui 
dit  pas  un  mot  du  cadeau  mystérieux  ;  mais  sa  figure 
a,  malgré  lui,  une  expression  sombre  et  soucieuse. 
Survient  l'ami  M...,  joyeux  et  triomphant.  Il  attend 
qu'on  lui  parle  de  la  layette  ;  l'air  lugubre  de  B...  lui 
fait  supposer  qu'il  tombe  au  milieu  d'une  querelle  de 
ménage.  Après  une  courte  visile,  il  sort  en  se  félicitant 
d'être  resté  célibataire. 

La  layette  est  cachée  soigneusement  dans  le  cabinet. 
B...  épie  les  moindres  actions  de  sa  femme;  il  a  l'œil 
ai.v»/enètres  pour  voir  si  quelque  attentif  ne  fait  pas  le 
pied  de  grue  au  dehors.  Sa  femme  sort  pour  faire  des 
visites,  il  la  suit  de  loin;  et,  dans  sa  préoccupation,  il 
manque  d'être  écrasé  par  un  cabriolet  ;  il  parvient  se- 
crètement à  s'emparer  de  la  clef  d'une  cassette  où  sa 
femme  serre  ses  lettres  ;  mais  cette  correspondance  est 
aussi  innocente  que  possible. 

Quelques  jours  se  passent.  M...  est  venu  deux  fois; 
mais  l'air  de  B...  s'assombrit  de  plus  en  plus,  ce 
qui  lui  ôte  l'envie  de  parler  de  la  layette,  a  Ils  sont 
donc  en  querelle  tons  les  jours?  se  dit  M...  Quelle 
mouche  les  piijue?  Trois  fois  heureux  les  célibatai- 
res !  » 

Un  matin,  B...,  qui  ne  dormait  plus,  se  dit  :   a  11 


REVUE  COMIQUE 


faut  que  je  confie  mon  chagrin  à  M...  A  quoi  servi- 
raient les  amis  si  ou  ne  les  consultait  pas  dans  les  cir- 
constances difficiles',"?  Depuis  que  je  suis  marié,  M...  -vient 
tous  les  jours  chez  moi  ;  il  aura  peut-être  remarqué, 
dans  la  conduite  de  ma  femme,  des  choses  que  je  n'ai 
pas  su  voir.  En  tout  cas,  il  m'aidera  dans  mes  recher- 
ches ;  d'ailleurs,  il  est  beaucoup  plus  âgé  que  moi,  il 
me  donnera  des  conseils.  » 

B...  s'hahilie  à  la  hâte,  court  chez  son  ami  et  lui  de- 
mande un  moment  d'entretien  secret.  Surpris  de  la  so- 
lennité de  ce  préambule,  M...  renvoie  la  bonne  qui 
lui  apportait  son  déjeuner. 

«  Parle,  lui  dit-il  ;  je  suis  tout  à  ta  disposition,  si 
tu  as  besoin  de  moi. 

—  Peut-être  en  aurai-je  besoin,  répond  B....  Je 
viens  m'épanchcr  dans  le  sein  d'un  ami.  » 

M...  prend  la  main  de  B...  et  la  serre  dans  les  sien- 
nes. B...,  vivement  ému,  porte  son  mouchoir  à  ses 
yeux  ;  les  deux  amis  s'embrassent  par  un  mouvement 
spontané. 

a  Voici  ce  que  c'est,  reprend  B...  après  un  moment 
de  silence.  Le  jour  de  l'an,  j'ai  reçu  une  layette... 

—  Je  le  sais,  répond  M...  tianquillement,  je  le  sais  ; 
après  ■; 

—  Tu  le  sais? 

—  Parbleu  !  puisque  c'est  moi  qui  l'ai  envoyée. 
Toi  !  s'écrie  B...  en  se  laissant  aller  dans  un  fau- 
teuil. Le  diable  t'emporte,  imbécile  ! 

Imbécile  !  répète  M...  indigné  ;  imbécile,  un  ami 

de  vingt  ans  !  » 

Les  deux  amis  sont  à  peu  près  brouillés  depuis  ce 
jour  ;  on  espère  pourtant  qu'ils  se  réconcilieront  à  l'oc- 
casion du  baptême. 


A  i;USAGE  DES  GENS  SÉUIEUX. 


llî.-J 


RÉFORME  POSTALE. 

Voici  la  rclorine  postale  en  pleine  aclivilé,  et  lun  en 
ressent  déjà  les  eiïels.  I,cs  correspondances  prennent 
un  développenienl  inusité  ;  des  parents,  des  amis,  sé- 
parés par  de  longues  distances,  cl  devenus  presque 
étrangers  les  uns  aux  autres,  rompent  le  silence  prési- 
dentiel qu'ils  avaient  gardé  si  longtemps.  I,es  écrivains 
publics  sont  accaldés  de  besogne  ;  les  Manuels  du  style 
épistolaire  se  vendent  à  des  millions  d'exemplaires; 
les  malles  plient  sous  le  fardeau  des  épitres  de  toute 
espèce,  qui  se  croisent  dans  tous  les  sens.  Les  estam- 
pilles gommées  que  l'en  plaque  sur  les  lettres  pour  les 
affranchir,  ont  été  d'abord  un  sujet  d'embarras  pour 
beaucoup  de  gens;  ils  les  employaient  en  guise  de 
pains  à  cacheter,  et  ne  pouvaient  s'expliquer  pourquoi 
elles  ne  collaient  que  d'un  côté.  Ils  sont  enfin  parve- 
nus à  en  comprendre  l'usage  ,  et  les  ont  trouvées  si 
commodes,  qu'ils  écriraient  maintenant,  rien  que  pour 
avoir  le  plaisir  de  s'en  servir. 

Chacun,  profitant  des  avantages  delà  nouvelle  taxe, 
s'empresse  de  solder  son  arriére.  On  écrit  à  ceux  que 
l'on  connaît,  et  même  à  ceux  que  l'on  ne  connaît  pas; 
on  écrit  aux  vivants  et  aux  morts.  Des  individus 
qui  végétaient  isolés  au  fond  de  provinces  lointaines, 
se  mettent  de  nouveau  en  rapport  avec  les  centres  de 
civilisation.  Ce  n'est  pas  seulement  aux  ouvriers,  aux 
paysans,  aux  conscrits,  que  la  réforme  postale  est  utile. 
Des  individus  aisés,  mais  enclins  à  l'avarice,  reculaieiil 
devant  le  sacrifice  d'un  port  de  lettre,  et  s'abstenaient 
de  toute  relation  épistolaire.  Aujourd'hui,  ils  réparent 
avec  usure  le  temps  perdu.  Le  décret  postal  a  mis  la 


I.ES  CRASDES  fAtES  DE  I.A  I.IBEHTÉ. 


156 


REVUE  COMIQUE 


plume  à  la  main  d'une  multitude  de  campagnards, 
qui  semblaient  avoir  renoncé  à  Vart  ingénieux  dépein- 
dre la  parole  et  de  parler  aux  yeux;  et  il  en  résulte  de 
curieuses  lettres,  dont  la  Revue  Comique  offre  à  nos 
lecteurs  quelques  échantillons. 


Saint-Jcan-Pied-de-Vort,  r.janvicr  1849. 
Il  a  fallu,  mon  très-clier,  la  réloime  postale  pour  vous  ilù- 
cider  à  lu'écrire.  Je  n'ai  pas  le  temps  de  vous  répondre  aujour- 
d'hui ;  mais  je  vous  adresse,  ci-jointe,  une  lettre  (juc  je  ne  vous 
avais  pas  envoyée,  pour  ne  pas  vous  faire  payer  inutilement  un 
port  exorbitant.  Elle  vous  mettra  au  fait  de  mes  opinions, 
qui  sont  restées  invariables. 

Tout  à  vous, 

RolUCIIARU. 


Dr    MÊME    AU    MÊME. 

5  janvier  1848- 
Vous  me  faites  l'honneur,  mon  très-cher,  de  me  consulter 
sur  l'esprit  des  conservateurs  do  nos  départements.  Si  le  Gou- 
vernement agissait  d'après  leur  impulsion,  il  ne  serait  pasaussi 
empêtré  qu'il  l'est  actuellement.  11  ne  s'agit  pas  de  contre- 
carrer ouvertement  l'opinion  publique;  ce  serait  tout  compro- 
mettre. Faites-lui  donc  une  concession  insignifuinte,  en  admet- 
tant dans  le  ministère  quobiucs  bavards  du  centre  gauche. 
Prenez  Thiers  ou  Odilon  Barrot,  qui  n'en  est  que  la  doublure, 
et  dont  les  déclamations  sonores  ne  feront  jamais  de  mal  à  per- 
sonne. Ajoutez-y  quelques  nullités,  que  vous  qualifierez  har- 
diment d'hommes  spéciaux.  Economistes,  financiers,  agrono- 
mes, fous  vous  serviront  à  souhait,  pourvu  qu'ils  soient  bien 
routiniers,  bien  bourrés  de  vieilles  idées,  bien  contraires  à 
toute  réforme  efficace.  Le  public,  qui  les  aura  vus  dans  les 
rangs  de  l'opposition,  aura  la  bonhomie  de  croire  à  leurs  ca- 
pacités et  à  leur  dévouement. 

N'oubliez  pas  de  donner  satisfaction  aux  légitimistes  en  ca- 
sant l'un  des  leurs  dans  le  ministère  nouveau.  Vous  vous  ral- 
lieriez tout  le  parti,  si  vous  doimiez  l'instruction  publique  à 
quelque  genlillàli-e  rétrograde,  à  quelque  jésuite  de  robe 
courte,  connu  par  ses  préjugés  féodaux  et  sa  haine  pour  le  ré- 
gime universitaire. 

Vous  étoufferez  bien  des  criailleries,  en  confiant  les  affaires 
à  des  hommes  tels  que  ceux  que  je  vous  désigne.  Une  fois 
qu'ils  seront  installés,  laissez-leur  le  soin  de  se  rendre  impos- 
sibles, et  vous  reviendrez,  par  une  voie  naturelle,  au  bon  mi- 
nistère Guizot. 
Agréez,  etc. 

RoBICUAIlD. 


A    M.    DETERVILLE,    LIBRAIRE   A  rARIS. 

Ctiâtiilon-en-Bazoid,  5  janvier  18-19. 
Mon  cher  monsieur, 
La  réduction  des  frais  de  poste  me  permettra  de  vous  écrire 
désormais  fréquemment,  et  je  compte  sur  votre  complaisance 
pour  me  répondre  et  me  tenir  au  courant  du  mouvement  litté- 
raire. 

Veuillez  au  préalable  m'expédier  quelques  nouveautés,  dont 
j'ai  ouï  parler,  et  que  je  désire  vivement  connaître  :  la  Dot  de 
Suzette,  par  M.  Fiévée  ;  Cinq-Mars,  roman,  par  M.  le  comte 
Alfred  de  Vigny  ;  la  Chronique  de  Charles  IX,  par  M.  Mérimée  ; 
JJernani,  drame  en  cinq  actes,  |iar  M.  Victor  Hugo  ;  la  Jéru- 
salem délivrée,  traduite  en  vers  français,  par  M.  Baour-Lor- 
mian,  et  le  Voltaire  de  M.  Touquet.  Dites-moi  le  pri\  du  Livre 


des  Cent-et-Un,  qui  se  vend  chez  Ladvocat,  au  Palais-Royal, 
Galerie  de  bois. 

Choisissez-moi  aussi  quelques  nouvelles  pièces  de  comédie 
dans  le  catalogue  de  Barba.  Je  vous  signale  Frontin,  mari- 
garçon,  pu-  M.  Scribe  ;  une  Fête  de  Né-on,  tragédie  en  cinq 
actes,  par  M.  Alexandre  Soumet;  les  Vêpres  siciliennes,  de 
M.  Casimir  Dclavigne,  jeune  écrivain  qui,  dit-on,  promet 
d'être  la  gloire  du  Parnasse  français. 
Agréez,  monsieur,  etc.. 

Cerisier,  ancien  fournisseur  des  armées. 


A    M.    RADIOrX,    A    SAIKT-nÉVERlEN    (nIÈVRE). 

Paris,  6  janvier  1819. 
Cher  ami, 
La  cherté  des  frais  de  poste  m'a  empoché  jusqu'à  ce  jour  de 
te  donner  de  mes  nouvelles.  Je  puis  me  permettre  aujourd'hui, 
sans  grever  ton  modique  budget,  de  t'annoncer  que  je  me  jiorte 
bien,  et  que  je  prospère  dans  mon  commerce  d'épicerie.  Ma 
santé  a  toujours  été  satisfaisante  depuis  longtemps  ;  seulement 
j'ai  eu  une  attaque  de  choléra,  qui  a  failli  m'cniporter.  Je  me 
suis  cru  un  moment  perdu,  d'autant  plus  qu'il  mourait  dix- 
huit  cents  personnes  par  jour. 

Quand  viendras-tu  nous  voir  à  Paris  ?  Il  faut  que  lu  te  dé- 
cides il  faire  ce  voyage.  Tu  trouveras  bien  des  changements, 
auxquels  tu  ne  t'attends  guère.  Figure-toi  que  l'on  a  abattu 
les  rotondes  des  Panoramas  cl  la  maison  de  Frascati !  L'Opéia 
n'est  plus  place  Louvois  :  on  l'a  transféré  rue  Lepelletier.  Ou 
a  ouvert  de  nouveaux  passages,  qui  sont  très-commodes  pen- 
dant la  mauvaise  saison,  entre  autres  les  galeries  Vivienne  et 
Colbert.  La  Madeleine  est  achevée,  et  la  rue  Castiglione  est 
définitivement  livrée  à  la  circulation. 

Dans  Tattenle  de  ta  visite,  je  suis  avec  affection  ton  vieux 
camarade, 

MocTET,  épicier-droguiste,  rue  Xeuve-Saint-Merry. 


A   M.    FILOCUARD,    A    PARIS. 

Sjiiu-Gilles-sur-Vie  (Vendét). 

Mon  cher  neveu, 
Puisque  les  lettres  ne  coûtent  plus  que  quatre  sous,  je  serai 
charme  de  correspondre  régulièrement  avec  vous.  Vous  m'aviez 
écrit  deux  lettres,  il  y  a  quelques  années;  mais  je  n'ai  pas  jugé 
à  propos  d'y  répondre,  pour  ne  pas  nous  mettre  en  dépense. 
Tout  va  bien  chez  nous.  Nous  avons  été  un  moment  inquiété 
par  les  chouans;  mais  ils  n'ont  plus  reparu  depuis  qu'on  a  ar- 
rêté la  duchesse  de  Berry.  Mon  entreprise  de  parcs  aux  huîtres 
réussit  à  merveille.  Mes  enfants  sont  tous  établis.  Si  vous  avez 
conservé  des  vues  sur  votre  cousine  Yvonne,  je  crois  devoir 
vous  engager  à  y  renoncer,  attendu  qu'elle  est  mariée,  et 
qu'elle  a  cinq  garçons.  Dites-moi  un  peu  ce  que  vous  devenez, 
et  si  vous  obtenez  de  l'avancement  dans  la  garde  municipale  '! 
Votre  oncle  affectionné, 

Fii.ocuAKD  aîné,  propriétaire. 


A    a.    GOB.SECX    ET    C'^. 

Monsieur, 

Je  sais  que  vous  ne  recevez  que  des  lettres  affranchies  :  c'est 
pourquoi  ma  fortune  ne  m'a  pas  permis  jusqu'à  présent  de 
vods  écrire.  Mais  aujourd'hui,  il  faudrait  que  je  n'eusse  pas 
i  sous  dans  ma  poche  pour  me  priver  du  plaisir  de  vous  écrire 
que  vous  êtes  un  grigou. 

Recevez,  monsieur,  l'assurance  de  mon  respect. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


137 


KlUMITATiU.N    D'UNE  CALUM.ME. 


l'Iusicur.s  jiiiiiiiaiix  ont  .-iyiialc  Iti  iiiutisinu  cumplel 
(lu  présiJt'iit,  en  pi-ésence  des  uiilorilûs  civiles  el  iiiili- 
laires  qui  ont  dclilé  devant  lui,  le  I"'  janvier;  ces  jour- 
naux sont  mal  informés,  car  le  président  a  pris  (jua- 
Ire  fois  la  parole  en  cette  niémora!)le  circonstance. 

I!  a  daigné  dire  au  re|)résont;int  (iuinard,  comman- 
dant l'artillerie  de  la  garde  nationale  parisieime:  «Ali! 
colonel,  j"ai  été  content  de  votre  musique,  dimanche 
dernier.  »  l'uis,  après  quelques  instants  de  réllexion,  il 
a  ajouté  :  «  Kt  puis,  j"ai  été  content  de  vos  hommes 
aussi,  » 

Ijn  oflicier  de  la  garde  nationale  de  Saint-Denis, 
présenté  au  président,  a  cru  devoir  lui  adresser  un 
speech.  Louis  Bonaparte  l'a  écoulé  avec  bienveillance, 


et  a  répliqué  gracieusement  :  «  Je  voudrais  vous  ré- 
pondre; mais  je  ne  le  puis   » 

On  présentait  au  président  le  conseil  d'état.  —  L'n 
des  plus  grands  corps  du  pays,  disait  le  présentateur. 
a  Ail  !  oui,  répond  avec  la  plus  extrême  aiïahilité  le 
président,  j'en  ai  entendu  parler.  » 

M.  de  Chasselonp,  membre  du  conseil  d'état,  ayant 
eu  les  honneurs  d'une  présentation  personnelle.  «  Vo- 
tre père  était  général  de  mon  oncle,  »  lui  fut-il  dit 
avec  heaucoup  de  bonhomie. 

Ces  allocations  ne  sont  peut-être  pas  très-éloquentes, 
mais  il  faut  faire  la  part  de  l'émotion  inséparable  d'un 
premier  début. 


UNE  UNION   LËGIThMÉE. 


Personne  n'ignore  que  M.  de  Noaiilcs  se  présente  à 
l'Académie  française  pour  remplacer  M.  de  Chateau- 
briand. 

M.  de  Noailles  est  un  vieux  tragique  que  ses  rela- 
tions d'homme  du  monde  et  un  certain  respect  des 
convenances  ont  empêché  de  faire  des  tragédies ,  du 
moins  ostensiblement. 

a  Je  suis  bien  malheureux,  disait-il  un  jour,  j'adore 
la  Tragédie,  j'en  raffole,  elle  me  mène  par  le  bout  du 
nez,  et  il  m'est  impossible,  par  respect  pour.le  nom  que 
je  porte,  de  l'épouser;  je  ne  puis  pas  même  lui  donner 
le  bras  en  public.  Je  lui  ai  loué  un  appartement,  je 
l'ai  mise  dans  ses  meubles,  et  je  n'en  suis  pas  moins 
contraint  de  dissimuler  l'amour  qu'elle  m'inspire.  Cette 
.-célérale  de  Tragédie  me  joue  toute  sorte  de  tours  ;  elle 
m'a  trompé  avec  Latour  de  Saint-Ybars.  Il  y  a  des 
moments  où  je  lui  flanquerais  des  volées  ,  si  je  ne  crai- 
gnais d'attirer  sur  moi  le  courroux  d'Apollon. 
Funeste  grandeur  qui  me  retient  ainsi  au  rivage! 

Ainsi  parlait  M.  de  ?yoailles  à  son  confident. 

—  Seigneur,  lui  répondit  le  confident,  vous  avez 
tort  de  vous  gêner.  Je  vois  d'aussi  grands  seigneurs 
que  vous,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi,  qui  ne  craignent 
pas  de  courtiser  la  Tragédie  au  vu  de  tous.  M.  la 
Uochefoucauld-Liancourt,  par  exemple,  a-t-il  hésité  à 
montrer  sa  faiblesse  pour  Agrippine? 

—  Il  ne  l'a  point  épousée. 

—  Non,  mais  il  l'a  adoptée  en  présence  des  autorités 
constitués  de  l'Odéon  qui  est  le  treizième  arrondisse- 
ment littéraire. 

—  Tu  as  raison,  Arcas.  Mais,  moi  même,  ai-je  tout 
à  fait  manqué  de  courage"?  Mon  histoire  de  madame  de 
Maintenon  n'est-elle  pas,  à  proprement  parler,  une  tra- 
gédie'? 


—  Je  ne  dis  pas  précisément  le  contraire,  seigneur  ; 
cette  histoire  est  une  tragédie  et  même  une  tragédie 
sacrée  ;  mais... 

—  Achève,  Arcas. 

—  Vous  n'avez  fait  là  qu'un  mariage  de  la  main 
gauche. 

—  Kt  n'est-ce  point  assez  pour  un  homme  de  ma 
sorte? 

—  C'est  trop  ou  trop  peu,  seigneur;  excusez  ma 
franchise.  La  Tragédie  ressemble  à  ces  vieilles  gouver- 
nantes qui  ont  beau  avoir  tout  pouvoir  chez  leur  mai'.re, 
elles  ne  sont  jamais  contentes  avant  d'avoir  été  épousées 
pour  tout  de  bon.  Jusque-là  ce  sont  des  plaintes  conti- 
nuelles, des  grognements,  de  mauvais  procédés.  2Se 
soyez  pasétonné  si  la  Tragédie  vient  quelque  jour  vous 
faire  une  scène  de  jalousie  en  pleine  rue. 

—  Grands  dieux  !  comment  faire,  chei' Arcas'? 

—  Je  ne  vois  qu'un  moyen. 

—  Parle. 

—  Vous  vous  faites  recevoir  de  l'Académie. 

—  Après? 

—  Une  fois  reçu,  vous  faites  courir  le  bruit  que 
l'Académie  vous  a  imposé  la  condition  de  légitimer 
votre  mariage  avec  la  Tragédie.  Vos  bans  sont  publiés 
à  l'Odéon,  vous  envoyez  des  lettres  de  faire  part,  et 
grâce  à  ce  stratagème  qui  satisfait  aux  justes  exigences 
du  monde,  il  vous  est  permis  dorénavant  de  donner  en 
public  le  bras  à  la  Tragédie  et  de  la  conduire  dans  les 
salons.  Vous  n'aurez  plus  besoin  de  la  déguiser  en 
histoire. 

—  Excellente  idée  !  Les  dieux  t'ont  donné,  Arcas,  un 
génie  souple  et  fertile.  Reste  maintenant  la  question 
des  visites.  Prends  ma  voiture  et  un  paquet  de  mes 
cartes.  Tu  en  déposeras  une  chez  chacun  des  quarante 


138 


REVUE  COMIQUE 


académiciens.  Aie  soin  que  ma  voiture  stationno  un  j  annoncer  mes  intentions  à  la  Tragédie,  et  sécher  les 
quart  d'heure  devant  la  porte,  ils  ne  résisteront  pas  à      pleurs  de  celle  noble  amante. 
cet  honneur  que  je  leur  ferai.  Moi,  je  vais  de  ce  pas 


LA  CALOMNIE  A  PROPOS  DU  RÉGEM. 


La  liberté  de  la  presse  serait  un  fléau  si  tout  le  monde 
l'entendait  comme  certains  journaux.  On  imprimera 
demain  que  M.  X.  est  un  voleur,  et  on  se  croira  un  hon- 
nête homme  en  imprimant  le  lendemain,  non  pas  qu'on 
s'est  trompé  la  veille,  ce  serait  trop  beau,  mais  que 
M.  X.  prétend  qu'on  s'est  trompé.  «Notre  impartialité 
bien  connue,  ajoute-t-on,  nous  fait  un  devoir  d'ac- 
cueillir la  réclamation  de  M.  X.  C'est  au  public  à  juger 
entre  l'attaque  etla  défense.»  Or, l'attaque, c'était  vous 
qui  vous  la  permettiez;  la  défense,  c'est  naturellement 
la  victime  de  votre  calomnie  qui  l'essaye,  et  comment? 
par  un  simple  non  contre  un  oui;  de  façon  que  M.  X., 
pour  tous  ceux  qui  ne  lisent  pas  deux  jours  de  suite 
votre  journal,  sera,  quoi  qu'il  fasse,  plus  ou  moins 
victime  de  l'étourderie  de  quelque  petit  imbécile  de 
faiseur  de  nouvelles,  si  ce  n'est  de  la  lâcheté  de  quel- 
que ennemi  embusqué  au  coin  de  votre  feuille. 

I^s  journaux  qui  n'ont  pas  conscience  de  la  portée 
de  l'arme  qu'ils  ont  entre  les  mains  mériteraient,  plus 
souvent  qu'ils  ne  la  reçoivent,  une  sévère  leçon.  Mentir 
d'abord,  se  démentirensuite,  n'est  pas  un  jeu  innocent, 
ce   n'est  pas  davantage    un  jeu   d'honnête  homme. 

M.  X.  a  volé  le  régent,  dit  un  journal,  et  sept  jour- 
naux répètent  cet  ignoble  et  grossier  mensonge.  M.  X., 
ancien  journaliste,  et  sachant  par  conséquent  ce  que 
vaut  une  rectification,  fait  un  procès  aux  calomnia- 
teurs. Ceux-ci  se  récrient. 

C'est  en  vérité  par  trop  d'ingénuité  dans  le  mal. 


La  police  de  la  presse  ne  sera  bien  faite  que  quand 
elle  se  fera  par  la  presse  elle-même.  Les  faits  du  genre 
de  celui  auquel  nous  faisons  allusion,  devraient  être 
signalés  à  l'indignation  publique  par  les  journaux  qui 
se  respectent.  Ce  serait  là  de  la  dignité  bien  entendue. 
Leur  silence  est  plus  qu'une  faiblesse,  c'est  une  quasi- 
complicité. 

Du  reste,  si  vous  voulez  distinguer  un  journal  mal 
fait  d'un  journal  bien  fait,  c'est  à  ce  signe  que  vous 
le  reconnaîtrez.  Un  journal  qui  a  pour  patron  un  in- 
dustriel, qui  n'est  qu'une  boutique  ,  accueillera  tou- 
jours ces  sortes  de  canards.  Le  vrai  journal  politique 
s'y  laissera  prendre  très-rarement. 

Il  parait  que  c'est  M.  Nettement,  qui  est  rédacteur 
en  chef  de  l'Opinion  publique,  qui,  le  premier,  a  ac- 
cueilli la  calomnie  dont  nous  parlons.  M.  Nette- 
ment passait  autrefois  pour  un  journaliste  sérieux. 
Un  journaliste  sérieux  lit  tous  les  soirs  son  journal  ; 
évidemment  M.  Nettement  se  garde  bien  de  lire  le 
sien.  Nous  comprendrions  cette  négligence  s'il  ne  s'a- 
o-issait  que  de  son  plaisir  :  lire  tous  les  soirs  depuis  a 
jusqu'à  z  l'Opinion  publique,  peut  n'avoir  en  soi  rien 
de  bien  réjouissant;  mais  quand  on  est  payé  pour  cela, 
qu'on  le  fasse. 

Vous  direz  après  cela,  comme  lu  Patrie,  qu'on  est 
bien  bon  de  s'occuper  de  ce  que  vous  dites.  —  Pauvres 
journaux!  où  en  êtes-vous  réduits,  que  vous  ayez  re- 
cours à  une  pareille  défense! 


Le  ré.ér«d  citoyen  G.noude  pr*«nt.  à  son  jeune  mailre  sa  Odcle  noblesse  ,u>  v.ent  de  lui  donner  une  nouvelle 
preuve  de  son  inaltérable  dévouement  en  votant  pour  le  prince  Louis-Napoléon. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


139 


I!AI'1'(»i;ts  iti.  \  \  iMii.iTiui  i;  wr.c  i.\  pipe. 


Tons  les  fuincuis  s.ivfiil  i]uc  le  cigare  appartient  à 
raristoiiatie,  mais  nue  la  jupe  est  essenticlleiiieiit  dé- 
mocratique. 

L'usage  de  la  pipe  s'est  propagé  pendant  les  troubles 
révolutionnaires  ;  elle  a  dii  ses  succès  aux  clubistes  de 
1703;  l'art  de  la  culotter  a  été  imaginé  par  des  «a«s- 
cu/otfes.  Longtemps  proscrite  et  dédaignée,  elle  a  pro- 
lité  du  2i  lévrier  pour  s'émanciper  de  nouveau  et  ver- 
ser des  torrents  de  fumée  sur  ses  obscurs  l)lasphéma- 
leurs. 

Avant  cette  époque,  le  cigare  régnait  sans  partage 
sur  la  voie  publique  ;  la  pipe  en  était  bannie  ;  à  peine 
si  elle  osait  se  montrer  dans  les  rues  |)opuleuses  des 
faubourgs.  Maintenant,  vous  la  rencontrez  partout  : 
on  la  voit  dans  la  bouche  du  capitaliste  comme  dans 
celle  du  prolétaire  ;  les  meml)res  du  Jorkeij-club  la  pré- 
fèrent aux  panatellos  :  et,  des  quartiers  lointains  où 
elle  était  reléguée,  elle  est  venue  prendre  possession 
du  boulevard  des  Italiens. 

Aussi  l'industrie  des  pipes  a-t-elle  pris  un  dévelop- 
pement considérable.  On  en  a  fait  en  terre  émailiée,  en 
zinc,  en  noix  de  coco;  on  leur  a  donné  les  formes  les 
plus  bizarres  et  les  plus  variées. 

Si  quelque  cataclysme  anéantissait  les  documents 
historiques,  nous  retrouverions  dans  une  collection  de 
pipes  les  annales  contemporaines. 

Il  y  a  des  pipes  sur  lesquelles  on  lit,  au  ccntrc-d'iiiie 
couronne  de  lauriers  :  24  février,  République  fruti- 
çaise. 

Sur  d'autres  est  figuré  l'arbre  de  la  liberté  ;  d'autres 


encore  i-c[)rés('nlent  la  Liberté  en  personne,  tenant 
une  urne  funéraire ,  avec  ces  mots:  Morts  jjour  In 
jjiitrie  ! 

Les  républicains  exaltés  ont  a<lopté  des  pipes  enjo- 
livées de  trophées  d'ormes,  de  bonnets  rouges,  et  de 
barricades.  Les  modérés  culottent  des  Cavairjnac  ,  des 
Lamartine,  des  Gardes  Mobiles,  des  Vivandiî>res 
décorées  après  les  affaires  de  juin.  Les  indifférents  se 
contentent  d'.\bd-el-Kader,  auquel  les  sucs  du  tabac 
communiquent  une  teinte  de  bistre  éminemment 
africaine. 

I^a  pipe  a  joué  un  rôle  dans  les  élections  ;  on  a  débité, 
pour  les  fumeurs,  des  briquets  à  l'effigie  des  gufl^reeo«- 
sins;  la  tète  de  Louis  Bonaparte  transformée  en  tète 
de  pipe,  a  obtenu  un  succès  immense  auprès  des  inva- 
lides et  des  grognards  de  l'empire;  toutefois  les  con- 
naisseurs la  refusent,  en  alléguant  qu'elle  est  trop 
creuse. 

Si  cela  continue ,  il  devient  nécessaire  de  créer  un 
musée  spécial,  où  l'on  étudiera  l'histoire  dans  les  pipes 
a[)rès  l'avoir  étudiée  dans  les  livres.  Le  classement 
chronologique  des  modèles  de  pipes,  mettra  le  public 
à  même  de  passer  en  revue  les  hommes  tt  les  événe- 
ments. 

Et  puis,  que  de  méditations  profondes  inspirera  la 
nature  même  des  objets  exposés;  que  de  réflexions  sur 
l'instabilité  des  choses  humaines,  et  sur  tant  de  gloires 
qui  s'en  vont  en  fumée  ! 

JNous  recommandons  ce  projet  au  futur  ministre 
de  l'intérieur. 


Le  petit  Thiers  ptcscnte  à  son  jeune  maicre  sa  jeune  épicerie   française  qui  vient  de  lui  téiEoigoer  son 
attachement  invincible  en  votaat  pour  Louis-Napoléon. 


140 


KEVUE  COMIQUE 


LE  COMMANDEMENT  DU  GÉNÉRAL  CHANGARNIEU. 


Nous  serions  depuis  cent  ans  en  république,  que 
les  habitudes  parlementaires  n'auraient  pas  perdu  un 
pouce  de  leur  terrain.  A  propos  du  commandement 
exorbitant  du  général  Chaugarnier,  on  a  encore  tout 
dit,  excepté  la  vérité. 

Tous  les  orateurs,  y  compris  M.  Lcdru-Roilin,  qui 
devrait  bien  quelquefois,  puisqu'il  en  a  les  charges, 
user  des  bénélices  que  lui  donne  sa  situation  de  chef 
du  parti roM(/e,  c'est-à-dire  oser  beaucoup,  tous  les  ora- 
teurs se  sont  cfTorcés  de  prouver,  ce  que  personne  ne 
contestait,  c'est  que  le  gouvernement  avait  violé  un  ar- 
ticle de  la  Constitution  en  réunissant  un  pareil  com- 
mandement dans  une  seule  main. 

Mais  tous  ont  déclaré  qu'ils  mettaient  en  dehors  du 
débat  la  personne  du  général  Changarnier;  que  ce 
n'était  point  là  une  affaire  de  personne,  etc.,  etc. 

Or,  c'était  précisément  sur  la  personne  du  général 
Changarnier,  sur  le  choix  qui  avait  été  fait  du  général, 
que  devait,  si  l'on  eût  été  sincèie,  rouler  tout  le  débat. 

Et  en  effet,  si  son  commandement  eût  clé  donné  à 


M.  Guinard,  par  exemple,  croiton  que  M.  Ledru-Rol- 
lin  eût  réclamé?  —  S'il  eût  été  donné  à  M.  Clément 
Thomas,  croit-on  que  le  Nutiona!  eût  protesté  bien 
vivement?  —  Et  enfui  s'il  eût  été  donné  au  général  La- 
moricière,  croit-on  que  \c  Siècle  t'en  fut  alarmé?  Non 
sans  doute. 

La  question  de  personne  n'était  donc  pas  si  indiffé- 
rente. 

Pourquoi  ne  pas  le  dire:  la  violation  de  l'article  de 
la  Constitution,  qui  a  eu  pour  résultat  la  nomination 
du  général  Changarnier  à  cet  incroyable  commande- 
ment, n'a  pas  été  un  tort,  mais  une  faute,  ce  qui  est 
bien  pis!  La  faute  a  consisté  dans  ce  que  le  ministère 
ayant  fait  choix,  dans  la  personne  du  général  Changar- 
nier, d'un  de  ses  adversaires  plutôt  que  d'un  de  ses  dé- 
fenseurs, celte  nomination  est  un  danger  pour  lui  et 
non  une  force  :  la  question  était  là. 

Tout  le  monde  le  savait,  personne  ne  l'a  dit.  Mais,  en 
revanche,  on  a  respecté  un  vieux  préjugé  parlementaire 
et  on  a  perdu  une  journée. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


On  retrouve  partout  l'iiistoire  de  Joseph  vendu  par 
ses  frères.  Les  frères  de  Joseph  étaient  les  politiques  de 
leur  temps. 

—  La  liberté  n'est  pas  si  morte  qu'on  veut  bien  le 
dire;  écoutez  nos  grands  orateurs,  toute  leur  po- 
litique consiste  à  lui  chanter  des  dodo  pour  qu'elle 
s'endorme  au  plus  vite.  Patience!  le /^we«7  de  la  liberté, 
le  Jiéceil  du  peuple  sont  des  chansons  dont  la  mode 
reviendra. 

—  Le  présidentactuel  de  la  République,  a  heureuse- 
mciit  pour  lui,  si  peu  de  mémoire,  qu'il  n'a  pu  ap- 
prendre un  mot  des  petits  discours  qu'on  lui  avait  pré- 
parés pour  la  réception  du  jour  de  l'an.  C'est  riiistuire 
des  épinards.  «  Je  n'aime  pas  les  épinards  et  j'en  suis 
bien  aise,  etc.  » 

C'est  Henri  Monnier  qui  a  inventé  cette  bêtise  de 
génie,  et  cette  autre  encoie  de  M.  Prudhomme,  qui 
est  prodigieuse  :  olez  l'homme  de  la  société,  tous 
l'isolez. 

Cette  jolie  phrase  a  été  gâtée  avec  quelque  esprit 
par  un  de  nos  hommes  politiques.  —  11  parlait  du  duc 
d'Angoulême,  qui  avait  coutume  de  rester  court  toutes 
les  fois  qu'il  avait  un  mot  à  dire  en  public. 

Mettez  le  duc  d'Angoulême  au  milieu  d'une  société 
de  gens  d'esprit,  disait-il,  vous  l'isolez. 


—  M.  de  Malleville  a  du  mérite  à  se  taire  :  il  est  clair 
qu'il  ne  veut  pas  se  brouiller  avec  le  président  de  la 
République,  ce  qui  est  un  sentiment  fort  louable,  ou 
que  la  crainte  de  quelques  récriminations  l'a  arrête. 
Toujours  est  il  que  puisque  M.  de  Malleville  ne  devait 
pas  tout  dire,  il  eût  mieux  fait  de  se  taire  tout  à  fait. 
Ce  qu'il  y  a  de  pis  dans  les  affaires  de  ce  genre,  c'est 
un  sous-entendu.  Si  M.  de  Malleville  eût  parlé  tout  à 
fait,  il  eût  peut-cire  réussi  à  prouver  qu'il  avait  agi 
en  Spartiate.  —  Il  se  tait  après  avoir  annoncé  un  dis- 
cours; il  s'ensuit  que  ses  adversaires  interprètent  con- 
tre lui  son  silence.  Et  pourtant,  si  les  journaux  y  per- 
dent, la  morale  publique  y  gagne.  Un  scandale  man- 
qué, c'est  un  beau  bénéfice,  c'est  celui  (ju'a  retiré 
M.  de  Malleville  de  sa  démission. 

—  On  mettait  autrefois  autour  des  pièces  de  cinq 
francs,  on  met  encore  au  bas  des  discours  ce  protocole  : 
((  Que  Dieu  protège  la  France  !  »  Pauvre  France,  n'esl- 
ce  pas  comme  si  on  lui  disait  :  Aide-toi,  le  ciel  t'ai- 
dera! 

—  On  parle  beaucoup  des  mines  d'or  de  la  Califor- 
nie, et  on  s'étonne  de  l'avidité  que  mettent  tous  ceux 
qui  débarquent  dans  ces  parages  à  tout  quitter  pour 
aller  à  la  recherche  de  quelque  veine  bienheureuse, — 
sommes-nous  beaucoup  moins  avides,  nous  qui,  dans 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


Ul 


iinp  rc'vdliilion,  ne  voyons  i|ii'imt!  occasion  de  nous 
niiM- sur  les  iilacos?  —  l.fs  Californiens  quittant  leur 
tliaiiiii'  pcinr  alii'c  rlieiclior  do  l'or  dans  le  sable  do 
leur  rivai;.'.  —  Nous  connaissons  d'IioinuHes  coiuiner- 
(.-ants,  faisant  liien  leurs  alVaires,  qui  les  ont  abandon- 
nées pour  briguer  une  place  de  sous-préfet.  Les  anti- 
clmnibres  des  ministères  en  regorgent. 

—  .\  quoi  sert  l'expérience  en  toute  cliose  et  sur- 
tout en  politique?  l>cs  T.acédéinonicns  faisaient  autre- 
fois exposer  sur  la  place  publique  un  esclave  ivre. 
I.'lusloire  ne  dit  pas  ([u'il  s'en  bût  ces  jonrs-là  une 
bouteille  de  \in  de  moins  dans  toute  la  Grèce. 

—  Il  n'y  a  pas  de  |\aysoii  l'on  iirenne  plus  facilement 
qu'en  l'rance  un  caprice  pour  de  l'amour,  de  l'engoue- 
ment pour  de  i'entbousiasme.  C'est  pour  cela  qu'on 
dit  les  Français  inconstants;  ils  ne  sont  qu'étourdis.  — 
I.eur  tort  n'est  pas  de  se  reprendre,  mais  de  s'être 
donnés. 

—  Quand  on  rencontre  dans  une  forêt  un  arbre  mort 
en  apparence,  on  lui  fait  une  entaille  pour  savoir  si  la 
sève  vivante  ne  se  caclie  pas  sous  l'écorce  desséchée. 
Nous  venons  de  faire  une  entaille  à  la  vieille  société; 
elle  est  morte,  bien  morte,  mais  cette  entaille  n'est 
pas  assez  profonde,  et  des  galvaniseurs  veulent  nous 
faire  croire  qu'elle  a  encore  dos  siècles  à  vivre,  et 
que  cette  mort  n'est  qu'apparente? 

—  Ce  qui  l'ait  la  fmloiie  des  idées  nouvelles,  c'est 
(pi'elles  sont  nouvelles.  — On  rirait  depuis  longtemps 
au  nez  ou  à  la  barbe  de  .MM.  Considérant  et  Proudbon, 
si  ou  savait  que  leurs  idées  sont  grecques,  égyptien- 
nes, etc. 

—  M.  Marrast  a  osé  menacer  la  tribune  des  journa- 
listes, d'oii  partent  incessamment  les  plus  inconvenan- 
tes interruptions  ,  de  la  faire  évacuer.  I.à-dessus  , 
grandes  clameurs  dans  la  plupart  des  journaux,  et  cha- 
cun de  rappeler  à  M.  .Marrast  qu'il  n'est  lui-même 
fjiùin  journaliste. 

Si  la  même  menace  eût  été  adressée  à  toute  autre 
tribune,  celle  des  anciens  députés  on  des  gardes  natio- 
naux, croyez- vous  que  ces  messieurs  eussent  montré 
cette  belle  indignation? 


Chers  confrères,  vous  qui  attaquez  tout,  qui  ne  res- 
pectez rien,  soyez  donc  moins  chatouilleux,  ce  sera  de 
bon  gont. 

—  l.a  r.é  lubliqiii'  e>t  le  (iiilliver  de  notre  temps. 
Voilii  des  Lilliputiens  cpii  essayent  de  lui  mettre  des 
lils  aux  pieds  et  aux  mains,  et  Gulliver  se  laisse  enchaî- 
ner. La  patience  est  la  veilu  des  forts. 

—  Dans  l'ordre  du  jour  du  général  Changarnicr  re- 
latif à  la  réce|)tion  des  ofliciers  de  la  garde  nationale 
par  le  président  de  la  République,  on  avait  remarqué 
cette  phrase  :  o  Le  général  Changarnier  se  réserve  de 
voir  messieurs  les  ofliciers  de  la  garde  nationale  avant 
la  réception.  » 

Un  grand  nombre  d'ofliciers,  à  qui  il  ne  convenait 
pas  de  passer  ainsi  à  cette  vinte préparatoire,  se  sont 
rendus  directement  à  l'Klysée. 

Le  plus  grand  nombre,  une  fois  ce  devoir  accompli, 
se  sont  arrêtés  rue  Basse-du-Rempart,  n°  T^O  —  Huit 
mille  cinq  cents  noms  se  sont  l'ait  inscrire  ce  joui-là 
chez  le  général  Cavaignac. 

—  Un  des  amis  du  maréchal  Bugcaud  faisant  allii- 
sien  an  manque  d'ordre  que  tous  ceux  qui  ont  connu 
le  brave  maréchal  ont  pu  observer  dans  ses  idées,  di- 
sait :  «  Le  maréchal  a  beaucoup  d'idées;  mallicureu- 
sement  elles  dansent  le  cancan  dans  sa  tête.  » 

—  A  l'occasion  du  jour  de  l'an  et  de  la  nominalion 
du  nouveau  président  de  la  Républi(iue,  beaucouj)  de 
nos  honnnes  politiques  ont  essayé  de  se  faire  faire  des 
habits  neufs  avec  leurs  vieux  habits.  Quelques-uns 
avaient  beau  faire,  la  marque  du  galon  de  l'ancienne 
livrée  était  toujours  visible. 

—  Les  principes  sont  beaux,  excellents,  magniliqnes. 

—  Si  les   hommes  valaient  les   principes,  tout  irait 
bien. 

—  Les  troubles,  a  dit  Montesquieu,  ont  toujours 
affermi  les  empires.  —  La  France  peut  donc  espérer 
être  un  jour  ferme  et  solide. 

—  Tous  les  jongleurs  n'avalent  pas  des  épées  nues. 

—  Les  plus  habiles  sont  ceux  qui  les  font  avaler  à  leurs 
admirateurs. 


Jean-Paul   Richters  avait  raison  de  dire  que 
présent  n'est  que  le  singe  du  passé.  « 

Rien  n'est  plus  vrai  de  notre  temps.  La  science  de 
la  politique  est,  dit-on,  l'art  de  prévoir;  c'est  la  mar 


LE    PRÉSENT    ET    L'AVENIR 

1 


voici  que  la  politique  que  nous  faisons  en  ce  moment 
est  l'art  de  faire  revivre  le  passé,  et  de  nous  ramener 
d'où  nous  venons.  Ce  mot  magique  en  avant,  en  avant, 
que  la  France  a  dit  naguère,  et  que  toutes  les  nations 


che  de  l'esprit  humain  vers  un  meilleur  avenir;  mais      de  l'Europe  ont  répété  après  elle,  semble  maintenauf 


m 


REVUE  COMIQUE 


un  cri  de  réprobation.  Il  s'agit  d'ctoufler  toutes  les 
idées  grandes  et  généreuses  et  de  recommencer  à  vivre 
comme  on  a  vécu;  et  parce  qu'on  a  vécu  ainsi,  le  peu- 
ple s'est  fait  lui-même,  il  y  a  un  an,  l'opération  de  la 
cataracte;  mais,  trop  presse  de  voir  la  lumière, il  a  levé 
trop  tôt  le  bandeau  posé  sur  ses  yeux  malades,  et  il  est 
redevenu  aveugle.  Ne  croyez  pas  qu'il  regrette  cette 
lumière  entrevue  et  qui  n'a  brillé  qu'un  jour  pour  lui. 
Il  est  retombé  avec  joie  dans  son  obscurité  ;  n'y  voit- 
on  pas  toujours  assez  pour  suivre  cette  route  connue 
et  ce  chemin  battu  où  il  marche  depuis  si  longtemps 
sans  s'arrêter?  Pourquoi  en  prendre  un  autre? 

Le  peuple  est  fataliste;  il  nie  le  mouvement.  Il  s'as- 
seoit et  regarde  du  côté  de  son  passé  en  disant  :  Re- 
commençons. Il  n'est  préoccupé  que  de  son  bien-être 
matériel;  il  sacrifie  tout  au  présent;  l'avenir,  cette 
part  du  temps,  qui  est  d'essence  divine,  puisqu'elle 
n'existe  pas  encore,  n'est  rien  pour  lui,  il  n'y  croit 
pas;  comme  les  aveugles,  il  ne  croit  qu'à  ce  qu'il 
touche. 

Ce  qui  fait  pour  un  moment  la  fortune  des  idées 
nouvelles  qu'on  veut  lui  donner,  c'est  sa  misère;  mais 
il  ne  pardonne  pas  à  ces  idées  de  ne  pas  porter  des  fruits 
aussitôt.  Il  est  comme  les  enfants  qui  sèment  le  grain 
et  qui  reviennent  dans  le  champ,  une  minute  après, 
pour  voir  s'il  a  germé.  Dans  son  impatience,  il  blas- 
phème, il  dit  qu'on  l'a  trompé.  Il  ne  tient  compte  des 
efforts  qui  se  font  de  toutes  parts  pour  lui  que  s'ils  ont 
un  plein  succès.  Ne  rappelle-t-il  pas  à  ceux  qui  l'ob- 
servent un  antique  usage  consacré  dans  une  ville  de 
Syrie?  Il  était  permis  à  tous  les  innovateurs  de  pré- 


senter au  peuple,  chargé  de  les  juger  et  de  les  appré- 
cier, les  idées  et  les  innovations  qu'ils  voulaient  intro- 
duire dans  la  société.  Ils  étaient  tenus  d'arriver  devant 
leurs  juges,  la  corde  au  cou;  si,  au  bout  d'un  temps 
donné,  leurs  idées  étaient  déclarées  par  le  peuple  mau- 
vaises et  irréalisables,  ils  étaient  étranglés  et  mis  à 
mort  pour  les  punir  d'avoir  voulu  porter  atteinte  à  son 
repos  et  à  sa  tranquillité. 

Cela  ne  se  passe-t-il  pas  un  peu  comme  cela  en 
France  et  de  nos  jours?  N'importe,  que  les  cœurs  gé- 
néreux, les  âmes  sympathiques  ne  se  lassent  pas;  la 
société,  c'est  l'homme  avec  ses  erreurs,  ses  aberrations, 
ses  fautes,  son  ingratitude.  Ceux  qui  se  dévouent  pour 
elle  n'en  doivent  espérer  d'autre  récompense  que  celle 
que  donne  le  dévouement.  Il  n'est  pas  vrai  que  le 
bienfait  désintéressé  soit  plus  rare  que  la  reconnais- 
sance ;  les  grands  cœurs  n'en  demandent  et  n'en  at- 
tendent point;  le  peuple  le  reconnaîtra  plus  tard.  En 
attendant  sa  justice,  laissons-le  suivre  la  voie  qu'il  a 
choisie  et  où  il  marche,  conduit  par  le  hasard.  Un  jour 
viendra  où  il  verra  qu'il  s'est  trompé  de  chemin  ;  ten- 
dons-lui la  main  alors  pour  le  ramener,  le  guider,  alin 
qu'il  ne  s'égare  pas  de  nouveau.  Ne  prenons  pas  trop 
de  souci  de  ce  qu'il  fait  en  ce  moment.  Ceux  qui  veu- 
lent étouffer  les  idées  ne  savent  pas  qu'elles  ne  peuvent 
pas  mourir  en  France.  L'heure  de  les  réaliser  sonne 
tôt  ou  tard;  jusque-là  elles  marchent  dans  le  monde, 
elles  pénètrent  partout,  elles  exercent  insensiblement 
une  domination  occulte,  et  finissent  par  régner  au  mo* 
ment  où  les  esprits  rétrogrades  croient  les  avoir  com- 
battues victorieusement. 


LE    1er  JANVIER    1849   CHEZ   US    BEPf BUCOPHÙBE. 


«  En  République,  on  ne  donne  pas  d"étrennes.  n 

(C«  croquis  nous   est  commuDiqué  par  l'alné  de  la  famille,  jeune  homme  qui  donnait  les  plus  belles  espérances  ;  mais  le  laisissemenl 

qu'il  a  ressenti  de  la  déclaration  paternelle  a  paralysé,  nous  espérons  pour  peu  de  temps,  ses  heureuses  dispositions  ) 


A  I/USAGK  DKS  (JK.NS  SKiUKUX. 


HZ 


niT.sTioN  A  i/onDiu-:  ni'  joii;. 


On  propose  ilc  tous  fôlés 
D'amiiislicr  les  dcpoilcs. 
On  Vfiit  baser  sur  lu  iliinence 
Le  nouveniciiieiil  qui  louimcnce, 
Mais  ses  euueiiiis  les  pluscliamls 
Ne  som  pas  au  l'ond  des  eachols. 
De  leurs  projets  la  Fraïue  est  avertie  : 
Faut  il  à  ces  ^eus  appliquer  l'aninistiCf 
Leur  laut-il  appliquer  l'auiuist  e  ? 

Cerlain  patriarche  édeiité. 
De  la  Kégence  est  entùté. 
Dans  sa  niarclie  retardataire  , 
Contre  nos  lois  il  déblatère  : 
Se  rapprochant  chaque  matin, 
Du  bon  système  guizotin. 
Sou  éloquence  est  par  l'ùge  amortie, 
Faut-il  au  vieillard  appliquer  l'amnistie? 
Lui  faut-il  appliquer  l'amnislie  ? 

Un  ministre  du  temps  passé 
Rêve  qu'il  sera  replacé. 
Expert  en  matière  d'intrigues, 
Il  forme  de  petites  ligues. 
Trompe  ceux  qu'il  feint  d'appuyer. 
Et  s'efforce  de  tout  brouiller. 
Il  triche  au  jeu  pour  gagner  la  partie  : 
Faut-ilà  cet  homme  appliquer  l'amnistie  ? 
Lui  faut  il  appliquer  l'amnistie  ? 

Un  journaliste  Iro;)  connu, 
Par  le  scandale  est  pirvonn  ; 
Déshonorant  la  politique. 
De  mensonges  il  tient  boutique, 
El  sur  des  hommes  estimés 
Lance  ses  traits  envenimés. 
Par  ses  écrits  la  foule  est  pervertie  : 
Lui  faut-il  pourtant  appliquer  l'amnistie  ? 
Lui  faut-il  appliquer  l'amnistie  ? 


Des  royalistes  peu  lenséj, 
Hardiment  se  sont  prononcés  ; 
Ils  disent  en  style  biblique  : 
<<  i>ieu  eonilamue  la  Itepulilii|ue  ! 
l'renez  les  gens  di;  notre  bord  , 
Avec  le  comte  de  Cliaiiibord.  » 
Soutiens  du  trône  et  de  la  sacristie, 
\oe.s  l'aul-il  encore  appliquer  l'amnistie? 
Vous  faut-il  apjiiiquer  l'amnistie? 

D'un  vieil  uniforme  habillés, 
Des  grognards  aux  sabres  rouilles, 
Pour  le  neveu  qui  les  patronne. 
De  l'oncle  refont  la  couronne, 
lit  pensent  traiter  en  pékins 
Les  plus  fermes  républicains. 
O  champions  d'une  autre  dynastie  , 
Vous  faut-il  encore  appliquer  l'amnistie? 
Nous  faut-il  appliquer  l'amuistip? 

r,royez-lc  bien,  ces  songes  creux 
Pour  nous  ne  sont  point  dangereux. 
Laissons  leurs  chetives  cervelles 
(Combiner  des  trames  nouvelles. 
Pour  l'Empire  ou  le  droit  divin , 
Leur  ligue  se  démène  en  vain. 
Son  impuissance  est  notre  garantie; 
On  peut  sansdangerleur donner  l'amnistie  : 
Oui,  l'on  peut  leur  douner  l'amuialie  ! 

Un  spéculateur  dit  tout  bas  : 
«  C'est  avec  l'or  que  je  combats. 
Tenons  ma  caisse  bien  fermée  ; 
Et  la  nation  affamée, 
Démon  courroux  craignant  l'effet, 
Démolira  ce  qu'elle  a  fait. 
Qu'à  la  Régence  elle  soit  convertie.  » 
Faut-il,  à  cet  homme,  applic|uer  l'amnistie? 
Lui  faut-il  appliquer  l'amnistie? 


Napoléon  Chaviru,  dit  .Bot^5((j(i'-.S(j!/,  Tire-à  l'Ai^u,   qui  a  eu  l'avantage  d'être  condamné 

27  fois  en  police  correctionnelle,  pour  avoir,  étant  ivre,  rossé  les  municipaux  en  criant  : 

Vive  l'empereur  /  demande  la  sous-préfecture  de  Cognac. 


O  "T-and  ciloven  Barrot-Girardiné,  ce  n'est  pas  encore  le  soleil  de  votre  République  Polconne 
(jui  fera  changer  les  tas  d'ordures  en  gigots  rôtis  et  en  pommes  de  terre  frites. 


Dessiné  par  Otto.  * 


Gravé  par  Rouget. 


:,    UOl'LI  VAIlll    DKi   ITAI.lKNg, 


'30  cculluicH  la  livruitiuii. 


«ir  IICIIEtlFt  .   '■•î. 


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''^^'■^ùwàmm  k:jmmii^ÊÊb  ^^m/Jmttx^ 


ondUions  de  la  Sonsrripiion.  —  La  Revce  comioi'e  formera  un  magnifique  Tolume,  ojrand  in-8,  publié  en  50  livraisons  à  30  cent.  ; 

far  la  posle,  40  cenl.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire  [franco)  à  M.  LiRKn,  au  bureau  de  la  Revie,  2,  boulevard  des 
laliens. 

SUMINKBAY.  ÉDiTETTB.,  RUE  xucHEioEU,  52.  10^  Livraison. 


UN  NOUVEAU  15  MAI. 


Ij  Miil.i  lf>  jiiii*  qui  iiuus  apiiclaieiil  anarcliisU's!  !  !... 


De-sioé  par  Nadard. 


Gravé  par  Ballant. 


Tire  ani  preiie)  miuDiqae  de  LiompB  et  Coup,  rue  namietle,  i. 


LA  SEMAINE. 


Je  vis  entrer  chez  moi  une  femme  en  domino  noir, 
le  visage  recouvert  d'un  masque  rose. 

M  Qui  ètes-vous?  lui  demandai  je  tout  étonné. 

—  Vous  ne  me  reconnaissez  pas  ? 

—  Nullement. 

—  r,h  bien  !  je  suis  la  Semaine,  et  j'arrive  du  bal 
masqné. 

—  Nous  sommes  donc  déjà  en  carnaval? 

—  Je  l'ignore  au  point  de  vue  du  calendrier;  totit 
ce  que  je  sais,  c'est  que  le  carnaval  a  commencé  samedi 
dernier  à  l'Opéra.  Musard,  l'éternel  Musard,  adonné 
le  signal  des  mascarades,  et  je  me  suis  masquée. 

—  Ensuite? 

—  J'ai  fait  un  académicien. 

—  Qui  s'appelle? 

^  M.  de  Noailles,  grand  seigneur  et  auteur  d'une 
histoire  de  madame  de  Maintenon. 

—  Mascarade. 

—  J'ai  fait  aussi  nommer  ambassadeur  un  membre 
du  Jockey-Club. 

—  Encore  mascarade. 

—  J'ai  écrit  des  réclames  pour  le  livre  sur  la  Démo- 
cratie, composition  touchante  dans  laquelle  M.  (aiizot 
se  console  des  douleurs  de  l'exil. 

—  Toujours  mascarade. 

—  J'ai  assisté  à  une  des  réceptions  officielles  du  pré- 
sident. 

—  Nous  ne  sortirons  donc  pas  des  mascarades  !  Tâ- 
chez de  me  raconter  quelque  chose  de  plus  intéressant. 
Avez-vous  tiré  les  rois? 


—  .\h  !  diable,  vous  m'y  faites  penser. 

—  Vous  l'aviez  donc  oublié? 

—  Hélas  !  on  a  tant  de  choses  à  faire,  et  la  vie  d'une 
pauvre  Semaine  est  si  courte!  Mais  que  faisais-je  donc 
ce  jour-là? 

—  Cherchez. 

—  Ah  !  j'y  suis.  J'étais  à  l'Opéra-Comique,  tran- 
quillement occupée  à  entendre  le  Caïd,  et  la  musique 
de  -M.  Ambroise  Thomas  m'a  fait  oublier  le  gâteau. 

—  Étes-vous  allée  au  Théâtre-Français? 
— ■  Pourquoi  faire? 

—  Pour  entendre  la  comédie  de  M.  Amédée  Le- 
fèvre. 

—  Une  comédie  d'avoué?  Allons  donc!  J'aimerais 
autant  entendre  les  chansons  de  M.  Jovial.  A  propos 
de  Théâtre-Français,  vous  savez  ce  qu'a  fait  le  co- 
mité? 

—  Quoi  donc? 

—  11  a  reçu  à  corrections  une  comédie  de  M.  de 
Balzac. 

—  C'est  donc  comme  s'il  l'avait  refusée? 

—  .\bsolumcnt;  et  je  conçois  parfaitement  que 
M.  de  Lamartine  passe  sans  tourner  la  tète  devant  la 
porte  du  Théâtre-Français  et  conduise  Toussaint-Lou- 
verture  à  la  porte  Saint-Martin.  Qui  sait  si  le  comité 
n'aurait  pas  trouvé  qu'il  y  avait  des  corrections  à  faire 
dans  cette  tragédie.  J'aurai  donc  été  témoin,  dans  la 
courte  durée  de  mon  existence,  d'un  événement  consi- 
dérable, imprévu,  et  que,  peut-être,  les  siècles  futurs 
ne  voudront  pas  croire. 


lis 


UEVUE  COMIQUE 


—  Lequel? 

—  L'achat  d'une  tragédie  moyennant  -40,000  francs 
de  prime.  C'est  le  prix  auquel  le  poêle  a  cédé  Tous- 
saint-Louverture.  Que  diraient  Corneille,  Racine  et 
Voltaire,  s'ils  revenaient  au  monde?  Je  trouve  que 
c'est  humiliant  pour  le  drame  moderne.  Qui  est-ce  qui 
veut  donner  40,000  francs  pour  un  drame  à  M.  Victor 
Hugo? 

—  Vous  savez  bien  que  M.  Victor  llugo  ne  fait  |)lus 
de  drames. 


—  Que  fait-il  alors? 

—  Des  romans. 

—  Pourquoi  ne  les  pnhiie-l-il  pas? 

—  Parce  qu'il  ne  trouve  pas  de  libraires  pour  les 
acheter.  « 

Après  ces  quelques  nouvelles,  assez  insignifiantes, 
la  Sei\irtine,  ayant  vidé  son  sac,  remit  son  masque  et  son 
capuchon,  et  partit  dans  cet  équipage  pour  le  pays 
mystérieux  où  vont  les  vieilles  semaines. 


LA  POLITIQUE  MLSE  A  LA  PORTÉE  DES  ENFANTS. 


(1"    JANVlEll.) 


l'enfam.  —  Père,  je  te  souhaite  une  bonne  année. 
(//  récite  un  compliment.) 

Ce  matin,  avant  l'aurore 
Un  dieu  vint  me  réveiller; 
Il  me  dit,  etc.,  etc. ,  etc.,  etc. 

LE  PÈRE.  — Fort  bien,  mon  ami,  viens  m'embrasser. 
J'ai  bien  du  regret  de  ne  pouvoir  te  donner  d'étrennes. 

l'enfaxt.  —  Tu  ne  me  donnes  pas  d'étrennes  !  A 
cause  ? 

LE  PÈRE.  —  A  cause  de  la  République. 

l'enfam.  —  La  République  ne  veut  pas  qu'on  donne 
des  élrennes  aux  enfants? 

LE  PÈRE.  —  Elle  l'a  défendu;  et  ceux  à  qui  on  en  donne 
malgré  sa  défense,  elle  les  emporte. 

l'enfam.  —  C'est  donc  bien  méchant  la  Répu- 
blique? 

LE  PÈRE.  —  Parbleu!  c'est  une  vieille  fée,  cousine 
de  l'ogre.  Elle  a  une  grande  bouche  comme  l'ogre,,  de 
grandes  dents  comme  l'ogre,  et  des  cornes  sur  la  tête. 

l'enfant.  — Alors  donne-moi  les  étrennes  en  ca- 
chette et  nous  n'en  dirons  rien  à  personne. 

LE  PÈRE.  —  La  République  le  saurait  tout  de  même  ; 
elle  sait  tout,  elle  entend  tout,  elle  voit  tout.  Tu  veux 
donc  que  la  République  t'emporte? 

l'enfant.  —  Et  où  m'emporterait-elle? 

LE  PÈRE.  —  Dans  le  château  de  l'ogr  ^ 

l'enfant.  —  Tu  m'avais  pourtant  dit  qu'il  n'y  avait 
pas  d'ogres  et  que  c'était  bête  d'y  croire. 

LE  PÈRE.  —  Je  ne  vous  ai  jamais  dit  cela,  monsieur. 

l'enfant.  —  Si  fait,  père  ;  et  même  qu'il  n'y  avait 
pas  de  fées,  ni  des  jeunes,  ni  des  vieilles. 

LE  PÈRE.  —  Je  suis  sûr  que  c'est  la  bonne  qui  t'a  fait 
ce  sot  conte  qu'il  n'y  avait  pas  des  fées,  ni  des  ogres.  Je 
la  renverrai,  la  bonne. 

l'enfant.  —  Ce  n'est  pas  la  bonne,  père;  c'est  toi. 

LE  PÈRE.  —  Taisez-vous,  monsieur!  [Moment  de 
silence.) 

l'enfant.  —  C'est  pour  rire,  pas  vrai,  père,  et  tu  vas 
me  donner  au  moins  un  polichinelle? 


LE  PÈRE.  —  La  République  les  a  tous  emportés  pour 
qu'on  n'en  donne  pas  aux  petits  garç'ons. 

l'enfant.  —  .\lors  un  tambour  ;  plan  ran  plan,  plan 
ran  plan  ! 

LE  PÈRE.  —  La  République  les  a  tous  crevés.  (Une 
larme  mule  dans  les  yeu.c  deVenfant)  Vois-tu,  petit,  la 
République  est  l'ennemie  de  tout  le  monde,  et  tous  les 
malheurs  qui  arrivent,  c'est  elle  qui  en  est  cause  ;  un 
enfant  bien  sage  doit  apprendre  de  bonne  heure  à  dé- 
tester cette  méchante  République. 

l'enfant,  jo/euranif.  — Oui,  père. 

LE  PÈRE.  —  Tu  vois  que  c'est  elle  aujourd'hui  qui 
t'empêche  d'avoir  des  étreimes. 

l'enfant.  —  Oui,  père. 

LE  PÈRE.  —  Tu  te  le  rappelleras  bien? 

l'enfant  pleurant.  —  Hi,  lii,  hi.  C'est  pas  la  Ré- 
publique, c'est  toi,  père,  qui  ne  veux  pas  donner  un 
polichinelle. 

le  père.  —  Puisqu'elle  les  a  emportés. 

L'E^FANT.  —  J'cu  sais  clicz  le  marchand  et  des  tam- 
bours, aussi,  hi,  hi,  hi.  C'est  pas  vrai,  la  Républi(pie 
n'est  pas  une  vilaine  fée  avec  des  cornes. 

le  père.  —  Avec  des  cornes  et  de  grandes  dents  ;  et 
ton  petit  chat  qui  est  mort  l'autre  semaine,  c'est  la 
République  qui  l'a  étranglé. 

l'enfant.  —  l*as  vrai. 

LE  PÈRE.  —  Et  ton  petit  chien,  qui  t'a  mordu  hier, 
c'est  la  République  qui  lui  avait  dit  de  te  mordre. 

l'enfant.  —  Pas  vrai,  le  chien  m'a  mordu  à  cause 
que  je  lui  avais  tiré  la  queue. 

LE  PÈRE.  —  Et  ton  cerceau,  que  tu  as  perdu,  c'est  la 
République  qui  te  l'a  pris. 

l'enfant,  frappant  du  pied.  — Pas  vrai,  pas  vrai  !  à 
preuve  que  je  l'ai  retrouvé  ce  matin  sous  le  lit. 

le  PÈRE.  —  Taisez-vous,  petit  drôle,  ou  je  vous  liche 
le  fouet. 

l'knfant.  —  Tant  pis  !  c'est  pas  la  République. 

LE  PÈRE.  — Silence,  monsieur  ! 

l'enfant.  —  Hi,  hi,  hi;  c'est  pas  la  République  qui 
a  étranglé  le  petit  chat.  Tant  pis! 


A  L'USAGK  DES  GENS  SERIEUX. 


liO 


LB  PKRE.  —  Ah!  tu   ne  veux  pas  le  taire;  attends. 
(  //  lui  donne  le  fouet.  ) 
l'bnpant.  —  Oli  !  Ii\  là! 

LR  PÈRR.  —  Ça  t"n|i|iren(lia  à  raisonner,  polisson. 
l'enfant.  —  (th  !  Ii\  là;  oh!  là  là  ! 
LK  pi.:iiK.  —  C'est  la  Képul>lic]m'  c|iii  le  fiche  le  fouet. 


l'knpant.  —  Pas  vrai ,  hi,  hi,  hi;  pas  vrai,  c'est 
toi! 

LE  rfetiK.  —  C'est  la  Itépuhlique,  monsieur! 

l'k.sfant,  exa.ipér^.  —  Pas  vrai  ;  oh  !  là  là  ;  pa.^  vrai  ; 
c'est  toi,  c'est  tm,  c'est  toi  !  C'est  pas  la  R.!pul)lif|nc  qui 
nie  (ichele  fouet...  Vive  la  Ilépuhliquc  ! 


O  WASiILNGTOM  0  lUANKMM 


Il  ne  s'agit  que  de  s'entendre,  dit  .M.  de  Girardin  ; 
le  mal  de  la  situation  vient  de  ce  qu'on  n'a  (jus  encore 
assimilé  la  politique  à  l'administration  d'un  journal. 

Prenez  la  Presse  pour  e.vemple. 

Quoi  de  plus  admirable  que /«  Presse'!  C'est  carré 
par  la  base,  c'est  solidement  assis,  cela  jouit  d'un  tirage 
de  soixante  mille  exemplaires.  D'où  je  conclus  que  l'on 
doit  me  nommer  ministre  dirigeant. 

Suivez  en  eflfet  mon  raisonnement. 

La  Presse  csl  le  seul  journal  qm  soit  au-dessus  de 
ses  affaires.  Pourquoi?  Parce  que  j'ai  su  l'asseoir  carré- 
ment. Comparons  maintenant  la  direction  d'un  pays  à 
la  direction  de  la  Presse.  Si  vous  parvenez  à  asseoir  le 
pays  carrément,  vous  obtiendrez  l'équilibre  tant  cher- 
ché. Toute  la  question  est  là.  Or,  comme  je  suis  le  seul 
homme  de  France  qui  ait  su  asseoir  un  journal,  je  suis 
naturellement  le  seul  en  état  d'asseoir  un  pays,  car  : 
un  pays  n'est  pas  plus  difficile  à  faire  vivre  qu'un 
journal.  De  là  la  nécessité  de  me  nommer  premier  mi- 
nistre. Que  dis-je  :  premier  ministre....  seul  ministre  ! 
Eh  !  pourquoi  pas  président,  grand  nabab!  ou  mieux 
potentat  nnivei'sel  ! 
Ainsi  parle  M.  de  Girardin  avec  cet  aplomb  qui  lui 


sert  de  talent.  .M.  de  Girardin  ne  voit  que  lui  sur  la 
terre.  Il  dit  chaque  malin  à  ses  lecteui-s  :  Voyez  comme 
je  mets  mes  bottes  !  Voyez  comme  j'établis  mes  bre- 
telles carrément  !  Et  il  n'a  pas  l'air  de  se  douter  qu'il 
y  a  en  France  huit  à  dix  millions  d'individus  qui  met- 
tent tous  les  jours  des  bretelles  et  des  bottes. 

Ainsi  du  reste.  La  Presse  est  le  seul  journal  qui 
existe.  Et  le  Siècle,  monsieur?  et  le  Constitutionnel? 
cl  le  National?  et  le  Journal  des  Débats?  \ppai-em- 
ment  que  ces  journaux  ont  aussi  des  directeurs. 

M.  de  Girardin  .se  compare  ensuite  à  Washington 
et  à  Franklin,  comme  si  ces  deux  grands  hommes 
avaient  inventé  les  mines  de  Saint-Bérain  et  le  phy- 
sionotype. 

«  0  Franklin  !  o  Washington  !  Si  vous  pouviez  revi- 
vre parmi  nous,  on  vous  traiterait  de  faiseurs  d'alma- 
nachs  et  de  rêveurs,  et  l'on  vous  laisserait  à  la  porte  de 
l'Assemblée  nationale  pour  y  laisser  entrer  de  beaux 
discoureurs!  » 

.M.  de  Girardin  se  trompe.  Les  électeurs  enverraient 
à  la  Chambre  Washington  et  Franklin.  Les  élccd'urs 
ne  laissent  à  la  porte  que  les  charlatans  et  les  queues 
rouges.  C'est  leur  place. 


M.  DE  NOAILLES  A  L'ACADÉ.MIE! 


L'Académie  française  vient  de  nommer  M.  le  duc 
de  Noailles  en  remplacement  de  M.  de  Chateaubriand. 
Que  doivent  penser  de  nous  les  étrangers  devant  dos 
nominations  pareilles?  —  Evidemment,  ils  doivent 
croire  :  ou  que  les  académiciens  ont  la  berlue,  ou  que 
Béranger,  Lamennais,  Alfred  de  Musset,  Balzac,  et  cent 
autres,  dont  le  moindre  est  un  écrivain  illustre  à  côté 
de  M.  de  ^oailles,  sont  morts  dans  la  nuit. 


Mais,  dit-on,  M.  de  Noailles  était  l'ami  intime  de 
M.  de  Chateaubriand.  —  A  ce  titre,  que  ne  nommait- 
on  de  préférence  madame  Recamier,  qui  était  aussi 
son  amie,  et  non  moins  intime. 

Il  va  falloir  remplacer  bientôt  M.  Vatout.  —  Que 
celui  qui  était  l'ami  intime  de  cet  aimable  homme  se 
mette  sur  les  rangs  ;  quel  qu'il  soit,  ses  droits  vaudront 
ceux  de  M.  de  Noailles! 


Tt^!egraph, 
étalon  pur-sang  des  haras  de  la  poste  aux  commiss'ons. 


150 


REVUE  COMIQUE 


LES  FUREURS  DU  CONSTITUTIONNEL 


Le  Peuple,  de  M.  Proiidhon,  la  Réforme,  de  M.  Le- 
dru-Rollin,  sont  écrits  par  des  anges  àe.  douceur,  si  on 
compare  le  ton  de  ces  deux  journaux  à  celui  du  Consti- 
tutionnel. Le  Père  Duchène  n'est  pas  mort,  ou,  s'il  est 
mort,  son  ànie  infortunée  a  passé  dans  le  corps  du  blond 
M.  Merruault.  M.  Yéron  aura  fait  avaler  à  ce  saint 
homme,  sous  forme  de  pâte  Rcgnault,  quelque  prépa- 
ration abominable;  il  aura  mêlé,  en  sa  qualité  d'ex- 
pharmacien,  de  la  poudre  de  mouche  cantharide  aux 
verres  d'eau  tiède  dont  s'abreuvait  d'ordinaire  l'ex-sé- 
minariste  que  nous  venons,  sans  pudeur,  de  nommer 
par  son  nom. 

Hélas!  mon  brave  monsieur  Merruault,  tous  les 
rou'^es  ne  sont  pas  socialistes  :  M.  Proudhon  est  blême 
si  on  le  compare  à  vous;  vous  êtes  cramoisi.  A  quelle 
extrémité  vous  portez-vous,  mon  pauvre  monsieur? 
Prenez  garde  aux  apoplexies,  prenez  garde  aux  cul- 
butes, la  bile  vous  étouffe,  vous  êtes  affreux  à  voir, 
déplorable  à  entendre  ;  le  .\ational  vous  Irouble-t-il  à 
ce  point?  Le  lorgnon  de  son  rédacteur  en  chef,  M.  Du- 
ras, fait  sur  vous  l'effet  de  l'œil  d'un  serpent.  —  Si 
vous  continuez  d'avoir  en  vue  ce  lorgnon  opiniâtre, 
c'en  est  fait  de  vous,  vous  deviendrez  enragé. 

Mais  ne  voyez-vous  pas,  malheureux,  que  vous  per- 
dez votre  cause,  que  vous  compromettez  ce  bon 
M.  Thiers,  que  vous  retardez,  par  vos  fureurs,  l'avé- 
nement  de  la  dynastie  du  Constitutionnel  ;  que  vous 
faites  regretter  par  anticipation  celle  du  National; 
que  vous  allez  fixer  le  pays  sur  le  Siècle,  que  c'est  à 
MM.  Barrot  et  Chambolle  que  profitent  vos  violences  ; 
quec'esttrop  de  zèle,  et  qu'on  vous  flanquera  de  côte,  si 


vous  n'y  prenez  garde,  comme  un  serviteur  trop  zélé'? 
Écoutez  la  voix  d'un  ami,  mon  brave  homme,  cal- 
mez-vous. —  11  n'est  pas  temps  encore  de  montrer  le 
joli  caractère  que  vous  avez  ;  mentez  encore,  dissimu- 
lez toujours,  mettez  vos  petits  couteaux  dans  vos 
poches,  cachez  vos  instruments  de  supplice,  faites- 
nous-en  accroire  encore  ;  vous  qui  avez  combattu  les 
jésuites,  pensez  à  ces  divins  modèles,  imitez-les,  sinon 
vous  allez  éclairer  la  France  sur  ce  qu'elle  peut  at- 
tendre de  vos  patrons.  Songez,  pieux  Merruault, 
qu'on  n'attrape  pas  les  mouches  avec  du  vinaigre, 
et  dites-vous  d'ailleurs,  imprudent,  que  vos  voisins  de 
la  rue  Lepelletier  ont  des  poings  au  bout  des  bras, 
dont  vous  seriez  fâché  d'avoir  à  mesurer  la  pesan- 
teur. Si  M.  Thomas  se  fâchait!  Diable,  mon  cher, 
je  vous  plaindrais. 

Si  petit  bonhomme  vit  encore,  la  République  n'est 
pas  morte  non  plus.  —  Soyez  sage,  la  prudence  est 
la  mère  de  la  sûreté,  et  d'ailleurs  elle  n'exclut  pas  la 
bravoure.  M.  Véron  sera  toujours  à  temps  de  bien 
faire,  —  il  a  eu  pour  amis  tant  de  gentilshommes,  ce 
bon  M.  Purgon!  —  Ne  l'exposez  pas  avant  l'heure,  sa 
modestie  naturelle  en  souffrirait;  — et  tenez,  entre 
nous,  il  est  homme  à  vous  savoir  gré  de  reculer  dans 
la  voie  où  vous  êtes.  Depuis  qu'il  s'est  déclaré  homme 
politique,  il  est  devenu  responsable  ;  il  a  les  honneurs, 
il  lui  manquerait  les  profits,  si,  quand  vous  avez  dit 
uue  sottise  en  son  nom,  le  voisin  n'allait  droit  à  lui  lui 
en  demander  bon  compte.  Quand  on  n'est  pas  Mars 
en  personne,  quand  on  ne  s'appelle  que  Véron  ou  même 
Merruault,  il   faut  être  poli,  faut-il  vous  le  rappeler? 


lux  cns  d'hydrophobic 


i.i;s  luuri'.s  ionciiiins  dicf.stivf.s  i;t  I'omiioiks  w.  ixi«-ixi!i. 


Le  pUt  le  plus  gcnéralcmeot  apprécié  dc'^  notre  cuisine  sociale. 


Double  vue  phalanstérienne  appliquée  à  la  chimie 
des  banquets  et  banquistes. 


SOCIETE  ŒNOPHILE. 

Excellent  vin.  —Vin  delà  comète-1811. 


Dessiné  par  Eertal. 


Gravé  par  Midderigh  et  Leblanc. 


152 


REVUE  COMIQUE 


UN   NOUVEAU  J3  MAI. 


Depuis  sa  fondation  la  République  a  été  menacée 
par  deux  sortes  d'anarchistes. 

Jusqu'aux  journées  de  Juin  elle  a  eu  à  combattre 
l'anarchie  armée,  l'émeute.  .Maintenant  elle  est  atta- 
quée par  ceux-là  même  qui  criaient  le  plus  haut 
contre  l'émeute,  par  ceux  qui  ne  trouvaient  pas  de 
blâme  assez  fort  contre  l'insurrection  de  juin  et  la 
tentative  du  15  mai. 

Les  premiers  voulaient  pousser  la  Républiiiue  dans 
les  voies  aventureuses  du  socialisme,  pour  étendre  jus- 
qu'à l'utopie  l'application  du  principe  d'égaiité  et  de 
justice.  Les  seconds  veulent,  en  rétrogradant  vers  la 
monarchie,  étouffer  à  leur  profit  la  justice  et  l'égalité. 
Ceux-là  avaient  le  courage  de  leur  opinion,  ils  ne 
l'ont,  hélas!  que  trop  montré.  Ils  ont  nettement  dé- 
claré leur  but  et  signé  cette  déclaration  de  leur  sang. 
Ceux-ci  n'osent  pas  dire  où  ils  tendent  ;  ils  élèvent 
des  barricades  de  pétitions,  et,  au  lieu  de  sang,  ils 
versent  de  l'encre. 

Ils  protestent  de  leur  amour  pour  la  République,  et 
ils  la  détestent.  Usent  de  l'effronterie,  les  autres  avaient 
du  courage. 

Vaut-il  mieux  avoir  à  combattre  la  haine  déclarée 
ou  la  perfidie?  Lequel  estimez-vous  davantage  de  l'en- 
nemi loyal  qui  vient  sur  vous  la  poitrine  découverte, 
ou  du  tartufe  qui  baisse  les  yeux  et  rampe  sur  ses 
genoux  ? 

Ces  pétitions  contre  l'Assemblée,  dont  on  fait  grand 
bruit,  n'ont  rien  qui  doive  nous  surprendre  après  les 
attaques  infâmes  dont  le  général  Cavaignac  a  été  l'ob- 
jet. Deux  fois,  en  mai  et  en  juin,  l'Assemblée  natio- 
nale, par  son  énergie  et  la  dignité  de  son  attitude,  a 
sauvé  le  pays.  C'est  un  crime  qu'on  ne  devait  pas  lui 
pardonner,  pas  plus  qu'on  ne  l'a  pardonné  au  général 
Cavaignac.  Coupables  d'avoir  les  mêmes  titres  à  la  re- 
connaissance de  tous,  le  général  et  l'Assemblée  de- 
vaient recueillir  la  même  ingratitude. 

Le  parti  monarchique,  ou  plutôt  les  partis  monar- 
chiques, car  on  ne  sait  trop  auquel  s'arrêter  de  tous 
les  drapeaux  de  la  réaction,  les  partis  monarchiques  ont 
compris  que,  pour  renverser  la  Républicjue,  il  fallait 
d'abord  renverser  ses  défenseurs. 

M.  Louis  Bonaparte  s'est  trouvé  là  par  hasard  ;  on 
lui  a  emprunte  le  nom  de  son  onde  [iour  battre  en 
brèche  le  général  Cavaignac. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  que  d'avoir  écarte  du  gouver- 
nement le  noble  soldat  dont  la  loyauté  et  le  courage 
étaient  à  l'épreuve  de  tous  les  périls  et  de  toutes  les 
séductions.  L'Assemblée  nationale,  qui  ne  se  montre- 
rait pas  plus  traitable  dans  l'occasion,  est  un  dernier, 
mais  un  grand  embarras  pour  les  réactionnaires,  et  il 
s'agit  de  la  renverser  à  son  tour,  ce  qui  sera  peut-être 
plus  difficile  qu'on  ne  croit. 


Avec  le  nom  de  Napoléon  et  l'évocation  des  grands 
souvenirs,  poussée  jusqu'au  charlatanisme,  on  a  bien  pu 
avoir  raisoi.  du  chef  du  pouvoir  exécutif  ;  mais  cette 
arme  est  brisée  dans  les  mains  qui  s'en  sont  servies. 
Quel  rapport,  en  effet,  trouver  entre  la  bataille  de 
Marengoet  la  dissolution  de  l'Assemblée  nationale?  On 
ne  peut  pas  dire  aux  représentants  :  «  Retirez-vous  à 
cause  de  la  bataille  d'Ejlau  ;  résignez  votre  maiulat  au 
nom  d'.\usterlitz  et  des  Pyramides! 

Ce  n'est  pas  que  les  émissaires  de  la  réaction  soient 
gens  à  reculer  devant  un  tel  rapprochement;  mais  c'est 
que  la  simplicité  du  peu[)le  n'irait  pas  jusqu'à  les  suivre 
aussi  loin.  Et  puis,  il  y  a  la  bataille  gagnée  en  Juin  qui 
est  bien  quelque  chose  pour  des  gens  qui  n'en  font  pas 
leur  état,  et  qui  a  bien  son  prix,  quoique,  à  vrai  dire, 
on  ne  puisse  la  comparer  à  la  campagne  de  Russie  ou 
à  Waterloo.  Il  faut  donc  trouver  autre  chose  que  les 
souvenirs  de  l'Empire  pour  décider  les  électeurs  à  si- 
gner des  pétitions  contre  l'Assemblée. 

Les  journaux  qui  rapportent  pompeusement  ces  pé- 
titions s'abstiennent  prudemment  de  donner  le  chiffre 
exact  des  signatures.  C'est  un  petit  détail,  il  est  vrai; 
mais  de  ce  petit  détail  pourrait  bien  dépendre  la 
question.  Sans  doute  nous  respectons  l'opinion  des  si- 
gnataires, mais  apparemment  que  ces  messieurs  n'en- 
tendent pas  méconnaître  les  droits  des  électeurs  qui 
ne  signent  pas. 

Si  les  premiers  demandent  la  dissolution  de  l'As- 
semblée, les  seconds,  par  le  simple  fait  de  leur  absten- 
tion, se  prononcent  dans  le  sens  contraire  :  or,  comme 
c'est  ici  une  question  de  suffrage  universel,  il  doit  suf- 
fire à  la  Chambre  de  relever  le  chiffre  des  signatures, 
et  de  comparer  ce  chiffre  à  celui  des  électeurs  inscrits 
dansle  déparlement.  Deuxmille  signatures  au  bas  d'une 
pétition  demandant  la  dissolution  de  la  Chambre,  c'est 
beaucoup  pour  les  badauds  politiques,  c'est  un  obus 
qui  éclate  au  milieu  de  l'Assemblée  ;  mais  si  le  dépar- 
tement qui  a  fourni  ces  deux  mille  signatures  compte, 
par  exemple,  cent  mille  électeurs,  ce  chiffre  menaçant 
se  trouve  ne  plus  représenter  l'opinion  du  départe- 
ment que  pour  un  cinquantième.  L'obus  est  réduit  aux 
proportions  d'une  fusée  inoffensive. 

Il  serait  puéril  d'insister  sur  ce  point  et  de  vouloir 
démontrer  qu'une  Chambre  issue  du  suffrage  univer- 
sel manquerait  à  son  devoir  en  se  retirant  devant  l'in- 
jonction de  la  minorité,  parce  que  cette  minorité 
réunit  ses  signatures  au  bas  d'une  feuille  de  papier. 
Vole  ou  pétition,  c'est  toujours  une  question  électo- 
rale sous  deux  formes  différentes  ;  c'est  une  nouvelle 
bataille  électorale  qu'engage  la  réaction.  Nous  avons 
respecté  l'expression  du  suffrage  universel  dans  l'élec- 
tion du  10  décembre  ;  nous  attendons  aujourd'hui  de 
nos  adversaires  le  même  respect  pour  les  volonicsdu  pays. 


A  l/IISAGE  DES  GENS  SERIEUX. 


iiiZ 


LES  PI^TITIONS  CONÏliE  I/ASSEMRM'E  >Allo.\M.i:. 


On  avait  d'abord  rcfusi!  d'y  croire  ;  mais  aiijoiir- 
d'iiiii  II'  doute  n'e>t  plus  permis.  Ces  pi'lilions  exislcnl  ; 
elles  se  signent.  1,'Assemlili'e  se  meurt,  l'AsseiiiMi,' est 
morte  ! 

Il  serait  bon  de  savoir  au  juste  comliieii  de  sij^natii- 
rcs  réunissent  ces  pétitions,  l'eut-èlre  les  journaux  qui 
les  publient  daij,'neront-ils  quelque  jour  nous  l'appren- 
dre. En  attendant,  n'oublions  pas  que  la  Fiance 
comi)te  sept  millions  d'électeurs  ;  ainsi,  jus(iu',i  ce  que 
les  pétitions  contre  la  (Itiambre  aient  réuni  trois  mil- 
lions cinq  cent  mille  et  une  signatures,  on  pourra  ne 
pas  s'en  occuper  outre  mesure. 

Parmi  ces  pétitions,  il  y  en  a  de  rcs[)ectucuscs,  il  y 
en  a  d'impudentes;  les  unes  portent  crânement  leur 
bonnet  sur  l'oreille,  les  autres  révèlent  le  grand  style 
des  maîtres  d'écriture  de  village  secrètement  adonnés  à 
la  tragédie. 

Les  pétitions  respectueuses  sont  en  général  les  plus 
enliélées,  Basile  gagnerait  beaucoup  d'argent  à  rédi- 
ger des  pétitions  respectueuses. 

Canevas  de  re  f/eiwe  de  jjotitions. 

«  Citoyens  représentanls, 

0  Votre  conduite,  pétulant  la  pénible  session  que 
vous  venez  de  traverser,  est  au-dessus  de  tout  éloge. 

«  Vous  avez  été  admirables  de  courage,  de  zèle  et  de 
dévouement;  vous  avez  rendu  de  grands  services  an 
pays. 

«  C'est  pourquoi  le  pays,  n'ayant  plus  la  moindre 
conliance  en  vous,  vous  s.omme  de  quitter  la  place. 
Vous  comprenez  combien  le  pays  regrette  d'avoir  à 
vous  dire  une  aussi  dure  vérité.  C'est  le  cœur  plein 
d'admiration  pour  vous  que  le  pays  désire  se  priver  de 
vos  services  ;  le  pays  vous  vénère,  mais  il  vous  donne 
congé.  Or,  il  faut  se  soumettre  aux  volontés  du  pays. 

«  Dans  cet  espoir,  nous  avons  l'bonneur  d'être, 
avec  estime,  considération,  reconnaissance,  respect, 
amour,  etc.,  etc.,  etc.  »  [Suivent  les  signatures.) 

Modèle  de  pétition  crâne. 

H  Sacrebleu  ! 

«  Est-ce  que  vous  vous  ficliez  de  nous,  citoyens  re- 
présentanls? 

«  Comment!  vous  n'êtes  pas  encore  partis?  Qu'est- 
ce  que  cela  veut  dire?  Faudra-t-il  donc  aller  vous  pren- 
dre par  les  oreilles? 

«  L»issez-moi  seulement  terminer  ma  partie  de  bil- 
lard, et  nous  verrons.  J'ai  quinze  points,  et  la  partie 
est  en  vingt;  ce  sera  bientôt  fait.  Sitôt  la  partie  finie, 
si  la  dissolution  de  la  Chambre  n'est  pas  prononcée,  je 
bois  un  petit  verre,  je  m'arme  de  ma  queue  d'honneur, 
et  je  viens  chercher  des  nouvelles  de  ma  pétition.  Ce 


scia  iiii  1.)  mai   paiiriijiu',  car  ji;  respecte  la  Constitu- 
tion. 


"   Allons, 
d'au  lies*. 


lioupi    il    est    temps  de  céder  la  place  à 

«  Lae'inciieix,  candidat  à  la  députalion, 
miilheiireuxaux  dernières  élections.» 
[Suivent  d'autres  signatures.) 

/'.  'S'.  —  Au  moment  d'envoyer  la  pétition,  je  la 
décachette  secrètement  pour  ajouter  un  mot  à  l'insu 
de  mes  co-signataires.  .Mon  seul  but  est  de  remplacer 
le  nommé  Landormy,  élu  député  à  mon  préjudice, 
grâce  à  l'intrigue.  J'offre  au  nommé  Landormy  de 
jouer  loyalement  sa  place  avec  moi  au  billard,  en  vingt 
points,  partie  liée;  si  ma  proposition  lui  plaît,  je  re- 
nonce à  demander  la  dissolution  de  l'.Xssemblée,  et  je 
supprime  ma  pétition.  Fichez-la  au  feu,  je  vous  y  au- 


Modèle  de  pétition  facétieuse  et  conforme  au  caractère 
français. 

«  Citoyens  représentants, 

((  Hé,  hé,  auriez-vous  l'intention  de  vous  éterniser, 
par  hasard?  La  charge  serait  bonne. 

«  Il  n'y  a  rien  d'éternel  sur  la  terre;  les  académiciens 
eux-mêmes  décèdent  après  un  certain  temps  d'exer- 
cice, quoiqu'ils  s'intitulent  immortels. 

«  Prétendricz-vous  être  plus  immortels  que  des  aca- 
démiciens? Hi,  hi,  hi!  Le  pays  s'en  lient  les  côtes. 

Il  est  temps  de  décamper.  Vos  banquettes  ont  besoin 
d'être  rembourrées,  vos  lois  ont  de  la  barbe  et  nous 
avons  ici  le  petit  Cabassol,  qui  ne  cesse  de  faire  des  épi- 
grammes  sur  votre  compte,  .\llons,  vieux,  il  faut  par- 
tir; hi,  hi,  hi,  allons-nous  rire! 

"  Etdrln,drin,  drin,  millecompliments.  Olié,  là-bas, 
vous  autres,  venez  signer  la  pétition.  »  (Suivent  les 
signatures.) 

Pétition  grand  style,  rédigée  par  un  tragique  de  sous- 
préfecture. 

«  Citoyens  représentants, 

M  Lorsque  les  Titans,  fils  de  Titan  et  neveux  de  Sa- 
turne, croyant  avoir  des  droits  à  faire  valoir,  entas- 
sèrent plusieurs  montagnes  les  unes  sur  les  autres  pour 
escalader  le  ciel  et  en  chasser  Jupiter,  ce  dieu,  armé  du 
tonnerre,  les  foudroya  et  les  écrasa  sous  ces  mêmes 
montagnes. 

(I  Lorsque  les  Gaulois,  nos  ancêtres,  sous  la  conduite 
de  Brennus,  envahirent  le  sénat  romain,  la  noble  atti- 
tude des  sénateurs  assis  sur  leurs  chaises  curules  im- 
posa un  moment  de  respect  à  ces  barbares. 

«  Ainsi  l'Assemblée  nationale  brave  ses  ennemis  par 
sa  majesté  et  son  courage. 


I5.i 


REVUE  COMIQUE 


«Loin de  nous  la  pi-aentiond'iniiler  les  Gaulois  sau- 
vages cl  les  Titans  orgueilleux  !  Cependant,  il^  est  des 
bornes  à  tout,  nièuic  à  la  suprême  puissance  d'une  as- 
semblée qui...  d'une  assemblée  que...  etc.,  etc.,  etc.  « 
(Suivent  les  signatures.) 

rsous  voudrions  pouvoir  multiplier  les  modèles  de 


pétitions  ;  on  ne  les  variera  jamais  trop,  pour  satisfaire 
à  tous  les  goûts,  car  il  s'agit  de  réunir  trois  millions 
cinq  cent  mille  et  une  signatures,  ne  l'oublions  pas. 
Trois  millions  cinq  cent  mille  et  une  !  Qu'on  se  le  dise  ! 
Allons,  messieurs  et  mesdames,  avancez,  suivez  la 
foule;  trois  millions,  ce  n'est  pas  assez;  prenez  vos 
billets,  du  courage  à  l'écriloirc! 


LES  DÉNÉGATIONS. 


l/autre  jour,  un  philosopbe  sceptique,  qui  tient  à 
éclaircir  à  fond  toutes  les  situations,  entreprit  une  pe- 
tite tournée  inqnisitoriale. 

11  entra  d'abord  cbcz  son  voisin  le  droguiste,  qui 
s'était  signalé  avant  le  10  décembre  par  un  bonapar- 
tisme exagéré. 

a  Eh  bien,  voisin,  comment  vont  les  affaires?  » 

Le  droguiste  ne  répondit  que  par  un  grognement 
inarticulé. 

«  Vous  devez  être  au  comble  de  vos  vœux  ;  vous 
avez  enfin  un  gouvernement  de  votre  choix,  car  vous 
avez  voté  pour  Louis-Napoléon. 

—  Moi!  s'écria  le  droguiste,  j'ai  voté  pour  Louis- 
Napoléon?  Allons  donc;  tout  le  monde  sait  que  j'étais 
pour  Cavaignac. 

_  Je  ne  savais  pas  ça,  »  dit  le  philosophe,  et  il 
s'éloigna  tout  rêveur. 

11  alla  voir  un  ancien  oflicier  retraité  dont  les  sym- 


pathies impériales  lui  étaient  depuis  longtemps  con- 
nues. 

a  Eh  bien,  capitaine,  lui  dit-il,  que  pensez-vous  de 

votre  élu? 

Qu'appclez-vous  mon  élu?  dit  l'officier. 

—  Mais...  Louis-Napoléon. 

—  Je  n'ai  point  voté  pour  lui  ;  j'ai  autant  d'indiffé- 
rente pour  le  neveu  que  de  vénération  pour  l'oncle. 

Ou  ni'avait  pourtant  assuré... 

—  On  vous  a  trompé.  Tout  le  monde  sait  que  je  me 
suis  abstenu.  » 

Le  philosophe  sortit  en  réfléchissant  profondément. 
11  continua  son  enquête  et  découvrit,  à  sa  grande  sur- 
prise, que  personne  n'avait  voté  pour  Louis-Napoléon. 
Ceux  qu'il  interrogeait  prétendaient  avoir  donné  leur 
voix  à  Cavaignac,  à  Lamartine,  à  Ledru-Rollin,  à  Ras- 
pail,  à  Battur,  au  docteur  Watbled,  à  Abd-el-Kader; 
mais  quand  on   leur   parlait  de  Bonaparte,  les  uns 


Le»  ral-Thier»,  ou  les  amis  complaisants. 


A  i/iîSACK  i)i:s  <;i:ns  sr.iui:i!X. 


155 


niaient  l'avoir  apiuiyû,  les  autres  garduioiil  le  silence; 
d'autres  réiniiidiiient  par  des  circonlocutions  tWasivcs. 
I.e  |)hilosoplie  s'ent'on(;a  de  plus  en  plus  dans  la  mé- 
ditation; en  niarcliant  t(5te  baissée,  il  se  heurta  contre 
un  de  ses  amis  ([u'il  n'avait  pas  vu  depuis  plusieurs 
mois,  le  célèbre  avocat  Bretaudier.  Des  projets  de  ma- 
riage avaient  enlevé  ce  jeune  homme  à  sa  société  ac- 
coutumée. Il  avait  assidûment  courtisé  une  demoi- 
selle, qui  lui  était  signalée  comme  imissant  à  ses  qua- 
lités personnelles  les  avantages  de  la  fortune.  Désabusé, 
après  un  plus  ample  examen,  Rrelaudier  venait  de 
reprendre  le  cours  de  ses  hubiludes,  et  il   promit  au 


l)hilusoplii'  de  le  voir  régulièrement. 

«  Tu  ne  songes  donc  plus  à  é|)ouser  mademoiselle 
J'*'?  dit  le  |)hilusophe. 

—  Moi!  s'écria  Bretaudier  avec  indignation  ;  mais 
je  n'y  ai  jamais  songé  !  Qui  donc  a  pu  faire  courir  ce 
bruit  calomnieux  ?  » 

F,t  il  entama  une  longue  dissertation  |)oiii-  ilémon- 
trer  ipi'il  était  loin  d'avoir  eu  les  pidjels  (pi'on  lui 
supposait. 

Mais  le  philosoplie  l'interrompit,  et  dit  en  se  frap- 
pant le  front  :  «  Merci!  je  tiens  le  mot  de  mon 
éiULMue. 


LES  RETOURS  DE  SIBÉRIE. 


Seigneur,  vous  voyez  en  moi  un  homme  qui  arrive 
du  fond  de  la  Sibérie.  Transpercé  par  la  lance  d'un 
Cosaque,  je  fus  laissé  pour  mort  sur  les  bords  glacés 
de  la  Bérésina;  plus  tard,  le  froid  me  rappela  à  la  vie. 
Vous  conterai-je  ma  lamentable  histoire?  Conduit 
dans  les  déserts  les  plus  allVeux  par  ces  hordes  barba- 
res, j'ai  passé  trente  ans  de  ma  vie  dans  les  entrailles 
de  la  terre.  Moi,  un  colonel  de  la  grande  arméi  !  En- 
fin j'échappe  aux  sicaires  ;  je  traversai  rAllemaguc 
nus-pieds,  —  oui,  seigneur,  nus-pieds,  —  moi,  un 
ancien  colonel!  Il  ne  me  restait  plus  que  mes  épaulettes 
que  je  portais  sur  mon  cœur.  J'arrive  à  Paris,  je  cours 
au  palais,  a  Oii  est  mon  empereur?  criai-jc;  c'est 
moi  qui  suis  son  colonel  Chabert.  Hélas  !  excusez  ma 


douleur  ;  je  sens  les  larmes  couler  de  mes  yeux  à 
ce  triste  souvenir.  Le  petit  caporal  !  ah  !  qu'avaient-ils 
fait  de  mon  petit  caporal'?  Suffit.  L'heure  de  la  ven- 
geance va  bientôt  sonner,  ,1e  reprends  le  cours  de  mon 
récit.  Privé  de  la  vue  du  grand  homme,  je  songe  à  ma 
femme.  Oh!  Evelina,  me  disais-je,  tu  panseias  les 
blessures  que  la  captivité  a  faites  à  ton  époux.  Je  n'é- 
tais seulement  pas  rasé,  seigneur.  Je  me  présente 
comme  un  pauvre  au  domicile  conjugal.  Evelina  avait 
vieilli.  Qu'importe?  Je  suis  Chabert!  m'écriai-je.  — 
Qu'on  donne  50  centimes  à  cet  liomme.  répond  mon 
épouse.  50  centimes  à  moi,  Chabert  !  Elle  était  rema- 
riée. Vous  connaissez  cette  histoire  tragique  ;  on  a  fait 
un  vaudeville  avec.  Je  ne  vous  en  dirai  pas  davantage. 


LECTURE  DE  t.K  PATRIE.   EDITION  TOPULAIRE  A  IN    SOU. 


1.  Nous  sommes  informés  que  les  dîner?,  Ktes  et  réceptions  à  l'Elysée  national  commenceront  la  semaine  prochaine. 
D'après  les  renseignements  que  noua  venons  de  nous  procurer,  les  réceptions  du  soir  auront  lieu  les  mardi  et  jeudi  de 
chaque  semaine.  Les  jeudis  seront  plus  spécialement  consacrés  aux  ministres,  aux  membres  du  corps  diplomatique  et 
aux  représentants,  qui  tous  seront  reçus  sans  invitation.  Mais,  vu  l'exigmté  des  salons  de  TElysée,  les  autres  per- 
sonnes ne  pourront  être  reçues  qu'avec  une  invitation  »  (Patrie  du  8  avril.) 


IS6 


REVUE  COMIQUE. 


Mais  permettez-moi  de  vous  faire  connaître  le  secret 
de  ma  vie  privée.  Obligé  de  changer  de  nom  par  suite 
de  persécutions  nombreuses,  je  me  suis  fait  apprécier 
dans  l'industrie,  sous  le  pseudonyme  de  Lamadou  ;  j'ai 
obtenu  quelques  succès  dans  les  primes  ;  j'ai  beaucoup 
souffert  ;  l'expérience  des  hommes  et  des  affaires  de 
bourse  m'est  acquise.  Le  courtier  marron  renferme 
toujours  un  cœur  de  vieux  soldat.  Rien  ne  m'arrête  ; 
je  renonce  à  ma  profession,  puisque  le  neveu  de  mon 
empereur  remonte  sur  le  trône  de  ses  pères  !  me  voilà  ; 
je  ne  suis  plus  Lamadou,  seigneur;  voyez  en  moi  le  vé- 
ritable Cliabert  !  Propre  à  tout,  je  ne  redemande  pas 
mon  grade;  il  me  suffira  d'obtenir  une  place  de  con- 
cierge ou  un  bureau  de  tabac,  à  moins  que  vous  ne 
préfériez  ni'accordcr  un  modeste  secours  en  argent  ;  je 
l'accepterais  pour  la  mémoire  de  mon  empereur. 

—  Monsieur,  répondit  le  secrétaire  des  commande- 
ments, votre  histoire  est  fort  attendrissante,  et  nous 
honorons  en  vous  les  restes  d'un  brave  ;  mais  nous  n'a- 
vons pas  cessé  un  instant  depuis  ce  matin  de  recevoir 
des  Chabert  ;  le  prince  commence  à  en  èlre  importuné. 

—  Si  c'est  ainsi  qu'on  accueille  les  vieux  de  la  vieille, 
riposta  Lamadou,  je  préfère  retourner  dans  les  entrail- 
les de  la  Sibérie. 

Et  Lamadou  découragé  dirigea  imédiatement  ses  pas 
vers  un  endroit  éloigné  du  boulevard,  où  il  console  sa 
douleur  et  cache  son  ancien  grade  en  exerçant  le  com- 
merce modeste  de  marchand  de  contre-marques. 

A  peine  Lamadou  élait-il  parti,  que  deux  autres 
braves  se  présentèrent.  L'un  d'eux  est  connu  sous  le 
nom  de  Bonnelier,  et  l'autre  sous  celui  de  Dumoulin. 
Le  nommé  Bonnelier  élait  revêtu  d'un  uniforme  de 
garde  national,  sous  lequel  il  vit  depuis  le  26  février, 
afin  de  payer  demi-place  partout,  en  qualité  de  mili- 
taire. Quant  au  nommé  Dumoulin,  il  était  habillé 
principalement  avec  un  gourdin,  sous  lequel  il  por- 
tait une  polonaise  à  brandebourgs. 

—  Messieurs,  qu'y  a-t-il  pour  votre  service?  deman- 
da le  secrétaire  des  commandements. 

—  Cré  mille  millions  de  tonnerres,  mon  petit  chou, 
répondit  le  Dumoulin,  est-ce  que  vous  ne  reconnaissez 
pas  les  anciens?  Assez  d'autres  se  sont  emparés  de  nos 
titres;  vous  voyez  en  nous  les  véritables  Chabert  !  les 
seuls!  des  Cliabert  avant  la  lettre,  mon  petit  monsieur. 
Quant  à  moi,  mon  histoire  est  connue.  Dirai-jc  que  je 
m'appelais  Lindor?  Non,  j'étais  marchand  de  bonnets 
de  coton.  Je  déposai  mon  fonds  aux  pieds  du  petit  ca- 
poral ;  il  en  prit  une  mèche,  et  me  la  posant  à  la  bou- 
tonnière, me  dispensa  des  autres  grades.  C'est  ainsi  que 
je  devins  colonel.  On  n'a  jamais  voulu  me  rendre  le 
brevet.  Qu'importe?  Ne  suis-je  pas  autorisé  à  dire  que 
je  l'ai  perdu  sur  le  champ  de  bataille.  .\ujourd'hui, 
seigneur,  je  viens  déposer  à  vos  pieds  mes  justes  récla- 
mations avec  toute  la  fougue  de  mon  caractère.  J'ai 
apporté  avec  moi  un  autre  colonel  pour  me  servir  de 
jémoin.   Saluez,  colonel   Bonnelier,   saluez   humble- 


ment. Vous  voyez ,  jeune  homme ,  que  mon  frère 
d'armes  est  dans  une  tenue  respectable  et  propre  à  être 
admise  dans  toutes  les  sociétés;  saluez,  colonel  Bon- 
nelier (Bonnelier  salue).  J'achève  mon  récit.  Ma  seule 
ambition  est  de  servir  le  neveu  de  mon  petit  caporal 
et  d'obtenir  la  permission  de  reprendre  mes  épaulettes 
dans  les  cérémonies.  Croiriez-vous  bien,  jeune  homme, 
que  le  préfet  de  police  m'a  fait  signifier  de  ne  pomt 
porter  en  public  les  épaulettes  de  mon  grade.  Voilà  ce 
que  c'est  que  d'avoir  choisi  un  ancien  gendarme.  Ces 
hommes-là  ne  respectent  rien.  Car  enfin,  suis-je  un 
Chabert,  oui  ou  non?  Je  vous  le  demande,  est-ce  que 
les  Chabert  n'étaient  pas  tous  colonels?  S'ils  étaient 
colonels,  pourquoi  serais-je  un  marchand  de  bonnets  de 
colon  de  Grenoble.  Mon  dévouement  est  assez  connu 
pour  qu'on  n'exige  pas  de  brevet;  d'ailleurs  je  l'ai 
laissé  en  Sibérie.  Parole  d'honneur!  demandez-le  plu- 
tôt au  colonel  Bonnelier.  N'est-il  pas  vrai,  colonel, 
qu'il  est  là-bas  qui  dort  sous  la  neige? 

—  Ils  dorment  fous:  ne  les  réveillons  pas  !  répondit 
avec  mélancolie  le  colonel  Bonnelier.  Vous  venez  d'en- 
tendre, ajouta- t-il,  la  parole  un  peu  crâne  de  mon 
ami.  Nous  nous  sommes  connus  à  l'incendie  de  Mos- 
cou ;  il  est  resté  fort  échauffé  depuis  ce  temps-là. 
Quant  à  moi,  monsieur  le  sccréfaire,  je  suis  devenu 
professeur  de  déclamation,  sous-préfet  de  Joigny,  où 
j'eus  l'honneur  de  célébrer  la  messe  ;  puis  acteur  dra- 
matique, honoré  des  faveurs  de  M.  Guizot  et  de  quel- 
ques autres  ministres  avec  lesquels  j'avais  combattu  à 
Waterloo.  —  La  garde  meurt  et  ne  se  rend  pas.  — 
J'enfendis  ce  mot  sublime  de  derrière  une  haie,  et  je 
me  rendis  immédiatement....  dans  tous  les  endroits  où 
l'on  pouvait  obtenir  quelques  encouragements,  se- 
cours, ou  pièces  de  cent  sous  attribuées  aux  beaux-arts 
et  aux  colonels  littéraires,  réduits  à  la  mendicité.  Voilà 
mes  titres!  De  plus,  monsieur,  j'ai  la  parole  facile,  la 
transpiration  abondante  ;  et  les  gens  qui  ne  me  con- 
naissent pas,  peuvent  croire,  à  mon  tremblement  ner- 
veux, que  j'ai  de  l'émotion  et  quelque  sensibilité.  — 
De  plus,  ami  du  poète  Lamartine.  —  C'est  en  Sibérie 
que  nous  nous  rencontrâmes.  Dans  l'un  de  ses  voya- 
ges, il  apprit  que  j'étais  au  fond  d'une  mine,  et  il  vint 
m'y  rendre  visite.  Que  vous  dirais-je  encore?  La  ma- 
nière dont  j'ai  joué  le  rôle  d'Orosinane  me  rend  propre 
à  toutes  les  fonctions  qui  exigent  de  la  noblesse.  Ma 
fermeté  de  caractère  est  clairement  démontrée  par 
l'habit  de  garde  national  que  je  ne  quitte  pas  depuis 
dix  mois.  Mais  cet  uniforme  commence  à  èlre  un  peu 
usé  :  il  est  impossible  que  le  neveu  de  mou  empereur 
laisse  un  de  ses  Chabert  exposé  à  l'intempérie  des  sai- 
sons. —  Je  suis  un  homme  d'esprit  et  de  cœur  ;  marié, 
père  de  famille;  oui,  monsieur.  Aussi  n'est-ce  pas  en 
mon  nom  que  je  réclame,  c'est  en  faveur  de  mesdemoi- 
selles Chabert.  Quant  à  moi,  mon  éloquence  me  suffi- 
rait pour  me  tenir  au-dessus  du  besoin  ;  je  déclame  en 
ville,  en  public  et  à  domicile;  et  mon  uniforme  me 


A  LUSAGR  DES  GKNS  SfiRIKUX. 


i57 


donne  accès  partout.  Allons,  monsieur  le  wcrdtaire,  la 
main  à  la  poilio  :  fuites  (|uel(]ue  chose  pour  un  pnuvre 
aveugle;  j'olFie  do  céder  mes  épaulettes  et  mnii  bre- 
vet de  (.'(iltmel  au  bravo  Dniiiouliu  ;  je  ne  demande 
qu'un  enipliii  honorable  et  lucratif,  secret,  si  l'on  veut, 
mais  avec  beaucoup  de  praliticatinns. 

—  Messieurs  les  colonels,  répcindil  le  secrclaire  des 
comniandetuents,  vous  me  seniblez  elTecliveinent  re- 
venir de  Sibérie;  et  il  serait  diflicile  de  ne  point  faire 
quelque  chose  pour  vous.  Je  vous  autorise  donc  à  re- 
vêtir des  costumes  de  fantaisie,  et  à  vous  môler  au  cor- 
tëge  les  jours  de  grande  revue.  Si  M.  le  préfet  Rebil- 
lot, homme  fort  rigide  sur  les  questions  d'unifurme, 
vous  demandait  à  quel  corps  vous  appartenez,  répon- 
dez-lui que  vous  êtes  des  colonels  de  carnaval  et  que 
vous  sortez  de  l'élat-majordu  Cirque-Olympicpie.  Etes- 
vous  contents  et  satisfaits,  messieurs  les  Cbaberis? 

—  Pardon,  excuse,  monsieur,   répliqua  Bonnelier; 


oserais-je  vous  prier  de  mettre  le  comble  à  vos  bien- 
faits en  m'accordant  une  avance  de  cin(|  francs;  caries 
Cosaques  m'ont  tout  enlevé,  il  ne  me  reste  plus  que  mes 
talents,  et  Babin  exige  qu'on  paye  lu  location  d'avance. 

—  Acce|)lez  ces  deux  francs  cimpiante  lit  le  secré- 
taire des  conmiandemenls,  il  nous  est  impossible  de 
faire  davantage  ;  quant  i  vous,  Dumoulin. ... 

—  Quant  ù  moi,  s'écria  fièrement  Dumoulin,  tan- 
dis que  Bonnelier  tendait  la  main,  quanti  moi  j'ai  le 
costume,  il  ne  me  manque  qu  e  le  brevet  ! 


Extrait  du  compte-rendu  officiel  de  la  grande  revue, 
publié  par  l'Événement,  la  Liberté,  et  autres  Journaux 
officieux. 

«  On  remarquait  dans  le  cortège,  le  colonel  Dumou- 
lin, et  M.  Bonnelier,  tous  les  deux  achevai,  et  parmi 
les  personnes  les  plusraïqMocliées  du  président.  » 


GIRAHDI.NADE  TARTUFÉE. 


0  Ce  n'est  [las  nous,  dit  M.  de  (jirardlii,  qui  iiuns 
«  opposerons  à  la  retraite  d'une  Assemblée  élue  sous  le 
«  coup  de  Vintimidation,  de  la  fraude  et  d^a  violence. 

«  Quand  nous  abordons  la  question  de  la  retraite  de 
«  l'Assemblée  nationale,  nous  l'abordons,  on  le  voit, 
«  sans  illusion  comme  sans  ^;«Sô'/o(i. 

0  En  effet,  jusqu'à  ce  jour,  nous  nous  sommes  étroi- 

«  tement  bornés  à  recueillir  dans  les  journaux  des  dé- 

«  parlements  la  pensée  des  électeurs  (c'est-à-dire  toutes 

les  injures  à  son  adresse.) 

«  Nous  entendons  formeHement  nous  abstenir  de  toute 


«  msistance  qui  pourrait  dégénérer  en  une  sorte  d'agita- 
«  tion  politique  aboutissant  à  une  contrainte  morale. 

«  Ce  que  d'autres  ont  essayé  le  15  mai  par  la  pres- 
«  sion  de  la  force  ,  nous  ne  voulons  pas  le  tenter 
«  par  la  pression  de  la  presse.  Nous  ne  voulons  pus 
«  imiter  ce  que  nous  avons  blâmé. 

Un  petit  conseil  en  terminant.  «  Le  pouvoir  exé- 
«  cutif  n'aurait  qu'à  s'abstenir  strictement  de  présenter 
«  à  l'Assemblée  aucun  projet  de  loi  et  de  prendre  au- 
((  cune  part  à  ses  travaux.  » 

(Presse  (lu  10  janvier  48-19.) 


CHOSES  QUELCONQUES. 


LE    KOl    DIT    A     LA    REINE,     LA    REINE    IIIT    AU   KOl. 

Le  dialogue  de  la  Presse  avec  la  Liberté  |)eut  rem- 
placer le  défunt  dialogue  que  nous  venons  de  citer.  11 
faut  à  la  Presse  un  interlocuteur  comme  il  faut  à  cer- 
tains marchands  de  chaînes  de  sûreté  un  compèie ;  les 
innocents  de  l'Evénement  avaient  accepté  ce  rôle  avec 
enthousiasme,  comment  se  fait-il  que  les  vieux  pour- 
voyeurs de  la  Liberté  aient  disputé  à  ces  aimables  no- 
vices ce  beau  rôle  ? 

Infortuné  Emile  !  il  ne  manquait  rien  à  ta  gloire 
qu'un  donneur  de  réplique,  tu  l'as  trouvé  dans  le  vé- 
nérable Lepoitevin  Saint-.\lme.  Que  penses-tu  de  ton 
bonheur? 

—  Parmi  les  idées  saugrenues  qu'un  bourgeois  peut 
avoir,  il  faut  compter  celle  qu'a  eue  M.  Véron  de  vou- 
loir être  non  pas  directeur,  fi  donc!  mais  ministre  des 


beaux-arts.  —  Oui  M.  Ingres,  oui  M.  Delacroix,  oui 
M.  .Meissonnier,  et  vous  tous  Decamp,  Johannot,  Pra- 
dier,  etc.,  vous  l'avez  échappé  belle;  —  si  on  avait 
consenti  à  créer  un  ministère  nouveau,  tout  exprès 
pour  lui,  vous  auriez  relevé  de  M.  Véron. 

—  Grand  papa,  disait  hier  un  enfant  terrible  à  un 
vieux  général  de  l'Empire,  en  voyant  servir  un  superbe 
gâteau  des  rois,  il  ne  faut  plus  dire  :  le  roi  boit,  à  pré- 
sent, mais  le  président  boit;  maman  l'a  dit;....  il  boit 
donc,  M.  le  président? 

— n  Le  président  de  la  République  sort  tous  les  jours  à 
cheval  une  heure,  et  même  une  heure  et  demie,  quel- 
que temps  qu'il  fasse.  »  Le  Constitutionnel  le  dit, 
le  Constitutionnel  en  est  tout  lier,  et  il  a  bien  raison. 
Cela  signifie ,  en  effet,  que  M.  Louis  Bonaparte  n'a 
pas  peur  de  la  pluie  ;  qu'il  ne  distingue  pas  le  beau 


REVUE  COMIQUE. 


1d8 

"temps  du  niauva.s;  que   c'est    enfin  un  dur  à  cuire, 
un  vieux  de  la  vieille,  sans  doute,  etc. 

Ah  '  si  M.  Bonaparte  avait  une  bonne  nispnation, 
quelle  leçon  il  donnerait  à  ces  amis  adroits  à  qui  il  ne 
manque  que  deux  pattes  pour  être  les  égaux  de  1  ours  de 
La  Fonlame.  Ne  peut-on  louer  moins  -  sottement  -  le 
chef  d'un  pays  comme  la  France?  Veut-on  nous  faire 
croire  qu'il  n'y  a  à  louer  en  lu.  que  son  courage  contre 
la  pluie,  et  que  son  amour  pour  réquilatiou? 

_  Que  pensez-vous  de  la  République?  avez-vcus 
confiance  dans  sa  durée?  disaient  à  un  républicain  un 
légitimiste,  un  orléaniste  et  un  impérialiste. 

"—  Je  crois,  répondit  le  républicain,  que  la  Républi- 
que est  indestructible  ;  —  et  ma  raison,  la  voici  : 

Elle  a  trois  ennemis  qui  ne  s'entendront  jamais  ; 
Vous  en  savez  quelque  chose.  Son  salut  est  dans  ce 
fait  qu'il  n'est  aucun  de  vous  qui  consente  à  travailler 
de  bonne  fci  pour  les  deux  autres.  D'accord  la  veille, 
vous  vous  combattrez  toujours  le  lendemain,  et  tou- 
jours à  son  profit.  —  La  nation  ne  tardera  pas  à  faire 
cette  remarque,  qui  est  bien  simple,  et  alors  elle  vous 
mettra  d'accord  en  vous  renvoyant  tous  dos  à  dos. 

_  Le  président  de  la  République  a  donné  à  diner, 
il  y  a  quelques  jours,  à  M.  de  Girardin  et  à  madame 
de  Girardin.  Les  convives  étaient  naturellement  peu 
nombreux  ;  le  jeune  M.  Hugo,  fils  du  poète  de  ce  nom, 
était,  dit-on,  du  petit  nombre  des  invités.  —  On  as- 
sure' qu'après  le  diner,  M.  le  président  de  la  Républi- 
que daigna  s'entretenir  fort  longuement  avec  ce  jeune 
homme,  et  qu'il  lui  aurait  dit,  en  parlant  de  M.  Odi- 
lon,  président  du  conseil  de  son  ministère  :  —  M.  Bar- 
rot' est  un  fort  honorable  homme  ,  d'un  grand  talent, 
mais  je  commence  à  craindre  que  ce  ne  soit  pas  un 
homme  pratique. 


Quelques  amis  du  président  de  la  République  pen- 
saient que  cette  confidence  était  bien  grave  et  bien  peu 
pratique  elle-même  pour  être  confiée  à  une  si  jeune 
oreille. 

M.  Louis  Bonaparte  a  écrit  à  M.  de  Malleville  une 

lettre  dont  le  fond  et  la  forme  sont  également  re- 
■rretlables.  La  publication  de  cette  lettre  a  été  tout  à 
fait  fâcheuse  pour  le  président  de  la  République. 

Vous  croyez  peut-être  que  les  journaux  amis  de 
M.  Bonaparte  se  sont  fait  un  devoir  de  ne  point  citer 
une  pièce  aussi  défavorable  à  sa  personne.  Point.  — 
Ils  s'en  sont  tous  les  premiers  emparés. 

M.  Bonaparte  a  pu  apprendre  ce  jour-là,  s'il  l'igno- 
rait, qu'il  y  a  des  journalistes  qui  sacrifient  tout  au 
besoin  de  faire  un  journal  amusant,  et  qu'il  en  est  qui 
publieraient  le  déshonneur  de  leur  père  ou  de  leur 
mère,  pour  n'être  pas  en  retard  de  scandale  et  de  cu- 
riosité avec  leurs  confrères. 

—  Il  y  a  des  journaux  innocents.  De  ce  nombre  sont 
l'Événement,  le  Pays,  etc.,  etc.  ; 

Des  journaux  spéciaux  qu'on  ne  lit  pas,  l'Ere  nou- 
velle, l'Opinion  publique,  ela-ulres 

Puis  des  journaux  qu'on  Ut,  qu'on  achète,  et  qui 
cependant^'existent  pas  même  pour  ceux  qui  les  li- 
sent, parce  qu'ils  n'ont  aucune  autorité  morale  ;  de  ce 
nombre  sont  l'Assemblée  nationale,  la  Liberté,  etc. 

Par  le  fait,  l'opinion  tout  entière  appartient  en- 
core aux  cinq  ou  six  journaux  qui  existaient  avant  Fé- 
vrier. De  tous  ceux  qui  ont  été  créés  depuis,  aucun  n'a 
pris  une  place  définitive  et  ne  s'est  classé  de  façon  à 
avoir  une  infiuence  appréciable. 

Et  pourtant,  le  besoin  de  journaux  nouveaux  ré- 
pondant à  ce  que  la  situation  a  de  véritablement  nou- 
veau, est  évident. 


A  1. 1  SACM  Di.s  (;i:.\s  si:i>,ii  I  x. 


ILQ 


MIOCCTION  iriN  COIimiF.U  r.l'lArnONNAlHK. 


(INTBII    l'uOl  l.A.) 


Air  :  I/ommes  noirs,  d'où  torteS'Vn 


Ciim.iraile?,  conimençoiis 
Une  grave  conlt'renc«  ! 
Je  sais  qu'au  vin,  aux  chansons, 
Vous  donnez  la  préférence; 
Mais  vous  i^les  en  ce  inornenl, 
Tous  les  élecleurs  du  tlepai  lemenl. 
Pour  réffler  le  son  de  la  France, 
TAcliez,  s'il  se  poul,  de  n'iHre  pas  gris.  ' 

Signez,  mes  amis!     {Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 

Pour  obtenir  le  congé 
D'une  assemblée  insolente. 
Avec  art  j'ai  rédit,'é 
Une  requête  excellente. 
Aux  journaux  elle  parviendra. 
Monsieur  Girardin  la  commentera. 

Sous  le  numéro  mil  cinquante 
Dans  les  faits  divers  nous  serons  inscrits. 

Signez,  mes  amis.'    {Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 

Chassons  des  représenlanls 

l'n  peu  trop  démocratiques; 

Que  la  Ch^imbre,  à  deux  ballants, 

S'ouvre  à  d'autres  politiques. 

Qu'on  y  place  de  vieux  barbons 

Revenus  jadis  avec  les  Bourbons. 

Partisans  des  lois  despotiques, 

Les  jésuites  môme  y  seront  admis. 

Signez,  mes  amis  !     [bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vcea  du  pays. 


Vous  voyez  vos  député» 
Incliner  vers  la  Montagne. 
Aux  dé-crels  qu'ils  oui  volés 
Nous  perdons  ;  le  pauvre  gagne. 
Déjà  le  i-el  est  dégrevé. 
L'impôt  sur  le  luxe  est  par  eux  rêvé. 

Pour  plaire  anx  gens  de  la  campagne, 
Ils  aboliraient  les  Droits-Kéuuis. 
Sit;nez,  mes  amis  !    {  Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 

Vraiment,  ces  premiers  sujets 
Trop  longlemps  gardent  leurs  rôles  ; 
Hostiles  à  nos  projets, 
Ils  pèsent  sur  nos  épaules. 
Dés  qu'ils  auront  tourné  le  do>. 
Mêlions  en  avant  le  duc  de  Bordeaux; 

Enterrons  le  vieux  coq  des  Gaules, 
El  sur  son  tombeau  replantons  les  lis. 

Signez,  mes  amis.'    (Bis) 
Nous  dirons  que  c'est  le  vueu  du  pays. 

On  assure  qu'avant  peu, 
Parn  tre  conduite  oblique, 
Nous  allons  lout  mettre  en  feu. 
Kl  troubler  la  paix  publique. 
Pourvu  que  nous  réussissions. 
Que  nous  font  à  nous  les  dissensions? 

Il  faut  tuer  la  République  ! 
Après  la  bataille  à  nous  les  débris! 

Signez,  mes  amis!    (Bi'sl 
Nous  dirons  que  c'est  le  vœu  du  pays. 


Un  des  petits  moyens  employés  ..  __ ^.., 

département  de  soixante  mille  âmes. 


ilever  cent  cinquante  signatures  dans  i 


Falloux,  disciple  de  Basile, 

Menace  l'Universilé. 

Aux  jésuites  il  donne  asile, 

Sous  prétexte  de  liberté. 

Il  compte  les  servir,  peut-éire  ; 

Mais  les  destins  sont  !ncon>lanls. 

Comme  le  temps,  c'est  un  [îtand  maître; 

Il  doit  passer  avec  le  temps. 


Dftsiué  par  Fabbitzils. 


Gravé  par  Uaulant. 


Ulil'LtVAnii   IIE4  trALlKNS. 


30  ecutliiicH  la  ll%i'HiHoii. 


-^ ,  ■;  ,,i,i|,ii||ii;|iii.|i|ii|ii|||!L|,|iiJiiiii 


hLE  RltlIKI.IEL',   'J2. 


idltions  de  la  Sonscripiion.  —  La  Revde  comiqie  formera  un  ina<:nifique  volume,  grand  in-8,  publié  en  50  livraisons  à  50  cent.  ; 
irk  poste,  -40  cent.  On  sousi-rit  pour  10  livraisons.  Pour  les  déparlements,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur  de  la 
4viB.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire   {franco)  à  M.  Lirecï,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des  Italiens. 


DUMINERAT.  £DITE17B,  RUE  RICHEIiIEU,  52. 


1 1'^  Liviaiion. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  lA  REVUE  COMIQUE. 


Pour  .vponare  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qu,  rouvaien 
Aul.eux  que,  pour  ne  pas  dé.-ompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  broeber  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d  une  façon 
uniforme  toutes  k^s  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessm  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celle  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  brocbé  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  celte  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
îa  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

U  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dcrn.ère  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détacbé  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  IA  ONZIEME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  -  Un  Ministre  éternel.  -  Les  Mystères  .la  Parti  honnOto.  -  Icarie  (correspondance  part,  cuhere).  -  Réclama- 
tions contre  lesquelles  on  pourra  bien  réclamer.  -  Le  Conservatoire;  premier  Concert.  -  Deux  Utop.es  :  une  Rue  de 
Paris  •  un  Disert  entre  la  Californie  et  le  Texas  ;  un  Quai  .lu  H.vro.  -  Choses  quelconques. 


Dessinateurs, 

Canifomie Nadard. 

Califourchon Xadard. 

Cliangarnier Fabritziu 

Proposition  Raleiu Nadard. 

Un  nouvel  Académicien Nada.d. 

Les   départements  se  lèvent    comme    un  seul 

homme N.-idard. 

Ferm«ntaiion  des  pétrins Bertall. 


Louis. 

Baulant. 

Baulant. 

Baulant. 
Midderigh. 


libnllilion  dfs  b-o-s 

Vue  de  Californie  

IcirieetCaliforniP 

Californie  et  Icarie 

Premier  raout  chei  le  sul'sc  de  l'h'tel  de   la 

présidenre Fabritztus.  GaucliarJ. 

gi.j„jf Fabrilîins.     Leblanc. 


Ii'flfiinttleurs. 

r.ra«e 

iirs. 

B.Tla:l. 

Midd. 

igl. 

l'unrh. 

Baula 

ni. 

Derlall. 

.laliot 

Bertall. 

Ja'iot 

POUR   PARAITRE   DANS   LES  PROCHAINES   LIVRAISONS    : 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTUlUiS 

projets  —  iléccptions  —  espérances  —  Icntalinns  —  travestiss.Miicnts 
hjpocrysies  —  passe- passe—  pirfidics  —  granile  culbute  ilr- 

MOSIEU   RÉAC 

silTP.   DE  cahicatctf.s   par  NAIlMin. 


Para.— Tiré    tin  prewM  ^l*««ni^m•J  île  I.»r»»apic  1,1-  «1  r,.„|..,  nu 


LA   SEMAINE. 


«  Décidément,  dit  la  Semaine,  nous  avons  une  fa- 
mille présidente. 

—  Qu'entenJez-vous  par  là? 

—  Ce  qu'un  entendait  autrefois  par  famille  royale. 

—  Et  où  voit-on  la  famille  présidente? 

—  Partout.  Au  théâtre  d'abord,  oii  elle  occupe  gé- 
néralement les  anciennes .  loges  de  la  cour  ;  dans  le 
inonde,  et,  pas  plus  tard  que  samedi  dernier,  je  l'ai 
admirée  dans  tout  son  éclat  au  bal  du  préfet  de  la 
Seine. 

M.  Murât  (on  dit  le  prince  Murât)  se  présente  le 
premier,  suivi  de  sa  feinme  et  de  sa  fille. 

Entre  ensuite  madame  Demidotî(on  dit  la  princesse 
Matbilde),  suivie  de  ses  nombreux  diamants. 

Puis  viennent  le  général  Jérôme  Bonaparte,  gou- 
verneur des  Invalides  (on  dit  le  roi  de  Westphalic), 
accompagné  de  son  Gis,  M.  Napoléon  Bonaparte. 

Le  colonel  Dumoulin  et  le  commandant  Max  Bon- 
nelier,  ofiiciers  d'ordonnance,  ferment  le  cortège. 

Les  membres  delà  famille  présidente  traversent  le 
salon,  vont  se  grouper  dans  un  endroit  réservé  où  ils 
reçoivent  les  hommages  de  tous  ceux  qui  se  présentent. 
Ce  n'est  pas  tout  à  fait  le  défilé  de  l'ancienne  cour, 
mais  ça  y  ressemble  chaque  jour  davantage. 

Le  quadrille  dans  lequel  doit  figurer  l'un  des  mem- 
bres de  la  famille  présidente  est  composé  depuis  long- 
temps. Tous  les  danseurs  sont  désignés  d'avance.  Tout 
cela  se  fait  encore  mystérieusement  et  sous  len  anteau, 
mais  le  cérémonial  officiel  ne  tardera  pas  à  être  promul- 
gué   Eu  attendant,  pour  justifier  celle  demi  étiquette. 


on  se  rejelfe  sur  le  prétexte  des  solliciteurs.  Danser 
avec  le  premier  venu  !  mais  vous  n'y  songez  pas,  et  les 
solliciteurs  qui  profiteraient  d'une  contredanse  pour 
glisser  leurs  placets  !  Vous  ne  savez  donc  pas  ce  qui  est 
arrivé  à  la  princesse  Malhilde  (prononcez  madame  De- 
midoff)? 

—  Quoi  donc? 

—  Un  monsieur,  au  dernier  bal,  s'est  présenté  à  elle 
en  lui  disant  :  «Madame  n'a-t-elle  plus  de  recette  à 
m'accorder? 

—  Comment?... 

—  Oh!  pardon,  madame,  c'était  une  polka  que  je 
voulais  dire.  » 

Un  autre  l'a  invitée  à  valser  la  prochaine  sous- 
préfecture. 

Voici  les  renseignements  que  la  Semaine  m'a  four- 
nis sur  le  bai  de  M.  Berger.  Cohue.  —  Peu  de  toi- 
lettes élégantes.  —  Des  diamants  eu  quantité.  —  Un 
buffet  trop  vite  dévalisé  et  trop  peu  renouvelé.  —  Des 
habitants  d'Issoire  en  grand  nombre.  —  Issoire  est  la 
patrie  de  M.  Berger.  —  Trois  mille  invités  dans  des  sa- 
lons qui  en  contiennent  à  peine  deux  mille.  —  Trop 
de  Bonapartes  et  d'Auvergnats. 

Il  y  aura,  dit-on,  six  bals  semblables  à  celui-ci  dans 
l'hiver. 

Le  président  n'assistait  point  à  celte  fête.  Lui-même 
recevait  ce  soir-là  après  un  grand  dîner  où  figuraient 
plusieurs  maréchaux,  les  ministres,  le  commandant 
Max  Bonnelier  et  l'ambassadeur  d'Angleterre. 

Le  premier  magistrat  de  la  République  (magistrat, 


162 


REVUE  COMIQUE 


entendez-vous  bien?)  portait  à  sa  réception  son  éternel 
habit  de  général  de  la  garde  nationale.  Celte  ténacité 
à  se  déguiser  en  militaire  a  quelque  chose  de  vraiment 
puéril.  Je  conçois  bien  qu'on  regrette  de  n'être  pas 
général,  de  n'avoir  pas  combattu  quinze  ans  en  Afri- 
que comme  Cavaignac  et  Lamoricière  ;  mais  enlin  il 
faut  se  résigner  à  être  ce  qu'on  est,  c'est-à-dire  un 
penseur  de  l'école  de  M.  Hugo,  un  socialiste  de  la 
veille.  M.  Bonaparte  met  des  épaulettes  pour  avoir 
l'air  militaire;  c'est  comme  si  Cavaignac  publiait  de- 
main un  livre  sur  le  paupérisme,  afin  de  passer  pour 
un  écrivain. 

Puisque  notre  président  lient  tant  à  l'iiabil  mili- 
taire, pourquoi  ne  porle-l-il  pas  celui  de  l'armée  de 
Thurgovie  dans  les  rangs  de  laquelle  il  a  servi  avec  le 
grade  de  capitaine  d'arlillerie? 

J'ai  demandé  à  la  Semaine  ce  qu'elle  m'apprendrait 
de  nouveau  sur  les  Ihéàlres. 

a  D'abord,  m'a-t-cUe  répondu,  la  rentrée  de  ma- 
demoiselle Rachel. 

—  Elle  ne  fait  que  rentrer  depuis  deux  ou  trois  ans. 
Passons. 

—  La  première  représentation  de  Madame  Mur- 
neffe  au  Gymnase.  Grand  succès,  tiré  d'un  roman  de 
M.  de  Balzac,  et  le  Caïd,  à  l'Opéra-Comique. 

—  Ensuite? 


—  La  célébration  du  deux  cent  vingt-septième  an- 
niversaire de  la  naissance  de  Molière  au  Théâtre  Fran- 
çais et  à  l'Odéon. 

—  Après? 

—  La  réception  d'une  comédie  en  deux  actes,  d'Al- 
fred de  Jlusset,  intitulée  la  dernière  Soubrette. 

—  C'est  quelque  chose.  La  pièce  est-elle  en  prose? 

—  Non,  en  vers. 

—  C'est  beaucoup. 

—  Les  Italiens  ont  recommencé  leurs  représenta- 
lions  sous  la  direction  de  llonconi.  Ils  ont  chanté  Ce- 
ntrentola  avec  mademoiselb  Alboni.  La  nouvelle 
troupe  a  un  chanteur  monumental  et  un  banquier  ex- 
cellent. Le  chanteur  s'appelle  Lablache,  et  le  ban- 
quier excellent  Delamarre.  La  nouvelle  administration 
est  donc  solide.  » 

Voilà,  en  somme,  une  semaine  cjui  ne  laisse  pas  que 
d'avoir  été  bien  employée,  surtout  si  l'on  se  souvient 
que  l'Assemblée  nationale  l'a  terminée  en  coupant  court 
aux  espérances  du  grand  parti  modéré,  composé  des 
citoyens  Thiers,  Véron  et  Genoude,  lequel  grand  parti 
se  flattait  du  doux  espoir  de  faire  sortir  un  nouveau 
13  mai  d'une  émeute  de  premiers-Paris. 

J'oubliais  un  roman  de  XL  de  Lamartine,  —  Ra- 
phaël, paru  aujourd'hui. 

A  huitaine  1 


-  lu  m'ont  dit  qae  »as  la  République  oq  ne  faisait  plus  repasser 
le*  couteaux  ;  alors  je  m'en  vas  en  Canitornie,  le  pi>y*  aux 
mines  de  canifs. 


Cliangarnier,  revenu  de  la  rive  afric>iiio, 

A  de  plus  diuix  exploits  exerce  son  talent  ; 

]|  voudrait  voir  finir  l'ère  républicaine, 

Pour  briller  à  la  cour  en  costume  galant. 

Mais  les  eaux  de  senteur,  poudres  et  bergamolles. 

Ne  rendent  pdint  la  vie  à  ses  cliarmes  défunts; 

Et  le  guerrier  coquet,  malgré  tous  ses  |)arruni', 

N'eît  pas  en  bonne  odeur  auprès  des  patriotes 


Dessillé  par  Fabritzius 


Gravé  par  Louis. 


i64 


REVUE  COMIQUE 
UN  MINISTRE  ÉTERNEL 


n 


La  Chambre  aura  beau  faire,  elle  ne  parviendra  pas 
à  renverser  le  ministère. 

M.  Barrol  Ta  dit  formellement:  «Je  ne  m\'n  irai 
pas,  je  ne  veux  pas  m'en  aller;  ce  serait  monstrueux. 
M'en  aller  !  ô  ciel  ! 

Et  pourquoi  ne  vous  en  iriez-vous  pas"?  D'autres 

ministres  sont  bien  partis  avant  vous. 

—  D'autres  ministres  ,  à  la  bonne  heure  ;  mais 
moi  !  c'est  une  idée  qui  ne  peut  trouver  place  dans 
ma  tète,  une  idée  qui  me  confond,  qui  me  bouleverse. 
C'est  la  seconde  fois  que  je  suis  ministre  :  la  première, 
je  ne  l'ai  été  que  vingt-cinq  minutes;  c'était  le  2i  fé- 
vrier; je  n'ai  pas  eu  seulement  le  temps  de  mettre  une 
cravate  blanche  et  de  prendre  possession.  M'en  aller! 
jamais  ! 

Mais  vous  n'avez  que  des  échecs  à  la  Chambre  ! 

—  Des  échecs!  je  ne  sais  pas  ce  que  vous  voulez 
dire  ;  je  ne  veux  pas  vous  comprendre.  Si  l'on  vient 
pour  me  renvoyer,  je  m'accrocherai  aux  meubles,  j'en- 
traînerai les  fauteuils  après  moi,  je  pousserai  des  cris. 

—  Rappelez-vous  le  fiasco  ministériel  sur  la  ques- 
tion du  sel. 

—  11  ne  s'agit  pas  de  sel  ;  il  s'agit  que  je  nuî  jeterai 
par  la  fenêtre  si  l'on  me  pousse  à  bout. 

—  Songez  aux  nominations  des  bureaux  pour  la 
proposition-Râteau. 

—  Je  songe  qu'il  n'est  pas  humainement  possible 
que  je  m'en  aille  :  la  Chambre  le  comprendra,  à  moins 
qu'elle  n'ait  un  cœur  de  tigre.  Je  ne  quitterai  le  mi- 
nistère que  pour  me  retirer  à  la  Trappe. 

—  Un  peu  de  courage,  mon  brave  homme;  élevez 
votre  âme  au  niveau  de  votre  sublime  infortune.  Je 
vous  ai  parlé  tout  à  l'heure  des  ministres  tombés  ;  je 
vais  vous  parler  de  rois  qui  ont  abdiqué  volontaire- 
ment. Voyez  Charles-Quint  renonçant  au  trône  d'Es- 
pagne ;  Abdalonyme  cultivant  son  jardin,  sans  souci 
de  ses  droits  au  trône;  Dioclétien  retiré  à  Salone. 
Imitez  ces  grands  exemples,  Barrot,  et  quittez  de  vous- 
même  un  pouvoir  qui  vous  fuit. 

Si  l'on  continue  de  me  tourmenter  à  ce  sujet,  je 

m'asphyxie  avec  un  boisseau  de  charbon.  » 


11  devient  fort  JifliLile,con)nie  on  voit,  d'avoir  raison 
d'une  telle  résistance,  et  la  Chambre  ne  sait  plus  com- 
ment faire,  puisque  ses  votes  ne  servent  de  rien  ;  c'est 
comme  si  l'on  voulait,  avec  des  bulletins  blancs  ou 
bleus,  faire  sortir  une  tortue  de  sa  carapace,  un  lapin 
de  son  trou. 

On  est  allé  chercher  Samson  ;  ou  lui  a  dit  :  «Vous 
qui  avez  enlevé  les  portes  de  Gaza,  vous  sentez-vous 
capable  d'emporter  Odilon  Barrot  sur  vos  épaules?  » 

Samson,  qui  avait  d'abord  ôlé  sa  veste  et  retroussé 
ses  manches,  a  répondu  après  réflexion  :  —  Décidé- 
ment, je  ne  me  charge  pas  d'une  pareille  entreprise. 
Et  il  a  remis  sa  veste. 

Adressons-nous  à  Hercule,  a  dit  la  Chambre. 
Hercule,  vous  qui  êtes  un  demi-dieu,  qui  avez  tué 
le  sanglier  d'Érynianthe,  vaincu  Gérion,   nettoyé  les 
étables  d'Augias;  vous  qui  portez  une  peau  de  lion  sur 
vos  épaules  et  une  redoutable  massue  à  la  main,  ô 
!.M-and  Hercule,  qui  avez  accompli  douze  travaux  répu- 
tés impossibles,  il  s'agit  d'en  accomplir  un  treizième. 
Vous   chargez-vous  de  terrasser   et   d'enlever  Odilon 
Barrot?  On  vous  construira  un  tjmple,  on  vous  offrira 
une  hécatombe,  et  votre  gloire  sera  célébrée  d'âge  en 
;ige.  Rendez-nous  ce  service,  ô  demi-dieu  ! 
—  Voyons  un  peu,  répond  le  demi-dieu. 
Il  s'approche  couvert  de  la  peau  de  lion,  et  brandis- 
sant sa  massue  ;  mais  à  la  vue  de  Barrot,  qui  s'est  ac- 
croché à  un  meuble  :  «  Par  Jupiter,  dit-il,  comment 
voulez- vous  que  je  vienne  à  bout  de  ce  gaillard?   J'ai- 
merais  autant  forcer  de  nouveau  la  biche  aux  pieds 
d'airain,  ou  dompter  une  seconde  fois  le  taureau   de 
Crète.   Il    m'est  impossible  de  vous  rendre  le  service 
que  vous  me  demandez.    Avez -vous  par  là  quelque 
monstre  marin  qui  désoie  la  contrée?  J'en  fais  mon  af- 
faire; quant  à  cette  espèce  de   Jupiter,  il   n'y  a  pas 
moyen.  Bonsoir,  mon  ami. 

Ainsi  parle  le  demi-dieu,  et  il  s'en  va  comme  s'en 
était  allé  Samson. 

Que  faire?  les  repré,sentanls  sont  consternés.  Après 
Samson  et  Hercule,  il  serait  puéril  d'envoyer  quatre 
hommes  et  un  caporal. 


LES  MYSTÈRES  DU 

Il  s'est  égaré  dernièrement  une  adresse  des  élec- 
teurs duVaucluse  à  leurs  représentants;  la  personne 
qui  l'aurait  trouvée  est  priée  de  la  rapporter  au 
bureau  central  d'où  s'expédient,  dans  le  département, 
les  adresses  et  pétitions  spontanées  contre  l'Assemblée 
nationale 

Ce  bureau,  dont  plusieurs  personnes  niaient  l'exis- 
tence, a  été  fondé  sous  le  patronage  du  Constitutionnel 
et  de  la  Gazette.  H  fournit  le  modèle  de  pétitions 
contre  l'Assemblée,  qui  doivent  se  ccuvrir  de  milliers 


PARTI  HONNÊTE. 

de  signatures  dans  les  départements,  ainsi  qu'il  est 
arrivé  dans  le  Gers  ,  où  la  pétition  a  réuni  quatre  si- 
gnatures (officiel)  ,  et  qui  rappelle  le  mot  célèbre 
d'Odry  dans  Genwih'e  (le  Brabant.  Eu  un  instant,  il 
y  eut  dix  mille  lioinmcs  au  moins  rassemblés  sur  le 

carré. 

«  Dix  mille  hommes!  lui  dit  quelqu'un  ;  c'est  beau- 
coup. 

—  Le  chiffre  est  peut-être  exagéré,  mais  nous  étions 
bien  trois  ou  quatre.  » 


A  i;i'SA(;i',  his  (ii;,\s  ski!Ii;i  x. 


16tt 


Il  l'st  iKiiK-  univi'  iiii  iimIIiciii'  à  te  Imicaii  central, 
sans  pailiT  des  (|iiatie  .sigiialuies  de  la  iiétilioii  du  Ceis, 
qui  |)0UV0iil  iiieti  coinpler  aussi  [iniii-  un  désa^ji-t'inenl. 

I.C  hiireau  avait  expédié  aux  électours  du  Vauelusc 
une  lellre    làiie  à  l'adresse  de  leuis  représentants. 

«  Que  vonlez-vons  i|ue  nous  lassions  de  eclte  lellie? 
avaient  répondu  les  électeurs. 

—  Parbleu!  failes-en  ce  qu'on  l'ait  des  lettres  de  ce 
genre  ;  couvrez-la  de  signatures. 

—  Fort  l)ien  :  lums  allons  la  eiiu\rir  de  signatures. 
El  après? 

—  A|)rès,  vous  l'enverrez  aux  représentants.  Sont- 
ils  donc  bêles,  ces  électeurs! 

—  Merci  ;  c'est  dit,  allons,  couvrons  la  lettre  de  si- 
gnatures! )) 

Les  électeurs  prirent  la  lettre  et  en  allumèrent  leurs 
cigares. 

Cependant  le  bureau  central  faisait  le  calcul  suivant. 
«  Combien  de  signatures  les  liabitants  du  Vauelusc 
peuvent-ils  apposer  par  jour  au  bas  de  la  lettre  à  leurs 
leprésentants?  Ça  n'est  guère  expcditif,  un  habitant  du 
Vauelusc;  (,i  ne  doit  pas  avoir  le  paraphe  facile;  ça 
sait-il  signer  seulement? 

«Je  le  crois  bien!  Le  département  du  Vaucluse 
fournit  au  moins  un  quart  des  gens  de  lettres  néces- 
saires à  la  consommation  annuelle  de  Paris.  Depuis 
Pétrarque,  qui  composa  la  plupart  de  ses  poésies  à 
Avignon,  le  département  n'a  cessé  de  marcher  à  la  tète 
de  la  littérature.  Tous  les  Vauclusiens  sont  poêles  et 
journalistes. 

«  Vous  croyez!  En  ce  cas,  mettons  deux  mille  si- 
gnatures par  jour  ;  en  huit  jours,  nous  en  aurons  seize 
mille  environ,  et  dans  quinze  jours  les  représentants 
du  Vaucluse  auront  reçu  la  lettre  crâne  dont  nous  leur 
avons  fourni  le  modèle,  n 

Le  bureau  prit  patience,  et  l'on  croit  que  c'est  dans 
cet  intervalle  qu'il  eut  l'idée  de  la  pétition  du  Gers, 
qui  devait  se  couvrir  de  quatre  signatures. 


Les  (|uinze  jours  écoulés,  le  bureau  supposa  que  les 
députés  avaient  reçu  la  lettre. 

—  En  èles-vous  bien  sur,  Ijureau  central? lui  dit-on. 

—  Parbleu  !  J'ai  fait  mon  calcul. 

—  Mais  les  représentants  du  Vaucluse  n'en  ont  pas 
s(iurilé  mol. 

—  Ils  s'en  garderont  bien  :  on  ne  se  vante  pas  de 
ces  chosts-là  ;  c'est  pourquoi  je  vais  publier  le  texte  de 
la  lettre  dans  les  journaux  ilu  parti  hnniif'tc. 

—  Prenez  garde,  bureau  ;  celle  polissonnerie  peut 
vous  compromettre. 

—  .\llons  donc  ! 

Les  journaux  in  partUioniwte  publièrent  celle  |iièce 
qui  n'existait  pas,  et  dont  ils  connaissaient  la  source 
fort  peu  loyale.  Mais  voilà  qu'aujoui-d'hui  les  dé|)utés 
du  Vauelusc  écrivent  à  leur  tour  qu'ils  n'ont  jamais  vu 
ni  reçu  cette  prétendue  lettre  couverte  de  signatures. 
Qu'est-elle  devenue? 

Nous  n'avons  ])ourtant  pas  entendu  dire  que  la  mal- 
le-poste ail  été  volée  en  route! 

Voilà  le  rideau  levé  sur  les  mystères  du  jiarti  hon- 
nête. Leparti  honnête  invente  des  pétitions  et  des  let- 
tres impertinentes;  il  envoie  l'agitation  à  domicile  à 
Paris  et  en  province  ;  il  paye  des  émissaires  pour  aller 
recueillir  des  signatures  contre  l'Assemblée,  et  il  ac- 
cepte comme  électeurs-signataires  des  enfants dedix  ans 
(voir  les  correspondances  des  départements)  ;  cl  avec 
tous  ces  moyens,  le  parti  honnête  parvient  à  obtenir 
quatre  signatures  dans  le  Gers,  et  six  mille  trente-deux 
dans  toute  la  France,  ainsi  qu'il  résulte  du  relevé  fait 
dans  les  bureaux  de  la  Chambre. 

C'est  ce  que  les  journaux  appellent  l'immense  ma- 
jorité des  électeurs. 

IN'est-ce  pas  encore  le  parti  honnête  qui  a  invente  la 
ridicule  histoire  du  vol  des  diamants  de  l'Étal  et  qui 
en  a  accusé  un  ministre? 

Si  ce  sont  là  les  honnêtes  gens,  amenez-moi,  je  vous 
prie,  quelques  coquins  ;  j'en  ferai  mes  amis  intimes. 


M.  KATiAi',  ainsi  nommé,  parce  que  sa  ptoposilion  voudrait  faire  place  nette. 


-Vos  litres!.. — Voilà  mon  petit  livre.  —  Non...  vos  parchemin: 
—  Voilà.  —  A  la  bonne  heure  ;  entrez! 


Tous  les  âéparlemenis  se  lèvenl  comme  un  seul  kimme  • 
fez  :  Un  seul  homme  se  lève  comme  tous  les  déparlements. 


ICARIE. 

(CORRESFOMI.V^CE    r.VRTICL'LIF.RE. 


Le  2  de  la  lune  du  mal  de  dents. 

Hou  !  hou  !  liou  !  Frappons-nous  trois  fois  les  cuisses 
et  hurlons  trois  fois.  C'est  la  manière  de  saluer  chez 
nos  voisins  les  Nacogdoches.  Parlez-moi  tie  cette  poli- 
tesse aussi  naïve  qu'économique  !  Dans  notre  barbare 
civilisation,  qui  de  nous,  en  contemplant  l'humiliation 
de  sa  coiffure,  n'a  pas  souvent  murraurij  sur  l'air  des 
coucous  : 

Les  cliapeaux  font  gras, 
Parce  qu'on  n'en  a  guère; 
Les  cliapeaux  sont  graf, 
Parce  qu'on  n'en  a  pas? 

Mais  ici,  sur  ces  bords  aime's  du  Grand-Castor,  sous 
ce  ciel  btini  par  le  grand  Cabet,  plus  de  ces  douleurs 
fili-es  de  .«oie,  plus  de  ces  tristesses  bourrées  de  feutre. 
A  bas  le  bonsoir,  et  bonsoir  au  bonjour  !  On  s'aborde 
naturellement,  à  la  bonne  franquette  ;  comme  les  ours 
fredonnent  et  comme  les  Auvergnats  dansent!  El  youp, 
la  Catarinetta  ! 

Seulement  Catarinetta  se  prononce  Hohkoyhoholmhh. 

Quel  mot  charmant  !  Son  seul  défaut  est  de  con- 
sommer beaucoup  d'H.  Mais  vous  savez  que  c'est  ainsi 
qu'on  est  convenu  d'écrire  toujours  le  sauvage.  Plus  on 
peut  y  fourrer  d'il,  et  plus  on  a  l'air  savant.  C'est  de 
rigueur,  comme  les  K  et  les  V  quand  il  est  question  de 
chinois. 

Si  V0U9  m'en  demandez  la  raison,  vous  m'obligerez 
fort  do  me  la  faire  connaître. 


Après  cela,  pourtant,  si  vous  trouviez  vraiment  trop 
d'H  dans  ce  salut,  parole  d'icarien,  je  n'y  tiens  pas. 

Dans  un  caractère  si  irascible  naguère,  cette  con- 
descendance vous  surprendra  agréablement.  Telle  est 
la  moralité  du  bonheur! 

Mon  Dieu,  oui  !  car,  en  bonne  conscience,  au  sein 
de  vos  cités  corrompues,  dites-moi  quelle  âme  géné- 
reuse ne  se  révolterait  pas?  quel  cœur  indépendant  et 
sensible  ne  saignerait  pas  sans  cesse  au  heurt  blessant 
de  vos  lois  ridicules? 

Veut-on  rester  tranquillement  chez  soi ,  crac,  tous 
les  trois  mois,  voilà  un  monsieur  qui  vient  vous  de- 
mander de  l'argent,  sous  préte.xte  que  s.\  maison  lui  ap- 
partient. Cette  conséquence  m'a  toujours  paru  du  der- 
nier bouffon.  Comment  !  parce  que  je  suis  trop  pauvre 
pour  avoir  une  maison,  c'est  à  moi  de  payer  celui  qui 
est  assez  riche  pour  en  posséder  souvent  plusieurs? 
Est  ce  assez  cocasse  !  assez  turpide  !  assez  propriétaire  , 
enriir?Ouand  j'ai  raconté  cette  plaisanterie  au  sachemdes 
Pieds  en  sueur,  le  respectable  magistral  en  a  ri  comme 
un  bossu. 

Il  est  juste  de  dire  qu'il  l'est  à  faire  honte  au  clia- 
meaii  de  la  plus  belle  venue. 

A  l'égard  des  Pieds  en  sueur,  ayez-en  beaucoup 
pour  eux.  Nulle  tribu  n'est  plus  justement  renom- 
mco  pour  l'aménité  de  ses  mœurs.  Longtemps  ac- 
cusée de  manger  ses  prisonniers  de  guerre  trop 
saignants,  je  dois  la  relever  de  cette  calomnie.  Elle 


A  i;i!SA(iK  |)i;s  (,KNS  SI'MIIKIIX, 


167 


les   fait  rôtir,  au   contraire,    parfaitement  à   point. 

Mais,  pour  en  revenir  aux  véritables  sauvages,  à 
vous  autres,  que  d'innombrables  amertumes  viennent 
se  joindre  à  cette  déplorable  répartition  des  iiiuneu- 
bles  dans  vos  Babylones  de  perversités! 

Se  promcne-t-on  dans  les  rues ,  deux  rangs  de  bou- 
tiques vous  narguent,  à  chaque  pas,  de  toutes  les 
choses  dont  vous  êtes  veuf  pour  le  quart-d'heure  ,  et 
vous  agacent  de  toutes  les  splendeurs  dont  souvent, 
hélas  !  on  est  orphelin  de  naissance.  —  On  dirait  même 
que  la  Providence  prend  un  malin  plaisir  à  vous  con- 
duire, précisément,  devant  ce  qui  doit  le  plus  irriter 
votre  douloureuse  convoitise. 

Vous  m'objecterez  peut-être  que  ce  serait  là  un 
amusement  bien  mesquin  pour  une  providence.  Je  ne 
dis  pas  non;  mais,  enfin,  c'est  comme  ça. 

Ainsi,  a-t-on  peu  ou  point  diné,  vlan!  à  coup  sûr, 
un  embarras  quelconque  vous  fera  subir  la  torture  vi- 
suelle de  monstrueux  homards  caressant  des  pâtés  de 
foies  gras  cyclopéens  sur  une  couche  de  poissons  gigan- 
tesques aux  ventres  argentés. 

Est-ce  une  montre  en  plan  dont  vous  pleurez  l'ab- 
sence, alors  vous  ne  voyez  que  des  montres;  des 
montres  par  centaines,  des  montres  par  milliers.  II 
semblerait  que  toutes  les  vitres  se  peuplent  de  mon- 
ti'cs  dans  le  seul  but  de  railler  votre  douleur. 

Et  même  sort  pour  tout  et  toujours!  Pour  les  ha- 
bits éplorés  qui  boutonnent  leurs  misères;  pour  le 
linge  qui  tourne  à  la  guipure  ;  pour  les  affiches  do 
spectacles  qui  paraissent  flamboyer  quand  on  n'a 
pas  le  sou;    sans  exception  ni    pitié,  cette   impla- 


cable ironie  ne  respecte  rien  et  ne  se  lasse  jamais. 

Voyons,  je  ne  veux  pas  jurer,  mais,  sacredieu, 
est-ce  donc  une  existence  que  ce  perpétuel  tantalisme? 

Par  un  jour  de  pluie,  prenez  un  homme  dont  la 
chaussure  aspire  avidement  la  boue  dans  les  affres  de 
l'agonie;  et,  dans  celte  humide  affliction,  conlraignez- 
le  de  s'arrêter  devant  la  sombre  insolence  d'une  bou- 
tique de  bottier.  Cela  n'a  l'air  de  rien,  tant  la  chose  est 
commune.  Eh  bien!  feuilletez  les  poètes  les  plus  ter- 
ribles, et  trouvez-moi  un  supplice  plus  effroyablement 
atroce  !  Horreur  !  horreur!  horreur! 

Si  Dante  allait  nu-pieds  je  lui  pardonne  cette  omis- 
sion, .autrement,  j'en  suis  fâché  pour  lui,  mais  je  le 
déclare  un  médiocre  génie. 

Icarie!  Icarie  !  sous  tes  lois  favorables,  tout  homme 
est  à  l'abri  de  semblables  martyres.  Cette  douce  con- 
trée ne  rapporte,  il  est  vrai,  ni  homards,  ni  culottes,  ni 
bottes,  ni  montres,  ni  pâtés  de  foies  gras,  ni  pâtés  de 
maisons;  mais  si  nous  n'avons  absolument  rien,  nous 
partageons  du  moins  fraternellement  tout. 

Et  c'est  là  le  bonheur! 

Quand  je  dis  rien,  c'est  une  erreur.  Nous  possédons 
du  hareng  saur.  De  vous  à  moi,  je  conviendrai  même 
que  nous  en  avons  un  peu  trop.  —  Hareng  saur  le  ma- 
tin. —  Hareng  saur  à  midi.  —  Hareng  saur  le  soir.  — 
Tel  est  le  régime  sous  lequel  nous  vivons  depuis  mou 
arrivée,  et  qui  menace  d'altérer  longtemps  encore 
l'harmonie  de  notre  constitution. 

Sans  être  personnellement  hostile  au  hareng  saur, 
je  commence  à  trouver  que  ce  poisson  a  la  vie  diable- 
ment dure. 


168 


liKVLF.  (.OMIQIK 


Pour  apaiser  (luelquos  cmcules  qui  onl  éclaté  à  ce 
sujet  irritant,  le  pouvoir  avait  annoncé  ofliciellement 
la  |)rochaine  arrivée  dune  cargaison  de  pois  secs,  de 
pruneaux  et  de  haricots  rouges.  Désarmée  par  celte 
promesse,  l'opposition  se  remit  alors  à  ronger  patiem- 
ment son  hareng.  Mais,  ô  douleur!  voici  les  tristes 
nouvelles  publiées  ce  malin  dans  notre  Moniteur  : 

En  dépit  des  négociations  les  plus  habiles,  les  pois 
s'étaient  montrés  assez  chiches  pour  ne  vouloir  se  li- 
vrer que  contre  argent  comptant  ! 

Tourmentés  par  une  horrible  tempête,  les  pruneaux 
avaient  été  contraints  de  relâcher  en  Angleterre!! 

Enfin,  pour  comble  de  malheur,  des  vents  contraires 
avaient  retardé  les  haricots!!! 

En  présence  de  cette  désastreuse  complication,  le 
ministère  tombera  probablement  en  d'autres  mains. 
Si  les  choses  se  passent  comme  chez  vous,  il  est  à 
craindre  que  ce  changement  n'en  amène  pas  dans  noire 
cuisine 


Trois  soleils  ru  s  iard. 
l.a  lutte  prévue  a  été  terrible.  Non-seulement  le 
ministère  des  harengs  a  été  renversé,  mais  Icarie  vient 
de  proclamer  un  nouveau  menu  qui  accorde  à  chaque 
citoyen  trois  plats  au  choix  à  sou  diner.  Tous  les  ha- 
rengs saure  onl  été  jetés  à  l'eau.  Force  est  restée  au 
peuple.  Vox  populi,  vox  Dei.  —  Nous  n'avons  plus 
rien  à  manger. 

UioiHS  Uaton. 

P.  S.  Me  trouvant  dans  la  position  d'L'golin  quand 
il  a  croqué  son  dernier  enfant,  je  vous  serai  obligé  de 
me  faire  passer  quelques  pru\isions  à  l'adresse  sui- 
vante : 

IcARiE.  —  Sixième  désert  à  droite,  Iroisièmc  soli- 
tude à  gauche,  qualiième  fossé,  —  au  premier  au- 
dessous  de  l'enlrc-sol. 

Mon  ami  le  sacliem  se  bleuit  respectueusement  les 
I  cuisses  à  votre  attention. 


RÉ(:LâM.\TIONS    CONTRE    LESQUELLES    ON    POURIW    BIEN    RÉCLAMER. 


On  a  lu  dans  la  Patrie: 

«  M.  Duchàtel  sera  à  Paris,  à  ce  qu'on  assure,  au 
mois  de  février,  l'n  de  ses  premiers  soins  sera,  dit-on, 
de  demander  aux  tribunaux  les  moyens  de  rentrer  dans 
la  possession  d'une  somme  de  cent  mille  francs,  valeur 
approximative  d'un  nombre  considérable  de  pièces  de 
vin  qui  se  trouvaient  dans  les  caves  du  ministère  de 
l'intérieur  avant  le  2i  Février,  et  qui  ne  s'y  trouvent 
plus.  Or,  ces  cent  mille  francs  de  vin  étaient,  à  ce  qu'il 
paraît,  la  propriété  personnelle  de  M.  Duchàtel.  » 

La  Patrie,  par  cet  article,  compromet  ses  droits  au 
litre  àe journal  ordinairement  bien  informé.  Comment 
a-l-elle  pu  s'imaginer  que  l'ex-minislre  de  Louis- 
Philippe  se  conlenlerait  de  réclamer  une  bagatelle  de 
cent  raille  francs?  Allons  donc! 

La  note  de  M.  Duchàtel  est  beaucoup  plus  compli- 
quée. L'honorable  membre  du  dernier  cabinet  royal 
a  trop  souBerl  de  la  Révolution  pour  ne  pas  demander 
une  réparation  solide.  Son  compte  nous  a  été  commu- 
niqué, et  nous  nous  empressons  de  faire  connaître  à  nos 
lecteurs  cette  pièce  importante;  elle  s'élève  au  chiffre 
total  de  471,650  francs  55  centimes,  ainsi  répartis: 


500 
120 


500 


48 


Avoir  été  indisposé  le  24  février  ;  pour 
frais  de  médecin  et  de  médecine 

Avoir  loué  uu  faux  nez  el  un  habit  de 
laquais  pour  sortir  (le  P;iris. 

Avoir  déchiré  un  pantalon  tout  neuf, 
en  francbissant  les  barricades  ;  pour  rac- 
commodage  

Avoir  été  arrêté  à  la  Itarriérc  el  forcé 
de  boire  à  la  santé  de  la  République; 
pour  une  tournée  de  vin  à  six 

Pour  chaise  de  poste,  chevaux  el  frais 
de  roule 


106  fr.  75  c. 
42 


5        50 
jOO  » 


Pour  un  vélcnienl  complet  :  chemise, 
caleçon,  bis,  elc,  entièremenl  mis  hors 
de  service  par  suite  de  l'émotion  éprouvée 
pendant  ccUo  journée  et  aboutie  pcudant 
le  voyage 

Pour  neltovage  de  bijoux  qui  oui  été 
oxidés 

Passage  de  la  !\lanclie  :  avoir  eu  le  mal 
de  mer  el  compromis  ma  dignité  par  des 
contorsions  incompatibles  a\ec  le  carac- 
tère d'un  homme  d'Étal 

Séjour  à  Londres 40,255 

Indemnité  pour  suspension  de  traite- 
ment, pj'ivation  d'honneurs,  discours 
rentrés 100,000  » 

Dommages-intérêts  pour  diilamations, 
calomnies,  injures  graves,  mise  en  juge- 
ment       100,000 

Pour  frais  d'altai|ues  de  nerfs  el  autres 
conirariétés  éprouvées  par  ma  femme  dans 
ces  circonstances,  el  pour  imlemnilés  de 
promesses  d'ambassade  à  mon  frère  Na- 
poléon Duchàtel 100,000  .. 

Pour  le  vin  bu  par  les  combattants  de 
Février 400,000  » 

Pour  mon  linge  lacéré  et  mis  en  char- 
pie pour  le  service  des  blessés 50.000  » 

471,6o0  55 
Les  autres  ministres  se  préparent  à  imiter  la  conduite 
de  M.  Duchàtel:  M.  Hébert  veut  qu'on  lui  rende  sa 
simarre  déchirée;  M.  Jayr,  qu'on  avait  oublié,  ressus- 
cite comme  la  fille  de  son  homonyme  pour  présenter 
ses  réclamations.  M.  Guizot  glissera  les  siennes  dans  la 
seconde  édition  de  sa  nouvelle  brochure.  M.  Salvandy 
va  publier,  à  l'usage  des  ministres,  un  ouvrage  inti- 
tulé :  L'Art  d'être  mis  à  la  porte,  et  de  s'en  faire  dix 
mille  francs  de  revenu. 


A  i;usA(.i;  nr.s  (.i.ns  si.I'.ikiix. 


iGO 


La  position  de  lllitli^ll^•  expulse'  \\i  devenir  désui - 
mais  liès-avarilagense  :  on  n'anibilionnera  |i|ms  les 
liaiilcs  fonctions  que  pour  se  faire  congédier  violenfi- 
inenl  ;  on  s'uttadiera  ù  se  rendre  impopulaire,  ù  ne 
premlre  aucunes  niestu'es  utiles,  à  suivre  une  poli- 
tique bien  contraire  aux  vœux  du  |)ay.  Nous  soupçon- 
nons niOuie  qu'on  couiuieucc  déjà. 

Si  réuK'ute  en  fureur  gronde  autour  des  ministres, 
ils  diront,  eu  se  frottant  les  mains  :  «  Ça  va  bien!  ça 
va  bien!  nous  pourrons  douiander  dix  mille  francs  de 
dumninges  intérêts  !  » 

La  foule  envahira  les  rues  et  brisera  les  vitres.  Les 
ministres,  menacés,  multiplieront  par  mille  les  indem- 
nités à  encaisser  :  chaque  pierre  lancée  leur  semblera 
une  roclie  aurifère  de  la  Californie. 

I.'holel  sera  dévasté  :  on  en  jetera  les  meubles  par  les 


fcnèlres.  Les  minières,  en  décampant ,  g' écrieront  : 
«De  mieux  eu  mieux!  notre  fortune  est  faite,  u  Ils 
seront  au  comble  de  la  joie,  si  dans  leur  fuite  ils  se 
cassent  quelques  membres. 

Car  c'est  toujours  le  peuple  qui  paye  les  pois  cassés. 

N.  B.  —  Nous  ne  coimaissons  de  comparable  à  la 
réclamation  de  M.  le  comte  Tanneguy-Ducbàlel,  pos- 
sesseur du  clos  de  Cliàteau-Laflitte,  que  la  réclamation 
du  roi  l.ouis-l'liih|)|)e,  possesseur  à  cette  époque  du 
trône  de  France,  demandant  00,000  francs  d'indemnité 
pour  les  lapins  tués,  pendant  la  révolution  de  juillet 
1850,  dans  la  forêt  de  Ratnbouillot. 

Il  y  a  pourtant  cette  différence,  que  M.  Uucliàtel  a 
perdu  à  la  révolution  de  l'evricr,  tandis  que  Sa  Ma- 
jesté l.ouis-l'hilijjpe  avait  gagné  quelque  chose  à  celle 
de  i8:)0. 


VIE    DE     L\    CALIFORNIE, 

D'après  un  daguerréotype  communiqué  au  Punch  d-j  Lo:dr< 


170 


REVUE  COMIQUE 


LE  CONSERVATOIRE.  —  PREMIER  CONCERT. 


Dimanche  s'est  donné  le  premier  concert  du  Con- 
servatoire. Dans  le  triste  temps  où  nous  sommes, 
quelle  fête  !  La  musique  a  ceci  de  particulier  et  d'ex- 
cellent, je  parle  de  la  vraie  musique,  et  de  celle  de 
Beethowen  principalement,  qu'elle  isole  celle  ou  celui 
qui  l'entend  non  pas  seulement  avec  ses  oreilles,  mais 
dans  son  âme,  comme  dit  Pétrarque,  qu'elle  l'isole, 
qu'elle  le  sépare  du  monde  entier,  qu'elle  l'arraclie  à 
tout  bruit  extérieur  —  la  musique  est  un  bruit  inté- 
rieur —  pour  le  laisser  seul  avec  lui-même,  pour  faire 
de  lui,  en  quelque  sorte,  un  mort  qui  écoute,  un  mort 
heureux.  C'est  à  la  fois  un  retour  sur  le  passé,  un  re- 
gard sur  l'avenir,  et  l'oubli  du  présent,  trois  biens  pré- 
cieux. On  jouait  la  symphonie  avec  chœurs  de  Beetho- 
wen. —  C'est  de  toutes  la  moins  connue  en  France.  La 
première  partie  est  un  peu  confuse,  mais  la  seconde, 
mais  la  troisième,  mais  l'admirable  commencement  de 
la  quatrième?  Cela  vous  rend  toutes  vos  douleurs,  tant 
c'est  poignant  et  profond;  et  cela  les  apaise  toutes,  les 
guérit  toutes,  tant  c'est  sublime  et  salutaire. 

«  Que  pensez-vous  de  M.  Barrot?  Son  discours  de 
l'autre  jour,  si  peu  gouvernemental,  si  inutilement 
blessant  pour  l'Assemblée,  ne  le  rend-il  pas  impossible 
désormais?»  —  Comment  dire,  sans  mourir  de  honte 
pour  lui,  qu'un  des  hommes  les  plus  intelligents  de  ce 
temps-ci,  mon  voisin,  m'adressa  cette  question,  mon 
Dieu,  fort  sensée,  j'en  conviens,  —  juste  au  moment 
où  commençait  ce  sublime  amiante.  .le  répondis,  il 
fallait  bien  répondre,  la  politesse  le  voulait,  par  un 
haussement  d'épaules.  Heureusement,  M.  Barrot  a  bon 
dos  ;  et  mon  voisin  mit  spirituellement  ma  réponse 
à  l'adresse  de  cet  infortuné  ministre!  Mon  cher  voisin, 
elle  était  bien  pour  vous. 

Le  général  Cavaignac  était  dans  une  loge,  dans  une 
simple  baignoire,  avec  M.  Marie.  —  Je  suis  bien  sûre 
qu'il  eût  fait  la  même  réponse  à  la  même  question.  — 
M.  Barrot,  —  eh  bien  !  oui  ;  c'est  un  ministre,  c'est 
un  président  du  conseil.  —  Mais  qu'est-ce  que  cela  est 
devant  Beethowen?  —  Du  bout  de  son  bâton  de  chef 
d'orchestre,  retombant  par  hasard  sur  n'importe  quelle 
grosse  caisse,  le  divin  maître  n'eût-il  pas  écrasé  les  plus 
sonores  paroles  de  cet  honnête  M.  Barrot  !  —  En  vé- 
rité, comment  penser  à  M.  Barrot  en  un  pareil  mo- 
ment '.  11  y  a  plus  de  sourds  qu'on  ne  croit,  mon  voi- 
sin! 

Brave  général,  son  bon  et  énergique  visage,  si  calme, 
si  impassible  dans  les  plus  difficiles  moments,  je  l'ai 
bien  vu,  cette  musique  l'avait  détendu,  reposé,  pa- 
cifié. Ceux  que  touche  le  beau  ne  perdent  pas  tout 
avec  le  pouvoir. 

La  loge  des  princes  était  vide.  Je  suis  une  républi- 
caine de  la  veille  (je  le  dis,  parce  que  eela  ne  me  vieil- 
lit guère)  ;  ce  vide  m'a  pourtant  attristée  ;  j'ai  pensé, 
non  aux  princes  qui  l'emplissaient  d'ordinaire,  et  en- 


core moins  aux  professeurs  et  aux  aides  de  camp  qui 
les  entouraient  naguère,  et  qui  se  gardent  bien  de  les 
entourer  aujourd'hui  où  ils  sont,  mais  à  ces  pauvres 
princesses  que  la  sévère  Marie-Amélie  cousait  à  ses  ju- 
pons, et  dont  le  Conservatoire  était  la  plus  délicate 
récréation. 

J'ai  su  bon  gré  au  président  de  la  République  de 
n'aimer  point  la  musique  et  de  n'avoir  mis  personne, 
pas  même  lui  à  cette  place,  dans  laquelle  je  voudrais 
qu'on  ne  mît  plus  rien  d'officiel  désormais. 

C'était  tout  plein  ;  et  quel  silence,  cependant!  Nous 
écoutions  tous  ensemble,  amis  et  ennemis,  d'une 
même,  d'une  seule  oreille  ;  quel  meilleur  moyen  pour 
être  ensemble  séparément.  Je  vous  dirais  bien  que 
M.  Marrast,  président  de  l'Assemblée  nationale,  était 
dans  une  loge  de  première  galerie.  —  Et  pourquoi 
non?  —  Je  ne  l'aimais  guère,  M.  Marrast,  il  y  a  un 
an  ;  je  l'aime  mieux  aujourd'hui.  —  On  l'a  tant  atta- 
qué. —  Et  puis  enfin,  ce  marquis,  ce  n'est,  après 
tout,  que  des  sottises  d'homme  d'esprit,  qu'il  a  pu 
faire.  —  Otez-lui  tout  ce  que  vous  voudrez  ;  mettez- 
lui  plus  de  paillettes  qu'il  n'en  saurait  porter,  il  res- 
tera toujours  de  lui,  1°  que  la  plupart  de  ceux  qui 
l'attaquent  ne  le  valent  pas  ;  2"  que  si  jamais  il  retombe 
sur  sa  plume,  il  saura  leur  répondre. 

M.  Duvergier  de  Hauranne  y  était  aussi.  —  Si  cela 
nous  valait  de  lui  une  brochure  de  moins;  si  cela  le 
corrigeait,  cette  belle  musique,  d'être  violent  comme 
s'il  était  fort! 

J'ai  aperçu  dans  un  coin,  adroite,  au  rez-de-chaus- 
sée, M.  Schœffer,  un  vrai  artiste;  peinture  et  musi- 
que, ces  deux  passions  s'enchaînent,  M.  Schœffer  est 
un  si  hardi  traducteur  ;  que  ne  traduit-il  une  sym- 
phonie de  Beethowen,  lui  qui  a  osé  essayer  de  traduire 
Mignon,  —  de  peindre  une  pensée  !  —  et  qui  y  s.erait 
parvenu,  si  la  tentative  n'eût  été  folle? 

Pour  parler  des  femmes,  je  nommerai  la  blonde 
madame  d'Haussonville,  connue  pour  avoir  été  peinte 
par  M.  Ingres,  et  l'éclatante  et  blanche  madame  Ca- 
lergi,  une  jolie  femme  sur  une  trop  grande  échelle. 
«  J'en  voudrais  une  réduction,  »  disait  un  de  ses  ad- 
mirateurs. Elle  était  tout  en  face  du  général  Cavai- 
gnac. Pour  ne  pas  donner  tort  aux  absentes,  j'ajoute- 
rai que  la  belle  madame  Delessert  et  sa  fille  charmante 
étaient  remplacées  dans  leur  loge  par  des  dames  de  la 
gendarmerie. 

Et  enfin,  pour  en  revenir  à  la  musique,  je  dis  que 
si  quelque  chose  pouvait  augmenter  mon  goût  pour  le 
paradis  et  mon  désir  d'y  avoir  une  place,  fût-ce  une 
place  de  baignoire,  c'est  la  certitude  où  l'on  paraît  être 
qu'il  s'y  donne  de  perpétuels  concerts,  et  que  ces  con- 
certs sont  exécutés  par  des  séraphins,  qui  surpassent 
les  artistes  même  du  Conservatoire. 

Marir    '". 


A  I/IISAGR  DES  GENS  SKIIIKI A, 


DT.rX    r  TOI' II.  S. 


LNF.    RIE    DE    PAHI3. 

—  Je  pars  pour  la  Californie. 

—  Et  moi  pour  l'icarie. 

—  Je  vais  chercher  de  l'or. 

—  L'or  est  une  chimère  ;  je  n'aspire  qu'au  hoii- 
lieur.  Cabet  m'a  donné  l'adresse  du  bonheur  ;  il  de- 
meure sous  les  ombrages  de  l'icarie. 

—  .Moi,  je  vais  pêcher  de  l'or  dans  le  Sacramento.  L'or 
est  une  chimère,  et  il  faut  toujours  caresser  quelque  chi- 
mère ;  sachons  en  remplir  plusieurs  sacs  :  j'en  emporte 
une  douzaine ,  et  je  reviendrai  chargé  comme  un  mulet. 

—  Vous  comprenez  que,  pour  moi,  je  méprise  com- 
plètement votre  or  ;  il  vous,  faudra  fouiller  la  terre  de 
Californie,  et  entrer  au  moins  jusqu'aux  genoux  dans 
le  fleuve  aurifère  du  Sacramento.  Il  est  clair  que  tous 
ces  efforts  doivent  paraître  bien  ridicules  à  un  homme 
qui  va  passer  le  reste  de  sa  vie  à  fumer  nonchalamment 
la  pipe  sous  les  arbres  du  Texas,  qui  sont  les  plus 
beaux  arbres  du  monde,  de  même  que  le  Texas  est  le 
plus  beau  pays  qui  existe.  Je  ne  vous  cache  point  que 
j'emporte  plusieurs  douzaines  de  pipes  avec  moi. 

—  Quand  je  serai  de  retour  avec  mes  sacs  pleins 
d'or,  rien  ne  me  sera  plus  facile  que  de  ne  rien  faire 
le  reste  de  mes  jours  ;  je  pourrai  même  fumer  autant 
de  pipes  que  vous,  si  cela  me  fait  plaisir.  Est-ce  que 
vous  prétendez,  par  hasard,  m'humilier  avec  vos  pipes? 

—  Et  vous,  avec  vos  sacs? 

—  Va-l'en  en  Icarie,  imbécile! 

—  Et  toi  en  Californie,  grigou  ! 

—  Fainéant  ! 

—  Fesse-Mathieu  ! 

—  Si  je  n'étais  pas  si  pressé,  je  te  corrigerais  gratis 
de  ta  paresse. 

—  Et  moi  je  te  couperais  les  oreilles,  quoique  ce 
soit  un  travail ,  et  que  le  travail  soit  contraire  au 
bonheur.  (Ils partent.) 


^jr':~3îc* 


11. 

UN    Dl'sERT    ENTRE    LA    CALIFOKMÈ  ET    LE    TEXAi. 

—  Tiens!  c'est  vous? 

—  Grands  dieux  !  quelle  rencontre  ! 

—  Comme  vous  voilà  fait  !  Je  vous  prenais  d'abord 
pour  un  singe. 

—  Et  moi,  pour  un  ours.  Si  vous  rencontrez  en 
route  des  Icariens  qui  me  poursuivent,  dites-leur  que 
vous  ne  m'avez  point  vu. 

—  Je  vous  fais,  pour  ma  part,  la  même  recomman- 
dation. Je  crains  d'être  poursuivi  par  un  traiteur  de 
la  Californie,  à  qui  je  dois  une  note  de  cinq  cent 
nulle  francf. 

—  Moi,  on  me  poursuit  pour  bien  moins  que  cela, 
pour  une  cuillerée  de  soupe  qu'on  m'accuse  d'avoir 
prise  de  plus  que  mes  frères  communistes,  dans  la  ga- 
melle commune  et  icarienne  ;  car  il  faut  vous  dire  que, 
depuis  mon  arrivée  en  Icarie,  nous  n'avons  fait,  mes 
frères  et  moi,  que  nous  battre  pour  des  questions  de 
gamelle.  Quand  la  gamelle  était  vide,  nous  nous  bat- 
tions parce  qu'il  n'y  avait  rien  dedans  ;  et  quand  elle 
était  pleine,  ce  qui  n'arrivait  guère,  nous  nous  bat- 
tions pour  ce  qu'elle  contenait,  si  bien  que  c'était 
notre  unique  occupation,  et  que  cet  exercice,  en  nous 
donnant  de  l'appétit,  augmentait  encore  notre  fureur. 
Enfin,  un  jour  qu'il  y  avait  on  ne  sait  quoi  au  fond  de 
la  gamelle,  il  parait  que  j'y  ai  plongé  la  cuillère  une  fois 
de  plus  qu'à  mon  tour,  de  sorte  que  toute  la  bande 
s'est  mise  en  hurlant  après  moi,  et  que  vous  me  voyez 
fuyant  dans  le  désert.  Mais  cela  doit  vous  toucher  bien 
peu,  vous  qui  avez  mangé  au  point  de  faire  une  note 
de  cinq  cent  mille  francs  cliez  le  traiteur. 

—  C'est-à-dire  que  je  n'ai  fait  que  mourir  de  faim. 
Imaginez-vous  qu'il  y  a  la  famine  en  Californie .  et 
qu'un  poulet  s'y  vend  quinze  mille  francs,  et  même  il 
n'y  a  plus  de  poulets;  on  en  est  à  manger  du  chien. 
J'ai  quatre  chiens  sur  ma  note,  à  dix  mille  francs  cha- 


172 

eun  ■  encore  m'a-t-il  fallu  les  faire  cuire  moi-même,  le 
traiteur  n'avant  pas  voulu  s'en  charger,  à  moins  de  dix 
mille  francsde  plus.  Les  mines  m'ont  rappor'.é  trois  cent 
mille  francs  d'or,  et  j'en  dois  près  d'un  million  :  les  Ca- 
liforniens ont  voulu  me  faire  mettre  à  Chcliy;  voila 
ma  position. 

—  Et  où  allez-vous  do  ce  i  as  ? 

_  En  Icarie.  J'ai  bon  poiL,net  :  je  m'emparerai  de 

la  çaraelle. 

—  Moi,  je  vais  en  Californie.  Vous  n'auriez  point 
par  hasard  quelques  restes  de  provisions  sur  vous  :  une 
tranche  de  chien,  la  moindre  des  choses? 

—  Depuis  quinze  jours,  je  vis  d'un  mulot  que  j'ai 
attrapé  dans  les  champs. 

Moi,  j'ai  mangé  des  sauterelles. 

—  Matin  !  vous  n'êtes  pas  à  plaindre. 

III 

L-N    QlAl    111'    HWIVR. 

—  Salut,  ô  ma  patrie  ! 

—  Belle  France,  je  te  revois  ! 
Tiens  !  c'est  encore  vous  ? 

—  Moi-même.   Mais  qu'avez-vous  fait  de  vos  deux 

oreilles  ? 

—Je  les  ai  laissées  en  Californie.  Il  n'y  avait  plus  rien 
à  manger  :  le  dernier  chien  avait  été  mis  à  la  bro- 


REVUE  COMIQUE 


chc  par  le  gouverneur,  M.  Mason  ;  alors,  me  trouvant 
sans  ressources  pour  quitter  le  pays,  j'ai  vendu  mes 
oreilles  iO.OOO  francs  à  un  Espagnol,  qui  aurait  fini 
par  me  les  couper  pour  rien  si  je  n'avais  pas  voulu  les 
lui  vendre.  11  les  a  trouvées  excellentes.  Mais  je  vois 
avec  plaisir  que  vous  avez  conservé  les  vôtres. 

—  Hélas  !  elles  n'ont  pas  tenu  à  grand'chose.  Quand 
j'arrivai  en  Icarie,  après  vous  avoir  rencontré  dans  le 
désert,  on  me  prit  d'abord  pour  le  père  Cabet,  et  je  fus 
rossé  avant  tonte  explication.  Ensuite,  comme  il  n'y 
avait  rien  à  manger,  nous  jouâmes  au  bouchon  à  qui 
fournirait  une  grillade  à  la  communauté.  Je  perdis,  et 
fus  contraint  de  me  laisser  couper  une  tranche  d'une 
partie  charnue  située  au  bas  du  rable,  et  que  je  n'ap- 
pellerai pas  autrement.  Je  suis  guéri,  à  la  venté,  et  il 
n'y  paraît  pas,  sauf  quand  je  suis  assis,  parce  qu'alors 
je  boîte  sur  mon  siège  du  côté  droit.  Mais,  puisque 
vous  avez  vendu  vos  oreilles  .iO,000  fr.,  vous  ne  refu- 
serez pas  de  me  prèler  une  pièce  de  iO  sous? 

—  Quarante  Californies  qui  vous  étouffent  !  Il  ne 
me  reste  pas  un  liard,  et  j'ai  obtenu  du  capitaine  qui 
m'a  transporté  en  France  !e  passage  gratuit,  à  condi- 
tion que  je  lui  cirerais  ses  bottes. 

—  .\lors,  je  vais  essayer  de  vendre  mes  sacs. 

—  De  quels  Sacs  parlez-vous  ? 

—  De  ceux  que  j'avais  pris  à  mon  départ  pour  les 
rapporter  pleins  d'or. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


—  On  assure  que  M.  Odilon  Barrot  aurait  dit  à  un 
représentant,  que  si  la  chambre  résistait,  elle  serait 
brisée  comme  verre. 

«  Qui  casse  les  verres  les  paye,  »  aurait  répondu  le  re- 
présentant. 

Ce  court  dialogue  est  une  preuve  de  plus  que  le 
président  de  la  République  avait  bien  raison  de  dire 
que  le  président  de  son  conseil  n'est  pasun  homme  pra- 
tique. 

—  L'opinion  publique  est  tout  en  France.  «  Cédez 
à  l'opinion  publique,  »  s'écrient,  en  s'adressant  à  l'As- 
.semblée  nationale,  messieurs  les  chefs  de  la  future  mo- 
narchie rouge,  qui,  par  parenthèse,  nous  mèneront, 
si  on  les  laisse  faire,  à  une  république,  laquelle  ne  sera 
rouge  que  sur  l'exemple  qu'ils  lui  auront  donné;  «  cé- 
dez à  l'opinion  publique:  vous  essayeriez  en  vain  de 
lutter  contre  elle!  »  Bravo!  messieurs;  vous  qui  l'in- 
voquez aujourd'hui,  vous  refusiez  de  la  saluer  hier,  et 
vous  essayerez  d'y  résister  demain  !  —  Prenez  garde 
qu'il  ne  vous  soit  répété  alors,  une  fois  encore,  qu'il 
est  trop  tard  ! 

—  Ce  qui  gêne  la  coalition,  c'est  qu'on  ne  peut  pas 
dire  des  coalises  ce  qu'on  dit  des  gueux,  qu'ils  s'aiment 


entre  eux.  —  Que  les  troupeaux  qui  suivent  ces  ber- 
gers sachent  bien  une  chose,  c'est  que  leurs  guides 
pourront  bien  s'entendre  pour  les  tondre,  mais  non 
après  les  avoir  tondus. 

—  La  sagesse  n'est  elle  donc  pas  toujours  une  vertu  ! 
Si  la  République  n'avait  pas  été  si  sage,  si  modérée, 
qui  penserait  aujourd'hui  à  l'attaquer? 

—  Il  y  a  des  gens  qui  ont  cent  mille  livres  de  rentes 
et  d'autres  qui  meurent  de  faim.  —  Toute  la  question 
est  là.  Tant  qu'on  n'aura  pas  résolu  cette  question,  on 
n'aura  rien  fait.  —  Or,  je  la  crois  fermement  insolu- 
ble, —  et  j'en  conclus  que  l'impossible  étant  devenu 
nécessaire,  c'est  à  Dieu  de  nous  tirer  d'affaire  et  non 
aux  hommes.  Henri  V,  Napoléon,  M.  Pioudhon,  el  si 
vous  voulez,  l'intéressant  M.  de  Cirardin  liii-nièine,  y 
perdront,  chacun  à  leur  tour,  leur  latin,  laleçon  leur 
fût-elle  faite  par  MM.  de  Broglie,Tliiers,  Giiizot,  Mole 
et  autres,  qui  n'inventeront  jamais  rien  de  plus  neuf 
que  le  passé. 

Savez-vous  pourquoi  il  faut  craindre  la  misère? 

c'est  parce  qu'un  homme  qui  n'a  pas  dîné  sera  tou- 
jours de  force  à  manger  dix  hommes  bien  repus. 


A   I/IISACK  DRS  r.KNS  SKUIKIIX. 


173 


—  DiU!  aiitonsiilKiri  de  |)iMirsiiili'S    a  clé  (li'miiiidr'u 

contre  ili's  rP[ii'i'si'iilaiils  cDiipalilcs  de s'iMim' lialliis 

cinliu'I. —  M.  I)ii|iiii,  aiuicii  prcu'iiiciii'  |,'('iu'ial,  a  es- 
saye avant  IHi"  de  tuer  le  duel  en  l'ranee  ;  le  diud  a 
résisté—  fort  lienronsenienl. 

Où  en  serions-nous  vraiment  si  l'injure  personnelle 
pouvait  se  produire  sans  danger  et  rester  impunie?  — 
(Ihateanbriand  disait  :  Si  l'on  vous  donne  nn  sonftiet, 
rendez-en  (piatre.  Celte  maxime  du  gentilhomme  bre- 
ton est  peu  eatlioliquc,  mais,  grAec  à  Dieu,  elle  esl 
encore  française  ! 

—  On  voit  toujours  passer  le  l)Out  de  l'oreille  : 
M.  Josse  était  orfèvre,  iM.  Hugo  est  auteui'dramatiqne. 
Dans  la  discussion  relative  ù  la  proposition  Ratean, 
nous  lisons  :  «  L'Assemblée  a  bien  fait  son  cnlroe,  il 
faut  maintenant  qu'elle  fasse  bien  sa  sortie  » 

Hélas!  monsieur  llngo,  il  ne  suffit  pas  d'enlrer,  ni 
même  de  sortir,  mais  de  bien  jouer  son  rôle  tant  qu'un 
est  en  scène  :  le  vôtre,  comment  Tavez-vous  compris? 

«Tous  tant  que  nous  sommes,  »  dites-vous,  «  nous 
nous  enivrons  bien  vite  de  nous-mêmes?  n  Qui  peut 
le  savoir  mieux  que  vous,  Olympio  !  Relisez  votre  pe- 
tit discours  revu  et  corrigé  par  vons  h.  l'usage  du  Con- 
stitutionnel ;  com[)tez-y  les  je.  Je  sais,  jk  ne  sais  pas, 
JK  fais,  JE  ne  fais  pas.  — Toujours  vous  !  «J'ai  la  con- 
fiance, ajoutez-vous  encore,  que  dans  toutes  mes  pa- 
roles vous  sentez  l'honnête  homme;  que  vous  voyez 
bien  que  c'est  une  conscience  qui  vous  parle.» 

Conscience  politique  de  M.  Hugo,  puisque  vous  exis- 
tez, puisque  vous  parlez,  dites-lui  donc  qu'il  a  un  en- 
nemi mortel,  et  que  cet  ennemi  c'est  lui-même  avec  son 
incroyable  personnalité. 


—  M.  Vivien  sera  déiiili'iricut  vice-priisidenl  de  la 
lîépnliliqiie.  Il  sera  |)résenlé  avec  M.M.  Roulay  (de  la 
Mc'inllicl  et  llaragiiay-irililliers  ,  dont  l'office,  tout  de 
di''vnM('jMeiil,  sans  doute,  sera  ainsi  de  servir  de  re- 
poussiiirs  [Miiir  assurer  l'électirin  de  M.  Vivien. 

1  A    inilK  IILHE  IlE   M.   Ori/.OT. 

ï'Mil  je  niniiilc  .1  hi,  f.int  le  iriunde  a  du  lire  la 
biiiclinre  de  .M.  (iiiizul,  dv  lu  D/hiiocrulii'  en  l''riince. 
La  première  page  écrite  depuis  février  par  cet  homme 
éniinent  ne  pouvait  manquer  d'evciter  nn  vif  intérêt, 
('e  livre  répond-il  à  ce  qu'on  devait  en  attendre  ?Oui, 
au  point  de  vue  de  l'art  ;  non,  au  point  de  vue  politique. 
L'œuvre  de  M.  Guizot  est  ce  qu'elle  devait  être,  ce 
qu'elle  pouvait  être,  calme,  élevée,  honorable,  —  mais 
inutile;  — c'est  une  négation;  c'est  —  un  exposé 
sans  conclusion  d'idées,  dont  le  défaut  n'est  pas  seule- 
ment d'être  connues,  mais  d'être  usées.  M.  Guizot 
l'eut  écrit  dans  les  mêmes  termes,  moins  la  préface, 
en  janvier  1S48.  SL  Guizot  n'a  rien  appris  :  son  livre 
ne  peut  donc  rien  nous  apprendre. 

Le  tort  de  M.  Guizot,  comme  le  tort  de  M.  Thiers, 
c'est  qu'à  un  mal  nouveau  ils  cherchent  des  remèdes 
connus.  —  Ce  n'est  pas  en  regardant  en  arrière,  mais 
en  avant,  qu'on  pourra  sauver  la  France.  Le.  passé  ne 
saurait  conjurer  un  mal  qu'il  a  produit.  La  rouille  de 
la  lance  d'Achille  a  seule  eu  le  don  de  guérir  les  bles- 
sures qu'elle  faisait.  —  A[.  Guizot,  M.  Thiers,  ne  sont 
pas  des  Achilles  ;  leur  plume,  aujourd'hui  fatiguée,  ne 
guérira  pas  ce  ([ue,  dans  ses  jours  de  sève  et  de  vi- 
gueur, elle  n'a  su  ni  prévenir  ni  empêcher. 


Le  premier  raout  chez  lesuî.'se  de  ru^  tel  de  la  pré-idence. 


Leciloyen  Berger,  qui  porte  un  nom  champêlro, 

Esl-il  de  l'Arcadieun  tranquille  pasteur, 

Que  dans  les  prés  fleuris  il  faut  envoyer  pailre? 

Non  :  le  hasard  en  lit  un  administrateur. 

Admis  à  l'Elysée,  ainsi  qu'aux  Tuilerie?, 

Avec  tous  les  pouvoirs  il  a  su  s'arranger. 

Si,  dans  ses  grands  repas,  on  veut  des  sucreries, 

Elles  ne  viendront  pas  du  fidèle  Bercer. 


Denise  pu  Fàëritzils. 


Gravé  p»r  Lebunc. 


I,    nnillEVARD    l)KS  ITAI.IKN9. 


30  <*cii<iiii<'N   la  livraison. 


niT  mrnFurt  , 


'!if!!lf!!|!f!lii'ffi*|iiif!ii'' 


i:^uiiiiiiiiiiiiilil]l'uiji| 


TSUnrs 


didons  de  la  Sonscrlptioii.  —  La  RsvuK  comique  formera  im  magnil'ujue  volume,  grand  ia-8,  publié  en  30  liTraisons  à  30  centime?, 
•  la  poste,  40  ceiilimes.  —  Pour  tout  ce  (jui  concerne  la  rédaction,  écrire  (franco)  à  M.  Likbdx,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  dej 
liens. 

DiTMnvsaAT.  xDiTSim,  ss,  au«  RicHxx.ixir.  jo»  Livraison. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  lA  REVUE  COMIQUE. 


Pour  ropoiulrc  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  (jui  Irouvaieut 
laolieux  i\ue,  pour  ne  pas  déooni|)léter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brodier  ou  relier  les  couvertures  (jui  se  reproduisent  d'une  (;içou 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures..  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  deinière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  cbaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détacbé  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  l.A  DOUZIÈME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  —  Le  duc  de  Bordeaux  et  sa  familleà  Fiauensdorrf,  près  Vienne;  détails  curieux  et  aullienliques  recueillis  sur 
place.  —  Une  restauration  en  peinture.  —  Réapparition  du  père  Bugeaud  à  la  tribune.  —  M.  Lliermiuier.  —  Les  Répuljli- 
coptiûbes.  —  Les  Journaux  qui  ne  paraissent  pas. —  Choses  quelconques  —  Le  Journal^  des  Débats.  —  Au  Bal  de  l'Opéra. 
—  Le  retour  de  M.  Guizot  (chanson). 


DtssiiMleiir,.  Graten.s. 
nndeefTetsdelapropssitioncleU.  Antoine.. ..     Fabritzius.  Baillant. 

I.»  Californie  en  Cliine , , .    Fabrltzius.  Baulant. 

Périrait  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Bordeaux.     Nadard.       Bauland. 

Quatre  ans  de  6ou<ay .' .' ,, Berlall.        Midderijjh. 

Festin  de  M.  de  Falloux Nadard.        Baulant. 


I>ci>ii.al«ii 

Le  fauteuil  du  Président Berlall. 

Les  Votes  du  10  DêcemUro Erniaon. 

Quelque  Énergie Otol. 

Le  Pûtlefeuile Bertall. 

Boulay  de  U  Meuithe Fabritziu 


Baulanl. 
Nuddingh. 
.  Leblanc. 


POUR   PARAITRE   DANS  LES  PROCHAINES   LIVRAISONS   : 

AVENTURES  ET  MÈSAVLNTUlîES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentalions  —  travestissements 
liypocrysies  —  passe- passe —  peifidies  —  grande  culbute  de 

MOSIEU  RÉAG 

SI  ItE    I)E    CAIilCAIL'IlES    PAU    .>ADAniJ. 


.init|ll.'l  lie  LlcOàSPR    lil-  el    Comp., 


rue  Datnielle,  î. 


LA  SEMAINE. 


Amis  ut  ennemis,  républicains  de  toutes  les  cou- 
leurs et  royalistes  de  toutes  les  Inanches,  semblent 
faire  assaut  de  scepticisme  et  s'entendre  pour  donnera 
croire  qu'il  n'y  a  rien  de  sérieux  dans  notre  état  so- 
cial, et  que  la  Constitution  elle-même  n'est  qu'im  jeu. 
Certes,  s'il  était  une  circonstance  qui  dût  tirer  le  pu- 
blic de  sa  torpeur,  c'était  la  nomination  du  vice-pré- 
sident de  la  Hépublique.  Mais  il  semble  que  chacun 
ait  usé  ses  forces  et  ses  espérances  dans  la  lutte  qui  r. 
fini  par  rélection  du  10  décembre;  et  la  liste  des  can- 
didats, accueillie  daus  l'Assemblée  par  des  éclats  de 
rire  peu  constitutionnels,  a  été  reçue  dans  le  public 
avec  une  profonde  indifférence.  Il  est  vrai  que  ces  can- 
didats avaient  été  choisis  de  façon  à  ce  que  l'attention 
publique  n'en  éprouvât  pas  d'evcilation  dangereuse; 
aussi  la  comédie  a-t-elle  fini  par  l'élection  de  M.  Bou- 
lay  (de  la  Meurthe).  On  s'est  beaucoup  évertué  pour 
deviner  la  raison  de  ce  choix  ;  il  est  cependant  très- 
simple,  et  n'a  surpris  que  les  gens  qui  ne  comprennent 
pas  la  République  du  10  décembre.  Un  homme  de  gé- 
nie, un  homme  illustre  par  ses  talents  et  ses  services, 
un  nom  aimé  et  connu  de  la  France,  aurait  gâté  la 
perfection  idéaledugouvernementquedirigo  M.  Barrot: 
pour  qu'il  gardât  son  caractère,  poui' qu'il  restât  homo- 
gène, l'Assemblée  a  fait  au  président  la  galanterie  de 
lui  donner  son  ami.  Et  voilà,  dirait  Odry,  comme  la 
France  se  trouve  condamnée  à  quatre  ans  de  Boulay! 

—  La  campagne  des  royalistes  contre  l'Asseinblée 
continue  avec  renfort  de  calomnies  et  d'injures  ;  ils 
ont  enrégimenté  jusqu'aux  vaudevillistes  et  aux  cou- 
pletiers ,  gens  de  conscience  et  de  bon  goût,  qui 
ont   mis  sur  leurs   tréteaux  les  représentants  de  la 


France  en  les  couvrant  d'ordures  toutes  girardines. 

Malgré  cela,  les  membres  de  la  nouvelle  sainte- 
alliance  ont  de  la  peine  à  s'entendre  :  ils  se  connaissent 
■de  longue  main  ;  ils  se  détestent;  ils  se  sont  mutuelle- 
ment conspués  et  trahis  si  souvent,  que  les  uns  et  les 
autres  veulent  des  sûretés  et  demandent  que  les  condi- 
tions soient  nettement  établies. 

Cependant  l'Égérie  de  la  présidcMice,  M.  Thiers,  se 
fait  dévot;  il  serre  la  main  à  M.  Uaurenlie,  l'apologiste 
de  la  Saint -Barthélémy,  devenu  son  collègue  par  la 
grâce  de  la  révolution  de  février;  il  veut  que  l'instruc- 
tion primaire  soit  donnée  aux  curés  :  il  fera,  dit-il,  en 
tirant  son  sabre  napoléonien,  dix  révolutions  jusqu'à  ce 
que  l'Université  soit  rendue  aux  jésuites.  Vainement 
on  lui  objecte  ses  articles  voltairiens  du  Constitutionnel, 
ses  discours  peu  orthodoxes  de  ministre,  son  dernier 
rapport  sur  l'instruction  secondaire  ;  il  hausse  les 
épaules  :  est-ce  que  les  hommes  d'Etat  de  l'école  de 
Talleyrand  n'ont  pas  été  inventés  pour  combattre  le 
lendemain  ce  qu'ils  avaient  défendu  la  veille? 

M.  Guizot  fait  chorus  avec  son  ancien  ami.  Son  livre 
demande  nettement  que  la  réaction  recherche  le  con- 
cours du  clergé,  qu'elle  laisse  son  influence  se  déployer 
grandement,  puissamment,  qu'elle  ne  lui  marchande 
pas  son  prix.  Le  disciple  de  Genève,  plein  des  souvenirs 
de  sa  jeunesse,  des  beaux  jours  de  l'abbé  de  Montes- 
quieu, avec  un  désintéressement  parfait,  prêche  l'ac- 
cord le  plus  touchant  entre  tous  les  ennemis  de  la  Ré- 
publique contre  le  chaos  né  du  temps  et  du  développe- 
ment de  l'esprit  humain,  qu'on  appelle  la  démocratie. 
Le  livre  de  \a Démocratie,  hypocrite  manifeste  de  guerre 
civile,  restera  comme  la  condamnation  flagrante  de  ce 


176 


UEVUE  COMIQUE 


rhéleur  plein  de  rancune,  qui,  après  avoir  plongé  la 
France  dans  les  embarras  où  elle  se  trouve,  a  l'audace 
ou  la  naïveté  de  venir  lui  faire  la  leçon  ;  il  restera  comme 
le  témoignage  le  plus  complet  de  la  suftisance  et  de  l'in- 
suffisance de  ce  puritain  aussi  vide  que  pompeux  dont 
tous  les  actes  ont  été  en  désaccord  avecles  écrits,  et  qui 
couronne  aujourd'hui  sa  vie  par  la  plus  incroyable  de 
toutes  ses  contradictions  : 

Eli!  mon  ami,  lire-raoi  de  danger; 
Tu  feras  après  la  liaiangue. 

L'Académie  française  s'est  décidément  transformée  en 
hôtel  des  luvalidesde  l'aristocratie;  et  pour  entrer  dans 
son  sein  il  ne  faut  plus  ni  prose,  ni  vers,  ni  philosophie, 
ni  histoire;  mais  de  bons  titres  de  famille,  de  bons 
parchemins,  de  bons  quartiers  de  noblesse.  Ah!  le 
peuple  fait  une  République  démocratique  ;  il  abolit  les 
litres  nobiliaires;  il  crie  contre  les  ai^islos  :  nous  allons 
lui  montrer  que  nous  sommes  bien  les  successeurs  des 
immortels  qui  ont  refusé  de  s'encanailler  avec  Pascal, 
Molière,  Rojisscan  et  tant  d'autres  anarchistes. 

Vils  roturiers. 
Respectez  les  quartiers 
De  la  marquise  ne  Prelintaille  ! 

Après  donc  M.  le  duc  Je  Noaiiies,  diymis  intrare 


pour  avoir  copié  les  Mémoires  de  la  Beaumelle  sur  ma- 
dame de  Maintenon,  voici  venir  M.  le  comte  de  Saint- 
Priest,  qui  a  fait,  prétendent  lesérudits,  quelque  chose 
sur,  contre  ou  pour  les  jésuites.  Après  ces  deux  actes 
de  courage,  disent  les  quarante,  si  la  république  dé- 
mocratique et  la  république  des  lettres  ne  sont  pas  sa- 
tisfaites, un  de  nous,  nouveau  Curlius,  crèvera  pour 
laisser  un  fauteuil  vide,  et  nous  y  placerons  un  prince, 
oui,  un  prince,  et  dont  le  bagage  littéraire  vaut  cer- 
tainement les  œuvres  de  MM.  de  Noaiiies  et  de  Saint- 
Priest.  D'ailleursl'oncleétaitderAcadémiedes Sciences, 
pourquoi  le  neveu  ne  serait-il  pas  de  l'Académie  fran- 
çaise? 

On  assure  que  depuis  l'élection  de  MM.  de  Noaiiies 
et  de  Saint-Priest,  l'aulenr  de  Monte-Cristo  songe  sé- 
rieusement à  être  de  l'Académie,  et  s'en  croit  très-digne. 
A  cet  effet,  il  rassemble,  dit-on,  non  les  cent  cinc|uanle 
romans  ou  drames  que  sa  prodigieuse  imagination  a  en- 
fantés, mais  les  titres  de  son  marquisat  de  la  Paille- 
terie;  on  assure  qu'il  en  a  trouvé  J'aulhentiques  dans 
rile  de  Baraturia. 

En  vérité,  qui  aurait  pu  croire  que  l'Académie  fran- 
çaise, après  la  révolution  de  février,  en  pleine  répu- 
blique, justifiât  de  gaieté  de  cœur  le  décret  de  la  Con- 
vention qui  supprimait  les  Académies  comme  étant  des 
institulions  démocraliques,  qui  n'ont  jamais  servi  au 
déveluppement  de  l'esprit  humain? 


A  force  de  creuser,  la  Californi 
faire  une  visite  en  Cliii 


A  I/USAClù  DKS  GKNS  SKIUKIJX. 


177 


Nous  avons  eu  cette  semaine  un  ballet  nouveau  ù 
l'OpiTa,  liiillot  compliqiiû  de  concert,  dans  lequel 
M.  Saint  I.iiiri,  le  niaii  de  mademoiselle  Ccnilo,  joue 
du  violon  en  niailie  fort  habile  et  danse  d'une  fa- 
çon remarquable.  Si  j'étais  en  train  de  faire  des  ré- 
clames, je  dirais  :  C'est  Veshis  et  Paganini  réunis. 
Mon  appréciation  serait  peut-èlre  un  peu  exagérée, 
mais  cnlin  il  y  a  toujours  quelque  chose  d'étonnant  et 
qui  cotniuanilf  la  curiosité  à  voir  le  même  honmie 
briller  ainsi  dans  deux  arts  qui  exigent  de  longues 
études  et  une  vocation  spéciale.  Ou  assure  que  M.  Saint- 
Léon  est  peintre  ;  nous  sommes  forcés  de  convenir  éga- 
lement qu'il  est  poète,  puisqu'il  compose  des  ballets. 
Musicien,  danseur,  peintre,  poète,  que  lui  manque-t-il 
pour  représenter  dignement  l'ancien  dieu  des  arts,  le 
vieil  Apollo'? 

Le  Violon  du  Dialde  rentre  dans  la  calégoiie  des 
ballets  fantastiques;  Satan  y  joue  le  rôle  ])rincipal.  Il 
donne  à  un  artiste  pauvre  et  inconnu  un  violon  qui  le 
fait  aimer  d'une  grande  dame,  en  échange  de  son  âme, 
bien  entendu.  Heureusement,  quand  le  quart  d'heure 
de  Rabelais  arrive,  le  bon  génie  se  mêle  de  l'afTaire, 
et,  grâce  à  lui,  l'artiste  garde  son  âme  et  épouse  la 
grande  dame.  Pour  célébrer  cet  heureux  événement, 
on  danse  au  château  de  la  princesse  un  ballet  intitulé: 
les  Fleurs  animées,  épisode  gracieux  dont  l'idée  a  été 
puisée  dans  les  dessins  de  ce  pauvre  Grandville,  dont  la 
mort,  quelques  mois  avant  la  République,  a  laissé  un 
SI  grand  vide  dans  la  satire  au  crayon. 

Mademoiselle  Cerrito  no  joue  d'aucune  espèce  d'in- 
strument dans  ce  ballet.  Ses  jambes  lui  suffisent,  et 
elle  en  tire  de  merveilleux  effets.  Pizzicati  sur  la  pointe 
des  i)ieds,  staccati  de  pirouettes;  elle  se  joue  de  toutes 
les  diflicultés  de  son  art  difficile.  Applaudissements, 
trépignements,  rappels  redoublés,  rien  n'a  manqué  à 
son  triomphe,  que  la  présence  du  président  de  la  Ré- 
publique. 

11  paraît  que  M.  Louis-Napoléon  Bonaparte  tient  à 
donner  des  gages  aux  classiques,  et  à  ne  point  se 
brouiller  avec  le  grand  parti  de  la  tragédie.  Il  est  allé 
déjà  plusieurs  fois  au  Théâtre-Français,  et  nous  n'a- 
vons point  appris  qu'il  eût  honoré  l'Opéra  de  sa  pré- 
sence. La  salle  était  pourtant  fort  belle  à  la  premièie 
représentation  du  Violon  du  Diable,  et  il  faut  dire  que 
tout  le  monde  attendait  le  président;  la  claque  aussi 
semblait  s'attendre  à  quelque  chose,  cir  une  figure 
s'étant  montrée  dans  la  loge  présidentielle,  les  Romains 
ont  fait  mine  de  chauffer  son  entrée,  aux  grands  éclats 
de  rire  des  spectateurs.  Il  ne  s'agissait,  malheureuse- 
ment, que  du  cousin  du  président,  M.  Napoléon  Bo- 
naparte. Le  chef  de  claque  mériterait  d'être  destitué. 

Puisque  nous  en  sommes  sur  les  théâtres,  parlons 
de  la  grande  question  qui  occupe  en  ce  moment  les  di- 
recteurs. La  commission  des  théâtres  est  sur  le  point 
de  prendre  une  grave  décision.  L'industrie  dramatique 


doit-elle  ôlre  libre?  Voilà  l'affaire.  M.  Charles  Blanc, 
directeur  des  beaux-arts,  et  M.  l'idouard  .Monnais, 
commissaire  de  la  Républi(|ue  |Mès  Irs  théâtres  natio- 
naux, se  prononcent  pour  l'ariirniative.  Il  est  à  suppo- 
ser que  leur  avis  prévaudra. 

Le  Prop/iète  sera  positivement  joué  dans  les  pre- 
miers jours  d'avril.  Les  répétitions  se  succèdent  avec 
activité.  En  attendant,  et  comme  pour  faire  prendre 
patience  au  public,  l'éditeur  Grandus  donne  en-|)rirne 
aux  abonnés  de  sa  savante  et  spirituelle  Gazette  musi- 
cale, tout  un  recueil  do  mélodies  composées  parl'illustre 
auteur  de  liobevt-le- Diable. 

Le  Théâtre-Français  étudie  VAmitié  des  Femmes  et 
la  Dernière  Soubrette.  M.  Mazcres  et  M.  Alfred  de 
Musset  seront  représentés  presque  en  même  temps.  La 
vieille  et  la  jeune  comédie  se  donneront  ainsi  la  main. 
11  est  également  question  d'une  pièce  en  trois  actes,  in- 
titulée le  Pamphlet,  par  M.  Ernest  Legouvé. 

Les  Italiens  continuent  leurs  représentations  sous  la 
direction  de  Ronconi.  Ce  n'est  plus  la  même  troupe, 
disent  quelques  amateurs  d'un  ton  chagrin. 

—  On  ne  s'en  aperçoit  guères  en  entendant  Cene- 
rentola. 

—  Ce  n'est  pas  non  plus  le  même  public. 

—  C'est  toujours  du  moins  un  public  satisfait  et  en- 
thousiaste. Regardez-le  applaudir  quand  mademoiselle 
Alboni  a  chanté. 

Les  déjeuners  reviennent  de  mode  comme  sous 
l'Empire.  Le  vice-président  de  la  République  a  réuni 
dimanche  matin  une  cinquantaine  de  ses  amis  et  leur  a 
servi  des  truffes.  Il  n'y  avait  qu'un  seul  ministre  à  ce 
déjeuner. 

Il  j)araif  que  la  truffe,  aux  yeux  des  gouvernants,  a 
conservé  toute  sa  valeur  politique.  On  donne  à  dîner 
quelquefois.  Mais  les  femmes  se  plaignent  en  général 
que  les  ministres  et  les  grands  fonctionnaires  donnent 
peu  à  danser.  Le  président  de  la  République  devrait 
donner  l'exemple.  Il  attend  sans  doute  l'arrivée  de  la 
grande  duchesse  Stéphanie,  son  Égérie  badoise. 

M.  Berger  soutient  en  attendant  tout  seul  le  poids  de 
la  chorégraphie  administrative.  On  annonce  un  nou- 
veau bal  lundi  prochain  à  l'Hôtel  de  Ville. 

Parlons,  en  finissant,  d'un  scandale  auquel  nous  nous 
associons  de  tout  notre  cœur;  nous  voulons  parler  de 
l'impossibilité  où,  par  suite  de  l'attitude  des  étudiants, 
M.  Lherminier  s'est  trouvé  d'ouvrir  son  cours  au  col- 
lège de  France. 

Ce  n'est  point  la  liberté  de  la  chaire  qu'on  attaque 
dans  M.  Lherminier  ,  c'est  le  cynisme  des  apostasies. 
C'est  le  démagogue  passé  du  jour  au  lendemain  dans  le 
camp  de  l'absolutisme, c'est  le  professeur  faisant  acheter 
son  silence  au  prix  d'une  place  au  conseil  d'État,  c'est 
l'immoralité  politique,  que  la  jeunesse  ne  veut  pas 
écouter.  Les  consciences  se  révoltent,  tant  mieux  !  nous 
serons  toujours  mêlés  à  ces  émeutes-là. 


478 


REVUE  COMIQUE 


LE  DUC  DE  BORHEAl  X  ET  SA  lAMII.LE 

A    FHU  ENr^nnUlK,   PRÈS   VIENNE. 
IK1A1L5    ClRIEllX    ET    AlTHKNTIQl  ES    BËtUEILlIS    SMl    PLACE. 


Nous  croyons  qu'au  luoimnit  où  les  espérances  du 
parti  iégitiniiste  semblent  renaître,  on  lira  avec  intérêt 
les  curieux  détails  que  contient  la  note  suivante,  qui 
nous  est  comnniniquce  par  une  personne  que  nous  sa- 
vons bien  informée. 

Ces  détails,  recueillis  sur  place  par  Tauteur  même  de 
cette  note,  portent  avec  eux  un  caractère  de  vérité  qui  leur 
donne  une  valeur  réelle.  C'est  poiu-  ne  point  leur  ôter 
ce  caractère,  que  nous  laissons  à  cette  note,  qui  n'avait 
point  été  destinée  à  la  publicité,  ses  redites  et  ses  in- 
corrections, en  nous  contentant  d'eu  retrancher  quel- 
ques passages  tro])  intimes.  Que  les  gens  de  bonne  foi 
qui  pensent  qu'une  nouvelle  révolution  nieltrait  un 
terme  à  nos  maux  se  demandent  si  ce  remède  souve- 
rain peut  nous  venir  de  l'homme  et  des  gens  que  nous 
montre  ce  qui  suit. 

L'auteur  de  celte  note,  étranger  à  la  France,  tou- 
riste et  non  homme  politique,  est  d'ailleurs  dans  des 
conditions  complètes  d'imparlialité. 


NOTE  CONFIDENTIELLE. 

<c  Le  duc  de  Bordeaux  habite  le  château  de  Fronshorff,  à 
deux  lieux  de  Vienne-Neustadt,  6  raille  allemands  de  Vienne. 
—  Ce  château  est  situé  dans  un  pays  boisé  et  accidenté,  et  le 
prince  s'y  livre  aux  plaisirs  de  la  chasse  qui  abonde  dans  la 
contrée. 

Le  duc  de  Bordeaux,  à  28  ans,  étant  né  le  2!1  novembre 
4820.  — Il  boîte  légèrement  par  suite  de  l'accident  qu'il  a 
éprouvé  à  Kirchleng.  —  Sa  taille  5  pieds  1  pouce.  —  Figure 
bourbonienne,  gros  et  ventiu.  —  Petites  moustaches  blondes, 
barbe  légère.  —  Teint  coloré. 

«  Le  prince  est  traité  de  majesté  par  les  gens  qui  l'entourent. 
Chaque  matin  il  entend  la  messe  dans  la  chapelle  du  château. 

Le  service   divin  est   dit  par  l'abbé  Trabnquel.    Après  la 

messe,  (quand  il  fait  beau)  il  oliasse  jusqu'à  midi  heure  du 
déjeuner,  après  lequel  on  lui  apporte  les  journaux  français  et 
les  lettres  de  Paris.  —  Celte  lecture  faile  en  comité  le  conduit 
jusqu'au  dîner.  Le  soir  on  joue  le  whist  dans  les  apparte- 
ments. 

ÉnUCATION. 

«  Le  duc  de  Bordeaux  a  été  confié  dans  sa  première  en- 
fance et  au  sortir  des  mains  des  femmes,  à  M.  de  B.irante;  ce 
dernier  a  suivi  son  éducation  jus(|u'eH  1850.  —  Il  fut  alors 
confié  à  M.  de  Blaras,  puis  à  M.  de  Lcvi,  vieux  gentilhomme 
encroûté  et  iuilm  de  préjugés... 

o  ....  Mais  M.  l'abbé  Trebwiuet,  vendéen  et  comjiromis  dans 
les  affaires  de  1832,  créature  de  la  ihirhesse  de  Derry,  fut 
placé  près  du  prince  pour  diriger  sa  conscience  et  son  éduca- 
tion. —  PHTsiONOMiE  DE  CE  PRÊTRE.  —  Jésuite  renforcé,  ayant 


iuculqué  à  son  élève  toutes  ses  antlilpalbies  contre  les  idées 
nouvelles.  —  En  somme,  le  prince  a  reçu  une  direction  poli- 
tique, morale  cl  religieuse,  qui  serait  mieux  en  harmonie  avec 
les  cloîtres  du  15'  siècle  qu'avec  les  principes  de  la  société  mo- 
,lpi.|,o.  —  Tout,  du  reste,  dans  la  petite  cour  de  Fionshor/f, 
prirlc  l'empreinte  des  usages  du  passé.  —  Malgré  la  médiocrité 
de  la  siUiation,  on  y  voit  revivre  dans  ses  plus  ridicules  détails 
l'étiipictle  minulicuse  de  la  cour  de  Charles  dix.  » 

RELATIONS    DE    FAMILLE. 

«  La  duchesse  de  Berry,  devenue  énorme,  ayant  4  enfantsdu 
comté  de  Lucbczv.  —  Elle  vil  aU  château  de  Brunvie,  à  (> 
lieux  de  Gralz.  —  Les  relations  du  prince  avec  sa  mère  sont 
purement  poliliques.  —  Il  ne  peut  lui  pardoruicr  le  frère 
qu'elle  lui  a  donné  en  Vendée... 

«  ....  La  duchesse  â'Anf/onléine,  éniiucniment  religieuse, 
entretient  cette  animosité.  —  La  femme  du  prince  â  2  ans  de 
plus  que  lui  (50  ans).  Grande,  tnaigre,  laide,  —  ligure  dure, 
annouç.int  un  caractère  ac.iriatre,  et,  d'après  ce  que  j'ai  pu 
voir,  dominant  son  mari.  —  Assez  instruite,  du  reste,  et  de 
hautes  manières.  —  Dans  cette  cour  en  minialure,  la  cama- 
rilla  se  groupe  autour  d'elle  cl  non  autour  du  dite,  donl  on 
apprécie  la  profonde  nullité.» 

FORTUNE    Dr    PRINCE. 

.  oflO  mille  francs  de  renies  léguées  par  ChùHes  dix;  à  la 
mort  de  la  duchesse  d'Angoulème,  sa  tante,  il  hérilero  de  500 
mille  francs  de  rente  de  plus.  » 

ENTOURAGE. 

<(  Le  duc  de  Levi,  viellard,  400,000  livres  de  rentes,  pré- 
fère l'exil  et  une  sorte  de  domesticité  de  cour  à  l'indépen- 
dance dans  sa  pairie ,  pour  dominer,  surveiller,  entourer  ce 
prince  sans  valeur  morale  ni  intellectuelle,  espèce  de  Charles 
quatre  d'Espagne,  M.  de  Levi  a  accepté  celte  situation.  —  -Sa 
femme,  dit-on,  a  donné  au  prince  ses  premières  leçons.  Per- 
sonne n'est  admis  près  du  duc  sans  s'être  adressé  à  M.  de  Levi. 
«  M.  de  Montbel,  ancien  ministre  de  Charles  dix^  signataire 
des  ordonnances,  homme  d'esprit;  il  avait  eu  l'inlcntion  de 
diri'nr  l'éducation  du  prince  dans  des  voies  plus  libérales, 
mais,  homme  faible  sans  fortune,  n'ayant  aucun  ascendant,  il 
a  dû  faire  le  sacrifice  de  sa  manière  de  voir  aux  exsigeances 
de  M.  de  Levi.  —  Il  vient  de  se  marier  en  5""=  noces  il  y  a 
deux  ans.  Il  a  une  nombreuse  famille. 

«  M.  de  Nicolaï,  gendre  de  M.  de  Levi ,  M.  de  Blacas  et  sa 
femme,  M.  de  Menti,  M.  d'Oguerly,  rCprésenlénl  à  la  petite 
cour  de  FrolishorlV  le  parti  des  exagérés  qui  voulaient,  avec  la 
duchesse  de  Berri,  une  restauralion  à  main  armée.  —  Le  duc 
de  Lcvi,  par  une  manie  singulière  de  dominer  son  élève,  mo- 
dère ses  impatiences  et  le  retient  toiijiurs  en  tiitolle.  — t'oMc 
Trebuquet,  déjà  cité,  personnage  dangereix,  l'âme  damnée  de 
la  duchesse  d'Angoulème,  exerçant  un  empire  absolu  sur  le 
prince.  —  Le  duc  de  Bordeaux  est  glouton  comme  était  son 
père...  —  Le  personnel  du  château,  23  domestiques. 

(c  La  petite  cour  de  Fronshaff,  qui  .nail  perdu  tout  espoir 
naguère,  renaît  sous  l'influence  des  ciiconslances,  et  se  dis- 
tribue déjà  en  espérance  les  ministères  et  les  places  de  ta  fu- 
ture restauration.  » 


A  L'USA(;i;  i>i;s  (;i;.ns  skuikux. 


no 


Les  légitimistes  ont  de  tout  temps  pratiqué  la  politique  sentimentale, 
faute  d'autre;  ils  ont  toujours  la  larme  à  l'œil  et  des  anniversaires  tou- 
chants ou  lugubres  à  célébrer  :  c'est  le  parti  par  excellence  des  couplets 
de  noce,  baptêmes  et  enterrements. 

Tantôt  c'est  un  prince  qui  naît  et  tantôt  une  princesse  qui  se  marie; 
les  douairières  du  faubourg  Saint-Germain  brodent  de  leurs  mains  le 
voile  nuptial  et  le  trempent  de  larmes;  il  est  déjà  question  de  la  layette  : 
tiempons-la  aussi  de  larmes  fidèles;  puis  revient  l'anniversaire  de  la 
naissance  et  du  mariage  :  on   pleure  de  nouveau ,  et 
avant  que  les  mouchoirs  soient  rentrés  dans  la  poche, 
il  faut  encore  payer  un  humide  tribut  à  un  anniversaire 
de  mort  :  —  Fils  de  saint  Louis,  montez  au  ciel!  On 
célèbre  encore  dans  quelques  hôtels  bien  pensants  l'an- 
niversaire du  mariage  d'Henri  IV. 

Ce  parti  de  nourrices  larmoyantes  a  eu  enfin  le  bon- 
heur de  voir  une  Restauration  en  effigie  :  le  comte  de 
Chambord  est  rentre  dans  sa  bonne  ville  de  Paris,  avec 
la  comtesse  sa  femme,  roulés  tous  les  deux  dans  une 


Dessiné  par  Nadard. 


Gravé  par  Bavlant. 


180 


REVUE  COMIQUE. 


toile  de  quatre  pieds  carrés.  Les  originaux  sont  restés, 
il  est  vrai,  à  Corilz  ou  à  Vienne,  mais  les  porlrails  ont 
franclii  la  frontière;  ils  sont  en  France,  à  Paris;  on 
leur  a  trouvé  un  Louvre  dans  l'atelier  d'un  peintre 
quelconque.  Ah  !  c'est  là  jouer  un  bon  tour  à  la  Ré- 
publique ! 

Kntrez,  nobles  seigneurs  et  no])les  dames!  le  voilà, 
c'est  bien  lui,  l'enfant  du  miracle,  un  peu  grassouillet, 
il  est  vrai,  la  lèvre  autrichienne,  c'est-à-dire  pendante, 
l'œil  éteint  et  digne  de  la  lèvre,  le  nez  classique  de  sa 
race,  un  nez  comme  on  n'en  a  vu  qu'à  Louis  XVI II  et 
àPohcliiuelle.  Quant  à  madame  de  Chamburd,  taisons- 
nous;  elle  est  brune,  dit-on;  mais  qu'importe?  Nous 
ne  vous  connaissons  point,  belle  étrangère;  et  vrai- 
ment, si  c'était  une  raison  pour  être  reine  que  d'être 
femme  et  brune,  où  en  serions-nous?  Il  y  a,  rien 
qu'en  Italie,  six  millions  de  brunes  au  moins. 

Entrez  donc!  on  fait  queue  à  l'atelier,  depuis  dix 
heures  du  matin  jusqu'à  quatre  heures  du  soir.  C'est 
un  Louvre  un  peu  triste  qu'un  atelier  au  quatrième 
étage  ;  mais  on  a  les  Louvres  que  l'on  peut,  dans  ce 
temps  de  République.  Espérons  mieux  pour  l'avenir  ; 
à  force  d'attendrissement,  de  larmes  et  d'anniversaires, 
il  faudra  bien,  à  moins  que  le  diable  s'en  mêle,  qu'une 
bonne  Restauration  en  chair  et  en  os  succède  à  cette 
Restauration  en  peinture.  Déjà  des  confréries  s'orga- 
nisent en  l'honneur  du  trône  et  de  l'autel  ;  un  mor- 
ceau de  la  vraie  culotte  de  M.  de  Genoude  court  la  pro- 
vince, et  recueille  partout  les  hommages  des  fidèles. 
On  dit  même  que  cette  relique  fait  des  miracles  ;  es- 
pérons tout  de  la  confrérie  religieuse  et  politique  de  la 
vraie  culotte. 

En  attendant,  le  roi  et  la  reine  légitimes  trônent  sur 
un  chevalet,  en  faced'un  poëleoùbrùle  un  feu  de  charbon 
de  terre,  et  entourés  de  bustes,  de  torses,  de  pipes  tur- 
ques et  de  moulures.  Et  ce  qu'il  y  a  de  vraiment  beau, 
de  vraiment  grand,  c'est  que  cette  royauté  de  bric  à 


brac  a  nue  cour  et  des  grands  dignitaires.  Autour  du 
portrait  de  M.  de  Chambord  se  tiennent  debout  les 
écuyers,  les  grands-veneurs,  les  chambellans  et  même 
aussi,  dit-on,  un  aumônier.  Madame  de  Chambord  a, 
comme  il  convient,  ses  dames  d'honneur.  Tout  cela  lé- 
gitime, archi-légitime  et  d'un  chevaleresque  à  faire 
pâlir  Rayard. 

Mais  voici  le  délilé  qui  commence.  Vous  entendez  de 
l'atelier  les  sanglots  des  douairières  fidèles  qui  mon- 
tent l'escalier,  suivies  de  grands  laquais  portant  les  pe- 
tits chiens  sur  le  bras.  —  Par  ici,  madame,  par  ici  !  — 
Grand  Dieu!  le  voilà,  c'est  lui,  je  le  reconnais!  Ma- 
dame se  jette  à  genoux  devant  un  buste-charge  de  Mu- 
sard,  qu'elle  appelle  fils  de  saint  Louis  ,  enfant  du 
miracle,  Henri  IV -|-  I.. C'est  un  des  tours  de  force  du 
parti  d'avoir  trouvé  Henri  IV  -f-  1  pour  dire  Henri  V. 
Madame  ose  baiser  an  front  Musard  lils  de  saint  Louis; 
mais  un  des  chambellans  la  prend  par  la  main  et  la  pré- 
sente au  portrait.  0  vue,  ô  moment!  ô  bonheur!  C'en 
est  fait,  madame  de  Folle-Mèche  tombe  évanouie,  mais 
le  cas  est  prévu,  il  y  a  des  sels  dans  l'atelier. 

Puis  viennent  de  petits  vieillards  ratatinés  avec  des 
queues  en  salsifis. 

Mais  qu'est-ce  que  cela  peut  faire  à  laRépublique,  ces 
queues  en  salsilis,  ces  évanouissements  de  madame  de 
Folle-Mèche,  et  cette  légitimité  à  l'huile?  La  République 
se  moque  môme  du  morceau  delà  vraie  culotte  de  M.  de 
Genoude;  elle  tient  les  Tuileries,  elle  tient  le  Louvre, 
elle  peut  bien  laisser  s'établir  une  cour  de  garçon  dans 
un  atelier  au  quatrième.  Il  y  a  pourtant  des  gens  qui 
s'en  inquiètent;  c'est -comme  si  l'on  avait  peur  du 
culte  des  archéologues  pour  la  statue  de  Sésostris  du 
Musée  égyptien.  M.  de  Chambord  descend  en  droite 
ligne  d'Aménophis  IV -f-  I  qui  avait  succédé  à  Amé- 
nophis  IV.  Je  propose  à  la  République  de  fonder  à  la 
Ribliothèque  nationale  un  cours  d'archéologie  légi- 
timiste. 


Qualfe  ans  de  Boula;/!!!  (Bon  mot  dj  M.  U.ipMi.j 


A  l/USACK  DES  (lENS  SEIIIKUX. 


IKI 


Festin  donné  par  M.  de  Palloux  au  ministère  de  ITnstruction  publique. 


RÉAPPARITION  DU  PÈRE  BUGEAUD 

A   LA   TRIBU.NE    DE   l'aSSEMBLÉE   NATIONALE,    LE   24   JANVIER. 


—  C'est  moi,  me  voici  ;  reconnaissez-vous  le  vieux 
guerrier? 

J'étais  donc  là-bas,  à  Excideuil,  à  passer  la  revue 
(le  nos  bêtes  à  laine,  sauf  votre  respect,  quand  voilà 
Mail'  Pierre  qui  s'avance  :  —  Bonjour,  mon  empéreu, 
qu'y  m'dit.  —  Bonjour,  Maît'  Pierre,  que  je  lui  ré- 
ponds. Qu'y  a-t-il  pour  vot'  service?  —  Il  y  a,  mon 
empéreu,  que  je  n'étions  pas  content  de  r.\ssemblée 
nationale.  —  Ni  moi,  que  je  lui  dis.  —  Comme  ça  se 
rencontre  tout  d' même  !  Alors  faut  la  renvoyer.  — 
Tope-là,  Mait'  Pierre.  —  Justement  j'avions  là  un 
petit  morceau  de  papier  que  j'avons  fait  signer  par 
not'  femme  et  par  not'  petit  gardeus  de  dindons  et 
quequ's  amis;  sans  vous  commander,  une  pétition, 
quoi  !  —  Une  pétition  !  bien,  jarni  !  Je  me  chargeons 
de  la  remettre  moi-même. 


Celte  pétition,  la  voilà.  C'est  l'expression  fidèle  des 
vœnx  de  Mait'  Pierre. 

En  vous  rapportant  littéralement  ma  conversation 
avec  lui,  j'ai  voulu  vous  donner  une  idée  des  mœurs 
de  cet  homme  des  champs. 

Homme  des  champs  moi-même,  vétéran  de  la  lu- 
zerne et  du  colza,  j'étais  plus  que  tout  autre  en  état 
d'exprimer  à  celte  tribune  les  vœux  que  les  naïfs  habi- 
tants des  campagnes  ne  cessent  d'adresser  au  ciel  pour 
votre  dissolution.  Si  la  Chambre  voulait  bien  le  per- 
mettre, je  lirais  leur  pétition;  mais  il  faudrait  que 
cette  lecture  se  fit  au  son  de  la  musette  et  du  tam- 
bourin, sous  le  vieil  ormeau. 

Parmi  les  signataires,  outre  Mait'  Pierre  et  son  gar- 
deux  de  dindons,  il  se  trouve  quelques  Faunes  et  même 
des  Egypans  en  chapeaux  de  paille. 


182 


REVUE  COMIQUE 


Vous  me  rendrez  cette  justice,  que  j'apparais  ici  en 
véritable  Alcinoiis,  la  houlette  à  la  main,  et  seulement 
armé  de  nos  pipeaux  rusliques.  Stapendant,  si  l'As- 
semblée montrait  quelque  récalcitrance  à  satisfaire  au 
vœu  de  Maît'  Pierre  et  de  son  gardeux  de  dindons,  on 
retrouverait  tout  à  coup  en  moi  le  guerrier  célèbre, 
le  torrent,  l'ouragan,  la  trombe  de  feu.  [Applaudisse- 
ments à  droite.) 

Voilà  donc  le  père  Bugeaud  de  retour. 

On  Ta  trouvé  fort  peu  cbangé  depuis  février.  Il  nous 
est  seulement  revenu  avec  un  accent  périgourdin  en- 
core plus  prononcé  qu'autrefois,  ce  qui  tient  sans 
doute  à  ses  entretiens  journaliers  avec  maît'  Pierre. 
Outre  l'accent,  il  a  rapporté  du  Périgord  quelques  lo- 
cutions qu'on  ne  lui  connaissait  pas  jadis.  Ainsi,  sous 
la  monarchie,  il  disait  cependant  au  lieu  de  stapen- 
dant, mais  il  faut  liien  faire  des  concessions  à  la  Répu- 
blique. 

Heureuse  République!  Elle  a  eu  pourtant  le  bonheur 
de  compter  pendant  quelques  jours  M.  Bugeaud  au 
nombre  de  ses  meilleurs  amis.  On  se  souvient  encore  de 
sa  lettre  au  Gouvernement  provisoire,  lellrc  écrite  pro- 


bablement à  l'insu  de  maîf  Pierre  qui  ne  l'aurait  pas 
tolérée,  non  plus  que  son  petit  gardeur  de  dindons, 
élevés  tous  deux  dans  les  bons  principes  et  partisans  de 
M.  Thiers. 

Une  lidélité  de  quelques  mois  à  la  République,  c'est 
])eaucoup,  morgue  1  pour  un  homme  comme  le  père 
Bugeaud  qui  la  déteste;  mais  alors  il  n'était  pas  néces- 
saire qu'il  lui  offrît  son  bras,  son  cœur  et  sa  Durandal. 
Le  père  Bugeaud,  qui  n'a  pas  su  combattre  la  Répu- 
blique le  2.1  février,  trouve  plus  commode  de  venir  l'at- 
taquer aujourd'hui  à  la  tribune  avec  la  pétition  de 
niait'  Pierre,  et  l'appui  chaleureux  de  M.  Béchard  le 
légitimiste  qui  applaudit  sans  doute,  dans  la  personne 
de  M.  Bugeaud,  l'ancien  sage-homme  de  Blaye. 

Enfin,  p\iisque  le  voilà  revenu ,  puis?e-t-il  monter 
souvent  pour  y  donner  de  ces  représentations  bouffonnes 
auxquelles  il  nous  avait  habitués  sous  la  monarchie. 
Nous  verrons  reparaître  le  discours  en  équerre  et  les 
discussions  carrées  ;  car  si  le  père  Bugeaud  a  renié  son 
ancien  maître  le  lendemain  de  la  révolution,  et  s'il 
renie  aujourd'hui  la  République,  il  faut  espérer  du 
moins  qu'il  sera  resté  fidèle  au  groteKjue. 


J 


Ma  foi,  tant  pis!  ils  diront  ce  qu'ils  voudront,  je  vais  toujours  examiner  le  dossier  ..  de 
mon  fauteuil...  Ça  n'a  pas  l'air  bien  solide,  mais  ça  pourra  le  devenir. 


A  L'USAC.E  nr.S  r.KNS  SftUIKUX. 


185 


M.  i.iii;itMiMi:i!. 


M.  I.lii'riiiinu'i',  i|{ii  iiMiit  j'i'iKiMcr'  à  l'aiio  suti  ciiiiis 
sous  la  Miuiuiicliit',  u  l'ii  la  siiigdlic'ic  iilcc  do  tciilcr  (l(: 
lo  ii'|)ic'iiilrc  sous  la  lU'puliliqiio. 

M.  l.iuM'iiiinioi',  nous  le  (Usons  |iiiiii'  cimix  (|iii  l'au- 
niioiit  oulilii',  a  t'li5  un  Iribuii  di'  la  plus  daiigoii'use 
ospùoe.  —  Nous  l'avons  oiiUmuIu,  inlindii  de  nos  pi'o- 
pii's  oreilles,  cvaltei- Aliliaud  en  pleine  chaire  à  la  Soi'- 
lionne,  et  dire  à  des  enfants  (nous  étions  de  ces  en- 
fants), qu'il  comprenait  tout  ce  qu'avait  de  grand  un 
pareil  forfait.  —  l'n  gouvernement  fort,  ou  seulement 
lionnèlo,  eût  fermé  la  cliaire  de  M.  Mierrninier  ;  le 
gonvernemcnt  de   Louis-rliili(i|)e   crut    faire    mieux: 

—  il  aclieta  M.  I.lierniinicL'. 

ICst-ceà  dire  que  M.  I.liermuiier  conscnlit  à  se  taire? 

—  Non  ;  il  lit  |)lns  :  il  entreprit  de  se  donner  à  lui- 
même  le  plus  outrageant  do  tous  les  démentis,  et,  avec 
une  impudeur  que  la  Bébuls,  organe  principal  de  ses 
nouveaux  amis,  ne  purent  s"cm[)èclier  de  lléirir  ,  il 
prêchait  le  lendemain  le  contraire  do  ce  qu'il  a\ail  piê- 
clié  la  veille. 

La  jeunesse  des  écoles,  indignée,  fit  justice  de  cctle 
palinodie.  —  M.  Lherminier,  chassé  à  plnsieui's  repri- 
ses de  son  cours,  dut  subir  cette  tcirihie  leçon. 

Aujourd'hui,  M.  Lherminier,  fort  d'un  arrêt  de  l'As- 
semblée nationale,  qui  certes  ne  ^lensail  pas  à  lui  en 
rouvrant  les  chaires  du  collège  de  France,  M.  Lhermi- 
nier reparait,  M.  Barthélémy  Saint-llilaire  l'assiste 
dans  celle  douteuse  entreprise;  tons  deux  ccliouent; 


iM.  liiirtliclcmj  Saiiit-llilaiic  y  comproriud  son  patro- 
nage, la  jeunesse  des  écoles  lésiste,  comme  par  le 
passé,  et  qMel(|nes  journaux  s'écrient  :  «  Lsl-tc  ainsi 
ipi'on  entend  la  liberté  de  renseignement'.'  » 

(Jne  ne  demandent-ils  plutôt  à  M.  de  rallouv  m 
c'est  ainsi  qu'il  entend,  non  pas  la  liberté,  mais  l'Iioii- 
nenr  de  l'enseigneinenl,  riionnenr,  plus  précieux  en- 
core sans  doute  (pie  la  libeit(;'.' 

Que  i\L  Lherminier  ouvre  un  cours  à  se^  frais  cl 
non  à  ceux  de  l'IUat  ;  que  là,  dans  une  salle  où  il  par- 
lera en  son  nom,  rien  (ju'en  son  nom,  il  se  fasse  le  public 
(pii  lui  convient  et  auquel  il  [lent  convenir,  si  un  jiareil 
public  est  possible,  nous  le  voulons  bien.  Voilà  ce  que 
M.  Lherminier  est  libre  d'essayer,  si  bon  lui  semble. 

Mais  qu'un  gouvernement  ait  songé  à  forcer  une 
jeunesse  républicaine  ou  non,  une  jeunesse  loyale  et 
lionnèle  à  aller  entendre  des  préceptes  de  philosopiiie 
et  d'histoire  sorlifde  la  bouche  de  riiomme  qui  a  ef- 
frontément renié  dans  un  vil  intérêt  tout  son  passé  en 
un  instant,  voilà  ce  qui  n'est  pas  soutenable  ;  voilà  cequi 
est  absurde;  voilà  ce  qui  n'aurait  jamais  dû  être  essayé. 

Où  M.  Guizol  a  eu  la  pudeur  de  céder,  M.  de  Fal- 
loux  comprendra  que  son  devoir  est  de  ne  pas  insister; 
il  sentira  que  la  leçon  donnée  à  M.  Lherminier  cette 
semaine  est  de  colles  qu'un  gouvernement  honnête  peut 
tolérer,  et  que  cet  enseignement,  pour  tout  dire,  en 
vaut  un  autre,  si  ce  n'est  par  son  droit,  au  moins  par 
sa  moral  itp. 


LES    VOTES   DU   10   DÉCEMBRE.  « 

Prentz  garde,  ir.es  bons  messieurs,  si  la  corde  cassait! 


iSï 


REVUK  COMIQUK. 


LES  JOURNAUX  QUI  NE  PARAISSENT  PAS. 


Il  y  a,  comme  on  sait,  les  journaux  qui  paraissent 
peu,  les  journaux  qui  ne  paraissent  guère,  et  les  jour- 
naux qui  ne  paraissent  pas. 

Il  n'est  pas  aisé  de  comprendre  la  spéculation  de 
ces  derniers. 

Le  journal  qui  ne  parait  pas  n'existe  souvent  que 
par  un  titre  déposé  à  la  direction  de  la  lil)rairie  pour 
déconcerter  d'avance  les  contrefacteurs.  Il  en  est  de 
célèbres.  Le  Soleil,  par  exemple,  qui  n'a  jamais  lin 
pour  personne,  le  Pi-ogrcs,  VOpinion  et  tant  d'au- 
tres... On  en  connaît  qui  ont  changé  plusieurs  fois  de 
couleur  sans  avoir  jamais  paru. 

Et  parmi  les  petits  journaux,  qui  n'a  conservé  le 
souvenir  de  la  Casquette  de  Loutre?  C'était  même,  ou 
du  moins  cela  aurait  pu  être,  un  journal  quotidien 
orné  de  lithographies  à  l'instar  du  Charivari.  Cette 
feuille  fut  au  moment  de  paraître  à  l'époque  du  ma- 
riage de  la  reine  d'Angleterre.  Un  de  ses  rédacteurs 
avait  été  invité  aux  fêtes  et  cérémonies  de  la  cour.  Il 
ne  put  y  assister  faute  de  chapeau. 

Le  Pays  a  été  longtemps  au  nombre  des  journaux 
susdits.  Il  fut  tour  à  tour  libéral,  conservateur,  répu- 
blicain, bonapartiste,  selon  les  exigences  probables 
d'un  cautionnement  fugitif.  Il  vient  enfin  d'échapper 
aux  limbes  de  la  publicité.  Le  voilà  digne  de  figurer 
dans  le  catalogue  de  Deschiens,  ne  dût-il  durer  que 
cinq  jours,  comme  feu  le  Monde,  qui  ne  put  même  ac- 
complir la  durée  de  la  Genèse.  Son  créateur  s'élait  re- 
posé le  sixième  jour. 

Le  sort  de  la  Lanteiiie  fut  encore  j)lus  éphémère. 
Sa  lumière  fut,  mais  ne  brilla  qu'un  soir;  le  Lampion 
l'absorba  dans  sa  vive  clarté.  La  Lanterne  était  d'un 
autre  siècle.  Le  Lampion  lui-même  s'éteignit  aux  fa- 
tales journées  de  juin.  Mais  tout  cela  n'est  pas  encore 
le  journal  qui  ne  paraît  pas. 

Car  un  journal  qui  n'a  point  encore  paru  n'est  pas, 
à  proprement  parler,  un  journal. 

Celui  qui  n'a  paru  qu'une  fois  serait  même  à  peine 
digne  de  ce  titre  :  journal. 


A  ce  propos,  ne  poiirrait-ou  pas  citer  cet  illustre 
numéro  du  Conslitiilinnnel,  sosie  du  journal  de  ce  nom, 
(Hii  paiiit  un  matin  seulement,  il  y  a  une  quinzaine 
d'années.  La  rédaction  s'était  divisée;  il  y  avait  doute 
alors  sur  la  question  de  propriété.  Deux  Constilittion- 
?ie/«  pareils  d'aspect,  mais  différents  d'idées ,  se  pro- 
duisirent à  la  fois  dans  les  cafés.  Paris  ge  réveilla  avec 
la  stui)éfaclion  qu'il  aurait  à  voir  se  lever  deux  soleils. 

Il  existe  aussi  dans  les  collections  un  certain  nombre 
de  faux  Débats,  voici  pourquoi.  Un  grand  seigneur  de 
l'ancien  régime,  vivant  au  fond  d'une  province,  ne 
pouvait  se  figurer  que  les  Bourbons  eussent  été  chas- 
sés du  trône.  Pour  flatter  sa  manie  et  lui  conserver 
une  illusion  d'où  dépendait  sa  sauté,  sa  femme  eut 
ridée  de  faire  imprimer...  un  Journal  des  Débats  de 
fantaisie,  que  rédigeait  le  précepteur  de  la  famille. 
Quelle  belle  histoire  de  France  on  pourrait  rédiger 
d'après  ce  curieux  journal  ! 

Arrivons  à  la  spéculation  la  plus  hardie  dont  les 
lettres  aient  conservé  le  souvenir. 

Il  faut  savoir  qu'il  existe  de  braves  collectionneurs 
hollandais  qui  récoltent  aujourd'hui  des  journaux  à 
défaut  de  tulipes.  Une  bibliothèque  de  journaux  de 
l'ancienne  république  est,  pour  les  curieux,  d'un  prix 
inestimable.  On  espère  autant  de  la  nouvelle.  Mais, 
comme  on  sait,  un  seul  journal  qui  manque  dans  une 
collection  lui  ôte  beaucoup  de  sa  valeur.  On  a  donc 
imaginé  défaire  tirer  un  exemplaire  unique  d'un  jour- 
nal portant  un  titre  quelconque,  qui  non  seulement 
n'aura  pas  de  lendemain,  mais  qui  même  ne  sera  pas 
mis  en  vente.  Il  se  trouve  des  curieux  qui  offrent  2  ou 
5,000  francs  de  ce  numéro  introuvable,  dont  le  titre 
ne  se  révèle  au  public  que  par  le  bulletin  de  la  li- 
brairie. 

Nous  croyons  devoir  trahir  celte  industrie  nouvelle, 
qui  serait  fort  innocente  sans  doute,  si  le  numéro  uni- 
que ne  se  multipliait  selon  le  nombre  ou  la  bonhomie 
des  collectionneurs. 

Il  importe  que  la  presse  soit  enfin  moralisée  ! 


La  démocratie  a  eu  ses  sociétés  secrètes,  la  réaction 
veut  à  son  tour  avoir  les  siennes.  Si  nous  sommes  bien 
informés,  une  association  clandestine  s'est  constituée, 
à  la  fin  de  1848,  sous  le  titre  significatif  de  Club  des 
répuhlicophnbes.  L'une  de  ses  premières  décisions  a  été 
celle-ci  : 

0  Considérant  que  notre  but  est  de  nuire  à  la  Ré- 
publique, et  de  l'attaquer  par  tous  les  moyens  imagi- 
nables; —  Considérant  que  l'un  des  meilleurs  est  de 
mettre  obstacle  à  l'activité  du  commerce  et  à  la  circu- 
lation des  capitaux;  —  Considérant  qu'il  importe 
d'inculquer  à  nos  enfants  des  opinions  anti-répuhli- 


LES  RÉPUBLICOPHOBES. 

caines,  et  de  leur  présenter  le  nouveau  régime  comme 
la  source  de  toutes  sortes  de  calamités; 
«  Avons  décrété  et  décrétons  ce  qui  suit  : 


«  Les"  membres  du  club  s'abstiendront  de  toutes  dé- 
penses qui  ne  seront  pas  purement  jiersonnelles.  » 

«  Ainsi:  Plus  de  cadeaux  à  nos  maîtresses,  encore 
moins  à  nos  femmes;  plus  de  bonbons  à  nos  enfants, 
plus  de  spectacles,  plus  de  fêtes,  plus  de  concerts,  plus 
de  grands  dîners,  plus  de  pourboires  aux  cochers,  plus 
de  pourboires  aux  garçons,  plus  de  cigarres,  plus  d'au- 
mônes, plus  de  payements  à  nos  fournisseurs,  etc.,  etc.» 


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i  L'enseigoement  que  je  lire  de  cette  nomination,  c'est  l'invitation  de  contribuer  de  toutes 
mes  forces  à  raffermissement  de  la  République;  je  le  ferai  avec  probité,  a»ec  loyauté, 
avec  constance,  et,  s'il  le  faut,  avec  quelque  énergie.  « 


De&siné  par  Otto. 


Gravé  par  Bai  LANT. 


186 


REVUE  COMIQUE. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Le  National  ajinl  son  iiiari|iii?,  le  Journal  des  Dé- 
bats devait  avoir  le  sien.  —  M.  le  marquis  Marrast 
vient  de  donner  naissance  à  M.  le  marquis  Saint-Marc 
Girardin.  —  Lequel  de  ces  deux  marquis  est  le  plus 
spirituel,  lequel  est  le  plus  impertinent,  lequel  est  le 
plus  marquis,  pour  tout  dire?  Est-ce  le  président  de 
l'Assemblée  nationale  ou  l'auteur  de  la  théorie  déve- 
loppée par  les  Débats,  sur  les  gens  de  peu  et  les  gens 
de  qiietf/iie  chose?  —  Ombre  du  président  Séguier,  ré- 
pondez-nous; racontez-nous  ce  que  vous  savez  sur  la 
noblesse  de  celui  que  vous  appeliez  Marc  Girardin; 
et  si  M.  Marc  Girardin  le  désire,  nous  établirons  ses 
droits  à  la  geutiUionnncrie. 

—  «  Cela  ne  nous  regarde  pas,  »  dit  le  Journal 
des  Débats.  Cela  veut-il  dire  que  vous  n'avez  aucun 
souci  à  avoir  de  ce  qui  se  passe  du  moment  où  vous 
n'êtes  plus  le  journal  du  gouvernement,  et  que  la 
patrie  peut  périr  sans  que  vous  ayez  à  vous  en  émou- 
voir? —  Si  c'est  cela,  allez-vous-en,  émigrez,  —  M.  le 
marquis,  —  ou  tout  au  moins  taisez-vous. 

—  Le  journal  des  Débats  avait  été  parfait  de  ton, 
de  mesure  et  de  bon  goût,  depuis  bientôt  un  an,  dans 
une  position  difficile  et  délicate.  Il  a  renoncé  tout  à 
coup  à  ce  beau  rôle.  A  qui  la  faute?  N'est-il  pas  tou- 
jours trop  tôt  pour  cesser  d'être  sensé,  honorable,  et 
d'avoir  raison  à  force  de  raison  ? 

LE    JOURNAL   DES    DEBATS. 

Je  n'ai  pas  fait  la  République,  dit  en  se  frottant  les 
mains  d'un  air  un  peu  plus  dégagé  que  sa  situation 
personnelle,  que  la  situation  du  pays  ne  le  comporte, 
le  Journal  des  Débats.  Pardon.  Qui  .donc  l'a  faite,  non 
pas  après,  mais  avant  les  républicains,  si  ce  n'est  vous, 
cette  république  dont  vous  vous  séparez  si  lestement  ù 
cette  heure,  et  dont  les  conséquences  pèseraient  encore 
justement  sur  vous,  alors  même  que  vous  viendriez  à 
bout  de  la  vaincre.  De  quoi  se  composent  les  éléments 
d'une  révolution,  si  ce  n'est  des  fautes  qui  l'ont  ame- 
née? Ces  fautes,  qui  les  a  faites?  Est-ce/e  Nationalou 
le  Journal  des  Débats?  —M.  Guizot,  homme  de  quel- 
que chose,  ou  M.  de  Lamartine,  homme  de  peu,  le 
glorieux  M.  Duchàtcl  ou  le  pauvre  M.  Dufaurc,  l'il- 
lustre M.  Trezel  ou  l'inconnu  qu'on  nomme  le  général 
Cavaignac,  les  hommes  de  Louis-l'hilippe,  enfin,  ces 
hommes  de  quelque  chose,  ou  les  hommes  de  la  Répu- 
blique, ces  gens  de  rien,  comme  vous  dites? 

Vous  en  parlez  trop  à  votre  aise ,  à  dix  mois 
de  distance.    Vous  vous  sentiez  la  conscience  moins 


libre;  vous  vous  sentiez  plus  coupables,  peul-èlre, 
moins  innocents,  si  vous  le  préférez,  le  25  février! 
Vous  frulliez-vous  les  mains,  ce  jour-là?  Auriez- 
vous  osé  vous  les  laver,  vos  mains,  de  ce  sang  ré- 
pandu? Non.  Vous  vous  conduisiez  décemment,  je  di- 
rais humblement,  s'il  ne  valait  mieux  vous  reprendre 
que  vous  blesser  ;  vous  reconnaissiez  vos  torts  ;  et,  de- 
vant tous  ces  désastres  amenés  par  vous,  vous  sembliez 
comprendre  que  les  coupables  ce  n'étaient  pas  les  vain- 
queurs, que  vous  aviez  forcés,  réduits  à  vaincre. 

Vos  fautes,  celte  république  pouvait  vous  en  de- 
mander compte  ;  l'a-t-elle  fait?  Non.  Elle  a  été  clé- 
mente, et  vous  ne  le  seriez  pas  pour  elle  ;  et  là  où  elle 
a  été  magnanime  avec  vous,  vous  ne  seriez  ni  indul- 
gents, ni  même  polis  !  Hélas  !  vous  êtes  incorrigibles! 

Heureusement  que  la  République  le  sera  aussi,  et 
qu'en  dépit  de  vos  efforts  pour  la  pousser  à  des  violen- 
ces, elle  gardera  ce  défaut  politique,  la  clémence,  dont 
vous  essayeriez  en  vain  de  la  faire  repentir. 

—  Jamais  temps  n'a  été  plus  fécond  en  phénomènes. 
Quelques  braves  gens  croient  que  le  nombre  des  répu- 
blicains diminue  :  erreur  !  Le  nombre  au  contraire  en 
augmente  tous  les  jours.  La  République  s'enrichit  in- 
cessamment non-seulement  d'individus  nouveaux  , 
mais  d'espèces  tout  entières,  jusque-là  inconnues. 

Nous  avions  les  républicains  rouges,  les  républicains 
modérés,  les  républicains  encore  plus  modérés  qu'on 
pourrait  appeler  les  républicains  gris-perle,  les  réjui- 
blicains  socialistes,  soit  de  la  veille  soit  du  lendemain, 
puis  enfin  les  républicains  bonapartistes. 

Nous  avons  aujourd'hui  les  républicains  impéria- 
listes, les  républicains  régentisles,  les  républicains  lé- 
gitimistes et  les  républicains  monarchistes  rouges,  c'est- 
à-dire  CCS  joueurs  intrépides  qui  prendraient  un  roi 
quelconque  dans  un  jeu  de  cartes  plutôt  que  de  s'en 
|)asser. 

La  République  n'est  pas  si  malade,  si  elle  ne  doit 
mourir  que  quand  ses  ennemis  seront  d'accord. 

—  Dans  la  discussion  relative  à  la  fixation  des  ap- 
pointements du  vice-président  de  la  Rébublique,  cha- 
cun donnait  son  chiffre  et  ses  raisons  à  l'appui.  Le 
chillVe  18  l'emporta.  —  C'est  un  bon  chiffre  pour 
un  lioulay,  dit  M.  le  procureur-général  Dupin,— 
expert  en  calembours  comme  on  sait. 

AU    «AL    DE    l'opÉHA. 

J'étais  samedi  passé  au  bal  de  l'Opéra,  j'eus  l'hon- 
neur d'y  être  pris  pour  un  représentant  du  peuple.  Je 


A  l/USAHR  DES  CENS  SERIEUX. 


187 


dirai,  pour  expliinn'i'  une  inriiiise  pour  moi  si  glo- 
rieuso,  (]u'oii  |)uuviiit  cotiiptor  environ  trois  cents  de  ces 
lionoraliles  dans  le  foyer,  sans  préjudice  Lien  entendu 
de  cenx(jui  pouvaient  se  trouver  dans  des  loges  avec  des 
t'aux-noz,  on  dans  la  salle  sous  des  costumes  de  pierrot, 
d'aricipiiii,  de  Tujc  et  autres.  «  Sacrédié,  nie  dit  un 
des  |)lus  agaçants  dominos  de  l'endroit,  à  qui  je  venais 
d'offrir,  sur  sa  demande,  un  bâton  de  sucre  de  ponime 
de  Rouen  gros  comme  un  biloii  de  maréchal,  sacrédié, 
ça  serait  pourtant  dommage  qu'on  renvoie  a  leurs 
femmes  de  province  des  amours  de  représentants 
comme  vous  tous.  Veux-tu  que  je  monte  sur  une  ban- 
quette et  que  je  le  fasse  signer  par  toutes  les  citoyen- 
nes ici  présentes  une  pétition,  une  fameuse,  qui  té- 
moigne de  vos  vertus  et  fasse  connaître  au  président 
que  vous  êtes  nécessaires  à  Parif.  Parle,  dis  un  mot,  et 
dans  trois  quarts  d'heure  tu  as  quinîo  cents  signaturos, 


et  des  crânes,  à  rhettre  sous  le  nez  du  petit  |)ére  Mar- 
rasl.  Ça  va-l-il"?  —  Je  promis  à  l'aimable  masque  qui 
tint  ce  discours  d'en  parlera  mes  collègues  à  la  première 
réunion,  et  de  lui  porter  au  prochain  bal  leur  réponse. 

—  Les  voleurs  punissent  les  transfuges.  1^  société 
les  récompense.  —  C'est  un  des  grands  malheurs  des 
rtWolulions  d'offrir  une  prime  aux  apostasies. 

—  .Madame  Sand,  à  qui  un  grand  nombre  de  ses 
admirateui's  les  plus  passionnés  avaient  grand'p'eine 
à  ()ardoniu'r  qu'elle  eût  oublié  qu'elle  était  avant  tout 
un  admirable  poète  pour  se  faire  écrivain  politique, 
publie,  dans  le  journal  le  Crédit,  un  roman  qui  lui 
obtiendra  sa  gnke  des  réactionnaires  les  plus  endurcis. 
La  petite  Fadette  renferme  des  trésors  de  poésie,  de 
simplicité  et  de  candeur,  et  pas  un  mol  de  politique. 


LE   RETOUR    DE    -M.    (.UIZOT. 


Français,  me  voici  parmi  vous; 
J"ai,  pour  cjimer  voire  courroux, 
De  l'exil  subi  le  supplice. 
Montrons-nous  généreux  et  grands, 
Eq  oubliant  nos  diOérend-', 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  elTacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 

Je  puis  sans  danger,  maintenant, 
Paraître  sur  le  continent. 
Môme  demander  .du  service. 
Depuis  que  je  fus  exilé. 
Un  siècle  entier  s'est  écoulé. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé  ; 
Embrassoni-nous,  et  (pie  ça  finisse. 

Mes  bons  électeurs  de  Lisieux, 
Je  reviens;  essuyez  vos  yeux. 
Qu'à  la  Chambre  on  me  rétablisse. 
Depuis  longtemps  votre  cité 
M'a  promis  sa  docilité. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  efTacé; 
Embrassons-nous,  et  que  ça  finisse. 


kiK  de  ta  ilarquin  de  Prelinlaille. 

Les  suppôts  de  la  royauté 
Reconquièrent  l'autorité. 
Au  pouvoir  chacun  d'eux  se  glisse. 
Dans  un  assez  proche  avenir. 
Je  crois  que  mon  tour  va  venir. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé; 
Embrassons-ncus,  et  que  ça  finisse. 

Barrot,  que  j'avais  méconnu, 
Au  ministère  est  parvenu  ; 
11  s'y  comporte  en  vrai  novice. 
De  lui  pourtant  je  suis  ravi, 
Car  pas  à  pas  il  m'a  suivi. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  et  que  ça  finisse.' 


Il  restaure  de  bonnes  lois; 
Il  réljblit  dans  leurs  emplois 
Les  vitiux  soldats  de  ma  milice. 
Il  en  a  même  réélu 
Dont  le  r<ji  n'aurait  pas  voulu. 
Que  le  passé 
Soit  un  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 

Vraiment,  à  le  voir  diriger 
L'intérieur  et  l'étranger, 
On  dirait  qu'il  est  mon  complice. 
En  cet  homme  qui  m'insulta. 
Je  trouve  mon  duplicata. 
Que  le  passé 
Soit  en  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 

Puisqu'il  n'e  t  point  de  changement, 
A  rentrer  au  gi  uvernement, 
Il  se  peut  que  je  réus-isse. 
Barro!,  Guizot,  au  cabinet,' 
C'est  bonnet  blanc  et  blanc  bonnet. 
Que  le  passé 
Soit  en  rêve  effacé; 
Embrassons-nous,  el  que  ça  finisse. 


—  Il  le  gardera..*  —  11  ce  le  gardera  pas!  — 


Celle  adorable  boule  esl  celle  de  Boulay, 
Qui  ne  se  moiicliepas  dii  pied.'conime  on  le  pense. 
Quand,  [lour  lui  conférer  la  vice-yirésidence, 
Dans  la  botle  an  ftru.ln  chaque  boule  aboulail, 
Boulay  dil  bravenienl  (quoiqu'il  ne  soil  pas  nvge  )  : 
«  Képublicain,  nioibleu  !  loul  de  bon  l'esl  Boula)  1 
«  Et  si  quel  lue  j"nr,  le  royalisle  bouge, 
«  Il  sera  bel  el  bien  par  Boulay  sîboulé!  » 


Desiiné  par  FaBritzius., 


Gravé  par  LEBLANC. 


nmarvAnn  ni!ii  itai.ibni. 


80  c'oiiHiiioii)  la  lIvrnlHon. 


»ri!  mcnp.i.iFc,  K2. 


iirions  de  la  Conscription.  —  La  Revue  comioi'E  formera  un  ma<rnifu]ue  Tolumo,  grand  in-8,  publié  en  50  llvraifons  à  30  centimes, 
la  poste,  40  cent.  On  souscrit  pour  10  livraisons.  Pour  les  départements,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  l'ordie  du  directeur  de  la 
fUK.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction,  écrire   (franco)  à  M.  Lirecï,  au  bureau  de  la  Revue,  %  boulevard  des  Italiens. 


OUMIirEHAT.  ÉSITEVB,  HUE  nZCHEX.2EU,  52. 


43»  Livraison. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  I.A  REVUE  COMIQUE. 


Pour  réi.o.ulre  au  désir  exprimé  par  uu  gran.l  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que.  pour  ne  pas  décomplétcr  la  collection  des  dessins  parus  jus.iu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  ^obli^ation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  laçon 
uniforme  loutes\>s  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  leudlet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

I  e  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-ilernière  pages  de  cliaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


Dessinateurs.  Graveurs. 

Nouvelle  Tenue Didier.         Baulant. 

Joujoux  d'uD  Enfant  terrible. Bertall.        Midderigh. 

Un  sabre » Fabritzius.  Baulant. 

Le  Satnmeil  de  M.  Ma.rast Bertall.       Midderigh. 

lioute  de  Bourges Didit  r. 


Eaulant. 


Les  Araignées 

Fresneau •  •  ■ 

Conclus  on  de  la  Semaine 
Fau.her 


Dessinateurs.  Graveurs. 
Nadard.       Leblanc. 
Fabritzius.  Louis. 
Ot.  Bara. 

Fabritzius.  Baulant. 


POOR  PARAITBE   DANS  LES  PROCHAINES  LIVRAISONS    : 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tciilalions  —  travestissements 
liypocrysics  —  passe- passe —  perfidies  —  gianilc  ciilbule  de 

MOSIEU  RÉAG 

SlITE    DE    CARICATLUES    PAIi    NADAnO. 


SOMMÂlUE  DE  LA  TREIZIÈ.ME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  -  Un  Sabre.  -  Le  Sommeil  de  M.  Marrast.  -  Les  Arrestations.  -  Bndgel  d'un  Représentant.  -  Voyage  en 

Europe.  —  Choses  Quelconques. 


1>aril.-Tirrc  au»  presses  mécaniques  Je  Lic«A»Pi.   fils  el   r<..np.,  me  Daroielle,  î. 


i>)'j 


LA  SEMAINE. 


L'histoire  de  celte  semaine  se  résume  dans  celle 
d'une  journée.  Supprimez  les  grands  événements  de 
lundi,  que  nous  restera-t-il?  un  vaudeville  de  M.  Ro- 
zier  aux  Variétés,  la  reprise  de  la  Fêle  du  village  voisin 
à  rOpéra-comique,  un  bal  chez  le  fameux  colonel 
Thom,  qui  reparait  à  l'horizon,  il  n'y  aurait  pas  là  de 
quoi  remplir  deux  colonnes. 

Heureusement  MM.  Odilon  Barrot  et  Léon  Faucher 
sont  venus  à  notre  secours.  Les  deux  vaudevillistes  po- 
litiques ont  rédigé,  en  collaboration  avec  le  général 
Changarnier,  une  petite  conspiration  qui  décèle  de 
grandes  facultés  dramatiques,  une  entente  des  planches 
et  une  science  des  ficelles  qu'on  ne  se  serait  peut-être 
pas  attendu  à  trouver  dans  de  si  jeunes  auteurs. 

Voici  en  quelques  mots  l'analyse  de  cet  ouvrage. 

L'amour  n'est  pour  rien  dans  la  pièce  de  M.  Odilon 
Barrot,  Léon  Faucher,  Changarnier  et  Clairville  ;  car, 
pour  ne  rien  cacher,  nous  devons  dire  que  cet  illustre 
vaudevilliste  a  travaillé  à  la  journée  de  lundi;  c'est  lui 
qui  a  rédigé  la  fameuse  proclamation  finale  où  on  dé- 
clare au  public  qu'il  faut  en  finir  avec  l'anarchie  d'une 
façon  complète  et  irrévocable.  Or,  la  donnée  de  la 
pièce  a  cela  de  vraiment  comique,  que  les  principaux 
personnages  passent  tout  leur  temps  à  chercher  l'anar- 
chie qu'ils  ne  peuvent  trouver  nulle  part. 

En  renonçant  à  ce  puissant  moyen  d'émouvoir  les 
cœurs,  qui  s'appelle  l'amour ,  il  faut  convenir  que 
MM.  Odilon  Barrot,  Léon  Faucher,  Changarnier  et 
Clairville  ont  fait  preuve  de  beaucoup  d'audace.  Peut- 
on  dire  que  cette  audace  a  été  justifiée  par  le  succès? 
C'est  au  lecteur  de  répondre. 

La  scène  s'ouvre  par  un  roulement  de  tambours.  Ou 
bat  jusqu'à  dix-sept  fois  le  rappel  dans  ma  rue.  A  cha- 


que fois  un  garde  national  se  rend  à  ]'a|,pel.  Cela  fait 
juste  dix-sept  gardes  nationaux. 

—  Qu'ya-t-il,  caporal? 

—  Demandez-le  au  sergent. 

—  Que  se  passe-t-il,  sergent? 

—  Demandez-le  au  lieutenant. 

—  Qu'arrive-t-il,  lieutenant? 

—  Demandez-le  au  capitaine. 

—  Que  va-t-on  faire,  capitaine? 

—  bemandez-lc  au  commandant. 

—  De  quoi  s'agit-il,  commandant? 

—  Allons  le  demander  au  colonel. 

Les  dix-sept  hommes  se  mettent  en  marche  pour  la 
mairie,  et  nous  prenons  le  chemin  de  l'Assemblée  na- 
tionale où  se  discute  la  fameuse  proposition  Grévy. 
L'enceinte  de  la  représentation  nationale  est  envi- 
ronnée de  troupes  et  de  canons.  En  entrant,  il  nous 
seiiible  voir  le  fantôme  du  pompier  du  1 5  mai  traverser 
la  salle  des  Pas-Perdus.  Ce  n'est  qu'un  aide  de  camp 
du  général  Changarnier. 

Les  représentants  sont  en  émoi.  Pourquoi  ces  troupes? 
A  quoi  servent  ces  canons?  M.  Odilon  Barrot  monte  à 
la  tribune,  et  il  se  met  à  réciter  un  de  ces  amphigouris 
qui  étaient  autrefois  le  triomphe  du  vénérable  Odry. 
11  parle  des  éternels  ennemis  de  l'ordre,  de  la  garde 
mobile,  des  Guelfes  et  des  Gibelins,  de  la  pureté  de  ses 
intentions,  des  Capulets  et  des  Montaigus,  de  la  conspi- 
ration des  poudres,  de  la  tyrannie  des  Seize,  de  la  ma- 
chine infernale,  et  enfin  de  l'irt  d'élever  des  conspira- 
tions et  de  s'en  faire  trois  mille  francs  de  revenu.  Après 
quoi  Odry-Barrot  se  rend  majestueusement  à  sa  place. 

11  faut  maintenant  que  le  président  Marrast  s'ex- 
plique au  sujet  de  l'appareil  militaire  qui  entoure  l'as- 


190 


REVUE  COMIQUE 


semblée.  M.  Marraslse  lève  de  son  fauteuil,  et  déclare 
qu'en  se  réveillant  et  en  se  voyant  ceint  de  baionnetles, 
il  a  envoyé  demander  des  explications  au  général  C.lian- 
çaruier,  en  le  priant  poliment  de  passer  dans  son  ca- 
liinet  (style  d'avoué). 

Le  général  Cliaugai-nier  a  répondu  non  moins  po- 
liment (M.  Cliaugarnier,  après  M.  de  Coaslin,  est 
l'homme  le  plus  poli  de  France)  qu'il  avait  autre  chose 
à  faire,  et  qu'il  ne  pouvait  se  rendre  à  l'appel  du  pré- 
sident Marrast,  le(|uel  a  demandé  pourquoi  on  avait 
envoyé  tous  ces  soldats  sans  le  prévenir. 

—  Ah!  monsieur,  a  répliqué  M.  Changarnier,  pour 
qui  me  prenez-vous?  Troubler  votre  sommeil,  le  som- 
meil d'un  président;  je  suis  incapalile  d'une  telle  m- 
convenance. 

L'Assemblée  ari  de  dédain  en  entendent  M.  Marrast 
annoncer  qu'on  n'avait  point  voulu  troubler  son  som- 
meil. Les  amis  du  président  prétendent  qu'en  pronon- 
çant ces  paroles,  il  avait  eu  l'intention  de  faire  de 
l'ironie.  11  ne  s'agissait  que  de  dignité. 

Il  est  résulté  de  toutes  ces  explications  que  le  pré- 
sident de  r.\sseml)lée  nationale  n'avait  point  demandé 
à  être  entouré  d'un  camp;  mais  que  les  troupes  étant 
là,  il  fallait  ies  placer  sous  le  commandement  du  gé- 
néral Lebreton,  questeur  de  l'Assemblée.  C'est  ce  qui 
a  été  fait.  Peut-être  eùl-il  mieux  valu  renvoyer  ces 
troupes  et  déclarer  qu'on  n'avait  rien  à  redouter  du 
peuple  de  Paris  :  ce  qui  était  vrai. 

^ous  avons  remarqué  que  toutes  ces  explications  ont 
été  prononcées  par  M.  Marrast  avec  un  accent  légère- 
ment gascon,  qui  réparait  toujours  chez  lui  au  mo- 
ment des  grandes  crises. 

La  proposition  Grévy  a  été  rejetée.  Il  faut  convenir 
que  personne  ne  s'attendait  à  ce  dénoùment.  L'admi- 
rable discours  de  M.  Jules  Favre  avait  réduit  à  want 
les  arguments  de  ses  adversaires  et  pulvérisé  le  minis- 
tère. Nous  nous  servons  à  dessein  de  ces  expressions 
qui  ont  le  malheur  d'être  consacrées.  L'orateur,  et  ce 
n'est  point  ici  un  mot  de  courtoisie,  a  obtenu  un  des 
plus  beaux  triomphes  dont  la  tribune  républicaine  ait 
été  le  témoin,  et,  après  l'émotion  universelle  produite 
par  ce  discours,  nous  en  sommes  encore  à  comprendre 
le  résultat  qui  l'a  suivi.  Les  uns  l'attribuent  à  nu  mal- 
entendu, d'autres  à  la  lassitude  de  beaucoup  de  repré- 
sentants, d'autres  à  la  pression  des  moyens  dramati- 
ques employés  par  MM.  Odilon  lîarrot,  Léon  Faucher, 
Changarnier  et  Clairville. 

Onze  voix  de  majorité,  voilà  tout  ce  que  le  minis- 
tère a  obtenu  dans  une  question  pareille  et  après  de 
lels  efforts.  Les  indécis,  les  républicains  de  nuance  ont 
de  bien  graves  reproches  à  se  faire.  C'est  le  parti  Pa- 
gnerre  qui  a  décidé  le  vote  en  faveurde  la  réaction.  Nous 
avons  décidément  un  parti  Pagnerre.  O  mon  pays!... 
Pour  célébrer  une  victoire  que  l'éloquente  indigna- 
lion  de  Cuinard  devait  lui  faire  expiei'  le  lendemain, 
M.  Léon  Faucher  s'est  donné  le  plaisir  de  faire  arrê- 


ter le  brave  colonel  de  la  sixième  légion.  Forestier,  les 
membres  de  la  Solidarité  républicaine,  M.  D'Alton- 
Sbée,  sans  compter  tous  ceux  dont  nous  ne  savons  pas 
les  noms.  M.  Léon  Faucher  tient  à  épuiser  toutes  les 
|ouissances  du  pouvoir. 

Une  demande  d'enquête  sur  ces  événements  sombres 
et  formiilables,  comme  dirait  M.  Hugo,  est  déposée  à 
l'Assemblée  nationale  et  suit  la  iilière  des  bureaux. 
Nous  saurons  enhii  peut-être  de  quel  danger  la  société 
était  menacée,  et  pourquoi,  dans  ce  péril  pressant,  on 
n'a  convoqué  que  deux  ou  trois  légions  de  la  garde 
nationale,  laissant  les  autres  se  livrer  à  leurs  affaires 
respectives,  y  compris  l'artillerie,  qui  a  cru  devoir  se 
réunir  poyr  voler  au  secours  de  M.  Léon  Faucher. 

Cette  journée  nous  a  du  moins  valu  l'avantage  d'a- 
percevoir notre  président  à  cheval  dans  la  rue  de  la 
Paix,  et  de  le  saluer  comme  tous  les  citoyens  présents 
sur  son  passage  aux  cris  de  Vive  la  République!  à  bas 
le  ministère!  .M.  Louis  Bonaparte  portait  son  costume 
de  Jeune  officier  de  l'ancien  opéra-comique. 

Lundi  matin,  MM.  Clément  Thomas  et  de  Coétlogon, 
la  Uépublique  et  lalégitimité, échangeaient  nu  loyal  coup 
d'épéeau  bois  de  Boulogne;  lesoir,  M.  Thiers  .serrait  sur 
son  sein  le  jeune  Faucher,  et  lui  disait  jnrWe  cmimo,  gene- 
rose  puer,  persévère  dans  la  grande  tradition  polilupie, 
le  sac  de  Scapin  estje  vrai  manteau  du  pouvoir.  On  ne  fait 
quelque  chose  que  par  l'intrigue  et  la  haute  comédie. 
Que  signitie  ce  quelque  chose  de  M.  Thiers.  Nous  le 
saurons  peut-être  plus  tard.  En  attendant,  nous  en 
sommes  encore  à  répéter  ce  mot  qui  était  hindi  der- 
nier dans  toutes  les  bouches.  Qui  trompe-ton  ici? 

On  pourrait  bien  dire  :  Qui  se  trompe?  car  nous 
croyons  que  MM.  Odilon  Barrot ,  Léon  Faucher, 
Changarnier  et  Clairville  sont  dans  l'erreur  s'ils  comp- 
tent sur  le  succès  de  leur  ouvrage.  L'intrigue  est  per- 
cée à  jour,  ils  tomberont  sous  les  sifllets. 


Une  nouvelle  tenue. 


LES   JOUJULX    D  LN    ENFAXT    TERRIBLE. 


Dessiné  par  Bertall. 


Gravé  par  Midderigh. 


REVUE  COMIQUE 


UN    SABRE. 


«  Avez  -  vous 
vu,  lundi,  le  gé- 
néral Cliangar- 
nii'i'  sur  son  che- 
val blanc? 

—  Oui,  le  che- 
val était  eruUé 
plus  qu'il  ne  con- 
venait à  sa  cou- 
leur. 

—  C'est  vrai, 
mais  M.  Chan- 
garuier  était  su- 
perbe; il  avait  un 
(aux  air  du  uia- 
réciial  Hadetski. 

—  Du  maré- 
chal Radct.ki  et 
de  Franconi. 

—  Il  rappelait,  il  est  vrai,  Franconi  pour  son  ta- 
lent d'équitation  et  par  la  mise  en  scène  de  la  journée  ; 
mais  sa  véritable  ressemblance  était  empruntée  à  Ra- 
de tbki. 

—  Moi,  je  tiens  pour  Franconi,  d'abord  à  cause  du 
cheval  blanc,  quoiqu'il  fût  crotté  jusqu'au  cou. 

—  Le  cheval  blanc  aurait  plutôt  rappelé  Lafayette. 

—  Préjugé!  lafayette  avait  des  cheveux  blancs,  et 
non  pas  un  cheval  blanc.  M.  Changarnier  est  le  seul 
général  qui  ait  jamais  monté  un  cheval  blanc  :  cette 
couleur  voyante  ne  convient  qu'aux  exercices  du  Cu-- 
que  ;  les  chevaux  de  cette  couleur  ont  été  inventés  par 
Franconi  et  ses  écuyers. 

Soit,  mais  les  moulinets  du  sabre  de  M.  Chan- 
garnier sont  du  Radetïki  tout  pur. 

C'est  encore  du  Franconi.  Dans  les  pièces  mili- 
taires du  Cirque,  les  généraux  ont  toujours  le  sabre  à 
la  main  pour  faire  des  moulinets. 

—  11  me  semble  (jue  Radelski  ne  l'ait  guèi'e  autre 
chose  à  Milan. 

—  Je  l'avoue,  mais  Radetski  est  un  guerrier  de  la 
haute  école  qui  possède  les  traditions.  Ces  traditions 
seinblaieht  devoir  se  perdre  :  M.  Changarnier  les  remet 
en  vigueur.  Il  essaie  eu  ce  moment,  dans  l'art  mili- 
taire, une  réaction  classiijue  semblable  à  celle  qu'on 
a  tentée  pour  la  tragédie,  et  qui  n'a  pas  eu  de  succès. 

—  Voulez-vous  dire  par-là  que  W.  Changarnier  ne 
doit  pas  réussir? 

—  C'est  selon.  M.  Changarnier  réussirait  beaucoup 
en  Russie  ou  en  Autriche.  Ce  n'est  pas  un  général 
français,     c'est   un    feld-maréchul    austro-I\usse,    un 


lionmie  de  première  force  pour  sabrer  des  populations 
vouées  au  knout  ou  à  la  schlague.  11  n'y  a,  pour  s'en 
convaincre,  qu'à  l'entendre  conjuguer  le  verbe  sabrer. 
Je  sabre,  j'ai  sabré,  je  sabrerai,  sabrons  !  Eh  quoi  !  la 
garde  mobile  se  mutine  !  on  la  sabrera.  La  garde  na- 
tionale murmure  !  On  saura  la  sabrer.  Qui  est-ce  qui 
bouge?  Apportez- moi  mon  sabre  !  En  Autriche  et  en 
Russie,  on  se  fait  des  milliers  de  roubles  de  rentes  avec 
l'art  d'élever  des  sabres.  En  France,  cet  art  est  encore 
moins  productif  et  moins  sûr  que  l'art  d'élever  des  la- 
[,ius. 

—  Rah  !  l'art  d'élever  des  lapins,  qu'est-ce  que  cela 
rapporte?  5,000  francs  de  rentes  au  plus  ;  il  n'y  a  pas 
seulement  de  quoi  avoir  un  cheval  blanc. 

—  On  s'en  passe.  Mais  pour  en  revenir  à  M.  Chan- 
o-arnier,  savcz-vous  ([u'il  est  un  peu  bien  ridicule  en 
ce  moment? 

—  Ridicule  !  ce  brillant  militaire  tout  imprégné 
d'eaux  de  senteur  ! 

—  Les  eaux  de  senteur  ne  prouvent  rien;  c'est 
même  ce  que  l'on  considère  à  l'étranger  comme  une 
marque  de  la  légèreté  française.  Un  sabre  a  beau  être 
parfumé  à  l'eau  de  Portugal,  c'est  toujours  un  sabre. 
Quand  M.  Barrot  monte  à  la  tribune  pour  y  débiter  ses 
pompeuses  niaiseries,  il  me  semble  toujours  voir 
M.  Changarnier  debout  près  de  l'orateur,  le  sabre  à  la 
nuiin,  pour  forcer  les  applaudissements.  Grâces  à  lui, 
nous  avons  vu  une  chose  assez  rare  dans  les  annales 
d'une  république  :  cent  mille  hommes  sous  les  armes, 
et  l'artillerie  stationnant  mèche  allumée  pour  appuyer 
les  vessies  gonflées  de  vent  que  devait  lâcher  M.  Bar- 
rot.  Si  M.  Barrot  avait  un  lils  de  dix  ans  qui  s'amusât 
à  lancer  des  cerfs-volants,  M.  Barrot  ferait  escorter  le 
cerf-volant  de  son  lils  par  un  régiment  de  cavalerie, 
une  division  de  ligne  et  deux  légions  de  la  garde  na- 
tionale, pour  lesquelles  on  battrait  le  rappel  à  sept 
heures  du  matin  ;  et  M.  Changarnier  viendrait  en  per- 
sonne, sur  son  cheval  blanc,  se  mettre  à  la  tète  de  ces 
forces  imposantes. 

Voilà  où  l'on  arrive  en  voulant  j(uier  nu  rôle  poli- 
tiqueàtout  i)ri\, — àservirde  CosaqueàM.  lîarrot  lors- 
qu'il a  besoin  d'imposer  au  pays  la  re^tauratlon  de  sa 
vieille  éloquence.  Au  moins  Radetski  prononce  lui- 
même  les  discours  et  rédige  les  proclamations  qu'il  es- 
corte ensuite  avec  ses  baïonnettes  dans  les  rues  de 
Milan.  Il  est  vrai  que  M.  Changarnier  a  déjà  prouvé, 
notamment  dans  son  entretien  avec  les  chefs  de  la  garde 
mobile,  que  l'éloquence  d'un  feld-maréchal  lui  serait 
facile  au  besoin  ;  quel  malheur  (lue  M.  Changarnier  ne 
soit  pas  Autrichien  1 


J 


A  i;iISACE  DKS  GENS  SEIUKUX. 


193 


1,K  SOMMF.II,  I)i:  M.   MAUliAST. 


S'il  y  a  iiiio  iliose  sacn'c  au  iiuhuIi',  c'est,  à  coup  sûr, 
le  :>oiiiiiicil  de  M.  iManast. 

Quand  M.  Mariasl  dml,  les  vonls  s'apaisciil,  les 
(louves  sus|ieudciit  leur  euurs,  les  passants  luarclieiilsur 
la  pointe  tlu  jiied,  la  nature  entière  craint  de  le  ré- 
veiller. 

Son  valet  de  clianilire  nous  a  assuré  qu'il  avait  vu 
plus  d'une  l'ois  des  l'ées  entrer  par  la  fenêtre,  avec  leur 
cortège  d'esprits  aériens,  dans  laeliainlirede  son  niailrc. 
Titania  eilc-inènie  serait  venue  dans  sa  coquille  de  noix, 
traînée  par  des  papillons.  Quand  ces  visites  arrivent, 
ajoutait  le  valet  de  chambre,  je  les  annonce  à  haute 
voix,  car  la  moindre  infiaction  aux  règles  de  l'éliquetle 
serait  punie  sévèrement  par  M.  Marrast. 

—  Et  après'/ 

—  Après,  je  me  hâte  de  soi  tir  delà  chambre  ;  un  soir 
que  la  curiosité  m'avait  porté  à  rester,  Titania  changea 
ma  tète  en  une  tête  d'âne  qui  resta  sur  mes  épaules 
jusqu'au  lendemain.  N'osant  pas  rentrer  chez  moi  et 
me  montrer  à  ma  femme  avec  cette  tète,  et  me  voyant 
condamné  à  passer  la  nuit  derrière  la  porte,  je  me  per- 
mis de  regarder  par  le  trou  de  la  serrure, 

—  Et  vous  vîtes'? 

—  Je  vis  les  fées  entourer  la  couche  de  M.  Mar- 
rast.  Les  unes  le  berçaient,  les  autres  agitaient  sur  son 
visage  des  éventails  |)arfumés  et  semaient  des  feuilles 
de  rose  sur  son  lit.  Titania  lui  disait  d'une  voix  douce 
comme  le  murmure  d'une  nuit  d'été  :  «  Dors,  bel  ami, 
fais  des  rêves  charmants,  je  t'en  conjure.  » 

Et  un  sourire  divin  venait  épanouir  les  traits  de 
M.  Marrast. 


—  Il  rêve!  s'écriaient  en  chœur  les  autres  fées;  il 
rêve  !  ne  l'éveillons  pas  et  dansons  sans  bruit. 

Ebloui  de  ce  spectacle,  je  finis  peu  à  peu  par  m'en- 
dormir. 

—  Et  (juaiid  les  fées  ne  viennent  pas? 

—  Alors  on  vu  chercher  l'uullier  qui  chante  l'air  du 
sommeil. 

Ainsi  parlait  ce  bon  valet  de  chambre,  et  l'on  com- 
prend après  cela  pourquoi  le  sommeil  de  .M.  Marrast 
est  entouré  de  tant  de  resi)ects  à  l'hôtel  de  la  Pré- 
sidence. 

M.  Marrast  lui-même  l'a  dit  l'autrejour  à  l'As- 
semblée, quand  on  lui  demandait  s'il  n'avait  pas  été 
prévenu  de  la  prise  d'armes  du  général  Changnrnier. 

—  J'ai  été  prévenu,  en  effet,  mais  très-lard,  parce 
qu'on  n'avait  pas  voulu  troubler  mon  sommeil. 

—  Et  pourquoi  n'avait-on  pas  voulu  troubler  votre 
sommeil'? 

—  Parce  que  c'était  le  moment  où  Titania  venait 
d'entrer  dans  ma  chambre  avec  son  cortège;  elle  com- 
mençait justement  l'air  :  <x  Dors,  bel  ami,  etc.  a 

—  11  nous  semble  pourtant  qu'un  domestique  aurait 
pu... 

—  Erreur;  d'abord  Titania  aurait  donné  à  ce  ma- 
raud une  tète  d'âne,  et  puis  je  l'aurais  fait  mourir  sous 
le  bâton. 

—  En  ce  cas,  mettons  que  nous  n'ayons  rien  dit.  Nos 
compliments,  s'il  vous  plaît,  à  Titania,  à  sa  prochaine 
visite. 

—  Je  n'y  manquerai  pas.  Maintenant  la  séance  est 
ouverte  ;  je  donne  la  parole  au  jeune  Fresneau. 


^^%^\f.l,^^'?^^^ 


Dormez  votre  Eommeil,  grauds  de  ia  terre.  »  (Bosst.et.) 


\n 


REVUE  COMIQUE 


LES  AUUESTATIOISS. 


Au  lion  li'inps  des  leltres de  cadiol,  lorsqu'un  homme 
était  coiuluit  il  la  Bastille,  et  qu'uu  parent  ou  un  ami 
allait  demander  la  cause  de  son  arrestation,  le  ministre 
répondait  avec  une  grâce  charmante  :  —  Raison  d'Etat, 
mon  cher  monsieur  ;  au  reste,  la  justice  suit  son  cours. 
C'est  à  peu  près  ce  qu'en  l'an  1"^  de  la  Uépuhlique 
répond  M.  Léon  Faucher  à  propos  des  arrestations  qui 
étonnent  Paris  depuis  lundi  dernier.  11  n'y  manque  que 
la  grâce  charmante. 

La  justice  suit  son  cours,  assure  JL  Faucher  ;  nous 
n'avons  pourtant  pas  entendu  dire  que  la  proposition, 
de  mise  en  accusation  du  ministère  ait  été  adoptée  par 
la  Ciiambre. 

Il  parait,  du  reste,  probable  que  les  ministres  seuls 
n'auront  point  leur  part  des  mandats  d'arrêt  qui  se 
sont  signés  et  qui  se  signent  actuellement.  On  arrête 
tout  le  monde,  hors  les  ministres. 

Pourquoi?  C'est  un  mystère  d'Etat.  Au  reste,  la 
justice  suit  son  cours,  comme  disait  M.  Léon  Faucher. 
Si,  pendant  qu'ils  sont  en  train,  les  ministres  avaient 
l'énergie  de  s'arrêter  eux-mêmes,  la  majorité  de  la  po- 
pulation \errait  là  une  victoire  remportée  sur  l'anar- 
chie, et  ce  serait  peut-être  un  moyen  de  consolider  le 
ministère.  Nous  soumettons  humblement  cet  avis  à 
M.  OJilon  Barrot. 

On  se  perd  en  conjectures  sur  les  crimes  commis 
par  les  malheureux  que  l'on  entraîne  tous  les  jours  à 
la  Conciergerie  ou  dans  les  forts.  Il  paraît  seulement 
qu'il  s'agissait  d'un  vaste  complot  organisé  sous  main 
puur  la  défense  et  le  maintien  de  la  République.  Les 
coquins  qui  en  faisaient  partie  avaient,  dit  on,  juré  sur 
un  fusil  de  Février,  de  défendre  l'Assemblée  natio- 
nale jusqu'à  la  mort. 

Plusieurs  faits  viennent  à  l'appui  de  cette  opinion. 
Nous  avons  vu  arrêter  dans  le  faubourg  Montmartre  un 
garde  mobile  qui,  sur  le  passage  d'une  patrouille  de  la 
2°  légion,  avait  crié  :  Vive  la  République  !  —  Messieurs, 
disait  le  garde  mobile  aux  gardes  nationaux  qui  lui 
serraient  le  collet  :  Arrêtez-moi,  mais  ne  m'étranglez 
pas.  Vive  la  République  1 

Nous  ne  savons  pas  s'il  a  été  tout  à  fait  étranglé. 
Le  colonel  de  la  sixième  légion,  M.  Forestier,  a  été 
conduit  à  la  Conciergerie  et  mis  au  dépôt  avec  des  vo- 


leurs. Il  est  vrai  que  M.  Forestier  a  des  charges  acca- 
blantes contre  lui ,  paiticulièrenient  la  lettre  qu'il  a 
écrite  au  président  de  l'Assemblée  nationale  pour  l'as- 
surer de  son  dévouement. 

Où  en  serions-nous  si  la  justice  ne  suivait  pas  son 
couis? 

Avouons-le  cependant,  le  grand  complot  trouve  quel- 
ques incrédules  pour  lesiiuels  nous  demandons  des 
mandats  d'arrêt.  Que  deviendra,  en  effet,  la  société  si 
l'on  se  permet  de  douter  des  afiirmations  du  ministère? 
Mais,  disent  ces  incrédules,  M.  Barrot  et  JL  Faucher 
prétendent  qu'il  y  a  un  complot,  tandis  que  M.  Chan- 
garnier  laisse  entendre  le  contraire.  Connnent  rnettrez- 
vous  d'accord  ces  trois  autorités? 

D'abord  il  ne  s'agit  pas  de  les  mettre  d'accord  ;  il 
s'agit  de  soumettre  sa  propre  raison  aux  décisions  de 
M.  Barrot.  Voyez  plutôt  ce  qui  se  passe  dans  les  pays 
d'ordre  et  de  dis  ipline,  en  Russie,  par  exemple. Quel- 
qu'un s'y  est-il  jamais  avisé  de  révoquer  en  doute  tes 
affirmations  de  l'autorité?  Cependant  si  l'on  y  tient,  il 
ne  serait  pas  impossible  d'expliquer  les  prétendues 
contradictions  de  M.  Barrot. 

Personne  n'ignore,  en  effet,  que  M.  Barrot,  par 
suite  de  ses  anciens  discours  d'opposition  dynastique, 
est  sujet  à  des  hallucinations  pendant  lesquelles  il  est 
fermement  convaincu  que  Louis -Philippe  règne  tou- 
jours aux  Tuileries.  De  là  l'erreur  bien  excusable  qui 
lui  fait  prendre  le  cri  de  vive  la  République!  pour  un 
cri  séditieux.  11  y  a  donc  eu  complot,  sans  complot,  si 
l'on  peut  s'exprimer  ainsi.  11  y  a  eu  complot  répu- 
blicain contre  la  monarchie,  et  ce  bon  M.  Darrot , 
qui,  ordinairement,  n'est  pas  très-fort,  mais  qui  l'est 
encore  moins  quand  il  se  trouve  plongé  dans  ses  hallu- 
cinations, ne  s'est  pas  rappelé  que  la  révolution  de  Fé- 
v,ner  avait  eu  lieu,  et  il  a  songé  naturellement  à  répii- 
mer  un  attentat  contre  la  royauté. 

Un  roi  de  Macédoine,  sujet,  lui  aussi,  à  deshallucina- 
fions,  avait  auprès  de  lui  un  secrétaire  qui  ne  le  quit- 
tait jamais  et  qui  lui  répétait  d'heure  en  heure  :  «  0 
roi,  souviens-toi  que  tu  es  homme!»  Nous  deman- 
dons que  la  Chambre  délègue  un  de  ses  membres  pour 
résider  auprès  de  M.  Barrot,  et  lui  crier  à  chaque  mi- 
nute :  «  0  Barrot,  souviens-toi  que  tu  es  républicain  !  » 


LE  BUDGP:!  D'UN  REPRÉSENTANT. 


Nous  avions,  il  y  a  un  an,  des  députés  qui  ne  nous 
coûtaient  rien. 

Nous  avons  à  présent  des  représentants  qui  nous 
coûtent  fort  cher,  —  et  qu'on  a  baptisés  récemment  du 
nom  de  vingt-cinq-francs-jowiens,  adjectif  un  peu 
long,  mais  signilicatif. 

Les  députés  nous  coûtaient  sim|)leinent  des  ministè- 


res, des  places  de  toutes  sortes,  des  bureau  v  de  tabac,  des 
recettes,  des  bourses,  des  brevets  de  gardes  champêtres, 
des  missions,  des  inspections  et  une  foule  dépositions. 
Les  représentants  nous  coûtent  chacun  vingt-cinq 
francs,  c'est-à-dire  la  valeur  d'un  souverain  d'Angle- 
terre, attendu  que  chacun  d'eux  est  le  diminutif  d'un 
suuverain. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


^95 


Viiigl-cinij  fruiics  par  jour,  c'cvt  un  sm  l. 

Il  n'y  a  pus  sans  doiile  do  (iiiui  aclicliT  lui  r(|uipa;;i', 
pas  (nome  une  maison  do  campagne,  —  oommo  disent 
les  lialelouis  on  parlant  de  la  i'aiblo  somme  de  ciiiq 
cenliincs.  Cependant,  il  ne  faut  pas  non  |)lus  oracher 
sur  ce  capital.  —  Vingt-cinq  francs,  c'est  tout  si  l'on 
veut,  et  si  l'on  ne  veut  pas,  ce  n'est  rien. 

Vingt-cinq  francs,  c'est  un  louis  plus  onze  suis  (vieux 

siyli;). 

Vingt-cinq  francs,  c'est  un  Tiapi)l('iin:uif:iru'iito  de  ce 
que  le  vulgaire  appelle  un  ti(j}-e  àciiu/  yriffcs. 

Cela  représente  vingt-cinq  bulles,  au  point  de  vue 
populaire.  Il  y  a  même  quelques-unes  de  ces  dernières  à 
recevoir  en  |)lus,  par  les  représentants,  dans  les  émoules 
ou  ailleurs, — cola  s'est  vu. 

Et  pourtant  vingt-ciiui  '''ancs,  ce  n'osl  ]ias  wuw  plus 
le  Pérou,  ce  n'est  même  qu'une  légère  IVactiun  des  ri- 
chesses minières  de  la  Californie. 

Su|)posez  seulement  que  vous  vous  réveillez  nanti 
d'un  semblable  capital  ;  —  qu'en  ferez-vousV 

Il  y  en  a  qui  disent  :  Je  n'en  serais  pas  embarrassé  ; 
j'irais  d'abord  déjeuner  à  Torloni. 


—  MnMiilu'.' 

—  Ijisuile  je  prendrais  un  cabriolet  cl  j'irais  faire 
deux  ou  trois  visites. 

—  Après? 

—  A|nès,  c'est-à-dire  avant,  je  sentirai»  le  besoin  de 
qMel(|iicscigarrcs  à  vingt-cinq  centimes  (vraie  régie). 

—  VX  puis? 

—  Je  m'accorderais  un  tciii|is  m(jral  jiour  me  faire 
coiiïi'i'  et  pour  faii'e  ma  cour  aux  damejj. 

—  l'inlin  ï 

—  Je  me  rendrais  à  l'Assemblée  vers  une  heure, 
dans  le  cas  où  la  séance  présenterait  de  l'inlérot;  si 
non  j'iiais  lire  les  journaux  et  prendre  un  grog  au  café 
d'Orsay. 

—  Je  vous  permets  encore  une  partie  de  billard,  et 
vous  allez  voir  que  vous  venez  de  dépenser  au  moins 
dix  francs, 

—  A  peu  ]irès. 

—  I'.emar(iue7,  que  nous  ne  comptons  ici  ni  le  loge- 
mont,  ni  le  costume,  ni  les  menues  dépenses  qui  s'y 
rapportent,  et  qu'il  n'est  pas  injuste  d'évaluer  à  envi- 
ron cinq  francs,  — surtout  pour  un  provincial  qui  gé- 


Route  de  Bjurges 


196 


REVUE  COMIQUE 


néralement  luibito  un  hùtol  et  prend  un  tailleur  à 
douze  mois  de  crédit. 

11  reste  dix   francs   encore  à  employer  pour  la 

soirée. 

Vous  ne  comptez  pas  la  buvette? 

On  pourrait  à  la  rigueur  se  contenter  du  verre 

d'eau  sucrée  de  la  tribune,  —  dontl'atlrait  pousse  quel- 
quefois des  représentants  économes  à  demander  la  pa- 
role;—  mais  un  consommé,  un  verre  de  bordeaux  ne 
nuisent  pas  à  Téloquence;  consacrons-y  deux  francs  en 
moyenne  ;  il  nous  reste  encore  huit  francs. 

—  Nous  n'avons  compté  jusqu'ici  ni  les  ports  de 
lettres,  ni  les  quêtes'? 

—  Ajoutons  un  franc  cinquante. 

—  Où  dinez-vous? 

—  Je  m'abstiendrai  prudemment  de  Yéry,  j'irai  dîner 
chez  Lucas,  ou  chez  la  mère  Morel. 

Vous  commencez  à  vous  modérer  ;  mais  il  est  dif- 

licile  d'y  dépenser  moins  de  trois  francs. 

—  Vous  prendrez  bien  votre  demi-tasse. 

—  Soixante-cinq  centimes. 

—  Je  ne  songe  plus  à  compter  les  voitures  ou  omni- 
bus, qui  dans  les  mauvais  temps  vous  seraient  néces- 
saires pour  regagner,  en  sortant  de  l'Assemblée,  des 
quartiers  plus  civilisés.  Mais  que  ferez-vous  le  soir? 
Irez-vous  dans  le  monde? 

—  Selon  les  circonstances.  J'v  regarderais  à  deux 


fois,  sans  doute,  pour  prendre  une  voiture  et  acheter 
une  paire  de  gants. 

—  Nous  n'avons  point  parlé  du  chapitre  des  pas- 
sions. 

—  N'en  parlons  jamais  ! 

—  Et  que  vous  reste-t-il  pour  aller  au  spectacle, 
pour  jouer  au  lansquenet  ou  même  au  wlnst,  pour 
acheter  des  livres,  pour  encourager  les  arts?... 

—  Kien  !  rien  !  rien  ! 

—  11  ne  vous  reste  pas  même  de  quoi  donner  cin- 
quante centimes  à  votre  concierge  si  vous  rentrez 
après  minuit.  Surtout  n'ayez  pas  de  famille  ;  ceux  qui 
sont  dans  ce  cas  ne  se  livrent  pas,  certes,  aux  dépenses 
bourgeoises  que  nous  venons  d'énnmérer.  —  Ils  dî- 
nent chez  Katcombe  ou  chez  les  rôtisseurs  de  ia  rue 
du  Route  ;  ils  fument  des  bouts-coupés  et  vont  prendre 
leur  demi-tasse  au  café  Momus.  Ils  ne  portent  ni  drops 
fins  ni  bottes  vernies;  on  en  connaît  même  qui  portent 
des  sabots.  Comptez  maintenant  les  séances,  les  com- 
missions, les  réunions,  les  rapports...  Croyez-vous  que 
chacun  d'eux  ne  gagnerait  pas  plus  à  faire  un  autre 
état  ou  à  continuer  celui  qu'il  a  quitté? 

—  Allons!  je  renonce  à  la  perspective  des  vingt- 
cinq  francs  représentatifs  ;  —  je  pars  pour  la  Califor- 
nie, oii  chaque  travailleur  gagne  par  jour  quatre-vingts 
dollars. 

—  Allez  ,  et  ne  revenez  plus  ! 


VOYAGE  EN  EUROPE. 


En  ce  moment  on  vote  en  Prusse,  on  vote  en  Pié- 
mont, on  voteàRome.  Depuis  Février.chaque  peuple, 
à  son  tour,  dresse  des  hustings,  et  se  donne  le  diver- 
tissement du  poU  et  du  ballot.  Après  l'un  vient  l'autre  ; 
il  en  est  même  qui  répètent  le  morceau.  Voilà  le  scru- 
tin installé  en  permanence  en  Europe.  Ce  serait  le  cas 
d'appliquer  en  grand  l'invention  de  l'urne  roulante 
que  chacun  voulait  promener  en  poste  à  travers  les 
trente-six  mille  communes  de  France. 

Devant  les  chances  aléatoires  de  ces  dés  jetés  à  la  fois 
d'un  coin  à  l'autre  du  tapis,  on  comprend  que  la  poli- 
tique devient  plus  que  jamais  un  calcul  de  probabili- 
tés. Autrefois  on  pouvait,  jusqu'à  un  certain  point, 
conjecturer  et  dire  •  La  reine  Anne  est  jalouse  de  la 
duchesse  de  Marlborough,  nous  aurons  la  paix  ;  le  roi 
de  Prusse  a  fait  une  épigraïunie  sur  madame  de  Poni- 
padour,  nous  aurons  la  guerre.  Mais  à  présent  il  faut 
vivre  au  jour  le  jour,  attendre,  en  se  croisant  les  bras, 
ce  qui  sortira  de  l'urne  aux  mystères.  La  solution  des 
affaires  est  une  question  de  loto. 

La  plus  grave  en  ce  moment,  la  paix  et  l'avenir  du 
monde,  est  entre  les  mains  de  M.M.  les  électeurs  de  la 
Savoie  et  du  Piémont  :  M .  Gioberti  aura-t-il  une  chambre 
démocratique,  ou  bien  les  codini  (perruques,  ganaches, 
marquisde  Carabas),  seront-ils  en  majorité?  Tliast  in  tlw 
question.  Dans  le  premier  cas,  S.  M.  Charles-Albert  en- 


fourche son  cheval  et  s'en  va-t'en  guerre,  et  alors 

gare  à  Radetzki  !  Dans  la  seconde  hypothèse,  chacun 
reste  tranquillement  chez  soi,  sauf  le  belliqueux  abbé, 
qui  déménagerait  en  secouant  la  poussière  de  ses  squ- 
liers  et  prophétisant  contre  Israël. 

On  prétend  néanmoins,  mais  ce  sont  certainement 
des  jésuites,  des  codini  qui  répandent  ce  bruit,  que 
depuis  qu'il  est  entré  aux  affaires,  à  grand  bruit  de  fan- 
fares et  de  trompettes  guerrières,  M.  Gioberti  s'est 
aperçu  bien  vite  qu'on  ne  fait  pas,  à  beaucoup  près,  la 
guerre  aussi  facilemtnt  qu'on  le  dit  à  la  tribune  ou 
qu'on  l'écrit  dans  des  livres  ;  il  se  serait  même  con- 
vaincu de  l'impossibilité  absolue  oii  se  trouve  le  Pié- 
mont de  luttera  lui  tout  seul  contre  la  bonne  armée 
de  Radetzki.  Grand  embarras  pour  le  nouveau  mi- 
nistre. Comment  se  dédire,  lui  qui  était  venu  tout  ex- 
piés pour  sonner  le  boule-selle?  Un  seul  moyen  res- 
tait: il  a  dissous  la  chambre  et  travaillé  de  toutes  ses 
forces  les  élections  pour   faire  arriver  une  majorité 

de libéraux,  allez-vous  dire?  Non  .  de  rétrogrades 

(|ui,  en  refusant  au  cabinet  de  s'associer  à  sa  politique 
belliqueuse,  lui  fourniraient  le  moyen  de  sortir  de  l'im- 
passe où  il  s'est  fourvoyé,  de  sauver  sa  popularité  et  de 
tonner  de  nouveau  dans  l'opposition  contre  les  codini. 
Pour  un  ennemi  des  jésuites,  que  vous  en  semble? 
Cette  invention-là  sent  un  peu  son  casuiste. 


A  L'USAGE  DES  CENS  SÉRIEUX. 


197 


A  Koiiic,  rcdiicalioii  oiicore  arriérde  des  électeurs  se 
fait  par  les  grands  moyi'iis.  Mst-il  une  situation  plus 
ciili(iue  que  celle  do  ces  niulheureux  ciccroni,  ténor, 
et  marchands  de  nuisaï(|nes,  qui,  avec  les  Iransleverius, 
ci>ni[)usent  la  |)(i[)iiIalion(le  la  ville  éliMuelle?  D'un  coté, 
le  |)a[ie  leur  dclend  de  voler,  sous  peine  d'exconimuni- 
calion  ;  de  Taulre,  M.  Sterhini,  une  manière  de  Rienzi, 
puële,  journaliste,  dictateur,  qui  ne  sort  jamais  qu'équipé 
en  Fm  Diavulo,  M.  Sterhini,  disent  les  amis  du  pa|)e, 
leur  met  le  pistolet  sur  la  gorge  et  les  menace  de  la 
mort  s'ils  ne  vont  déposer  leur  houle.  Entre  la  vie  de 
l'âme  et  la  vie  du  coi'ps,  pas  de  milieu,  il  faut  choisir. 
Alternative  emharrassante  !  Plus  d'un  de  ces  électeurss 
malgré  lui,  et  en  cela  je  l'approuve,  voudrait  hien  s'en 
aller.  \\  est  à  Laricia,  et  sur  les  liords  paisihies  du  lim- 
piiie  lac  du  Nemi,  tant  de  recoins  silencieux  où  il  se- 
rait doux  de  humer  les  lièdes  rayons  de  février  à  l'abri 
de  l'âpre  hise  de  l'Apennin  et  des  proclamations  désa- 
gréables de  messieurs  du  Cercle  populaire  !  La  politique 
a-t-elle  été  inventée  pour  ces  pays  du  soleil  et  du  far 
nientel  Que  ne  la  laissent-ils  à  nous  autres  infortu- 
nés, qui  pour  nous  dédonmiager  de  l'affreux  gâchis 
auquel  le  ciel  nouscondamne  pendant  six  mois,  avonsdû 
inventer  les  omnibus,  les  socs  articulés,  les  calorifères, 
les  revues,  les  prises  d'armes,  les  factions,  les'patrouil- 
les,  les  arrestations,  les  proclamations  et  antres  récréa- 
tions protilabies  ,    dit-on,    au   gouvcrnemcnt-Barrol. 

En  Allemagne,  on  a  compliqué  la  chose.  L'esprit  alle- 
mand n'aime  pas  les  voies  droites  et  les  procédés  sim- 


ples. S.  M.  Frdddric  Guillaume  a  octroyé  à  ses  ornés 
sujets  le  vote  à  deux  degrés.  Grand  triomphe  pour  l'abbé 
de  Genoude.  O'est  un  roi  quelque  peu  bizarre,  que  ce 
roi  Guillaume.  Ne  voilà-t-il  pas  qu'il  l'emercie  de  tou- 
tes ses  forces  l'assenitilée  de  Francfort,  et  s'excuse  de  ne 
point  accepter  la  couronne  impériale  que  celle-ci  était 
disposée  à  lui  offrir  ?  Après  cela,  il  a  peut-être  des  rai- 
sons particulières.  Et  M.  de  Gagern,  qui  avait  brûlé 
ses  vaisseaux  pour  le  monarque  inconstant?  et  l'unité 
allemande?  L'unité  allemande,  ma  foi,  nous  en  voici 
hien  loin  aujourd'hui.  Elle  est  allée  où  sont  les  neiges 
d'Autan,  où  sont  allées  tant  de  choses  depuis  dix  mois, 
en  Allemagne  et  ailleurs. 

Aujourd'hui,  l'Autriche  est  maîtresse  de  la  Hongrie, 
maîtresse  de  la  Lombardie  ;  comment  parlera-t-elle  à 
ce  fameux  congrès  de  Bruxelles?  Derrière  elle,  l'em- 
pereur de  Russie  se  donnerait  les  airs  de  ne  demander 
que  horions  à  donner  et  à  recevoir  ;  c'est  son  métier 
d'autocrate  et  de  Scythe.  D'autre  part,  la  politique 
des  whigs  court  grand  risque  d'être  culbutée  dès  les 
premiers  jours  de  la  session  du  parlement.  Nous  ver- 
rons peut-être  avant  peu  arriver  les  torys  ;  combien 
espèrent  voir,  à  la  première  fonte  des  neiges,  pour 
l'anniversaire  de  la  République,  torys.  Moujiks  et  Kai- 
scrliks  se  donnant  la  main,  organiser  une  ronde  de  mai 
fâcheuse  autour  de  l'arbre  de  la  liberté. 

Qui  eût  dit  cela  il  y  a  dix  mois,  quand  nous  l'avons 
planté?  Heureusement  qu'il  en  a  vu  bien  d'autres 
sans  succomber. 


Deux  insectes  hideux  oubliant  leur  proie  pour  s'entiedévorer. 


198 


REVUE  COMIQUE 


AVIS  Al'X  JOURNAUX  liSDÉ PENDANTS. 

On  proie  au  gaiivenieinont,  et,  mallieiirou-eiiunit,  c'est  par  (-luehiues-uus  Je  ses  uiius  et  de  ses  délonseurs 
iiièine  que  le  bniit  se  serait  éventé,  un  projet  lelleineiit  monstrueux,  que  nous  le  répétons  pour  mettre  le  gou- 
vernement en  étal  de  le  désavouer. 

La  démonstration  de  lundi  n'aurait  été  qu'une  ré|iétition  :  Paris  verrait  la  pièce  même  se  jouer  au  premier 
jour.  La  ville  tout  entière  serait  occupée  militairement  et  silencieusement  pendant  la  nuit.  Los  départements, 
avertis  la  veille,  et  sous  le  prétexte  qu'une  révolution  aurait  éclaté  à  Paris,  seraient  appelés  dans  cette  ville. 
Deux  mille  arrestations,  comprenant  en  tète  les  noms  des  chefs  les  plus  honorables  du  parti  républicain  modéré, 
les  anciens  membres  du  gouvernement  et  Je  l'adminislralion  du  général  Cavaignac,  les  écrivains  les  plus  dé- 
voués au  principe  républicain,  etc. ,  etc.  ,  auraient  lieu  à  la  faveur  des  ténèbres. 

Si  nous  ne  tenions  cet  avertissement  de  personnes  honorables  et  convaincues,  s'il  n'était  plus  utile  au 
pouvoir  actuel  qu'au  pouvoir  passé,  à  l'ordre,  à  la  société,  plus  encore  qu'à  la  République  elle-même,  qu'un 
pareil  bruit  soit  promptement,  nettement  et  énergiquemeut  démenti,  nous  nous  serions  abstenus  de  nous  en 
faire  l'écho.— Nous  devons  à  la  vérité  de  déclarer  qu'on  nous  a  assuré  que  quelques  membres  du  gouvernement, 
et  notamment  M.  Rarrot,  n'étaient  pas  dans  le  secret  de  ce  plan  insensé. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Nous  ne  sommes  pas  légitimistes,  il  s'en  faut  de  tout. 
Nous  n'avons  jamais  cru  qu'il  pût  s'ensuivre,  de  ce 
qu'Henri  IV  est  achevai  sur  le  pont  Neuf,  que  Henri  V 
fût  indispensable  à  la  France  ;  mais  nous  croyons  pour- 
tant qu'il  y  a  de  braves  gens  dans  ce  parti  comme  dans 
tout  autre.  —  Or,  comment  les  braves  gens  de  ce  parti 
s'expliquent-ils  l'alliance  de  MM.  Rerryer,  Tliiers  et 
Rugeaud'? 

Celte  alliance  monstrueuse  ne  les  révolte-l-elle  pas'.' 
Quoi!  le  duc  de  Rordeaiix  accepterait  le  concours  de 
l'homme  d'État  qui  a  déshonoré  sa  mère,  et  du  général 
qui  s'est  fait  son  geôlier!  —  Mais  si  cela  était,  ce  serait 
tout  bonnement  ignoble.  — 11  n'est  pas  de  simple  ci- 
toyen, il  n'est  pas  de  bourgeois,  il  n'est  pas  de  famille  de 
domestiques  où  un  pareil  fait  puisse  s'acccomplir  sans 
soulever  le  mépris  des  voisins,  du  quartier,  de  la  ville 
ou  du  village  ;  et  ce  seraient  des  gens  qui  se  piquent 
d'être  des  chevaliers  qui  donneraient  de  pareils  exem- 
ples ;  nous  n'y  voulons  pas  croire,  nous  aimons  mieux 
penser,  ou  que  M.  Rerryer  et  M.  Thiers  se  trompent 
l'un  l'autre,  ou  qu'ils  seront,  à  la  première  occasion, 
désavoués  par  leur  parti. 

Que  ceux  qui  croient  possible  l'union  de  ces  riv  aux 
y  pensent  donc;  d'accord  la  veille,  ils  ne  peuvent  être 
qu'ennemis  et  ennemis  acharnés  le  lendemain.  —  De- 
fiez-vous  de  ces  trompeuses  transactions.— Chacune  des 
parties  a  dans  sa  poche  une  contre-lettre  frauduleuse, 
qui  les  annulera  dès  que  leur  but,  qui  es!  de  vous 
tromper  d'abord,  sera  rempli. 

—  Il  y  a  plus  d'une  manière  de  faire  parler  de  soi. 
H  y  en  a  au  moins  deux  :  la  bonne  et  la  mauvaise. 

Pour  l'une,  il  faut  faire  une  belle  action  devant  lé- 
moins,  pour  l'autre,  une  sottise  éclatante. 

Érostrate  est  aussi  célèbre  qu'Alexandre  le  Crand.  H 


dépend  de  M.  Râteau  de  se  croire  un  aussi  grand  por- 
soiinuge  que  cet  illustre  incendiaire,  et  pourtant  il  n'est 
à  la  proposition  qui  porte  son  nom  que  ce  qu'est  un 
simple  artilleur  à  la  poudre  contenue  dans  un  canon, 
un  porle-mèclie. 

—  On  assure  que  M.  Denjoy  est  pour  quelque  chose 
dans  la  rédaction  du  fameux  Courrier  de  la  Gironde. 
M.  Denjoy  serait  resté  toute  sa  vie  à  l'élal  de  violette 
parlementaire  s'il  ne  lui  fût  arrivé  de  monter  un  jour  à 
la  tribune  et  d'y  demeurer  crânement  envers  et  contre 
tous.  Depuis  cette  époque,  M.  Denjoy  ne  se  fait  pas 
faute  d'interruptions  ;  il  est  clair  qu'il  brûle  de  donner 
une  seconde  représentation  d'une  scène  qui  lui  a  réussi, 
et  de  déployer  de  nouveau  son  invincible  courage. 

Ce  courage  est  fort  louable,  assurément,  mais  il  ne 
saurait  tenir  lieu  de  tout,  et  si  M.  Denjoy  est  vraiment 
l'auteur  de  certains  articles  du  Courrier  de  la  Gi- 
ronde, où  il  maltraite  un  peu  plus  que  le  bon  goût 
ne  le  permet  ses  collègues  de  l'Asseniblée,  il  ferait  bien 
de  les  signer. 

— S.  M.  la  reine  d'Angleterre  mit,  il  y  a  peu  de  jours, 
avant-hier,  si  nous  sommes  bien  renseignés,  le  nez,  son 
nez  royal  et  retroussé,  dans  un  journal  français. 

—  Qu'est-ce  que  c'esl  que  ce  M.  Râteau,  dont  le  nom 
est  partout,  dit-elle  aux  personnes  qui  l'entouraient. 

—  C'esl  un  représentant  du  peuple,  lui  répondit-on. 

—  Ils  sont  neuf  cents  ;  vou  s  ne  m'apprenez  rien,  le- 
prit  Sa  Majesté  ;  dites-moi  ce  que  ce  Français  a  lait  pour 
que  tout  le  inonde  parle  de  lui;  c'est  sans  doule  un 
homme  important  dans  son  [lays,  le  Robert  Peel  ou  le 
Rqssel  de  son  [larti? 

Et  comme  chacun  se  regai'dait  sans  répondre,  bien 
empêché  de  dire  ce  que  pouvait  être  un  inconnu  si 


Voici  Fresneaii  le  rojallste; 

(  Que  sainl  Falloiix  toujours  l'assijte!  ) 

Dd  l'église  légitimiste 

C'est  le  premier  enfant  de  chœur. 

Aux  succès  de  tribune  il  \i>e; 

Mais  il  prouve,  quoi  qu'on  en  dise, 

Par  les  discours  qu'il  improvise, 

Plus  de  mémoire  que  de  caur. 


Dessiné  par  Faeritzics 


Gravé  par  Lovts. 


200 


REVUE  COMIQUE 


illustre,  une  Française  un  peu  étourdie,  qui  avait  eu 
l'honneur  dï'tre  présentée  à  la  reine,  étant  interpellée 
à  son  tour  :  «  M.  Râteau  n'est  rien  du  tout,  dit-elle; 
il  est  le  mari  de  sa  proposition.  » 

On  assure  que  le  prince  Albert  cul  l'espiit  d'ac- 
cueillir en  souriant  cette  véridique  e\plicalion. 

Je  veux  vous  dire  ma  pensée  tout  entière,  s'é- 
criait le  lu-ave  petit  M.  Fresneau  l'autre  jour  à  la  tri- 
bune de  l'Assemblée  nationale  :  «  Si  l'élection  du 
m  décembreeùt  tourné  diiréremment,  nousaurions  eu 
d'autres  difficultés,  mais  ce  ne  seraient  pas  les  mêmes.» 

M.  de  La  Palisse  a  déjà  dit  ça,  lui  répondit-on  de 
tous  côtés. 

Le  petit  Fresneau,  disait  un  représentant,  est  le 

troisième  ténor  de  la  réaction  ;  le  jeune  M.  Bérard  en 
est  la  quatrième  basse. 

—  Un  représentant  du  peuple  faisant  allusion  à  la 
roideur,  au  sec,  au  croquant  de  la  tenue  de  l'ex-enfant 
prodige  de  la  réaction,  M.  Fresneau  déjà  nommé, 
a  Notre  petit  collègue,  disait-il,  a  toujours  l'air  d'être 
tombé  dans  une  poêle  à  frire.  » 

—  M.  Chambùllc,  rédacteur  en  chef  du  Siècle  et 
membre  de  l'Assemblée  nationale,  est  à  coup  sûr  l'un 
des  écrivains  dont  la  presse  peut  le  plus  justement  s'ho- 
norer. Il  n'a  qu'un  défaut,  défaut  d'honnête  homme 
d'ailleurs  :  il  est  crédule. 

Où  a-t-il  vu  SU7-  quelques  points,  dans  la  rue,  les 
partis  tout  frémissants?  Où  a-t-il  vu  l'ènotion  ex- 
traordinaire de  Paris,  le  jour  de  la  discussion  de  la 
proposition  Râteau,  ou  plutôt,  comment  n'd-t-il  pas 
vu  que  cette  émotion,  si  elle  a  existé,  n'avait  qu'une 
cause,  le  déploiement  imprudent,  téméraire,  coupable 
peut-être,  des  forces,  qui  ont  été  jetées  dans  Paris 
sans  raisons  suffisantes? 

Nous  soumettons  à  la  bonne  foi  de  M.  Chauibolle 
cette  proposition  :  —  «  Si  le  gouvernement  envoyait 
demain  matin  cinquante  mille  hommes  dans  la  ville  de 
Pontoise  ;  s'il  y  ajoutait  soixante  canons,  croit-il  que  les 
paisibles  habitants  de  cette  ville  ne  se  rassembleraient 
pas  sur  les  places  et  dans  les  rues  pour  se  demander 
de  quoi  il  s'agit?  »  —  Ces  rassemblements,  si  légiti- 
mes, pourraient-ils  justifier  un  fait  dont  ils  ne  seraient 
que  les  conséquences;  l'honnête  ville  de  Pontoise  serait- 
elle  pour  cela  un  foyer  d'anarchie?  M.  Chambolle  a 
pris  l'effet  pour  la  cause. 

—  Si  M.  Barrot  est  un  honnête  honune,  s'il  a  cédé 
à  une  panique  quand  il  a  couvert  de  troupes  Paris  tout 
entier,  et  retardé  ainsi  toutes  les  transactions  commer- 
ciales, qu'il  ait  la  probité  d'en  convenir.  —  Mais  qu'il 
recule  devant  l'idée  de  chercher  des  coupables  et  d'en 
inventer  au  besoin,  pour  expliquer  ce  qui  n'est  qu'une 


faute  encore,  ce  qui  serait  un  crime,  si  des  innocents 

devaient  en  i>orter  la  peine. 

Ce   ipii    prouve  que  le  gouvernement  était  de 

bunuc  foi  quand  il  a  cru  à  un  complot,  c'est,  disait 
une  dame  amie  de  madame  Léon  Faucher,  que  ma- 
dame Faucher  a  passé  la  nuit  tout  entière  au  ministère 
à  travailler  avec  son  mari. —  Madame  Faucher  serait- 
elle  le  chef  de  cabinet  de  M.  le  ministre  de  l'intérieur? 

—  M.  Favreest  un  ambitieux,  disait  lundi,  dans  un 
groupe  à  la  salle  des  Pas-Perdus,  un  de  ses  collègues 
qu'irritaient  les  éloges  qu'on  donnait  à  l'excellent  dis- 
cours qu'il  venait  de  prononcer. 

«  Ambitieux  !  lui  répondit  un  autre  représentant  ; 
ce  n'est  guère  croyable  :  M.  Favre  a  été  sous-secrétaire 
d'État  de  l'intérieur  ;  il  a  donné  sa  démission.  11  a  été 
sous-secrétaire  d'État  aux  affaires  étrangères  ;  il  a 
donné  sa  démission  au  bout  de  quinze  jours.  11  a  pu 
être  ministre,  il  a  refusé;  il  a  pu  obtenir  dans  la  ma- 
gistrature des  positions  éminentes,  il  a  voulu  rester 
simple  représentant. 

—  C'est  égal,  repartit  M.  B...  ,  c'est  un  ambitieux. 

—  Je  savais  bien,  dit  M.  T... ,  qu'il  y  a  beaucoup 
de  mulets  en  France  ;  mais  j'ignorais  qu'ils  eussent 
parmi  nous  un  représentant  aussi  semblable  à  eux- 
mêmes.  B 

—  MM.  les  représentants  ne  se  sont  jamais  fait  faute 
d  ,iM  r  galamment  des  cartes  d'entrée  qui  sont  mises  à 
leur  disposition  par  la  questure.  Toutes  ces '.cartes  ne 
sont  pas  distribuées  à  des  mères  de  famille;  quelques- 
unes  vont  s'égarer  avec  une  certaine  régularité  entre 
les  mains  de  quelques  actrices,  qui  pourraient  bien 
avvir  des  droits  sur  l'Assemblée  nationale. 

«  Pour  que  M.  Marrast  se  contente  de  l'excuse  que 
lui  donne  M.  Changarnier,  qu'il  n'a  pas  voulu  trou- 
bler son  sommeil,  disait  mademoiselle  N...,  placée 
devant  nous  le  jour  où  cette  fameuse  explication  fut 
donnée  par  le  marquis-président,  il  faut  que  M.  Mar- 
rast... n'ait  pas  couché  chez  lui  !  » 

Avis   aux  représentants  :    «M.  Marrast  n'étant 

qu'un  président  de  jour,  nous  leur  conseillons  de  pro- 
céder à  l'élection  d'un  président  de  nuit.  » 

Nous  engageons  M.  le  ministre  de  l'intérieur  à 

prendre  un  rédacteur  moins  candide  pour  les  faits 
communiqués  dont  il  inonde  le  Moniteur  et  la  Pairie. 
Un  gouvernement  ne  parle  pas  comme  le  premier 
venu;  il  ne  doit  pas  répondre  à  tout,  comme  un  en- 
fant vaniteux  et  indocile  ;  son  langage  doit  être  digne, 
et  surtout  laconique.  Qui  croira,  avec  l'article  com- 
muniqué de  la  Patrie,  du  30  de  ce  mois,  que  la  foule 
criait  au  président  de  la  République  :  «Vous  pouvez 
compter  sur  nous  ;  courage!  nous  vous  soutiendrons.» 


A  L'USACR  DKS  C.mS  SIÎFIIKHX. 


201 


Que  le  seiiliiiiciit  coiiIlmiii  dans  celle  ]iliruse  ait  été 
dans  le  eœiir  de  la  foule,  nous  le  souhaitons;  mais 
l'st-ie  ainsi,  est-ie  par  des  phrases  tcut  entières  que  se 
traduit  l'adliésiiin  du  peu[)ie  dans  la  rue?  Ce  qui  nous 
porterait  à  croire  que  l'auteur  ingénu  de  cette  note  a 
été  mal  informé,  c'est  iju'il  nie(]iron  ait  crié  :  Abasle 
ministère '.Or,  ce  cri  a  été  proféré,  non  accidentellement, 
mais  sur  tous  les  |)oinls.  L'anleur  de  ces  quelques  li- 
gnes en  sait  queli|ue  chose;  il  l'a  crié  pour  sa  part 
avec  un  grand  nombre  de  gardes  nationaux  de  sa  lé- 
gion, ainsi  que  celui  de  vive  le  président  I  vive  la  Ré- 
publique !  " 

lùicoie  un  peu,  et  la  l'atrii;  de  M.  Delainarie  et  de 
M.  Faucher  nous  racontera  que  la  foule  a  crié  vive 
Faucher!  vive  le  ministère! 

—  Vive  le  ministère!  Kntre  nous,  c'est  un  cri  qui 
n'a  encore  enroué  personne  en  France. 

—  Nous  signalons  à  l'iiidignalion  dts  honnêtes  gens 
de  tous  les  partis  un  article  de  la  Gazette  des  Tribu- 
naux, reproduit  imprudemment  par  plusieurs  jour- 
naux. Quel  est  l'auteur  de  cet  article?  Est-ce  M.  Baro- 
che?  est-ce  M.  Faucher?  est-ce  un  juge  d'instruction 
inliJc'le,  ou  tout  au  moins  indiscret? 

Si  cet  article  émane  du  gouvernement,  pourquoi  cette 
forme  dubitative?  C'est  trop|ou  trop  peu  :  ces  pièces 
que  vous  citez,  et  qui  ne  prouvent  rien,  si  ce  n'est  ce 
([ue  chacun  sait,  c'est  qu'il  y  a  des  partis  en  France  qui 
rêvent  des  folies  :  elles  existent  ou  n'existent  pas.  Ce 
n'est  pas  sur  des  on  dit  que  les  textes  que  vous  donnez 
vous  sont  venus;  c'est  une  main  qui  veus  les  a  livrés. 
Quelle  est  cette  main?  Quelle  qu'elle  soit,  elle  est  cou- 
pable si  ce  n'est  pas  la  vôtre  ;  si  c'est  la  votre,  pour- 
quoi se  cache-t-elle? 

Le    gouvernement   est    engngé  ,  dites-vous;   il    ne 


peut  pas  reculer  :  il  faut  à  M.  Léon  Faucher  des  cou- 
pables, sinon  il  est  déshonoré. 

C'est  précisément  cette  alternative  qui  nous  effraie  ; 
elle  nous  effraie  et  pour  le  |)rincipe  d'autorité  que  nous 
voudrions  respecter,  et  pour  les  malheureux  qui  |)ayenl 
cher  imc  démonstration  absurde  qu'on  voudra  justifier 
à  tout  prix.  —  Ainsi  on  assure  que  M.  Forestier  est 
rclikhé.  Si  cela  est,  comment  appelez-vous  l'acte  de 
folie  qui   l'a  fait  arrêter? 

La  prévention,  vous  .l'admirez!  Si  on  vous  l'avait 
appliquée,  si  on  l'appliquait  à  tout  ce  qui  rêve  des  révo- 
lutions, où  seriez-vons,  MM.Thiers,  Herryer  et  autres? 

—  On  lit  dans  tous  les  journaux  : 

«  Hier,  à  trois  heures,  les  portraits  du  duc  et  de  la 
duchesse  de  Bordeaux  ont  été  saisis  et  enlevés  du  do- 

j   micile  de  M.  Pérignon,  peintre  d'histoire.» 

11  est  heureux   que  la  lievue  comique,  en  copiant 

j  avec  fidélité  les   deux  portraits  incriminés,  ait  laissé 

I  nue  ressource  àla  dévotion  de  messieurs  les  légitimistes. 

1   Les  hureaux  de  la  lievue  comique  sont  ouverts.    La 
procession  commencera  quand  on  voudra.   11  faudrait 

;   n'avoir  pas  six  sous  dans  ses  poches  pour  se  refuser  lasa- 
lisrartion  de  voir  et  d'emporter  l'image  de  nos  proscrits. 

—  Si  le  général  Chaiigarnier  est  un  militaire  sé- 
rieuï,  et  nous  n'avons  aucune  raison  d'en  douter 
quelle  ne  doit  pas  être  sa  confusion  devant  les  éloges 
qui  sont  donnés  par  MM.  Véron  et  Mcrruault  à  ce  qu'ils 
appellent  son  admirable  stratégie  préventive.  —  Des 
lauriers  préventifs!  Voilà  ce  qu'invente  le  Constitu- 
tionnel pour  le  général  de  son  choix.  —  C'est  sans 
doute  dans  le  laboratoire  du  pharmacien  Véron  que 
M.  Merruault,  son  premier  commis,  a  découvert  cette 
plante  nouvelle. 


Conclusion  de  la 


Ce  ministre  du  lendemain, 
Des  préfets  réfornianl  les  lisle?, 
Srme  des  af;enls  royalistes 
Sur  notre  sol  répul)li('ain. 
Mais,  n'importe!  point  de  murmure 
Jusqu'au  bout  laissons-le  marclier. 
Lorsque  la  moisson  sera  mûre 
Nous  recollerons  sans/anWicr. 


Desainé  par  Fabritzii;». 


Gravé  par  Baulant. 


■',  iwiur.i VAnn  nns  itaiikns. 


ilO  «•ciiniiicH  la  livriiiNon. 


R\  r.  niciiF.iiP.i',  'li. 


PÏJjlîiJ}^^ 


nditions  «le  la  Sonscrlplion.  —  Lfi  Revde  comique  formera  un  magnifique  volume,  gr^ind  in-8,  publié  en  SO  livraisons  à  50  centimes, 
parla  poste,  -40  cent.  On  souscrit  pour  10  livraisons.  Pour  les  départements,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur  de  la 
Hevi  E.  —  Pour  tout  ce  qui   concerne  la  rédaction,  écrire   {franco)  à  M.  LinEux,  au  bureau  de  la  Revue,  2,  boulevard  des  Italiens. 


DUMINEnAT.  EDITEUR,  KDE  RICHELIEU,  52. 


i  l""  Livraison. 


AVIS   AIX    JOrit^AlX    »K    PAIIIS    ET    UC«    DËPARTEnEÎV'l'S. 

Nous  aiilorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  /tevue  comique,  à  la  coiuliliuii  : 
I"  De  citer  la  fievue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2"  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  rcprodiiclion  au  tiers  des  matières  contenues  diuis  clia(|ut'  numéro. 


AVIS 

AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  XiA  REVUE  COMIQUE 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décom|)léter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  robligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  cette  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  celte  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  giavures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverlnre,  formant  la  dernièie  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  QUATORZIÈME  LIVRAISON. 

»  TEXTE, 

La  Semaine.  —  Violelles  parlementaires;  Esquisses  non  Politiques;  première  Violclle,  M.  Huré.  —  Deux  grands  Matamores 
—  L'Assemblée  et  le  Président.  —  La  Poule  aux  Œufs  d'Or.  —  Une  Visite  à  Bourges.  —  Les  Patrouilles  avec  Canon.  — 
Lettre  d'un  Toleur  à  M.  de  Heckeren.  —  Choses  Quelconques. 


DESSINS. 
Deisinaleurs.  Grateurj. 


Ne  réveillez  pas  le  chat  qui  dort Bertall.        Midderigb. 

Les  budgets,  système  monarchique Bertall.        Jaliot. 

Les  budgets,  système  républicain Bertall.        Boudeville. 

Un  mauvais  bulletin Fabritzius.  Baulaot. 

Amende  honorable Fabritzius.  Boulant. 

Monument  à  Oiilon  Barrot Fabr.tiius.  Biiula:.!. 


Des-sinateurs.  Graveurs. 

L'œil  du  rnavichal  Bugi-aud    Fabritzius.  Gauchard. 

Le  premier  club  à  dissoudre Nadard.       Baulant. 

Pharmacie  conslttuiionnellc Nadard.      Moniigneul. 

Avis  officiel Bertall.         Midderigh. 

Dunin   Fabritzius.  Eaulant. 


POUR  PARAITBE   DANS  LES  PHOCBAINES  LIVRAISONS 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentations  —  travestissements 
hypocrysies  —  passe-passe  —  perfidies  —  grande  culbute  de 

MOSIEU  RÉAG 

SUITE    DE    CAHICAICRES    PAR    >ADARD. 


Pirii.— Tirée  tut  pretMS  raécaniquei  de  LicniMPE  Tila  cl  Comp.,  me  Damielte,  i. 


LA  SEMAINE. 


Enfin,  le  bal  de  l'hôtel  de  ville  a  pu  avoir  lieu  ;  cette 
fois,  le  roulement  des  tambours  n'a  point  fait  contre- 
mander  les  toilettes.  M.  Léon  Faucher  n'a  point 
éprouvé  le  besoin  de  sauver  la  patrie,  et  Paris,  enfin, 
rassuré  et  confiant  d'ailleurs  dans  la  vigilance  du  mi- 
nistre de  l'intérieur,  a  pu  se  livrer  à  tous  les  plaisirs 
de  la  danse  aux  sons  joyeux  de  l'orchestre  municipal. 

M.  Léon  Faucher  ne  sait  point  quelles  colères  il  a 
amassées  sur  sa  tète  par  son  rappel  intempestif.  Ne 
pouvait-il,  disent  partout  les  femmes  du  monde,  sau- 
ver la  patrie  un  jour  plus  tard,  et  nous  laisser  danser? 
Les  bals  ne  sont  pas  déjà  si  nombreux  aujourd'hui 
qu'on  doive  nous  en  priver  sur  le  premier  prétexte 
venu  ;  mais  M.  Léon  Faucher  est  disposé  à  braver  tou- 
tes les  impopularités,  même  celle  du  beau  sexe.  Le  ga- 
lant et  pommadé  Changarnier,  son  partner  dans  la 
partie  jouée  lundi  dernier,  n'en  prendra  pas  peut-être 
si  aisément  son  parti.  11  est  si  dur  d'être  haï  des  belles 
quand  on  exhale  de  si  suaves  parfums  et  qu'on  porte 
une  si  belle  aigrette  de  paon  à  son  chapeau  ! 

On  a  remarqué  cependant  l'absence  du  ministre  de 
l'intérieur  au  bal  de  M.  Berger.  JL  Léon  Faucher  au- 
rait-il redouté  les  reproches  des  polkeuses?  aurait-il 
craint  qu'elles  ne  lui  fissent  expier,  par  une  valse 
poussée  jusqu'à  la  mort,  sa  conduite  plus  politique  que 
galante?  Aurait-il  reculé  devant  la  vengeance  desWillis 
de  la  finance,  du  barreau,  du  notariat  et  de  la  ban- 
que? Si  M.  Léon  Faucher  faiblit,  sur  quoi  reposera 
désormais  le  salut  de  la  société? 

Les  dames  parisiennes  attendent  avec  impatience 
que  le  président  de  la  République  donne  le  bal  qu'il 


a  juré.  Outre  l'abolition  de  l'impôt  des  45  centimes, 
l'anmistie,  la  diminution  de  l'armée,  etc.,  etc.,  les 
partisans  du  citoyen  Bonaparte,  comprenant  toute 
l'importance  de  l'appui  du  beau  sexe,  ont  promis  for- 
mellement qu'il  inaugurerait  sa  présidence  par  un  ma- 
gnifique bal.  Or,  jusqu'à  ce  jour,  aucune  invitation  n'a 
paru  avec  la  bienheureuse  formule  :  On  dansera  ;  et  le 
président  se  contente  de  donner  des  dîners. 

Or,  puisqu'il  en  donne,  il  est  forcé  d'en  recevoir,  et 
jusqu'à  présent  notre  président  ne  s'est  guère  montré 
qu'à  table.  On  dit  qu'il  y  fonctionne  très-bien,  et  les 
gastronomes  se  montrent  en  général  satisfaits  de  lui. 
Quoique  l'Empereurmangeàt  très-sobrement,  l'Empire 
fut  l'âge  d'or  de  la  gastronomie,  elles  vieilles  gloires  de 
cette  branche  de  l'art  proclament  avec  une  noble  fierté 
que  de  ce  côté  du  moins  le  neveu  n'a  point  hérité  des 
défauts  de  l'oncle.  C'est  consolant  pour  l'avenir  de  la 
cuisine  française. 

On  raconte  que  le  président  de  r.\ssemblée  nationale 
ayant  invité  à  dîner  le  président  de  la  République,  ce 
dernier  n'a  pas  cru  devoir  accepter  l'invitation  C'est 
un  outrage  fait  à  la  dignité  de  l'Assemblée,  disent  quel- 
ques personnes,  et  elle  ne  devrait  pas  tolérer  le  mépris 
que  l'on  fait  de  ses  fourneaux.  Hélas!  les  représentants 
tolèrent  des  choses  bien  plus  graves,  et  ils  auraient 
bien  tort  de  se  lâcher  pour  un  dîner  refusé.  D'ailleurs, 
si  l'on  en  croit  les  on  dit,  le  président  se  serait  excusé 
sans  façon  sur  ce  qu'il  avait  été  saisi  d'un  dérange- 
ment subit. 

Un  incident  qui  pouvait  avoir  les  suites  les  plus  ter- 
ribles a  assombri  un  instant  le  dernier  dîner  donné  par 


204 


REVUE  COMIQUE 


M.  Banot,  auquel  assistaient  le  président  de  l'Assem- 
blée nationale  et  le  président  de  la  Képuhiique  ;  la  maî- 
tresse de  la  maison  jugeant  avec  raison  que  la  place 
d'honneur  appartient  à  ces  hauts  dignitaires,  les  met 
un  à  sa  gauche,  l'autre  à  sa  droite.  Aussitôt  que  ce 
placement  ofliciel  est  connu,  on  entend  l'ambassadeur 
d'Kspagne  qui  murmure  au  milieu  d'un  groupe  de 
diplomates. 

—  Que  la  droite  à  coté  de  la  mailresse  de  la  maison 
appartienne  au  chef  de  TKtat,  au  Pouvoir  exécutif,  je 
l'admets  volouliers  ;  mais  je  ne  saurais  céder  le  pas  au 
Pouvoir  législatif,  l'étiquette  du   royaume  s'y  oppose. 

—  Mais  il  n'y  a  plus  de  royaume. 

—  Je  représente  une  puissance  alliée  dos  Bourbons. 

—  Il  n'y  a  plus  de  Bourbons. 

—  l.e  pacte  de  famille  m'assure  la  gauche. 

—  Il  n'y  a  plus  de  pacte  de  famille. 

—  Louis  XIV  l'a  réglé  ainsi. 

—  Louis  XIV  est  mort. 

Après  bien  des  pourparlers,  et  grâce  à  la  médiation 
officieuse  de  l'Angleterre,  l'Espagne  a  enliu  consenti 
à  s'asseoir  à  côté  du  pouvoir  législatif,  mais  pendant 
tout  le  repas  l'ambassadeur  n'a  cessé  de  gémir. 

—  Hélas,  disait-il  à  M.  Marrast,  quand  ma  souve- 
raine va  apprendre  que  j'ai  violé  le  pacle  de  fariiille, 
je  serai  destitué. 

—  Rassurez-vous,  lui  a  répondu  M.  Marrast,  la 
reine  d'Espagne  a  bien  autre  chose  dans  la  tète  que  le 
pacte  de  famille. 

—  Narvaëz  m'enverra  aux  présides. 

—  Nous  ne  le  souffrirons  pas. 

—  Et  s'il  demande  mon  e.xtradition'? 

—  Elle  ne  lui  sera  point  accordée. 

Prenez  garde  qu'il  ne  vous  déclare  la  guerre. 

—  Laissez  donc,  il  a  trop  à  faire  à  réprimer  les  li- 
béraux e-pagnols.  D'ailleurs  ,  notre  armée  n'est-elle 
pas  là"; 

L'ambassadeur,  grâce  à  la  fermeté  de  ce  langage,  a 
Uni  par  se  calmer.  Ou  assure  qu'il  était  entièrement 
rassuré  au  dessert;  cependant  il  n'attend  pas  sans  une 
certaine  impatience  la  prochaine  dépêche  de  Narvaèz. 
Si  la  guerre  universelle  allait  s'allumer  à  la  suite  d'un 
diner  de  M.  OdilonBarrot? 

Mais  toutes  ces  querelles  diploinalico  gastrunouu- 
ques  me  fout  oublier  un  plus  grave  événement.  Voici 
le  citoyen  Murât,  cx-dauphin  des  Deux  Siciles,  qui  de- 
mande à  intenter  une  action  à  l'État  en  restitution  de 
biens  appartenant  à  son  père.  Il  s'agit  tout  siuiplemeiit 
d'une  douzaine  de  millions,  ce  qui,  dans  ces  temps  de 
crise,  ne  Lisse  pas  de  faire  une  somme  assez  ronde. 
Vous  pensiz  peut-être  que  le  citoyen  .Minat  s'est 
adressé  aux  ti  ibuiiaux  mdinaires.  Le  tribunal  de  pre- 
mière instance  Cit  bon  pour  les  croquants,  les  prin- 
cus  du  sang  royal  ont  le  privilège  de  convertir  l'As- 


semblée en  chambre  de  droit  civil.  C'est  à  elle  (|iie  le 
dauphin  Mural  a  remis  la  connaissance  de  sou  procès. 
L'Assemblée  nationale  a  trop  le  respect  d'elle-même 
et  de  ceux  qui  l'ont^nommée  pour  ne'passe  déclarer  in- 
compétente; mais  comment  trouvez- vous  ce  fils  qui 
vient,  à  propos  d'une  question  d'argent,  réveiller  les  sou- 
venirs désastreux  de  la  conduite  de  son  père  lors  de  la 
chute  de  l'Empire!  La  France  ne  demandait  pas 
mieux  que  d'oublier  les  erreurs  d'un  des  lieutenants 
de  l'Empereur.  Ce  n'est  pas  sa  faute  si  on  les  lui  rap- 
pelle. L'opinion  publique  a  jugé  la  réclamation  de 
M.  Lucien  Murât  avant  l'Assemblée  nationale,  avant 
les  tribunaux.  Ce  n'est  pas  en  comptant  des  écus  que 
vous  empêcherez  d'entendre  le  bruit  des  coups  de 
canon  que  votre  père  a  tirés  contre  l'armée  française. 

Douze  millions!  ce  serait  une  compensation  suffi- 
sante à  l'échec  que  M.  Murât  a  subi  pour  le  grade  de 
colone'l  de  la  première  légion.  Ce  n'est  point  faute  de 
bon  vouloir  cependant  de  la  part  des  électeurs;  mais, 
au  premier  appel  fait  à  son  éloquence,  le  candidat  n'a 
su  que  balbutier  des  phrases  entrecoupées  dans  le  genre 
de  celles-ci  :  «  Je  n'ai  rien  fait...  j'arrive  de  l'exil...  je 
me  conformerai  à  la  tradition  de  ma  famille...»  Voilà 
donc  la  famille  Murât  qui  a,  elle  aussi,  une  tradition. 
Nous  sommes  plus  indulgents  que  vous,  citoyen  Mu- 
rat,  pour  le  passé  de  votre  famille,  et  nous  voulons 
croire  qu'en  demandant  de  l'argent  à  la  France  en  un 
pareil  moment,  vous  n'obéissez  point  à  la  tradition  pa- 
ternelle. 

Nous  avons  à  signaler  au  monde  l'appparition  de 
M.  Râteau  à  la  tribune  de  l'Assemblée  nationale. 
Quelques  personnes  paraissaient  douter  de  son  exis- 
tence ;  il  l'a  constatée  par  une  mort  éclalaule  :  M.  Ba- 
teau s'est  fait  sauter  la  cervelle  avec  un  amendement 
emprunté  à  M.  Lanjuinais;  il  est  descendu  dans  la 
tombe,  enveloppé  de  sa  proposition.  L'Assemblée  na- 
tionale semble  vouloir  imiter  M.  Bateau  ;  elle  se  sui- 
cide à  petits  coups  de  démentis  :  républicaine  au  scru- 
tin secret,  royaliste  au  scrutin  de  division,  elle  ne  fait 
plus  que  donner  à  la  France  le  triste  spectacle  de  ses 
incertitudes,  et  perdre  chaque  jour  un  peu  plus  de 
terrain.  Elle  aurait  pu  pourtant,  si  elle  l'eût  voulu, 
rester  maîtresse  de  la  position.  Qui  l'eût  pensé,  que  le 
suffrage  universel  aurait  pour  fanatiques  ceux-là  mê- 
mes qui  reculaient  devant  l'adjonction  des  capacités? 
Bira  bien  qui  rira  le  dernier. 

Bien  de  nouveau  en  littérature  :  au  théâtre  nous 
avons  eu  un  vaudeville  charmant  de  M.  Bnzier,  lu 
Pension  ulimenlcdre,  et  un  vaudeville  détestable  de 
M.  Bajard,  le  lierijer  de  Saudijiii/. 

A  propos,  vous  savez  que  la  déiuis.siuii  de  -M.  Llier- 
minierestdélinitivement  acceptée.  Le  prufesseur  nous 
quitte,  et  transporte  son  enseignement  en  Suisse.  Bon 
voyage  au  libre  penseur. 


.NE    REVEILLEZ    TAS    LE    CHAI    QUI    DORT. 


Dessiné  par  BtHTALL 


Gravé   par   MlDDERlGH. 


206 


REVUE  COMIQUE 


VIOLETTES  PARLEMENTAIRES. 

ESQUISSES    NON    POLITIOUES. 
rnEMlKUE    VIOLETTE   :    M.    IIURK. 


Tous  les  biographes,  tons  les  journalistes,  tous  les 
chroniqueurs,  les  dessinateurs  à  la  plume  et  au  crayon 
n'ont  jamais  manqué  d'offrir  au  public  les  portraits 
plus  ou    moins   flattés  des  hommes  célèbres.  On  ne 
cesse  de   répéter  que  M.  de  Lamartine  est  un  grand 
orateur,  on  donne  la  mesure  exacte  de  sa  taille,  on  dit 
la  couleur  de  ses  cheveux,  la  coupe  de  son  habit  ;  il  a 
des  guêtres  jaunes  et  un  nez  à  tabac;  on  refait  dix  fois 
le  même   portrait  l'un  copiant   l'autre.  M.  Crémieux 
est  un  nègre  imparfait,  c'est  connu;  M.  Hugo  est  une 
cathédrale  ;  qui  l'ignore?  M.  Jules  Favre  a  des  lunettes 
vertes,  c'est  un  fait  acquis  à  l'histoire;  M.  Murât  res- 
semble à  M.  Caussidière,  M.  Caussidière  ressemble  à 
M.  Murât,    M.    Léon  Faucher  ressemble  à   un  tire- 
bouchon,  le  petit  Bérard  à  un  Auvergnat,  le  joli  Fres- 
neau  à  un  éperlan  frit,  chacun  sait  ça.  Mais  ce  que  le 
public  ne  connaît  pas,  et  ce  qu'il  veut  absolument  con- 
naître, c'est  Bourhousson,  c'est  Vignerte,  c'est  Gasionde, 
c'est  vous  encore,  sémillant  Dupont,  truffe  inodore  du 
beau  pays  de  la  Dordogne,  c'est  toi  aussi,  Cbarentais 
ignoré,  doux  et  politique  Babaud-Laribière,  et  Ollivier, 
qui  s'appelle  Oémosthènes,  et  Saint-Albin,  qui  se  nomme 
Hortensias,  et  celui-ci  et  celui-là ,  modestes  violettes 
oubliées  dans  le  parterre  des  amendements  et  dans  les 
plates-bandes  des  propositions  rejetées;  Avond,  Ma- 
thieu, Choque,  Callet,  Barbançon ,  Bodet,  Lasleyras, 
Vezin  et  Mispoulet. 

Oui,  le  temps  est  venu  d'aller  au  bois;  déjà  la  na- 
ture se  réveille,  le  soleil  brille  et  eflleure  de  ses  rayons 
les  vitraux  législatifs;  la  serre-chaude  parlementaire 
resplendit  d'un  éclat  printannier;  le  tournesol  Barrot 
se  balance  sur  sa  tige  majestueuse,  la  Pivoine  Rhuil- 


lièrcs  sourit  au  lys  Falloux  et  au  réséda  Changarnicr, 
mollement  caressés  par  la  brise  présidentielle;  il  n'est 
pas  jusqu'au  pissenlit  Faucher  qui  ne  charme  les  re- 
gards. Allez,  allez,  ô  jeunes  iilles  !  cueillir  desbluets 
dans  les  blés. 

Nous  allons  donc  cueillir  aujourd'hui,  avec  le  plus 
de  précaution  possible  et  de  manière  à  ne  pas  froisser 
cette  fleur  tendre  et  mélancolique,  la  violette  Huré. 

Fleur  et  simple  et  modeste,  tu  as  longtems  brillé 
sur  les  bords  fabuleux  de  la  Scarpe,  aux  ondes  poisson- 
neuses. Douai  t'a  vue.  Douai  t'a  respirée.  Douai  t'a 
chantée,  te  veniente  die,  te  descendente  canebat.  Huré 
était  l'aigle  de  tous  les  barreaux  du  Nord,  depuis  le 
barreau  de  Lillejusqu'à  celui  d'Aïuienscxcliisivement. 
Il  avait  obtenu  des  succès  foudroyants  à  Valenciennes  ; 
Arras  citait  ses  prosopopées  ;  Cambrai  l'estimait  pour 
la  hardiesse  de  ses  tropes  ;  sa  phrase  à  quatre  membres 
avait  séduit  Dunkerque,  et  llazebrouk  avait  frappé  en 
son  honneur  une  médaille,  sur  laquelle  on  lisait  cette 
inscription  flatteuse  :  Berryero  departemerifi,  Au  Ber- 
RVEU  DU  nÉPARTEMEiNT.  Si  l'ou  nous  demande  comment 
l'aigle  douaisien  s'est  transformé  tout  à  coup  en  mo- 
deste violette  parisienne,  nous  dirons  que  c'est  par  un 
de  ces  effets,  hélas  !  trop  ordinaires,  de  la  métempsycose 
politique. 

Huré  est  un  homme  de  mœurs  douces  et  simples;  sa 
redingote  noisette  atteste  l'aménité  de  son  caractère; 
il  a  un  chapeau  douteux,  des  lunettes  d'or,  une  parole 
facile  et  un  gilet  trop  court;  ce  gilet  intelligent  fait 
des  efforts  désespérés  pour  rejoindre  un  pantalon  fugi- 
tif; mais  hélas!  comme  Léandre,  il  expire  avant  de 
toucher  au  rivage. 


Soumisà  ce  régim..leBt-r,CETMsDÉfENSEScourt  inutilement  après  IcBcDCET  DES  KECETTES,neBttouiour.distancé.  Sur  Fa  rout.,^^ 

Tmpn.nJ,deTt..  flottantes,  a.nort,..en,ents  qu'.l  rencontre  ;  n>ais  cet  ordina.re  engendre  le  Déiicit  et  le  conduit  rap.dement  a  la  Banqueroute. 


A  L'IISACi;  I)i;s  GENS  SIÎRIEUX. 


207 


Ilurd  sidge  h  gaiiclie  à  lu  première  place  de  la  Iroi- 
sièine  iiaiiqnette  de  la  première  travée  ;  il  enire  dans  la 
salle  à  riuMire  juste  où  lasiîaiice  s'ouvre  ;  il  fuit  uii  pe- 
tit tour  dans  le  couloir  central  avec  la  satisfaction  inté- 
rieure d'un  homme  qui  a  déjeuné  à  52  sous  ,  dit  quel- 
ques mots  à  ses  deux  com|)atriotes  Mouton  et  Tarez, 
monte  ensuite  lentement  les  gradins,  donne  une  poi- 
gnée de  main  en  passant  à  son  ami  Conie,  et  s'asseoit 
tranquillement  à  sa  place. 

Une  fois  installé  dans  sa  stalle,  Iluré,  en  speetxleiir 
qui  sait  vivre,  ne  trouble  en  rien  la  représentation. 
L'acteur,  je  voulais  dire  l'orateur,  n'a  pas  d'auditeur 
plus  attentif.  Il  ne  se  montre  pas  à  toutes  les  issues 
couin)e  M.  Emmanuel  Arago,  qui  depuis...  mais  alors 
il  siégeait  au  sommet  de  la  Montagne  ;  il  ne  voltige 
pas  de  violette  en  violette,  ainsi  que  ce  papillon  de  Dur- 
neu;  il  ne  lorgne  pas  insolemment  les  tribunes  comme 
M.  Napoléon  Bonaparte,  qui  ressemble  de  face  à  son 
oncle  et  de  profil  à  Polichinelle;  il  ne  gesticule  jias 
comme  M.  Tliiers  ;  il  ne  dort  pas  comme  M.  Quinet; 
il  n'interpelle  pas  continuellement  le  président  comme 
MM.  Denjoy  et  Taschereaii;  il  ne  dit  pas  très-bien 
comme  M.  Baze,  ni  très-mal  comme  M.  Buvignier  ; 
il  ne  fait  pas  de  carricatures  comme  MM.  de  Luynes, 
Ferdinand  Lasteyrie  ,  Eugène  Raspail ,  fournisseurs 
extraordinaires  de  la  Berne  comique,  des  calembourgs 
comme  M.  Dupin,  et  des  fautes  de  français  comme 
M.  Fresneau  ;  il  ne  se  peigne  pas  continuellement  la  barbe 
comme  M.  Heckeren  ;  non  :  Huré  est  incrusté  dans  sa 
stalle;  il  fait  partie  intégrante  de  sa  banquette,  et  il 
serait  à  la  Chambre  comme  s'il  n'existait  pas,  s'il  n'a- 
vait pas  été  séduit  par  la  futile  ambition  de  continuer 
sur  les  bancs  de  l'Assemblée  nationale  les  traditions 
parlementaires  de  M.  Villemain. 

On  sait  que  l'ex-noble  pair  était  légèrement  bossu  ; 
il  avait  en  conséquence  des  bras  démesurément  longs 
qui  traînaient  jusqu'à  terre  quand  il  était  assis  :  pour 


occuper  ses  loisirs  et  ses  mains,  M.  Villemain  jouait 
continuellement  avec  ses  souliers  ;  son  plus  grand 
bonheur  consistait  à  glisser  ses  doigts,  pouce,  in- 
dex, médius,  annulaire  et  auriculaire,  entre  ses  bas 
et  le  cuir  de  sa  chaussure.  I^ouis-Philippc  lui  disait 
souvent  au  conseil  des  ministres  :  Mon  cher  Villemain, 
vous  feriez  mieux  d'acheter  un  polichinelle  ou  de 
juendre  du  tabac  comme  Lacave-Laplagne.  M.  Vatout, 
ce  gros  esprit  de  la  cour  citoyenne,  ne  tarissait  pas  en 
bons  mots  sur  ce  laisser-aller  du  ministre  de  l'instruc- 
tion publique  ;  Cuvillier-Fleury  s'en  indignait  ;  Trognon 
le  citait  à  son  élève  comme  un  modèle  à  éviter  ;  Huré  a 
emprunté  à  l'ancien  pair  de  France  cette  innocente  oc- 
cupation législative;  il  tient  invariablement  sa  jambe 
gauche  sur  sa  jambe  droite,  et,  pendant  tout  le  temps 
que  dure  la  séance,  ses  mains  folâtrent  avec  sa  chaus- 
sure. 

Mais  quatre  heures  sonnent,  Huré  quitte  son  banc 
Où  va  Huré?  Pourquoi  cette  fugue  à  heure  fixe?  Va-t-il 
se  promener  dans  les  couloirs  pour  deviser  turfel  sport, 
avec  l'intrépide  ridder  M.  de  Laussat?  Tramc-t-il  une 
conspiration  contre  le  ministère?  Recueille-t-il  les  bons 
mots  de  M.  Thiers?  Non,  Huré  se  rend  tout  simplement 
au  café  Janniot,  ce  divan  représentatif.  Huré,  altéré  par 
les  nombreux  discours  qu'il  a  religieusement  écoutés, 
va  boire  une  choppe  de  bierre.  Quand  il  le  voit  entrer, 
le  garçon  s'empresse  de  lui  bourrer  une  pipe.  Là,  Huré 
rencontre  ordinairement  M.  Lagrange,  M.  Mathieu  (de 
la  Drôme),  M.  Toussaint-Bravard,  et  un  domino  à 
quatre  vient  alors  agréablement  tempérer  les  fatigues 
d'une  discussion  trop  prolontrée. 

Huré  est  monté  une  fois  à  la  tribune,  c'était  dans  la 
discussion  relative  au  projet  de  Constitution  le  pré 
texte  de  cette  audacieuse  tentative  était  la  présentation 
d'un  amendement;  le  motif  réel  était  celui-ci  •  Huré 
avait  chaud  et  soif,  il  voulait  tout  simplement  boire  un 
verre  d'eau  sucrée. 


^"'ItT"  ''  "  ?'""•"  "  y^^^  '"'  '""""  '""'  '"'  ="  '''"'"  ""  ^""^'^^^  "='  '>"  -'"W""'e  les  ^vres  inufles.  Celui-ci,  privé  des 
emprunts,  pr.mes  et  autres  .,.,.eUs  .nsa.ubres,  perdra  bie»,6t  .00  .,.lo.,oiot  gé»,»,.  et  n>a,che,a  d-scco,d.vec  le  Budget  des  He««èl 


DEUX  GRANDS 


La  France  n'est  pns  encore  revenue  de  son  ad- 
miration pour  la  grande  victoire  de  M.  Changarnier 
sur  l'hydre  de  l'anarcliie,  et  les  gens  du  métier  ren- 
dent les  armes  à  son  nouveau  système  de  guerre,  ce 
sjstème  préventif  et  d'éparpillement  qui  fera  l'éton- 
nement  des  Césars  futurs.  Le  système  répressif  était 
bien  décidément  l'enfance  de  l'art,  un  système  rococo 
et  digne  du  moyen  âge;  en  efîet,  n'était-il  pas  pro- 
fondément ridicule  d'attendre  qu'il  y  eut  une  émeute 
et  des  émeutiers  pour  les  réprimer?  Avec  le  système 
préventif,  c'est  bien  différent  :  avant  que  l'émeute  et 
les  émeutiers  non-seulement  soient  ués,  mais  aient 
son^é  à  naître,  nous  descendons  dans  la  rue  avec  cent 
mille  hommes  ;  nous  battons  partout  le  rappel,  nous 
promenons  partout  nos  canons,  nous  mettons  partout, 
à  chaque  maison,  à  chaque  porte  un  ou  deux  soldats, 
et  nous  attendons  fièrement  !  Puis,  quand  les  habitants 
clonnés  mettent  le  nez  à  la  fenêtre  et  demandent  le 
pourquoi  de  tout  ce  tapage  :  «  Voyez  les  scélérats,  dit 
e  "encrai  de  l'armée   préventive;  ils  sont  déjoués!  ils 


MATAMORES. 

n'osent  accepter  le  combat'.  La  victoire  est  à  nous. 
Rentrons  !  Soldats,  je  suis  content  de  vous  :  vous  vous 
êtes  couverts  de  gloire  sur  toute  la  ligne...  des  boule- 
vards! »  Vive  le  système  préventif!  Enfoncé  Cavai- 
gnac  et  les  journées  de  juin  ! 

Le  succès  de  M.  Changarnier  a  été  tel  que  le  maré- 
chal Bugoaud  en  crève,  dit-on,  d'envie;  aussi  a-t-il 
fait  aux  braves  Berrichons  un  speech  périgourdin  qui 
vaut  son  picotin  d'avoine.  Que  les  Parisiens  se  le  tien- 
nent pour  dit  :  avec  les  Arabes,  le  vainqueur  d'Isly 
pouvait  garder  quelques  ménagements,  mais  avec  les 
républicains,  point  de  pitié,  point  de  quartier!  Il  pro- 
voque les  départements  à  la  guerre  contre  la  capitale! 
Raillerie  à  part,  il  n'est  pas  d'exemple,  dans  les  plus 
mauvais  jours  de  notre  révolution,  d'un  langage  aussi 
hideux,  aussi  brutal,  aussi  sauvage!  Radelski,  Jella- 
chich ,  VVindischgraetz  sont  dépassés  !  Est-ce  que  les 
lauriers  de  ces  bombardeurs  empêchent  M.  Bugeaud 
de  dormir?  Et  voilà  les  gens  qui  sont  à  la  tête  du  parti 
modéré  ! 


L'ASSEMBLÉE  ET  LE  PRÉSIDENT. 


L' .assemblée  nationale  fait  décidément  la  coquette; 
tantôt  elle  dit  non,  tautot  elle  dit  oui;  hier  elle  faisait 
fi  de  M.  Barrot,  aujourd'hui  elle  l'accable  de  sa  ten- 
dresse; samedi  dernier  elle  lui  jetait  sur  les  épaules  la 
plus  grave  des  accusations,  et  lundi,  contente  de  la 
leçon,  de  la  peur  qu'elle  lui  a  faite,  elle  lui  promet  gé  - 
néreusement  son  concours.  Ces  voles  si  différents,  celle 
mobilité  d'opinions,  ce  passage  subit  de  la  colère  à  la 
confiance,   doivent  dérouler  bien  des  combinaisons, 


bien  des  calculs;  ce  n'est  pas,  à  coup  sur,  de  la  pub- 
lique ferme  et  constante;  mais  cela  prouve  au  moins, 
contre  le  dire  des  royalistes,  que  r.\ssemblée  n'est 
point  systématiquement  hostile  au  ministère  et  qu'elle 
ne  veut  que  la  conciliation.  Nous  verrons  comment  se- 
ront reçues  ses  avances;  mais  nous  gagerions  qu'elles 
n'éprouveront  que  de  la  répulsion;  l'ingralitiule  est  la 
verlu  presque  unique  que  la  France  a  prati(iuée  depuis 
qu'elle  est  en  République. 


A  i;iISAGE  DRS  GKNS  SI^RirUX. 


200 


I.cs  explications  et  les  excuses  du  ministère,  soit  sur 
rarri'stalion  dti  colonel  île  la  (>•  légion,  soit  sur  le  linl- 
letindu  ministère  de  l'intérieur,  soit  sur  les  ci>in|ilols<les 
chibs,  ont  paru  bien  cliétives  et  bien  inesi|iiiiies  ;  tuais 
ce  qui  ne  l'est  pis,  ce  sont  les  doctrines  que  M.  Barrola 
eu  l'audace  de  metlie  en  avant  sur  le  pouvoir  du  pré- 
sident,et  qui  révèlentles  arrières-pensées  de  la  réaction. 

Vous  souvient-il  de  ces  discussions  niéla|)livsiques 
de  la  Chambre  des  dé[)ntés  sur  la  transparence  ou  la 
non-transparence  de  la  royauté,  sur  le  ministère  qui 
couvrait  ou  ne  couvrait  pas  suCfisanimeut  la  couronne; 
de  ces  théories  si  alambitiuées,  si  peu  compréhensibles 
sur  le  roi  qui  règne  et  ne 
gouverne  pas?  On  se  se- 
rait cru  à  celte  belle  épo- 
que du  Bas-Empire  où 
l'on  se  battait  pour  savoir 
si  la  lumière  du  Mont- 
Thabor  était  créée  ou  in- 
créée. ISos  grands  hom- 
mes d'aujourd'hui,  MM. 
Barrol  ,  Thiers  ,  etc.  , 
étaient  passés  maîtres  en 
ces  théories  à  l'aide  des- 
quelles se  jouaient  de  si 
bons  tours.  Eh  bien!  on 
nous  ramène  à  cela  ;  que 
dis-je?à  mieux  que  cela. 
Vous  aviez  cru  faire  une 
république  pour  en  finir 
avec  cette  autorité  d'un 
homme  contrariant,  an- 
nulant la  volonté  de  la  na- 
tion, avec  cette  confusion 
de  pouvoir  exécutif  ayant 
part  au  pouvoir  législatif, 
aveccet  antagonisme  in- 
terminable de  la  repré- 
sentation nationale  et  du 
premier  commis  de  la  na- 
tion ;  et  pour  cela,  vous 
aviez  fait  \ine  chambre 
unique  qui  formule  les 
volontésdu  peuple,  et  un 
président  qui  les  exécute. 


MONUMENT   EN    L  HONNEUR    Dt"    CR.' 

La  souscription  e  t  ouverte  dans  les  bure 


une  Assemblée  qui  est  la  tête,  un  premier  fonction- 
naire qui  est  le  bras;  aussi  aviez -vous  rendu  ce  ci- 
toyen responsable,  responsable  devant  l'Assemblée  qui 
est  l'expression  permanente  de  la  volonté  nationale. 
Tout  cela  était  une  erreur:  les  docteurs  de  Louis-Phi- 
lippe, les  théoriciens  politiques  de  l'autre  Chambre, 
les  malins  de  la  monarchie  constitutionnelle,  ont  dé- 
couvert que  le  président  est  le  véritable  représentant 
de  la  nation  ;  que  son  pouvoir  ayant  même  origine  que 
celui  de  l'Assemblée  est  supérieure  celui  des  députés 
du  peuple,  et  que  dans  le  cas  de  conQit  entre  eux  et 


lui,  ce  Sont  les  ili'>puli''s  qui  doivent  céder.  Kn  vérité,  on 
pouvait  concevoir  que  Charles  X  et  I.ouis-l'hili|)pc  se 
soient  égarés  dans  de  telles  prétentions;  au  moins  avaient- 
ils  une  idée  politi(|ue,  un  système  de  gouvernement,  une 
théorie,  fausse  ou  vraie  ,  sur  la  nature  et  l'étendue  de 
leur  j)Ouvoir  !  Cela  méritait  (|uel()ue  considération,  était 
dignedc  quelque  controverse.  Maisde  la  partde  .M.  Louis 
Bonaparte  !  les  cinq  à  six  millions  de  voix  du  10  décem- 
iire  lui  ont  donc  tourné  la  tète?  F^st-ce  que  personne  ne 
les  lui  a  décomposées,  ne  lui  en  a  estimé  la  valeur? 
Je  ne  serais  pas  étonné  que  M.  Bonaparte,  qui  doit 
tout  h  son  oncle,  et  qui,  ainsi  que  M.  de  Cirardin  nous 
l'a  révélé,  va  chercher 
près  de  son  tombeau  des 
inspirations  politiques, 
n'eût  conçu  des  idées  si 
étranges  sur  la  nature  de 
son  pouvoir  éphémère 
dans  l'histoire  de  Napo- 
léon. Endécembre  1813, 
le  corps  législatif,  sortant 
de  son  mutisme  de  dix 
ans,  s'avisa  d'adresser  de 
très-humbles  remontran- 
ces à  l'Empereur  sur  la 
guerre,  de  très-humbles 
supplicationssur  le  main- 
lien  des  droits  politiques 
de  la  France.  On  sait  la 
sortie  furibonde  que  fit 
Na[ioléonàcetle  réclama- 
tion courageuse,  mais 
intempestive  :  «  Au  nom 
de  qui  parlez-vous,  dit- 
il.  C'est  moi  qui  suis  le 
seul,  le  vrai  représen- 
tant du  peuple  ;  quatre 
fois  j'ai  eu  le  vote  de 
cinq  millions  de  citoyens. 
M'aftaquer  ,  c'est  atta- 
quer la  nation  !  »  Et  il 
lit  fermer  le  corps  légis- 
latif. 

Je  ne  serais  pas  étonné, 
dis- je,  que  M.  Bona- 
parte, dans  son  intimité,  à  l'ombre  du  grand  sabre  de 
M.' Changarnier,  n'eût  répété  ces  paroles,  dont  cer- 
taine allocution  de  M.  Bariot  à  r.\ssemblée  a  semblé 
la  paraphrase  tant  soit  peu  déteinte.  Mais  M.  Thiers, 
qui  écrit  l'histoire  de  l'Empire,  devrait  bien  dire  à  son 
illustre  protégé  que,  lorsque  Napoléon  prononçait  ces 
malheureuses  paroles,  il  venait  de  gagner  les  batailles 
de  Dresde  et  de  Hanau  et  s'apprêtait  à  faire  son  im- 
mortelle campagne  de  France.  Et  cependant,  il  les 
expia  cruellement,  car,  à  trois  mois  de  là,  ce  même 
corps  législatif  prononçait  sa  déchéance. 


SD   or>lLON   BABROT. 

ux  de  la  Reçue  comi' 


210 


REVUE  COMIQUE 


LA  POULE  AUX  ŒUFS  D'OH. 


—  Ilélas!  Iiélas! 

—  Qu'y  ii-t-il?  do  quoi  gémissez-vous? 

—  Comment  vous  dire  ce  qui  arrive  à  M.  de  Co- 
noude? 

—  Dites  toujours;  de  la  part  de  M.  de  Geuoude  rien 
ne  urétoniie.  Aurait-il  inventé,  par  hasard,  la  messe  à 
deux  degrés  ? 

—  1!  a  fait  bien  pis  :  il  s'est  figuré  qu'on  l'avait  mé- 
tamorpliosé  en  poule. 

—  Ah  bah  ! 

—  Et  qu'étant  changé  en  poule,  il  allait  pondre  un 
œuf. 

—  Un  œuf,  juste  ciel  ! 

—  Un  œuf,  et,  qui  plus  est,  uvi  œuf  d'or.  Il  se  croit 
devenu  la  poule  aux  œufs  d'or. 

—  Mais  qu'en  dit  le  docteur  Blanche? 

—  Que  voulez-vous  qu'il  en  dise?  il  est  consterné. 

—  11  y  a  de  quoi.  At-il  ordonné  des  douches? 

—  I.e  malade  refuse  d'en  prendre.  «  Jamais,  dit-il,  on 
n'a  donné  des  douches  à  une  poule  ;  les  douches  m'em- 
pêcheraient de  pondre,  et  si  je  ne  pondais  pas,  que  de- 
viendrait la  France,  puisque  je  vais  pondre  un  œuf 
d'or  et  que  dans  cet  œuf  seront  renfermées  la  richesse 
et  la  prospérité  du  pays?  » 

—  O  douleur!  voir  ce  grand  homme  dans  un  si 
triste  étal!  Mais  ètes-vous  bien  sûr  de  ce  que  vous 
dites? 

—  Parbleu!  lisez  plutôt  la  Gazette,  vous  n'y  trou- 
verez que  des  dissertations  sur  l'œuf  d'or  qui  sera  pro- 
chainement pondu  par  son  rédacteur  en  chef. 

—  Voilà,  monsieur,  qui  prouve  bien  le  néant  de 
l'homme.  Le  grand  Pascal  voyait  toujours  un  gouffre 
béant  à  ses  pieds,  et  M.  de  Genoude,  le  plus  grand 
génie  sans  contredit  qui  ait  paru  après  Pascal,  se  croit 
changé  en  poule.  Ce  que  c'est  que  de  nous!  Mais  conti- 
nuez de  me  donner  sur  cette  manie  bizarre  des  détails 
qui  m'intéressent,  tout  en  me  navrant  le  cœur. 

—  Que  vous  dirai-je!  Depuis  qu'il  se  croit  poule, 
M.  de  Genoude  ne  veut  plus  se  coucher,  et  passe  les 
nuits  debout  sur  une  chaise,  sous  prétexte  que  les 
poules  perchent  et  ne  se  couchent  pas.  On  a  même  été 
obligé,  pour  flatter  sa  manie,  de  garnir  son  apparte- 
ment de  bari'caux  pour  lui  donnei'  Pair  d'un  pou- 
lailler. l)è^  que  le  jour  paraît,  il  pousse  d'une  voix  forte 
deux  ou  trois  coquerico!  et  s'élance  en  agitant  ses  bras 
comme  des  ailes,  dans  sa  basse-cour  où  se  trouvent 
d'autres  poules.  Il  se  mêle  à  leur  troupe,  gratte  la  terre, 
se  tapit  au  soleil  et  cherche  à  imiter  tous  les  mouve- 
ments de  ses  prétendues  compagnes. 

—  Continuez;  vous  me  faites  riie  et  pleurera  la 
fois. 

—  Hélas!  les  larmes  duivent  remporter  sur  le  rire. 
Quand  la  cuisinière  arrive  pour  donner  il  manger  aux 


poules,  M.  de  Genoude  leur  dispute  les  grains  de  millet  qui 
tombent  à  terre,  et  ce  n'est  qu'au  moyen  de  mille  ruses 
que  ses  amis  parviennent  de  temps  en  temps  à  lui  faire 
manger  un  heefsleack.  Ensuite  il  dit  :  «  Bon  !  je  crois  que 
l'instant  arrive  de  pondre  mon  œuf  d'or,»  et  il  va  s'asr 
seoir  en  criant  coquerico  !  dans  une  grande  corbeille  pré- 
parée à  cet  effet.  Sa  seule  préoccupation,  c'est  qu'on 
ne  veuille  l'inunoler  pour  lui  tirer  d'un  coup  du  ventre 
tons  les  œufs  qui  s'y  trouvent  renfermés.  Celte  crainte 
lui  a  fait  prendre  la  cuisinière  en  horreur,  et,  dès 
qu'il  la  voit,  il  s'élance  pour  lui  donner  des  coups 
de  bec. 

—  Pauvi-e  femme!  je  suis  sûr  qu'elle  est  profondé- 
ment affligée  de  l'état  de  son  maître. 

—  Elle  en  pleure  toute  la  journée  ;  elle  en  a  les  yeux 
rouges:  la  malheureuse  fait  pitié!  Mais  ce  n'est  pas 
tout.  Témoin  des  efforts  que  faisait  son  maître  pour 
pondre  son  œuf  d'or,  elle  a  eu  l'imprudence  de  mettre 
en  cachette  un  œuf  de  poule  dans  la  corbeille,  pensant 
que  M.  de  Genoude  croirait  l'avoir  jjondu,  et  guérirait 
ainsi  de  sa  manie. 

■ —  La  ruse  était  bonne. 

—  Au  contraire  :  M.  de  Genoude  a  cru,  à  la  vérité, 
avoir  pondu  l'œuf;  mais,  changeant  de  marotte,  il 
s'est  mis  aussitôt  en  tète  de  le  couvei'. 

—  Juste  ciel  ! 

—  Depuis  quelques  jours,  on  le  voyait  tourner  et 
gratter  autour  de  sa  corbeille  d'un  air  languissant, 
comme  font  les  véritables  poules  quand  l'époque  de 
l'incubation  approche  :  les  alarmes  que  donnaient  ces 
symptômes  n'ont  été  que  trop  justifiées,  hélas!  par  un 
article  de  la  Gazette  d'hier,  où  M.  de  Genoude  annon- 
çait à  la  France  que  le  moment  était  venu  de  cou- 
ver l'œuf  d'or.  «  L'incubation  ne  sera  pas  longue  » , 
ajoutait  M.  de  Genoude. 

—  Et  vous  pensez  qu'il  finira  par  s'asseoir  dans  la 
corbeille  sur  l'œuf  qu'y  a  jilacé  la  cuisinière? 

—  Je  le  crains. 

—  Mais  que  s'attend-il  à  faire  éclore  de  son  œuf? 

—  Il  compte  en  voir  sortir  Henri  V.  Ce  qui  est  po- 
sitif, c'est  que  l'ceuf  va  être  juliment  écrasé.  Quelle 
omelette  ! 

—  Ne  m'en  parlez  pas.  Mais,  après  tout,  un  œuf 
n'est  qu'un  œuf;  et  quand  M.  de  Genoude  couverait 
celui-là,  ce  ne  serait  pas  un  fait  sans  exemple.  On  ra- 
conte qu'un  naturaliste,  tombé  entre  les  mains  des 
sauvages  d'Afrique,  fut  contraint  de  couver  un  œuf 
d'autruche,  et  il  ne  s'en  porta  pas  plus  mal.  Peut-être 
l'état  de  M.  de  Genoude  n'esl-il  pas  tout  à  fait  dé- 
sespéré. Les  poules  elles-mêmes  guérissent  de  leurs 
maladies,  avec  le  temps;  M.  de  Genoude  peut  donc 
guérir  aussi,  lui  qui  n'est  poule  que  dans  son  ima- 
gination. 


A  i,i'sA(.r,  in;s  c.KNs  sfjuixx. 


ÎH 


M.  mT.F.Arr»  faisant  (onnmssanci:  avec  la  ville  nr;  Rornr.rs. 


La  Conslilulion  a  eu  le  lurl  de  ne  pas  inéciser  la 
position  que  doit  occuper  le  maréchal  Itugeaud  eous  la 
République.  F.sl-il  roi,  empereur,  pape,  généralissime? 
On  iillMid  pour  savoir  de  quelle  façon  il  convient  de  lui 
rendre  hommage. 

Des  personnes  bien  inf<irmées  assurent  que  .M.  lîu- 
geaud  est  seulement  commandant  de  l'armée  des  .Mpes,   ! 
et  que  le  quartier- général  est  à  Lyon.  Alors  comment  ■ 
se  fait-il  qu'on  le  trouve  à  Botn-ges  se  livrant  à  ses 
excentricités  hahiluellcs? 

Avant  lui,  c'était  le  général  (Hidinot  qui  comman- 
dait l'armée  des  .Vlpes,  mais  M.  Oudinol  ne  s'occupait 
que  des  troupes  placées  sous  ses  ordres.  Le  maréchal  Bu- 
geaud  veut  bien  nous 
apprendre  que  de 
son  quartier-général 
il  a  toujours  les  yeux 
fixés  sur  Pai'is.  Ceci 
prouverait  que  M.  Bu- 
geaud  est  indépendant 
du  ministre  delà  guer- 
re et  du  gouverne- 
ment de  la  Républi- 
que. Peut-être  consi- 
dére-t-il  les  régiments 
des  Alpes  comme  dos 
compagnies  franches 
dont  il  a  la  propriété. 
Un  de  ces  jours,  nous 
entendrons  dire  que 
M  Bugeand  ist  allé 
avec  ses  bandes  con- 
quérir la  Sicile  et  y 
fonder  un  royaume 
périgourdin,  ou  bien 
qu'il  marche  sur  Paris  pour  faire  valoir  ses  droits  au 
trône. 

Le  t'ait  est  qu'il  devient  assez  diflicile  de  comprendre 
la  réception  qui  lui  a  été  faite  à  Bourges.  Toutes  les 
autorités,  y  compris  le  parquet,  sont  allées  en  corps  lui 
rendre  une  visite  officielle.  A  quel  titre,  s'il  vous  plaît? 
M.  Bugeaud  est-il  drnc  président  de  la  République?  On 
ne  sait  qu'en  penser,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'une 
mystification. 

Se  voyant  entouré  et  fêté  par  les  autorités  berri- 
chonnes, M.  Bugeaud  a  retrouvé  fout  à  coup  ses  van- 
teries  gasconnes  un  peu  compromises,  il  est  vrai,  par 
la  révolution  de  Février. 

Dans  le  discours  prononcé  à  celte  occasion,  M.  Bu- 
geaud commence  par  se  féliciter  «  de  faire  connais- 
sance avec  la  ville  de  Bourges.  »  Ici  nous  retrouvons 
l'ancien  Poinsinet  parlementaire  qui  égayait  la  Chambre 
sous  la  monarchie.    Vovez-vous  un   homme  «  faisant 


Le  maréchal  Bugeaud  e-sayant  uni 
toujours  l'œil 


connaissance  n  avec  une  ville!  — Lst-cc  bien  ù  la  ville 
de  Bourges  que  j'ai  l'honneur  de  parler?  —  A  elle- 
nu^me,  monsieur.  —  Knchanté  de  faire  votre  con- 
naissance ,  madame.  —  .Monsieur ,  vous  êtes  bien 
bon. 

La  conversation  engagée  dans  ces  termes,  M.  Bu- 
geaud adresse  quelques  compliments  à  sa  nouvelle 
connaissance. 

H  Vous  êtes  une  noble  et  antique  cité.  Madame. 

—  Vous  êtes  trop  honnête. 

—  Je  me  suis  laissé  dire  que  vous  aviez  de  beaux 
souvenirs  dans  l'histoire. 

—  Quoi!  vous  avez  la  bonté  de  rappeler... 

—  Certainement. 

—  Ah!  Madame, 
que  de  révolulious 
nous  avons  traver- 
sées! 

—  A  qui  le  dites-- 
vous  ! 

—  Ce  qui  me  char- 
me, c'est  qu'à  tra- 
vers toutes  ces  ré- 
volutions vous  avez 
conservé  vos  mœurs. 

— Les  mœurs  avant 
tout  ,  c'est  ma  de- 
vise. 

—  Vos  traditions. 

—  Le?  bonnes,  les 
saines  traditions. 

—  C'est  bien  ainsi 
que  je  l'entends.  Vous 
avez  aussi  conservé 
vos  vertus. 

—  \\i  !  Monsieur,  vous  me  comblez  ! 

—  Je  vous  rends  ,  Madame,  un  légitime  hom- 
mage. 

—  Vous  m'en  voyez  toute  confuse. 

—  On  ne  saurait  vous  montrer  trop  de  respect.  » 
La  connaissance  faite,  M.  Bugeaud  quitte  le  genre 

galant  et  troubadour  pour  prendre  ce  ton  tranchant  qui 
subjugue  les  belles;  il  s'exalte,  il  brandit  son  sabre,  il 
accumule  les  hâbleries  et  les  gasconnades.  C'est  alors 
qu'il  annonce  son  intention  d'avoir  l'œil  sur  Paris. 
(La  ville  de  Bourges  admire.  )  a.  Qu'est-ce  que  je  de- 
mande, s'écrie  M.  Bugeaud,  pour  mettre  les  factieux 
à  la  raison?  quatre  hommes  et  un  caporal.  Il  faut  dé- 
truire Paris,  ce  foyer  d'anarchie  ;  Paris  ne  fera  plus  la 
loi  au  reste  de  la  France.  C'est  Bourges  qui  doit  de- 
venir notre  capitale.  (Bourges  baisse  modestement  les 
yeux.)  \ji.  prif^ince ,  c'est  moi  avec  mon  armée  des 
Alpes,  broum  !  broum  !  ayons  l'œil  ouvert.  On  a  vu  le 


ï  queue  fourrierîste  afin  d'avoii 
sur  Paris. 


213 


HKVUK  COMiyilK 


24  février  ce  que  je  savais  faire  de  mon  sahie;  je  suis 
prêt  il  reciimniencer.  l.a  République,  c'est  le  goiivei- 
neuieiU  des  Caliliiias.  {Conwie  il  est  firrc  sur  t'/iis- 
toire  ancienne  !  murmure  la  ville  de  Ilourges.)  Sa- 
brons les  Caliiinas  parisiens  !  Cent  mille  boudjoux!  je 


IJiétcnds  prendre  ma  revanche  du  -2i  février,  et  entrer 
à  Paris  à  la  tète  des  gardes  nationales  de  province.  Sa- 
brons, pendons,  fusillons;  il  faut  rétablir  l'ordre  pour 
toujours.  Vive  le 'roi  !  »  [La  ville  de  Bourges  s'éva- 
nouit d'admiration  en  lui  demandant  ;  «  Lequel?  ») 


LES  PAinOUlLLRS  AYKC  (;A^()^'. 


«  Il  n'en  t.uil  pas  doulci-,  dit  le  Constitutionnel ,  la 
patrie  \ienl  d'éclinppcr  à  un  grand  danger,  grâce  à  la 
vigoureuse  initiative  du  gouvernement.  Ou  veut  l>ien 
reconnaître,  ajonte-t-il,  que  mon  altitude  énergique  a 
clé  aussi  pour  quelcjiie  chose  dans  cet  heureux  lé- 
sullal.  » 

Qu'est-ce  qui  en  doute?  Il  sufiit  d'avoir  vu  le  Cons- 
titutionnel combattre  pour  la  cause  royale  le  2-i  fé- 
vrier ;  on  se  rappelle,  en  effet,  que  ce  fut  l'héroïque  ré- 
sistance d'un  bataillon  sacré  composé  de  MM.  Thiers, 
Merruau  et  du  pharmacien  Véron,  qui  retarda  l'envahis- 
sement des  Tuileries  et  donna  à  Louis-Philippe  le 
temps  de  monter  en  voiture. 

Depuis  lors  le  Constitutionnel  s'est  toujours  fait  re- 
marquer par  son  courage  au  premier  rang  des  amis  de 
Tordre  ;  c'est  ainsi  qu'on  l'a  vu  dans  la  nuit  du  28  au 
29  janvier  parcourir  (ièrement  les  rues  pour  recon- 
naître les  dispositions  des  insurgés,  et  c'est  sans  doute 
dans  le  cours  de  cette  dangereuse  promenade  qu'il  a 
rencontré  ces  fameuses  patrouilles  avec  canon  faites 
par  le  général  Changarnior  en  personne. 

Le  journal  du  pharmacien  Véron  ne  dit  pas,  mais  il 
laisse  entendre  que  ses  patrouilles  à  lui  étaient  faites 
avec  seringues;  c'est  du  moins  le  sens  qu'on  peut  don- 
ner à  un  passage  assez  obscur  de  son  premier-émeute 
d'hier.  Nous  l'avons  vu  du  reste  en  juin  s'élancer  sous 


le  feu  des  barricades  et  au  Tuilieu  d'une  grêle  de  balles 
pour  donner  des  lavements  aux  blessés. 

On  comprend  après  cela  que  la  fumée  de  l'eau 
chaude  lui  moule  à  la  lèle,  et  qu'il  discute  avec  une 
inciuileslable  compétence  les  dis])ositions  stratégiques 
du  général  Changarnier.  (le  qu'il  trouve  au-dessus  de 
tout  éloge,  ce  sont  les  patrouilles  avec  canon  comman- 
dées par  le  général.  Vivent  les  patrouilles  avec  canon! 
s'écrie  le  Constitutionnel.  Vivent  l'artillerie  et  le  train 
d'équipages  !  Le  Constitutionnel  s'exalte  et  se  laisse  al- 
ler peu  à  peu  à  raconter  quelques  détails  de  la  bataille 
qui  n'a  ]>as  eu  lieu,  mais  qui  aurait  été  terrible  sans 
les  patrouilles  avec  canon. 

«  Jamais,  dit  le  pharmacien  Véron,  on  n'a  rien  vu 
de  plus  formidable  que  la  barricade  qui  a  failli  cire 
élevée  à  la  Bastille,  quoique  pourtant  celle  qui  aurait 
pu  être  construite  au  Panthéon  ne  lui  cède  en  rien. 
Dans  la  rue  Montmartre  ,  l'attitude  énergique  du 
Constitutionnel  a  empêché  les  fauteurs  de  troubles  de 
déplacer  les  pavés.  Mais  c'est  surtout  dans  la  rue  Saint- 
Houoré  que  l'audace  des  insurgés  n'aurait  plus  connu 
de  bornes  s'ils  eussent  osé  se  montrer.  Ce  n'est  point 
une  barricade,  mais  une  véritable  forteresse  qu'ils 
n'ont  pas  élevée  en  cet  endroit,  une  forteresse  avec  cré- 
neaux, meurtrières,  pièces  de  24,  pièces  de  36,  pièces 
de  campagne,  obusiers  et  le  reste  ;  heureusement  ils 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎRIEUX. 


3<3 


nvaiciit  cniiii)!,'  s.iiis  li's  |):itiiiiuilcs  avi-c  cniioti  cl  Mir- 
loiil  sans  r.iltitiiiK'  licllM|ii('iisf  ilii  f'fiiisfitutioimrl. 

a  Dans  ci'llo  nn'iiiinalili'  jnniih'ciln  'i'.t  janvior,  ajuiilo 
la  ft'iiillii  VV'iMii,  niilli-  liails  du  plus  lnillnnt  cuniaL'i' 
ont  illiislré  les  tlol'ensours  dtî  runlic,  |iic><|iii'  Imi.,  du 
ivslo,   aimiitu's   dn   ('nnuliliilidiiiicl.   C'csl    un    de    nu- 

Sousci-i|)U'ni-s,  dunt    l'ai u'nnMil,  s.ul  dit  en  |)as-anl, 

expire  dans  (jui  li|ii('s  jonrs,  ipii  >\sl  (Mancé  Unil  seni 
sur  lin  groupe  (\\n  n'exislait  pas,  et  l'a  dispersé.  Un 
aiilre,  auquel  nmis  leeoinmauddiis,  entre  parenthèses, 
Je  renouveler  son  aboniienieut  s'il  ne  veut  pas  épinn- 
ver  (rinlerriiplion  dans  l'envoi  du  journal,  un  autre, 
disons-nous,  sans  se  laisser  effrayer  par  les  décharges 
de  niousqueterie  qui  ne  parlaient  pas  d'une  harricade 
qui  n'avait  point  été  élevée,  l'a  escaladée  le  premier  et 
a  planté  dessus  un  drapeau  qu'il  ne  portait  pas  à  la 
main.  Nous  demandons  la  croix  pour  ce  brave.  » 

Ces  détails,  peut-être  liasardés,  sont  accompagnés 
d'antres  détails  tout  à  fait  épouvantal)les  sur  les  atro- 
cités que  les  insurgés  se  seraient  permises,  s'il  y  avait 
eu  des  insurgés.  Ainsi  un  abonné  dn  Cnnstilutionnel, 
auquel  on  recommande  d'ailleurs  d'écrire  lisiblement 
son  adresse,  à  son  prochain  renouvellement,  ou  mieux 
de  renvoyer  une  des  dernières  bandes  imprimées,  cet 
abonné  donc  aurait  pu  être  scié  entre  deux  planches 
par  une  femme  d'insurgé,  s'il  y  avait  eu  des  insurgés, 
des  planches  et  une  scie.  Horrible  mégère!  s'écrie  le 
Constitutionnel,  avec  une  horreur  bien  naturelle.  De- 
puis le  mois  de  juin,  le  Conslitutio}inel  en  veut  sur- 
tout aux  mégères.  Mais  passons  à  de  nouvelles  atro- 
cités. Un  autre  abonné,  qui  n'a  pas  été  suspendu  par 
les  pieds  au-dessus  d'un  large  brasier,  ne  le  doit  qu'à 
ce  qu'il  n'y  avait  ni  large  brasier,  ni  corde,  ni  per- 
sonne, pas  même  une  mégère  pour  le  suspendre,  et 
à   ce   que   d'ailleurs  il   n'était  pas  sorti   de  chez  lui. 


<tn  prolite  néanmoins  de  cette  occasion  pour  le  prier 
d'envojei-  'i  francs  .'10  centimes  en  sus  du  prix  de 
son  abonnement  s'il  veut  recevoir  lu  Hihliothique 
r/iiiisii-. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  à  l'aris  que  l'on  aurait 
eu  à  s'indigner  de  ces  abominations  si  elles  avaient  eu 
lieu.  La  province  aussi  a  fourni  son  contingent  d'é- 
ineuliers  absents,  de  barricades  qui  n'ont  pas  été  cons- 
truites et  d'horribles  mégères.  Il  n'y  a  qu'à  voir,  par 
exemple,  ce  qui  s'est  passé  à  Sarrcguemincs.  A  Sar- 
regui  iMiiies,  il  s'est  passé  qu'il  se  serait  passé  des 
horreurs  s'il  s'était  passé  n'importe  quoi,  ce  qui  fait 
qu'il  ne  s'est  rien  passé  du  tout,  faute  qu'il  se  soit 
passé  quelque  chose.  Kt  ce  n'est  pas  seulement  à  Sar- 
legueniines  que  ces  choses-là  se  sont  passées  :  les  cor- 
respondances du  Constitutionnet  lui  apprennent  qu'il 
s'en  est  passé  autant  sur  tous  les  points  de  la  France, 
car  partout,  comme  le  fait  très-bien  observer  .Merruau, 
les  mégères  se  ressemblent,  ainsi  que  les  [latrouilles 
avec  canon. 

Imi  terminant,  le  journal  du  pharmacien  Véron  an- 
nonce que  désormais  il  n'aura  aucun  ménagement 
pour  ces  émeutiers  incorrigibles.  On  l'a  vu  en  juin,  la 
seringue  en  bandonillère,  aller  sous  le  feu,  porter  le 
secours  de  son  instrument  aux  blessés,  sans  distinction 
de  parti;  il  ne  se  piquera  plus  de  tant  de  générosité. 
Certes,  il  continuera  de  faire  son  devoir;  ou  le  verra, 
comme  par  le  passé,  s'élancer  dans  la  mêlée,  son  in- 
strument à  la  main,  mais  ses  bons  offices  seront  exclu- 
sivement réservés  aux  blessés  du  parti  de  l'ordre;  les 
insurgés  le  supplieront  en  vain  ;  rien  (lour  les  insurgés, 
pas  même  quatre  gouttes  d'eau  chaude  ;  les  mégères 
elles-mêmes  ne  parviendront  pas  à  l'attendrir;  le  Cons- 
titutionnel déclare  que,  par  leur  férocité,  les  mégères 
ont  cessé  de  faire  partie  de  leur  sexe. 


214 


REVUE  COMIQUE 


LETTRE  D'UN  VOLEUR  A  MONSIEUR   DE  HECKEREN. 


On  lisait  dans  un  des  Joniiors  miinoros  de  la  Paine 
le  fait  suivant  : 

«  Du  de  nos  luuioiables  reprosentanis,  connu  par  l'aménité 
de  son  caractère  non  niciins  que  par  sa  s'''>"dc  inlluenre  poli- 
tique, se  reposait  l'auti-e  soir  de  ses  fatigues  législatives,  en 
se  promenant  avec  quelques-uns  de  ses  collègues  sur  l'asplialte 
des  boulevards.  11  se  délectait  à  savourer  le  parfum  d'un  pa- 
natellas.  quand  un  homme  vêtu  d'une  blouse  l'aborda,  la  main 
armée  d'un  cigare  encore  vierge  :  «  Citoyen,  du  feu,  s'il  vous 
plait?  »  dit-iL  Le  représentant  laisse  ses  collègues  continuer 
leur  promenade,  cl  offre  du  feu  à  son  inlerlocntcur.  Ce  der- 
nier alluma  son  cigare,  et  rendit  le  sien  à  son  officieux  repré- 
sentant, en  lui  disant  :  «  Tenez,  citoyen,  ça  me  fait  plaisir. 
-Vous  n'êtes  pas  fier.  Vous  êtes,  j'en  suis  sûr,  un  bon  républi- 
cain     Je  le  pense,  du  moins,  répondit  le  représentant.  — 

Eh  bien!  en  ce  cas,  vive  la  Rèpubliittie  démocralique!  —  Eh 
bien!  oui,  citoyen,  vive  la  République  démocratique!  —  Et    i 
sociale!  ajoute  î'incouuu.  —  Pour  celle-là,  je  n'en  suis  pas.  » 

«Quelques  mois  furent  encore  échangés  entre  le  représentant  I 
et  l'inconnu,  qui  s'éloigna  ensuite  eu  lui  disant  :  «  Nous  fini- 
rons par  nous  entendre.  »  Le  représentant  hàla  le  pas  pour 
rejoindre  ses  collègues  :  il  était  tard,  il  voulut  tirer  sa  montre 
pour  savoir  l'heure  qu'il  était;  hélas!  la  montre  avait  disparu, 
et  l'industriel  ne  lui  avait  laissé  que  la  chaîne  de  sûreté,  sans 
doute  comme  un  témoignage  de  la  fragilité  des  choses  hu- 
maines et  des  chaînes  de  sûreté.  » 

N.  B.  Nous  trouvons  dans  la  boîte  de  la  Revue  co- 
mique la  lettre  que  voici  à  l'adresse  de  l'honorable 
M.  de  Heckeren,  qui,  s'il  faut  en  croire  notre  singu- 
lier correspondant,  serait  le  représentant  désigné  dans 
la  note  qu'on  vient  de  lire  : 

«  A  Monsieur  de  Heckeren,  représentant  du  Haut-Rhin. 
«  Monsieur, 
«  C'est  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  et  pour  ne  pas 
laisser  d'ailleurs  peser  sur  une  opinion  qui  ne  m'a  ja- 
mais rien  fait  et  avec  laquelle  je  n'ai  aucune  espèce  de 
rapport,  une  accusation  injuste,  que  je  prends  la  li- 
berté de  rectifier,  par  la  voie  de  la  presse,  le  récit  peu 


véridique  que  vous  avez  cru  devoir  faire  de  l'incident 
qui  vous  a  privé  de  votre  montre.  Quand  l'idée  m'est 
venue  de  remplacer  ma  montre  que  je  venais  de  per- 
dre par  celle  qui  était  dans  le  gousset  de  votre  panta- 
lon, je  me  suis  demandé  par  quel  moyen  je  pouvais 
m'attirer  votre  conliance,  et  comment  pouvait  s'opérer 
entre  nous  un  rapprochement  nécessaire  à  mon  projet. 
Ma  première  idée  fut  de  crier  eu  vous  demandant  du 
feu  :  «Vive  Henri  V!  »  Ce  cri  l'attendrira,  pensai-je 
d'abord.  Un  républicain  légitimiste  n'y  saurait  être  in- 
sensible. Mais  je  ne  m'arrôlai  point  à  cette  pensée.  Sous 
une  apparente  étourderie,  je  vous  sais  lin  et  rusé  ;  ce 
cri  vous  eût  mis  en  défiance,  et,  ma  foi,  toute  réQe.xion 
faite,  je  me  dis  :  «Ce  n'est  pas  là  un  coup  de  politi- 
que, c'est  une  affaire  de  sympathie  à  établir;  crions 
Vive  Lafayette  !  soyons  gris,  soyons  ronds  ;  Heckeren 
est  un  bon  vivant,  la  candeur  d'un  pareil  cri  n'éveil- 
lera pas  ses  soupçons,  il  se  laissera  toucher.  »  Qui  fut 
dit  fut  fait,  et  c'est  au  cri  de  Vive  Lafayette,  souve- 
nez-vous-en, et  non  au  cri  de  Vive  la  République, 
pas  plus  de  la  république  démocratique  que  de  la  ré- 
publique sociale,  que  s'accomplit  mon  dessein. 

«  Pourquoi,  Monsieur,  avoir  fait  de  celte  affaire  une 
affaire  politique?  pourquoi  avez-vous  cru  devoir  vous 
prêter  à  vous-même  un  bon  mot  que  vous  n'avez  point 
eu  à  prononcer?  avez-vous  donc  besoin  de  prouver 
que  vous  n'êtes  pas  socialiste,  vous,  qui,  au  fond,  ne 
tenez  pas  même  à  prouver  que  vous  soyez  républi- 
cain. 

«  H  faut  de  la  conscience  en  tout,  M.  de  Heckeren, 
dans  les  petites  choses  comme  dans  les  grandes  ;  il  ne 
suffit  pas  d'être  volé  pour  avoir  le  droit  d'attribuer  à 
son  voleur  des  paroles  qu'il  n'a  pas  prononcées.  —  Te- 
nez-vous-le  pour  dit,  je  vous  ai  laissé  la  chaîne  de  votre 
montre,  cela  méritait  plus  d'égards. 

«  Votre  Volelr.  » 


CHOSES  QUELCONQUES. 


On  assure  que  M.  Berryer  a  été  fort  mal  reçu  au 

fameux  congrès  de  la  rue  Duphot.  —De  son  côté, 
M.  de  Larochejacquelein  y  aurait  été  traité  d'éteignoir. 
M.  de  l'astoret  n'y  serait  pas  loléré.  M.  de  Genoude  y 
est  peut-être  écouté,  mais  un  peu  à  la  façon  de  Cas- 
sandre.  —  Voilà  pourtant  un  parti  qui  se  vante  de 
pouvoir  réconcilier  toute  la  France.  Réconciliez-vous 
d'abord,  messieurs,  si  vous  pouvez;  —  et  quand  la 
chose  sera  faite,  faites-nous  le  savoir. 

—  On  répétait  dans  un  salon  ce  mot  fameux  mais 
trop  répété  de  Napoléon  :  «  Dans  cinquante  ans,  l'Eu- 
rope sera  républicaine  ou  Cosaque.  »  —  Qu'elle  soit 
Cosaque,  s'écria  la  jeune  et  belle  marquise  de  1'"*  dont 


le  mari  est  sexagénaire  ;  notre  sang  corrompu  par  la  ci- 
vilisation ne  peut  que  gagner  à  se  croiser  un  peu.  » 
Avis  à  M.  le  marquis  de  P"*'. 

—  Sous  ce  titre  Violettes  parlementaires,  nous  nous 
proposons  de  faire  l'éloge  de  quelques  membres  de  l'As- 
semblée qui  ont  un  grand  mérite,  et  sont  parfaitement 
inconnus. 

Dans  une  réunion  oii  il  suffit  pour  s'illustrer  d'un 
peu  d'outrecuidance  et  de  fatuité,  ce  serait  de  l'ingra- 
titude de  ne  point  aller  chercher,  sous  les  feuilles  où 
elles  se  cachent  avec  tant  d'abnégation,  ces  modestes 
fleurs  que  les  départements  nous  ont  envoyées.  Qu'on 
y  songe,  pour  être  inconnu,  il  faut  n'avoir  ni  fait  m 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


prononce  la  moindre  sollise  depuis  dix  mois.  Les 
liommos  de  l'Iulannic  poiiiraionl-ils  i)iL'lc'ndro  à  un 
j)lus  rare  nuTitc .' 

—  Savi'z-vuus,  mon  clicr  duc,  pourquoi  la  Répu- 
blique a  |)!us  d'avenir  (|ne  la  monarchie,  disait  le  vieux 
comte  de  C...  an  vieux  duc  de  *".  (l'est  parce  que 
nous  sommes  vieux  et  que  la  Hoijuhliiiue  est  jeune. 

—  /'lus  de  révolutions! /y,ùmti  mieux  la  lîépu- 
l)li(iue  à  perpétuité,  disait  hier  un  de  nos  plus  li- 
ches  manufacturiers.  La  meilleure  révolution  ne 
vaut  rien.  La  République  n'est  pas  de  mon  goût, 
mais  elle  a  pour  elle  qu'elle  exclut  toutes  les  au- 
tres prétentions,  tandis  que  toute  autre  l'orme  les 
ferait  renaître.  Henri  V  nous  amènerait  le  comte  de 
Pans,  le  comte  de  Paris  nous  ramènerait  des  tentatives 
impériales.  Restons  tranquilles;  faisons  notre  lit.  La 
moindre  entreprise  commerciale  a  besoin  du  temps 
pour  se  fonder  et  d'une  mise  de  fonds  ;  que  la  mise  de 
fonds,  que  le  temps  donné  à  la  République  ne  soient 
perdus  ni  [jour  la  France,  ni  pour  nous.  Un  nouveau 
changement  demanderait  des  frais  entièrement  nou- 
veaux. C'est  assez  comme  cela.  Je  me  déclare  républi- 
cain, parce  que  j'ai  été  conservateur,  parce  que  je  le 
suis,  parce  que  je  prétends  l'être  non-seulement  de  [la- 
rôles,  mais  de  fait. 

—  M.  de  Lamartine  n'a  jamais  fait  un  discours  plus 
vide  que  celui  de  mardi  :  flatteries  au  président  de  la 
République,  flatteries  au  suffrage  universel,  flatteries 
à  la  majorité  en  injuriant  sans  raison  la  partie  extrême 
de  l'Assemblée,  autrefois  son  amie,  —  total  :  demande 
formelle  du  portefeuille  des  affaires  étrangères  ;  tel  est 
le  résumé  de  ce  triste  discoui-s. — .V.  B.  M.  de  Girardin 
l'a  loué. 

—  .\prè3  les  journées  de  juin,  un  grand  nombre  de 
citoyens  eurent  la  pensée  d'offrir  une  épée  d'honneur 
au  général  Cavaignac  ;  le  brave  général,  informé  de  ce 
j)rojet,  pria  ses  auteurs  d'y  renoncer  et  refusa  ce  té- 
moignage bien  mérité  d'ailleurs,  de  l'estime  du  pays. — 
A  propos  de  la  ridicule  journée  du  29  janvier,  qui  l'eût 
cru  ?  il  est  question  d'offrir  au  général  Changarnier  une 
épée  d'honneur;  en  vérité,  n'est-ce  pas  une  amève  cri- 
tique, une  satire  de  cette  équipée,  et  le  brave  général 
n'cst-il  pas  honteux  qu'on  fasse  pour  ce  triomphe  ima- 
ginaire ce  qu'on  n'a  pas  fait  pour  les  combats  réels 
qu'il  a  livrés  aux  Bédouins? 

—  Après  la  discussion  de  mardi,  le  repi'ésenlant 
Pory-Papy  était  tout  triste.  —  Il  voit  toujours  tout  en 
noir,  disait  un  représentant  de  Colmar,  —  émule  de 
M.  Dupin. 

—  C'est  une  chose  digne  de  remarque,  que  les  aca- 
démies n'ont  jamais  perdu  une  occasion  de  faire  acte 
de  servilité.  —  M.  Faucher,  ministre  de  l'intérieur, 
vient  d'ètie  élu  membre  de  l'Académie  des  sciences 


morales  et  politiques  en  concurrence  avec  M.  Michel 
Chevallier. —  Si  M.  Michel  Chevallier  eut  été  ministre, 
l'est  lui  qu'on  eût  élu  à  la  place  de  M.  Faucher. 

—  .M.  le  maréchal  Bugeaud  se  souvient  de  son  mé- 
tier de  geôlier.  —  Il  traite  la  France  républicaine 
connue  il  traitait  nagui-re  la  duchesse  de  Berry.  — 
«  Uiialre  hommes  et  un  caporal,  dit-il,  suffiraient  pour 
la  réduire.  » 

i\ous  lui  conseillons  pourtant  de  s'adjoindre  quel- 
ques hommes  de  plus. 

—  M.  Giiizol  dirait  de  M.  Bugeaud,  que  sa  place 
était  à  Alger,  et  (|u'il  mettait  un  gouvernement  quel- 
conque au  déli  de  faire  de  lui  autre  chose  qu'un  gou- 
verneur algérien. 

—  M.  lit  [M'ésident  de  la  République  ne  donne  pas 
de  bals  :  la  France  ne  veut  pas  payer  les  violons. 

—  La  France  n'est  pas  tout  entière  dans  le  chapeau 
de  l'Lmpereur  ;  elle  est  moins  encore  avec  Henri  IV 
sur  le  Pont-lNeuf  ;  elle  n'a  pas  suivi  non  plus  Louis- 
Philippe  en  exil...  Où  donc  est-elle? 

—  Vous  ne  croyez  pas  à  la  République  ;  vous  n'avez 
pas  cru  à  la  monarchie;  vous  ne  croyez  à  rien,  et  vous 
vous  croyez  de  force  à  renverser  ou  à  construire  quel- 
que chose. 

11  n'y  a  que  la  foi  qui  transporte  les  montagnes; 
allez  où  est  la  foi  ,  —  vous  y  trouverez  la  force. 
Or,  la  foi,  ce  n'est  pas  vous  qui  l'avez;  ce  n'est  donc 
pas  vous  qui  avez  la  force;  ce  que  vous  détruiriez  un 
jour,  la  foi  le  rétablirait  le  lendemain. 


L  doit  S'introduire  chez  tous  pour  voler 


—  Monsieur,  méfîez-T 
tous  vos  effets. 

—  Monsieur,  je  ue  crains  rien  :  tous  mes  effets  sont  protestés. 


Cflètre  si  mal  fail,  si  toiUi,  si  vilain, 

r/est  nions  Dupin  (Laid-Nez),  uiaUre  en  fait  de  chicane 

Prince  des  procureurs,  ami  du  coq-à-l"ane, 

I,a  veille  démoli,  debonl  le  lendemain  .' 

Contre  la  République,  à  tout  propos,  il  hnce 

De  ces  bzzis  poinlus  qui  lui  sont  familiers. 

Insinuant  (pi'un  roi  cliausscrait  mieux  la  France; 

Mais  on  le  voit  venir,  avec  ses  gros  sou'iers!... 


Dessioé  par  FabritzIiS. 


Gravé  par  Baulant. 


11(111.    VAFIII    lits    ITAIIINS. 


HO  cTiiliiiicH  la  livrnlHoii. 


I.   Ml.lltl,    .'.2. 


iSiiiiM^^ 


idilions  de  la  Koiiscriplion.  —  La  Revde  comiqle  formera  un  magnifujue  volume,  grinJ  iu-8,  publié  en  50  livraisons  à  ÔO  centimes, 
pnrh  posle,  iO  cent.  On  sous,  rit  pour  10  livraisons.  Pour  les  iléparlemenls,  envoyer  un  mandat  sur  la  poste  à  Tordre  du  directeur  de  la 
Uevi  E.  —  Pour  lùul  ce  qui   concerne  la  rédaction,  écrire   [franco)  à  M.  Lir.Eis,  au  bureau  de  la  Revle,  2,  boulevard  des  Italiens. 

DumiNSHAv,  ÉDiTEun,  RUE  RICHELIEU,  52.  1  o""  Liviaison. 


AVIS    AIX    JODRIV'Al'X    Ui:    l'AItlS    ET    DE«i    DÉIMKTEMENTS. 

Kolis  autorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Revue  comique,  à  la  condition  : 
I"  De  citer  la  Uevue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
5"  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  cIkkiuc  numéro. 


AVIS 


AUX  SOUSCRIPTEURS  BE  X.A  REVUE  COMIQUE. 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
fâcheux  que,  pour  ne  pas  décompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  join-,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  i\\\ 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  eu  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  QUINZIÈME  LIVRAISON. 


La  Semaine.  —  Du  Succès  de  M.  Râteau.  —  Oraisons  périgourJiues  do  M.  Bugeaud.  —  Comment  M.  Tliiers  défend  M.  Léon 
Faucher.  —  DovouemenI  et  colique.  —  M  Bugeaud  et  le  Journal  des  Débals.  —  Nouveaux  détuils  sur  le  duc  do  Bordeaux 
et  sur  la  duchesse  de  Berry  ;  la  ticvue  romique  et  les  journaux  Icgiliuiislof.  —  Proposilion.  —  Diidogup  des  morts,  par  un 
visionnaire.  —  Choses  quelconques.  —  Correspondance. 


Dcâsinalcura.  Graveurs. 

Le*  deux  marquis Otto.  Baulant. 

La  fièvre  de  Tor Punch  et  FabrUzius.  Eaulant. 

Apparition  des  naturels Punch  et  Nadard.  Baulant. 

L'enfant  savant Xadard.  Bju'an*. 

Le  saut  de  carpe Nadard.  Baulant. 

L'étincelle  électrique Nadard.  Jaliot. 

Le  tour  des  forts Nndard.  Baulant. 

Grande  jonglerie Nadarii.  Louis. 


Do-.sinalcurs.  Graveurs. 

Le  tour  du  bâton Nadard.  Baulant. 

Le  tour  des  gobelet? Nadard.  Baulaui. 

La  carte  pensée Nadard.  Louis. 

Haute  banque Nadard.  Louis. 

Il  s'escanaole  lui-mûme Nadard.  Montigncul. 

La  pyramide  huma  n.-.  ...  Nadard.  Baular.t. 

Latnartinc ...  Fabritïius.  Baulant. 


POnn  PARAITBE   D&NS  LES  PROCHAINES  LIVRAISONS 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentations  —  travestissements 
hypocrysies  —  passe- passe  —  perfidies  —  grande  culbute  de 

MOSIEU  RÉAG 

SUITE    DE    CAniCATCBES    PAU    NADARD. 


Parii.— Tiivfl  aux  prenKS  mécaniques  de  LiCHAMPB  (lU  cl   Comp.^  nie  Damiclte,  2. 


LA   SEMAINE. 


La  politique  se  traîne  dans  le  marasme  qui  succède 
aux  grandes  crises,  les  partis  se  font  une  petite  guerre 
d'amendements.  Odilon  Barrot  et  Faucher  le  Grand  se 
reposent  sur  leurs  lauriers.  Pour  égayer  un  peu  la  si- 
tuation, nous  n'avons  eu  que  les  discours  de  xM.  Bu- 
gcaud  aux  autorités  lyonnaises,  charmante  alla  pn- 
prida  où  la  politique,  la  morale,  la  législation,  la 
stratégie,  les  circonstances  atténuantes,  la  guerre  des 
rues,  l'intervention  en  Italie,  se  trouvent  mêlées  et 
assaisonnées  d'une  pointe  d'ail  périgourdin  qui  n'est 
pas  inférieur  aux  meilleures  rémoulades  servies  par  le 
facétieux  maréchal  à  ses  anciens  convives  les  fonc- 
tionnaires de  la  monarchie. 

Le  reste  du  temps  on  a  dansé.  Le  dernier  bal  de 
l'Opéra  a  été  plein  d'animation  et  de  gaieté.  On  n'en 
dit  pas  autant  du  bal  qui  a  eu  lieu  vendredi  _chez  le 
président  de  la  République  ;  mais  les  détails  nous  man- 
quent pour  en  parler  savamment.  Nous  y  reviendrons 
à  notre  prochaine  Revue. 

Nous  avons  eu  une  restauration  au  Théâtre-Français. 
M.  Mazères  a  reparu  traînant  après  lui  l'ombre  de 
Picard,  h' Amitié  des  Feynmes  est  une  innocente  petite 
comédie  qui  date  de  1826;  elle  portait  les  cheveux  à 
lachmoise,  les  manches  à  gigot,  un  ridicule  d'acier  et 
une  robe  à  la  Dame  blanche.  On  lui  a  refait  à  la  hâte 
une  toilette  selon  les  modes  actuelles;  mais  la  pauvre 
enfant  était  empruntée  sous  ce  costume,  et  malgré 
quelques  mots  d'actualité  semés  çà  et  là  dans  le  dia- 
logue, Fauteur  n'a  pu  parvenir  à  cacher  la  date  véri- 
table de  sa  prose,  l'âge  de  sa  comédie  à  la  Jocko. 

On  parle  beaucoup  depuis  quelque  temps  de  réor- 
ganiser le  Théâtre-Français.  Une  des  mesures  les  plus 
importantes  à  prendre,  serait  la  réinstallation  de 
M.  Mazères  dans  une  préfecture  quelconque.  11  faut 
l'exiler  à  au  moins  soixante  lieues  du  comité.  Espé- 


rons que  M.  Léon  Faucher  comprendra  celte  nécessité. 

Constatons  à  l'Opéra  une  chute  qui  a  été,  chose  bi- 
zarre, l'occasion  d'un  triomphe  pour  la  danseuse  qui  l'a 
faite.  Mademoiselle  Maria,  emportée  par  son  ardeur, 
s'est  jetée  de  la  scène  dans  l'orchestre  ;  elle  est  tombée 
fort  adroitement  sur  un  second  violon,  M.  Tolbèque: 
elle  pouvait  se  tuer,  et  en  a  été  quitte  pour  la  peur. 
Une  pluie  de  bouquets  a  témoigné  de  l'intérêt  que  le 
public  avait  jiris  à  son  saut  périlleux. 

Lisez-vous  la  Mode?  A  l'entendre,  nous  avons  com- 
mis un  crime.  Nous  l'avons  dit,  le  duc  de  Bordeaux 
boite  légèrement  par  suite  de  l'accident  qu'il  a  éprouvé 
à  Kirchleng-Kircberg.  Messieurs  les  compositeurs,  pou- 
vez-vous  vous  tromper  sur  l'orthographe  des  lieux  il- 
lustrés par  d'aussi  grands  événements? Savez-vous  ijuc 
dans  tous  les  dictionnaires  de  géographie  de  l'avenir, 
on  lira  :  Kirchberg,  champ  de  bataille  fameux  où  le 
duc  de  Bordeaux  fit  une  chute  de  cheval  en  combat- 
tant les  lièvres  et  les  perdrix. 

Il  boite  !  c'est  un  crime  irrémissible  de  le  dire, 
aux  yeux  de  certaines  gens,  et  le  correctif  légère- 
ment ne  fait  qu'ajouter  à  la  grandeur  du  forfait.  L'en- 
fant du  miracle  ne  peut  pas,  ne  doit  pas  boiter.  Il 
faut  avoir  tout  foulé  aux  pieds  ,  urbanité  française, 
sentiment  des  convenances,  respect  dû  au  malheur, 
pour  soutenir  de  telles  énormités. 

Quoi  !  ce  prince  qui  frappe  par  son  air  de  prédesti- 
nation (comte  de  Flahaul),  qui  serait  le  roi  des priti- 
ces  (le  sculpteur  Bartolini),  qui  semble  avoir  été  taillé 
par  Dieu  pour  la  royauté  (Chateaubriand),  qui  ne  dit 
pas  une  parole  qui  ne  doive  être  dite,  qui  ne  fait  pas  un 
acte  qui  ne  doive  être  fait  (.M.  de  Metlernich),  qui  ne 
parle  pas  sans  qu'on  croie  voir  la  Dtain  de  Dieu  sur  sa 
tète  un  archiduc  d'Autriche],  ce  prince  merveilleux, 
ce  prince  charmant,  nous  avons  osé  dire  que  sa  dé- 


218 


REVUE  COMlQliK 


maiclie  était  incertaine,  et  qu'il  inenait  (în  ventre: 
profanation'.!!  Mais  à  quoi  voulez-vous  donc  ([uc  nous 
reconnaissions  les  lîourbons  désormais'? 

Il  faut  être  républicain  et  sorti  de  la  buiie,  comme 
dit  avec  tant  de  grâce  gentilhommière  le  journal  {a 
Mode,  auquel  nous  empruntons  les  diverses  citations 
que  l'on  vient  de  lire  au  sujet  du  comte  de  Chambord, 
pour  prétendre  que  le  lils  de  tant  de  rois  s'appuie  sur 
des  jambes  inégales.  Allons  donc  !  est-ce  que  Henri  IV 
boitait?   Il  est  vrai  qu'ils  ne  sont  pas  Français,  ajoute 
la  Mode ,  ceux  qui  insultent  au  malheur.  Eh  bien! 
nous  prenons  acte  de  vos  paroles.  Ètcs-vous  Français, 
messieurs  de  l'ancien  régime,  messieurs  de  la  grâce, 
de  l'urbanité,  de  la  générosité,  messieurs  de  l'Œil  de 
Bœuf  et  de  Fontenoy,  lorsque,  parlant  d'un  homme 
politique  aujourd'hui  en  hutte  aux  rigueurs  du  pou- 
voir, et  que  vous  nommez  en  tontes  lettres,  vous  dites 
en  parlant  d'une  fête  où  il  assistait  :  «  Il  tomba  ivre- 
mort  sur  le  parquet,  laissant  sur  le  trajet  de  son  en 
avant  deux   les  traces  les  plus  démocratiques  de  son 
passage!»  Quels  charmants  détails  (et  nous  suppri- 
mons les  enjolivements  de  l'article)  pour  vos  lecteurs 
si  lins,  si  délicats,  et  quel  rôle  pour  des  paladins  que 
de  "lisser  sous   le  guicîut  d'une  prison  des  chroniques 
diffamatoires,  et  découdre  des  pamphlets  aux  réquisi- 
toires du  ministère  public!  Allez,  hirondelles  du  scan- 
dale, allez  gazouiller  la  médisance  et  la  calomnie  sous 
les  fenêtres  du  prisonnier  ! 

Ah!  qu'on  voit  bien  que  vous  n'êtes  pas  républi- 
cains et  sortis  de  la  boue,  lorsque  d'une  plume  élé- 
■rante  et  chaste,  de  cette  plume  qui  écrit  pour  la  du- 
chesse d'Angoulême  (une  sainte  !)  et  pour  la  duchesse 
de  Berry  (une  si  grande  dame!  nne  sainte  aussi,  sans 
doute)  vous  nous  décrivez  le  président  do  la  République 
se  plaçant  à  table  à  côté  de  madame  M  ..  sans  corset. 


M.  et  madame  F...  dansant  nne  sarabande  de  la  Chau- 
mière, madame  F...  exécutant  une  cachucha  vêtue  du 
costume  andaloux  tel  (lu'il  est  décrit  dans  le  livre  I"  de 
la  C.enèse.  Nous  bornerons  là  nos  citations,  et,  en  vé- 
rité, nous  ne  saurions  aller  plus  loin  ;  la  rougeur  et  la 
honte  nous  montent  au  front.  Ces  gentilshommes,  ces 
chevaliers,  ces  paladins,  ces  gens-là  oublient  tout  ;  ne 
craignez-vous  pas  que  ce  prince,  qui,  selon  M.  de  Met- 
ternich,  ne  dit  pas  une  parole  qui  ne  doive  être  dite, 
ne  vous  écrive  :  «  Messieurs,  vous  allez  trop  loin  ;  mes- 
dames M...  F...  sont,  après  tout,  les  femmes  de  mes 
sujets,  et  je  veux  qu'on  les  respecte.  » 

Que  vous  accusiez  celui-ci  d'être  un  fat,  celui-là  un 
traître,  celui-là  un  voleur,  (jui  a  mis  dans  sa  poche  les 
diamants  de  la  couronne,  ceux-là  encore  des  fous,  peu 
nous  importe  !  Nous  avons  eu  le  malheur  de  dire  que 
le  comte  de  Chambord  boitait,  il  fallait  bien  user  de 
représailles;  mais  du  moins,  lils  des  croisés,  respectez 
le  beau  sexe,  si  cela  vous  est  encore  possible  après 
avoir  oublié  Blaje  et  tendu  la  main  à  celui  qui  vous 
déshonora  tous  dans  le  déshonneur  d'une  femme. 

La  République  n'a  pas  touché  à  un  cheveu  de  vos 
têtes;  elle  ne  s'en  repent  pas.  Dieu  merci.  Qu'en  eût- 
elle  fait?  Mais,  constatons-le  pourtant,  et  mettons  en 
re<jard  de  cette  clémence  vos  promesses  pour  l'avenir. 
Nous  les  empruntons  à  l'a  Gazette  de  France,  faisant, 
dans  son  numéro  du  l.'i,  l'apologie  de  M.  Bugeaud  ; 
c'est  à  la  République  qu'elle  parle  :  uNon,  pas  de  (jrûce! 
Il  faut  que  celui  qui  règne  ou  qui  a  régné  parla  violence, 
le  sa?ig  et  la  révolution,  finisse  par  la  violence,  le  sang 
et  la  révolution. 

Us  tomberont.  La  France  seule  vivra! 
Pas  de  grâce!  M.  l'abbé,  pas  de  grâce!  c'est  vous 
qui  prononcez  ce  mot.  Si  le  peuple  allait  s'en  souve- 
nir! si  le  peuple  lisait  la  Gazette  ! 


Décidément  nous  nous  amoindrissons,  nous  nous 
cmiettons,  nous  nous  en  allons  en  poussière,  et  il  n'y 
a  pas  dans  l'histoire  de  notre  révolution  de  spectacle 
plus  affligeant  que  celui  qu'offre  l'Assemblée  nationale 
dans  ses  derniers  jours.  On  sent  qu'il  lui  manque  le 
souffle  inspirateur,  la  chaleur  divine,  la  foi  !  Au  heu 
de  prendre  une  de  ces  grandes  résolutions,  un  de  ces 
partis  énergiques  qui  sauvent  les  nations  et  immorta- 
lisent une  réunion  d'hommes,  elle  dispute  à  la  réaction 
qui  la  presse,  la  somme,  l'insulte,  un  décret,  un  jour, 
une  heure! 

Quelle  différence  avec  l'Assemblée  de  l"8U,  la 
grande  Constituante,  qui  sut  non-seulement  faire  une 
constitution  complète,  mais  asseoir  la  révolution,  qui, 
|)endant  trois  ans  et  demi,  résista  à  toutes  les  attaques, 
à  toutes  les  violences,  à  toutes  les  ruses  de  l'ancien  ré- 
gime, et  s'en  alla  librement,  à  son  temps,  à  son  heuie, 
en  «'excluant  de  l'Assemblée  législative,  par  un  élan 


DU  SUCCÈS  DE  M.  RATEAU. 

mprudent  de  désintéressement  excessif!  Quelle  difft 


rence  avec  la  Convention!  Elle  aussi,  vers  la  fin  de  sa 
glorieuse  dictature,  était  sommée  par  la  réaction  roya- 
liste de  s'en  aller  et  de  lui  laisser  la  place  libre  :  la 
Constitution  de  l'an  III  était  faite,  disait-on  ;  qu'avait- 
elle  à  durer  plus  longtemiis?  Elle  répondit  à  ces  cla- 
meurs par  le  décret  du  12  thermidor,  qui  portait  que 
les  deux  tiers  du  nouveau  Corps  législatif  seraient  néces- 
sairement pris  dans  la  Convention.  On  sait  comment 
les  royalistes  essayèrent  d'annuler  ce  décret  salutaire 
par  une  insurrection;  on  sait  comment,  au  15  vendé- 
miaire, les  sections  aristocrates  de  Paris  attaquèrent  la 
Convention  et  furent  battues.  Il  est  vrai  que  du  côté  de  la 
Convention  était  Napoléon,  qui  scntaitbien  que  l'avenir 
était  dans  le  parti  de  la  révolution,  qui  se  gardait  bien 
de  chercher  ses  destinées  dans  la  réaction  et  de  ce  faire 
palroner  par  le  royalisme.  Les  temps  et  les  hommes 
sont  bien  changés!  Autres  temps,  autres  Napoléons! 


Ai'' 


///.  .f 


Palsaniblcu,  cher,  ce  jeune  drôle  se  dnmxe  des  airs  de  se  fortifier  à  son  piste. 
■  Serions-nous  joués,  mirquisf 


Dessiné  par  Otto. 


irave  par  Bai  last. 


La  fi-vre  de  Tor  s'empare  de  toules  les  nations  et  de  toutes  les  classes  de  la  société  ;  chacun  s'embarque  au  plus  »ite  ponr  la  Californie. 


OUAISO.NS  PÉP.IGOURDINtS  DE   M.   DUGEAUD. 


La  France  s'imagine  avoir  nommé  pour  chef  du 
pouvoir  exécutif  M.  Louis  Bonaparte;  elle  s'imagine 
avoir  une  constitution  et  être,  bon  gré,  mal  gré,  en  ré- 
publique. Ce  sont  des  illusions,  des  erreurs  que  nous 
devons  dissiper,  car,  sans  qu'elle  sans  doute,  elle  a  Je 
bonheur  de  virre  sous  le  régime  absolu,  d'avoir  un 
maître,  un  monarque,  que  dis-je?  un  autocrate,  et  ce 
maître  n'est  pas  l'élu  de  sou  choix.  En  doulez-vous? 
Lisez  les  discours  de  M.  Bugeaud  à  Lyon. 

M.  Bugeaud,  parce  qu'il  est  général  de  l'armée  des 
Alpes,  appelle  à  son  prétoire  officiers,  magistrats,  au- 
torités de  tout  genre,  et  il  les  prêche,  et  il  les  excite, 
et  il  les  gourmande,  non  comnHi  pouvait  faire  Napo- 
léon, ce  serait  injurier  le  grand  homme,  mais  comme 
ont  dû  faire  Attila,  Tamerlan  et  les  autres  fléaux  de 
Dieu. 

a  Ne  comptez  pas,  dit-il  aux  ofliciers,  que  nous 
ferons  la  guerre  au  delà  des  Alpes.  Nous  !  nous  sou- 
tiendrions ces  anarchistes  de  la  Loiiibardie  contre  nos 
amis  les  Autrichiens,  contre  cette  année  modèle  qui 
vient  de  restaurer  la  puissance  impériale!  Allons 
donc!  on  nous  prendrait  pour  des  républicains  !  D'ail- 
leurs, nous  avons  bien  autre  chose  à  faire  :  l'armée 
des  Alpes  est  la  réserve  de  l'armée  de  l'aris  contre  les 
socialistes,  les  perturbateurs,   les  démocrates;  nous 


n'attendons  qu'une  circonstance  pour  les  meltie  à  la 
raison.  Aussi  toute  la  science  militaire  dont  vous  de- 
vez vous  pénétrer  est  celle  de  la  guerre  des  rues,  et  je 
m'en  vais  vous  donner  une  leçon  à  ce  sujet.  »  Puis  il 
se  tourne  vers  les  magistrats  et  leur  dit:  «Vous  vien- 
drez avec  nous,  messieurs,  combattre  à  Paris.  En  at- 
tendant, formez  donc  de  bons  jurés  et  débarrassez- 
nous  de  l'abus  des  circonstances  atténuantes.  »  Puis  il 
s'adresse  aux  conseillers  municipaux,  aux  ofliciers  de 
garde  nationale,  et  chacun  a  sou  mot,  son  instruction, 
son  coup  de  boutoir.  Quant  aux  lois,  à  la  constitution, 
à  l'Asserablée  nationale,  au  président  de  la  Républi- 
ijiie,  est-ce  que  cela  existe?  est-ce  qu'il  y  a  une  autre 
puissance  en  France  que  celle  de  M.  Bugeaud  de  la 
Piconnerie,  duc  d'isly'/ 

Nous  ne  comprenons  pas  comment  des  niagisirats, 
des  autorités  municipales,  des  officiers  de  garde  natio- 
nale, des  corps  constitués,  ont  cru  nécessaire  et  utile 
d'aller  faire  la  cour  au  général  de  l'armée  des  Alpes, 
qui  n'a  ni  ordre,  ni  avis,  ni  instruction  à  leur  don- 
ner; nous  comprenons  encore  moins  tju'aucun  de  ces 
citoyens  n'ait  répondu  aux  speechs  excentrique  de  l'é- 
trange dictateur  qui  se  révèle  à  la  France,  mais  ce 
que  nous  ne  comprenons  pas  du  tout,  c'est  que  l'As- 
semblée nationale  n'ait  pas  UaJuit  à  sa  barre,  pour 


Appar.tirn  des  naturels  sur  les  rives  du  Sacramenlo  (Californie). 


ses  discours  séditieux,  M.  le  maréchal  Bugeaud,  c'est  '  voirs,  il  aurait  commis  le  plus  stupide  contre-sens,  il 

que  le  minislcre  et  lepi-ésideut  ne  destituent  pas  ce  pro-  |  se  serait  destitué  lui-même.  Mais  riionnèle  M.  Barrot 
lecteur,  qui  semble  leur  faire  grâce  en  ne  les  mettant      est-il  bien  dans  le  secret  de  la  comédie? 

pas  dans  le  fourreau  do  son  épée.  M.  Barrot  a  bien  dit  |  Nota  benè.  Dix  mille  francs  de  récompense  à  qui 
qu'il  désavouait  les  paroles  prêtées  à  SI.  Bugeaud;  trouvera  le  mot  de  repaé/f'^-w  dans  les  discours,  lettres, 
que  si  le  maréchal  eût  tenu  les^propos  que  racontent  conversations  publiques  de  l'illustre  maréchal.  C'est 
les  journaux  de  Lyon,  il  aurait  manqué  à  tous  ses  de-      un  mot  qui  ne  ligure  pas  dans  le  patois  périgourdin. 


COMMENT  M.  THlEllS  DÉFEM)  M.  LÉON  FAUCHER. 


Le  véritable  homme  d'Etat  du  cabinet,  ce  n'est  ni 
M.  Barrot,  qui  n'en  est  que  le  marguiller,  ni  M.  de 
Falloux,  qui  en  est  le  sous-diacre  ;  c'est  M.  Léon  Fau- 
cher. Ce  célèbre  ministre  a  été  le  premier  à  com- 
prendre toute  sa  valeur  et  à  reconnaître  sa  propre 
importance.  Aussi  s'est-il  empressé  de  se  conduire, 
soit  envers  lui-même,  soit  avec  les  autres,  en  homme 
qui  sait  son  poids,  qui  n'ignore  aucun  de  ses  mérites, 
et  qui  se  respecte  pour  ce  qu'il  vaut.  Tout  en  lui  a 
re\ètu  une  forme  digne  de  lui-même  :  son  atti- 
tude est  conforme  aux  sentiments  qui  agitent  sa 
grande  àme.  11  marchait  obliquement  ;  il  tenait  du  Z 
et  du  tire-bouchon  ;  il  va  aujourd'hui  droit  comme 
un  I  :  c'est  un  irréprochable  manche  à  balai  ;  rien 
n'y   manque.   Ses  cheveux  -ont  une  tenue  que   des 


crins  ne  désavoueraient  pas ,  ils  font  tête  de  loup. 
Quand  Faucher  ne  parle  pas  ,  il  médite  ;  quand 
il  parle,  il  prononce,  il  juge,  il  décide.  Ses  phrases 
sont  devenues  brèves,  courtes,  sentencieuses;  chaque 
mot  est  une  maxime  d'État.  Hier,  il  essayait  humble- 
ment de  parler  à  tout  le  monde  ;  aujourd'hui,  il  dai- 
gne s'entretenir  avec  quelques-uns  ;  il  n'est  pas  jus- 
qu'à ses  anciens  protecteurs  sur  lesquels  sa  condescen- 
dance ne  s'étende. 

«  Allons,  allons,  disait  M.  Thiers,  un  jour  qu'on 
parlait  devant  lui  des  changements  heureux  survenus 
dans  la  personne  de  ce  ministre  de  son  choix,  ne  l'at- 
taquez pas  ;  ne  dites  rien  de  Faucher,  mon  devoir 
serait  de  le  défendre  :  il  est  très-bon  ;  il  me  pro- 
tège !  » 


REVUE  COMIQUE 


DÉVOUEMENT  ET  COLIQUE. 


LES    JONf.l.EnlES    d'l-N    S.U.TIMBANQI-E. 


L°étiDceU«  électrique  de  1810< 


Ceci  se  puFsail  à  Aiios,  il  y  a  huit,  jniirs. 

—  Mcssifurs,  (lit  un  des  convives,  à  la  santé  de 
'exilé  do  Fi'oslidoill! 

—  Cela  va  sans  dire. 

—  A  la  santé  de  saint  Louis. 

—  Bravo!  buvons  à  Henri  IV! 

—  N'oublions  pas  Hugues  Capet,  je  vous  prie,  car 
il  s'agit  de  vexer  les  républicains. 

—  Il  nous  manque  un  portrait  de  l'exilé.  Qu'est-ce 
qui  a  un  portrait  de  l'exilé  dans  sa  poche? 

—  Il  n'y  a  ici  que  la  gravure  du  .luif-Errant. 

—  On  pourrait  la  faire  passer  pour  le  portrait  de 
Hiigries  Capot.  Légitimité,  hérédité,  ou  la  mort! 

—  Holà,  les  marmitons!  avez-vous  ici  un  portrait, 
un  buste,  la  moindre  des  choses,  susceptible  de  vexer 
les  républicains,  ventre  saint-gris! 

Un  marmiton  légitimiste  et  héréditaire  apporte  mys- 
térieusement un  petit  buste  peint  en  vert. 

—  llurra  !  voilà  l'enl'ant  du  miracle  !  Genou  à  terre, 
messieurs  ;  suivez  son  panache  blanc!  Il  n'y  arien  de 
ch»ngé  à  Avignon,  il  n'y  a  qu'un  Français  de  plus. 
Pends-toi,  brave  Crillon  ! 

—  Dieux!  comme  il  ressemble  à  Hugues  Capet? 

—  C'est  le  cas,  je  crois,  de  vexer  de  plus  en  plus  les 
républicains. 

—  Vexons-les. 

—  Messieurs,  il  faut  avaler  ce  buste. 

—  Comment? 

—  D'après  le  procédé  de  la  reine  Artémise  ,  grat- 
tons dans  nos  verres  le  buste  du  fils  de  la  cape,  et 
buvons  ! 

—  Buvons-le  à  la  santé  d'Henri  IV.  Los  républi- 
cains ne  s'attendent  pas  à  ce  bon  tour. 

—  Légitimité,  hérédité,  ou  la  mort!  Ah!  si  le 
brave  (Grillon  était  ici  ! 

—  Il  s'est  pendu  il  y  a  longtemps. 

—  Grattons  le  buste! 

—  Eh  doucement,  vous  là-bas  ;  vous  en  prenez  plus 
(|ue  votre  part.  Tout  une  joue  du  lils  de  saint  Louis 
y  a  passé. 

—  Moi  je  demande  le  nez  de  l'exilé.  Qu'on  me 
racle  le  nez  de  l'exilé  ! 

—  Procédons  avec  ordre.  Je  retiens  les  deux  oreilles 
de  l'héritier  d'une  monarchie  de  quatorze  siècles. 

—  Ventre-saint  gris!  comme  vous  y  allez!  que  me 
restera- t-il? 

—  Le  menton.  Ce  n'est  pas  un  morceau  à  dédai- 
gner que  le  menton  de  l'auguste  lils  des  rois! 

—  J'aurais  préféré  le  nez  ;  mais  buvons  chacun 
notre  part  dans  un  verre  de  Champagne.  J'aime  à 
croire  que  le  Champagne  est  un  vin  bien  pensant. 

—  Parbleu  1  le  panier  qu'on  nous  a  servi  a  été  à  la 
croisade. 

—  A  la  santé  d'Henri  IV  ut  Je  Hugues  Capet! 


A  i.rs\(.i;  m.s  (;i,ns  skuiiiux. 


223 


Les  convives  luirent,  mais  iU  avaiciil  cmiiplc  ^an^ 
la  couche  de  vcil  <|iii  coloriait  U'.  Iiiisto.  L'ii  (juait 
d'heure  après,  ils  se  serraient  le  ventre.  Pends-toi, 
Conslittilioniicl ,  tn  n'étais  pas  là  avec  la  seringue 
royaliste  !  La  présence  du  Constihitionncl  aurait  été 
plus  utile  en  ce  moment  que  celle  de  Grillon.  On  as- 
sure que  l'un  des  buveurs  en  a  encore  la  colique;  mais 
quel  bon  tour  joué  aux  républicains  ! 


M.  BUGEAUD  ET  LE  JOlItSM.  DES  DÉBATS. 

Nous  aimons  qu'on  soit  gouvernemental ,  mais  en- 
core faut-il  l'être  avec  discernement,  avec  raison,  avec 
esprit,  ou  tout  au  moins  avec  bonne  foi.  Ce  que  nous 
voudrions  le  moins  contester  à  nos  adversaires,  à  cer- 
tains d'entre  eux  surtout,  au  Journal  des  Drbats,  pas- 
exemple,  ce  serait  la  bonne  foi.  II  faut  pourtant  choi 
sir  :  ou  le  Journal  des  Dfbats  n'est  pas  de  bonne  foi, 
ou  il  perd  le  sens  quand  il  croit  que  les  ridicules  for- 
fanteries du  maréchal  Bugoaud  peuvent  être  utiles  à 
un  gouvernement  quelconque,  et  qu'elles  sont,  pour 
celui  que  nous  avons  le  bonheur  de  posséder,  une  ga- 
rantie, et  non  un  danger.  Que  le  Journal  des  Débats 
se  reporte  à  une  autre  époque,  c'est  lui  faire  une  vio- 
lence assez  douce  ;  qu'il  se  rappelle  quelles  impatiences 
causait  à  .M.  Guizot  la  faconde  de  M.  Biigeaud  quand 
il  était  à  Alger,  et  qu'il  nous  explique  pourquoi  les 
grotesques  lazzis  qui  lui  paraissaient  souverainement 
ridicules  et  fâcheux  quand  .AI.  Bugeaud  trônait  en 
Afrique,  lui  semblent  acceptables  et  défendables  au- 
jourd'hui qu'il  fait  l'empereur  h  Lyon.  Serail-ce  parce 
que  le  Journal  des  Débats  aime  moins  sincèrement  le 
gouvernement  de  .M.  Barrot  que  celui  de  M.  Guizot? 
Qu'il  le  dise,  cela  n'étonnera  personne  ;  mais  qu'il  ne 
trouve  pas  bonnes  pour  la  République,  une  République 
dont  il  déplore  tous  les  jours  la  faiblesse,  des  excentri- 
cités qui  l'inquiétaient  pour  un  trùne  qu'il  semblait 
croire  pourtant  inébranlable. 

M.  Bugeaud  est  un  grand  militaire,  nous  le  voulons 
bien  ;  nous  n'en  savons  rien  ;  nousn'en  sommes  pas  juges, 
ni  le  Journal  des  Débats  non  plus  ;  mais  il  est  en  même 
temps  le  plus  absurde  des  hommes  politiques  qui  soit  en 
France.  Le  directeur  et  les  rédacteurs  rfes/^eôfl/s  le  sa  vent 
comme  et  mieux  que  tout  le  monde  ;  qu'ils  aient  donc 
la  probité  d'en  convenir  :  leur  cause  n'y  saurait  pf  rdre, 
et  le  gouvernement  un  peu  naïf  de  M.  Barrot  ne  s'au- 
toriserait pas  de  leur  appui,  qui  ne  saurait  être  sincère 
dans  une  question  de  ce  genre. 

S'il  faut  croire  que  la  guerre  soit  une  spécialité 
comme  la  musique,  comme  la  peinture,  comme  la 
littérature,  faites  de  M.  Bugeaud  un  illustre  guerrier  ; 
comparez-le  à  Napoléon-Ze-Érranrf,  qui  avait,  il  est 
vrai  ,  battu  autre  chose  que  des  Bédouins  ;  mais 
mettez-le,  pour  sa  tenue  politique,  à  côté  du  bon  La- 
grange;  dites  qu'il  est  fou.  C'est  la  seule  excuse  qu'on 
puisse  lui  trouver. 


I  Es    JOM.I.KillK'    Il  CN    SALTIMBA   .  ,IE. 


Le  tour  des  forts. 


L-?  tour  du  bâton. 


224 


REVUE  COMIQUE 


NOrVF.AUX  DÉTAILS  SUR  LE  DUC  DE  BORDEAUX  ET  SUR  LA  DUCHESSE  DE  BERRY. 

LA.  REVUE  COMIQUE  ET  LES  JOURNAUX  LÉGITIMISTES. 


Nous  avions  donne,  nos  leL-leurs  ne  l'ont  pas  onl)lié, 
dans  une  note  publiée  par  nous  dernièrement,  quelques 
détails  curieux  sut-  l'éducation  du  duc  de  Bordeau.x, 
sur  sa  personne,  sur  son  entourage.  Cette  note,  écrite, 
nous  l'avons  dit,  en  dehors  de  tout  esprit  de  parti,  par 
un  étranger,  a  éveillé  les  susceplibililés  des  journaux 
légitimistes.  Chacun  y  a  repris,  ce  qu'il  y  trouvait  à  re- 
prendre. —  Qui,  une  faute  d'orthograhe ,  qui,  une 
erreur  dans  l'âge  de  M.  de  Levi.  — On  écrit  Froshdorff 
et  non  Fronshorff,  s'écrie  l'un;  M.  de  Levi  n'est  pas 
un  vieillard,  s'écrie  l'autre,  il  n'a  pas  tout  à  fait 
soixante  ans!  Nous  pourrions  nous  contenter  de  ré- 
pondre aux  journaux  que  nos  renseignements  ont  pi- 
qué, que  les  critiques  qu'ils  ont  faites  de  ces  rensei- 
gnements ne  prouvent  qu'une  chose,  tant  elles  sont 
insignifiantes,  c'est  qu'ils  portent  juste.  —  Quel  âge  a 
donc  M.  Lubis,  rédacteur  en  chef  de  l'i-'/iion,  pour 
trouver  qu'un  homme  n'est  pas  vieux  à  cinquante-huit 
ans?  Ne  serait-il  lui-même  qu'un  agréable  vieillard 
assez  bien  conservé,  essayant  de  cacher,  sous^une  a[)- 
parenle  jeunesse,  son  âge  véritable?  Quelle  terrible 
connaissance  a-t-il,  ce  bon  M.  Lubis,  delà  langue  alle- 
mande, pour  qu'il  s'étonne  qu'un  homme,  que  nous 
lui  avons  dit  n'être  ni  Français  ni  Allemand,  ait  mal 
orthogra])hié  le  mot  de  Froshdorff. 

Henri  V,  un  homme  nul!  Quel  blasphème  chantent 
en  chœur  tous  les  chevaliers  du  Lys.  Eh  !  messieurs, 
pourquoi  Henri  V  ne  serait-il  pas  un  homme  médiocre 
comme  beaucoup  d'entre  vous?  Serait-ce  sa  faute, 
serail-ce  un  crime? Le  hasard  qui  fait  les  rois  fait  aussi 
les  idiots  et  les  imbéciles.  Pourquoi  ce  jeune  homme, 
qui  était  né  pour  être  parmi  les  uns,  ne  serait-il  pas 
aussi  parmi  les  autres?  pourquoi  serait-il  un  aigle?  les 
aigles  étaient  rares  dans  sa  famille.  Vous  croyez  à  l'hé- 
rédité, au  droit  divin,  etc.;  d'où  lui  serait  venu  son 
génie,  de  son  père,  de  son  grand -père,  ou  de  son 
oncle? 

Lu  meilleure  réponse  que  nous  puissions  faire  à  ces 
messieurs,  c'est  d'ajouter  queliiues  renseignements  nou- 
veaux à  ceux  que  nous  avons  déjà  donnés.  La  précision 
de  ces  renseigncmenls  convaincra  les  plus  incrédules 
que,  si  nous  n'en  disons  pas  davantage,  c'est  [jar  pure 
discrétion.  Si  nous  sommes  ]>ien  informés,  on  a  su  peu 
de  gré,  à  Froshdorlf,  à  ces  imprudents  amis,  de  leur 
croisade  contre  la  noie  de  la  Revue  comique.  Les  che- 
valiers de  Froshdorff  savent  mieux  que  les  chevaliers  de 
Paris  oii  le  bât  les  blesse  ;  le  silence ,  le  silence  qui  a 
servi  à  un  autre,  c'est  ce  qu'ils  recommandent  à  leur 
noble  élève  et  à  ses  défenseurs.  —  Que  ceux-ci  fassent 
leur  prolit  de  ce  petit  avis. 

Nous  donnons,  comme  dans  la  première  note,  le 
texte  même  qui  nous  a  été  communiqué,  en  lui  lais- 


sant ses  négligences,  ses  incorrections,  ses  fautes,  si 
l'on  veut;  quant  à  ses  erreurs,  s'il  s'en  trouve,  nous 
trouverons  bon,  nous  trouverons  juste  qu'on  les  si- 
gnale, et  nous  serions  les  premiers  à  les  reconnaître, 
s'il  y  avait  lieu. 

«  Los  porlrails  du  duc  de  Bordeaux  ne  lui  ressemblent  pas 
(lu  loul.  La  (Igure  de  M.  le  duc  de  Bordeaux  est  celle  d'un 
gros  enfant ,  bouffi,  colore;  ses  clieveux  sont  blonds;  il  les 
porte  courts,  sa  voix  n'a  rien  de  viril,  pas  plus  que  son  as- 
pect. C'est  un  chanteur  agréable.  Il  est  très-loin  de  paraître 
son  âge.  M.  de  Levi  ne  le  quitte  pas  dans  les  réceptions.  Le 
prince  se  lient  invariablement  les  mains  croisées  derrière  le 
dos  sur  les  basques  d'un  babil  bleu  à  boulons  brillants.  Ses 
réponses  sont  stéréotypées  quand  il  parle  à  un  étranger  de  la 
France  et  de  son  peuple.  M.  de  Levi  guide  la  conversation  et 
la  ramène  dès  qu'elle  devient  embarrassante  pour  le  jeune 
prince. 

«  M.  do  Levi  est  un  homme  de  cinq  pieds  deux  pouce.<  en- 
viron, assez  gros,  barbe  grise,  cheveux  gris  ;  il  a  près  de 
soixante  ans  et  porte  au  moins  cet  âge.  Son  costume  :  habit 
noir,  cravate  blanche  ;  l'air  d'un  vieux  gentilhomme,  d'une 
grande  politesse,  d'une  incroy:d)le  minutie  pour  loul  ce  qui 
est  éliqnctlc.  Madame  de  Levi  parait  avoir  cinquante  ans  ;  elle 
est  plus  grande  que  son  mari  ;  ses  cheveux  commencent  à 
blanchir. 

«  M.  de  Montbcl  est  plus  gros  que  M.  de  Levi.  Il  s'est  ma- 
rié il  y  a  deux  ans  en  troisièmes  noces,  et,  malgré  son  âge, 
il  a  un  enfant,  au  grand  chagrin  du  duc  et  de  la  duchesse  de 
Bordeaux,  qui,  dans  leur  jeune  ménage  n'ont  pu  encore  avoir 
ce  bonheur. 

«  M.  le  duc  de  Bordeaux  va  rarement  a.  Vienne  ;  il  n'y 
couche  pas.  Depuis  les  événements  de  Février,  je  ne  crois 
pas  qu'il  y  ait  mis  les  pieds.  MM.  de  Montbel  et  de  Monti 
\  vont  faire  ses  commissions.  Le  duc  de  Bordeaux  et  la  mai- 
son d'Autriche  sont  plus  que  froids  l'un  pour  l'autre;  il  y  a  eu 
jusqu'à  de  l'inimitié.  La  politique  de  Louis-Philippe  était  par- 
venue à  faire  mettre  le  duc  tout  à  fait  de  côlé.  Il  était  gardé, 
en  quelque  sorte,  comme  un  otage  par  la  maison  d'Autriche. 
Une  preuve,  c'est  que,  quand  il  a  quitté  GraeU  pour  aller  en 
Italie  en  1859,  il  a  été  obligé  de  se  sauver  avec  le  passepoil 
de  M.  de  Levi. 

«  La  duchesse  de  Bcrry  demeure  à  6  milles  allemands  de 
Graelz;  elle  y  vil  avec  son  mari,  dont  elle  a  quatre  enfants. 
Le  comte  de  Lucchczy  est  un  homme  superbe,  assez  grand, 
type  napolitain  ;  c'était  un  ol'licler  subalterne  de  l'armée  napo- 
litaine. La  duchesse  étant  demoiselle  l'avait  distingué  ;  c'est 
ce  qui  fit  que,  quand  la  famille  décida  qu'elle  devait  se  re- 
marier, elle  pensa  ii  lui.  Malgré  son  apparence  de  santé,  le 
comte  de  Lucchczy  ne  se  porte  pas  très-bien  ;  il  éprouve  de 
fréquents  dérangements  qui  contrarient  beaucoup  la  duchesse. 

«  La  duchesse  est  charitable  et  aimée  des  pauvres  dans  le 
pays.  Il  y  a  quatre  ou  cinq  ans,  elle  avait  continuellement  de.', 
visiteurs  qui  venaient  à  Graelz  et  à  Gorilz.  Depuis  la  mort  de 
Charics  X,  elle  vit  très-délaissée;  elle  reste  l'hiver  et  l'été  à 
la  campagne  et  ne  reçoit  personne;  son  (ils  la  visite  à  peine 
une  ou  deux  fois  par  au.  Une  des  dernières  visites  polili(pies 
qu'elle  ait  reçues,  c'est  celle  d'un  M.  Walsh  ,  réilacteur  du 
journal  11  Mode,  qui  a  été,  il  y  a  deux  ans  environ,  l'occuper 
des  intérêts  de  son  journal.  Ce  journal  n'est  |)oinl  en  faveur  à 
Froshdorff:  on  le  trouve  trop  grossier,  et  on  a  peur  qu'il  n'y 
fasse  plus  de  mal  que  de  bien. 


A  L'USAci:  i)i;s  (ii:.\s  m  iui;r\. 


225 


«  M.  (Je  (iciioudc  n  pnssé  toujours  ù  FrosliduiH'  pour  un  ulo- 
pislu.  On  n'aime  pas  les  ilcvoueiiieiils  ipii  ue  sont  pus  restés 
oxacleiiiciil  dans  lu  ligne  du  pis^;.  A  ce  dernier  (ilre,  l'I'iiwn 
leur  est  assez  a|;réablc.  On  parle  souvent  cependant  à  Frosli- 
dorlï  de  l'utililé  qu'il  >  aurait  à  fonder  de  nouveaux  organes, 
mais  on  re},'retle  ([uc  les  écrivains  de  talent  niaiir|ueiil  dans  le 
parti. 

«  La  Hépul)li(pie  a  été  rci;uo  par  les  lu'iles  de  Froslidorll' 
avec  la  plus  grande  joie;  il  semblait  que  la  cliule  de  Liuiis- 
Pliilippc  les  laissât  sans  désirs.  Tout  ce  i|ui  a  soulenu  Louis- 
Pliilippe  leur  est  odieux  ;  ils  ont  M.  Tliirrs  en  horreur;  il 
n'est  pas  d'expression  inMillanlc  ipie  la  duclicssc  de  Iterrv 
n'emploie  pour  le  qualiliei'.  I.e  duc  de  Bordeaux  parlajjc  en 
cela  les  idées  de  sa  mère.  M.  liugeaud  est  leur  licte  noire.  Ce 
n'est  pas  seulement  le  geôlier  de  Blaye  qu'ils  l'appellent ,  ce 
nom  leur  paraîtrait  trop  doux  ;  on  ne  parle  de  lui  chez  la  du- 
chesse de  Berry  et  à  la  cour  de  Froslulorll'  que  sous  le  nom 
de  SaiiUion,  en  souvenir  du  bourreau  de  Louis  XVI.  La  du- 
chesse de  Berry  et  son  lils  le  regardent  ronmie  l'Iiomme  qui 
les  a  le  plus  déshonorés.  Si  on  dll  qu'ils  s'allient  eu  Franco 
avec  eux,  c'est  à  lorl  :  l'honneur  de  femme  de  la  duchesse  de 
Berry  y  est  engagé.  » 


Nous  nous  en  tenons  à  ces  citations,  les  plu»  inno- 
centes, (lu'on  nous  en  croie,  parmi  celles  que  nous 
aurions  pu  faire.  Nousaucions  pu  suivre  les  demi-dieux 
de  l(t  liazettc  dans  les  voyages  qu'ils  daignent  faire 
quelquefois  sur  la  terre;  nous  aurions  pu  aller  avec  le 
duc  de  Iîoideau.\  à  Venise,  et  retrouver  les  défauts  du 
père  dans  le  lils;  nous  ne  le  ferons  pas  :  nous  n'avons 
voulu  que  mettre  la  réalité  à  la  place  de  la  fiction  ;  c'est 
moins  puéticiue,  mais  c'est  plus  vrai,  cela  vit  davan- 
tage, (le  n'est  pas  notre  faute  si  la  moindre  vérité  suffit 
à  crever  le  transparent  d'opéra-comique  dont  les  joiir- 
nau.v  légitimisles  entourent  leurs  singulières  idoles. 
Tant  que  saint  lîtirii  ne  nous  aura  pas  apporté  de  nou- 
velle sainte-ampoule,  il  sera  permis  aux  gens  de  bon 
sens  de  parler  de  .M.  le  comte  de  Chainhord,  qui  n'a 
rion  fait  pour  la  France,  avec  la  liberté  dont  l'on  use 
journellement  envers  des  gens  qui  ont,  certes,  d'autres 
droits  que  les  siens  à  la  reconnaissance  du  |)ays. 


PROPO 

Les  légitimistes  semblent  cTaindre  de  n'avoir  pus  la 
majorité  aux  prochaines  élections,  malgré  les  l)ustcs, 
les  portraits  exposés  dans  les  passages  et  la  brochure  de 
iM.  d'Arlincourt. 

—  11  me  vient  une  idée  !  s'écrie  h  ce  sujet  .M.  de  Gc-  | 
noude.  Le  moment  approche  de  nommer  u::e  nouvelle  1 
chambre;  si  nous  nous  abstenions  tous  de  voter!  La 
plaisanterie  serait  bonne,  ventre  saint-gris!  Électeurs 
qui  m'honorez  de  votre  confiance,  cultivons  ensemble 
l'art  de  négliger  le  scrutin  et  Je  s'en  faire  un  Henri  V 
de  revenu  ! 

—  Vous  nous  l'aviez  déjà  proposé  au  moment  de 
l'élection  du  président. 

—  C'est  vrai,  et  vous  n'avez  pas  voulu  m'écouler, 
vous  avez  eu  tort;  mais  il  est  temps  encore  de  réparer 
celte  faute. 

—  Nous  ne  comprenons  pas. 

—  C'est  pourtant  bien  simple.  Vous  restez  chez  vous 
le  jour  du  vote. 

—  Bien,  après? 

—  N'ayant  pas  voté,  vous  avez  le  droit  de  dire  par- 
tout que  vous  êtes  restés  complètement  étrangers  à  la 
composition  de  l'Assemblée  nationale. 

—  Oui,  mais  d'autres  électeurs  voleront,  et  la  nou- 
velle Chambre  sera  constituée  tout  de  même. 

—  Tant  mieux. 

—  Nous  comprenons  moins  que  jamais. 

—  Suivez  bien  mon  raisonnement.  Aussitôt  la  Cham- 
bre constituée,  vous  faites  une  protestation  sous  prétexte 
que  les  députés  ne  sont  pas  les  hommes  de  votre  choix. 

—  Fort  bien  ;  alors  les  élecleurs  qui  ont  voté  répon- 
dent que  le  scrutin  était  ouvert  pour  nous  comme  pour 
eux,  que  personne  ne  nous  a  empêchés  d'apporter  notre 
bulletin,  et  que  notre  protestation,  par  conséquent,  n'a 
pas  le  sens  commun. 


S  m  ON. 

;        —  A  merveille.  Vous  riposlez  aussitôt  par  une  pro- 
!    lesialion  nouvelle. 

—  On  nous  dit  avec  juste  raison  que  nous  sommes 
des  brouillons. 

—  Vous  répondez  :  Brouillons  vous-i7ièmcs  ! 

—  La  dispute  s'envenime,  les  esprits  s'aigrissent. 

—  Bravo!  on  échange  des  calottes.  Vlan  ! 

—  Le  pays  est  eu  feu  ! 

—  Très-bien  !  ça  marche,  les  coups  de  fusil  s'en 
mêlent  ;  on  se  tue,  on  s'égorge,  on  se  brijle;  le  com- 
merce est  anéanti,  les  ouvriers  restent  sans  ouvrage, 
la  ruine  est  générale,  les  ateliers  se  ferment,  et  l'on 
s'arrache  les  vieilles  bottes  pour  les  manger. 

—  Parfait!  nous  sommes  dans  le  branle-bas,  dans 
les  coups, dans  le  tapage,  dans  le  tremblement;  des  cas 
d'hydropbobie  se  déclarent,  et  c'est  alors  que  quelqu'un 
propose  une  restauration  monarchique  avec  Henri  V. 

—  Je  vois  que  vous  m'avez  compris. 

—  Et  c'est  sérieusement  que  vous  faites  celte  pro- 
position'? 

—  Parbleu! 

—  Ah  ça,  êtes-vous  fou,  brave  homme,  ou  bien  si 
vous  nous  prenez  pour  des  imbéciles?  H  n'y  a  donc 
aucun  moyen  de  vous  faire  rougir  de  tant  d'extrava- 
gance? Est-ce  que  vous  croyez  que  c'est  beau  pour  un 
prêtre,  ce  rôle  de  boute-feu,  de  tiompelte  de  sédition? 

—  Pourquoi  pas?  Saint  Pierre  coupa  bien  d'un  coup 
de  sabre  l'oreille  à  .Malchus. 

—  Si  l'on  coupait  les  oreilles  à  tous  ceux  qui  le  mé- 
ritent, les  oreilles  seraient  beaucoup  plus  rares.  Gar- 
dez les  vôtres,  mais  retirez-vous  quelque  part  oit  vous 
puissiez  faire  pénitence ,  à  la  Trappe,  par  exemple, 
mettez-vous  au  pain  et  à  l'eau  ;  jeûnez,  portez  un  ci- 
lice,  donnez-vous  le  fouet,  et  laissez-nous  en  paix. 
Allons,  à  la  Trappe,  à  la  Trappe,  à  la  Trappe!!! 


226 


niLVUE  COMIQUE 


l.i:S    JONGl,EUir.>    D  IN    #.M.Tnill\Nnl  F.. 

1^ 


Le  tour  des  gobe'.els. 


DlALOr.UE  DES  MOUTS, 


l'\U    IN   VISIONNAIRE. 


Une  de  CCS  dernières  miils,  j'avais  peine  à  m'eii- 
ddiniir  ;  j'eus  ridée  de  lalhiiner  ma  bougie  et  de  par- 
courir quelqîios  numéros  de  7a  Presse  qui  s'étaient 
entassés  sur  ma  table  de  nuit."  Les  sables  du  sommeil 
ne  tardèrent  pas  alourdir  mes  paupières,  et  je  m'é- 
lançai bientôt  dans  le  pays  dos  rêves. 

On  ne  raconte  guère  ses  rêves  que  dans  les  tragé- 
dies, mais  c'était  sans  doute  une  vision. 

Cela  se  passait  dans  un  pays...  Est-ce  bien  un  pnys?... 

dans  une  région?,..  Mais  élait-ce  même  une  région?... 
_  Je  n'ai  rien  vu;  je  n'ai  entendu  que  deux  voix.  — 
Le  son  de  l'une  ressemblait  au  bruit  cadencé  de  la 
Irompclle...  marine;  celui  de  l'autre  imitait  le  sou  de 
la  flûte  champêtre,  ou  parfois  celui  d'une  clarinclle 
en  la,    résonnant  avec   grâce  dans  un   oicheslre  de 

salon. 

Mes  yeux  s' accoutumant  à  l'étrange  atmosphère  où 
j'étais  plongé,  il  me  sembla  que  l'une  des  voix  sortait 
du  séjour  des  ombres  et  l'autre  du  sein  des  brouil- 
lards. 

Voici    quelques    IVagments    de    leur    conversation 

d'ontre-monde: 

PUEMiÈKE  VOIX.  -  Oui-!  il  est  bien  ennuyeux  de  n  en- 
tendre ici  que  le  b.u.t  do  la  mer  qui  monte  et  le  bruit 
de  la  mer  qui  se  retire,  en  roulant  ses  galets.  Les  hé- 
ros d'Ossian  avaient  du  moins  des  palais  de  nuages  co- 
lorés par  les  lueurs  d'un  soleil  aulomiial. 

DEL-xiÈ,iE  voix.  -  Le  soleil  des  vivants  n'éclaire  pas 
les  morts  !... 

—  Âqui  le  dis-tu!... 

—  Pour  mûi,5e  suis  semblable  à  la  lemlle  lletne. 
Tu  n'es  encore  qu'un  feuilleton. 


HAUTE    BASgi  E. 

SauvoDî  le  systcrac,  les  emprunts,  primes,  amorti-feienu 
c(  ;nTei  pot»  de  vin  monirchiques. 


A  1,'iisAr.r,  r)F,s  gkns  si:;hikijx 


—  Je  suis  le  rcuillclnn  (lu  Iriiilcniain,  ((HiiMic  li)i 
(vliil  ,l,'   Il  Nrill,'. 

—  (hii'  ilit  le  lii'ii  '.'  je  iif  pins  11'  lui'. 

—  Kl   II'    lU'M?    jr   llf   l'ili    |US  lu. 

—  l'iii  l's-lu  liicn  m'ii? 

—  Jo  lu'  lis  ([lie  iiini-ini'iiii',  l'I  l'iH'iirc  je  ni'  riii' 
relis  |i,is. 

—  C.iiiiiiiiciKMiis.  ,1,.  |i,uli'  l('i;i'ii'iiiiMil  sur  les  avcii- 
tuii's  ili'  iiKi  Mf  i|iii  |ii  [■•ic'ili'ii'iil  ma  ii;uss:ui(i'...  .l'Iia- 
bilais  lo  sein  lio  in.i  inèii',  el  jetais  ilc''|iiuiivii  ili'  loiil 
moyen  de  nre\|)riiTU'r  ..  .Ii'  nsidais  à  Saiiil-.Mali). 

—  C'est  un  pays  que  je  n'ai  jamais  fréquenli'.  J'aiinr 
beaucoup  la  race  canine,  mais  j'aurais  craint  iK'  miii- 
pronu'tlre  mes  tihias. 

—  Les  chiens  Je  Saint-Malo  en  aiiraioiil  respi'ili'  la 
lluette  élégance. 

—  Passons.  Je  pouriais,  comme  loi,  raconter  les 
préaml)ules  de  ma  vie;  je  pourrais  même  remonter 
plus  liant  el  décrire  les  impressions  vagues  de  celle 
époque  liml)ii|iie  où  je  m'agitais  encore  dans  les  veines 
de  mon  père. 

—  Il  est  inutile  de  s'appesantir  sur  cette  idée...  .Ma 
mère  me  donna  le  jour  en  présence  de  la  mer. 

—  Kt  moi  en  vue  des  cimes  Alpestres  .. 

"  Je  suis  l'onlnnl  do  \.\  ninnlngnc; 

«  C'est  la  iniiiilagne...  où  je  suis  né!  i) 

—  J'ai  été,  dit-on,  mis  au  momie  dans  une  cui- 
sine... mais  aussi  quelle  cuisine!... 

—  Pas  si  belle  que  celle  de  mon  père,  qui  lui  ser- 
vait en  même  temps  de  salon. 

—  Mon  enfance  fut  orageuse  comme  les  flots  qui 
battent  éternellement  les  cotes  Malouines  et  les  îlots  de 
Saint-Malo. 

—  Je  renonce  ci  peindre  les  balancements  de  ma  bai- 
celonnette,  qui  me  préparaient  d'avance  aux   ondiila- 

LA   PYRAMIDE   HUIVIAINE 

EXECUTEE    PAR    TOCS    LES    ARTISTES    DE    LA    FAMILLE    DELOYALE. 

Les  brillants    exercices    des  saltimbanques   seront  terminés   par  la 
GRRRANDE  PYRAMIDE  HUMAINE,  OÙ  l'on  verra  le  Ce  èbre  Odilon-IUr- 
ROT  dit  THehcule  de  L'Aisne,  surmonté  du  bouillant  Changarnier- 
Uekgamoite  et  du  redout^tble  Bcgeaud,  dont  le  pareil  est  à  rencon- 
trer- Assis  sur  les  épaules  de  ces  deux  bocrreacx  ues  crânes,  le  forr 
BouLAY  porîe  à  bras  tendus  Falloux,  si  renommé  pour  ses  ruses  rem- 
plies de  malices.  —  Mais,  me  drrz  vous,  toi  qui  nous  parles,  nous  Te- 
ras-tu  app  écier  et  connaître  les  troi: 
pourquoi  non,  messieurs  et  mesdames  î 
présente   DlVERGIUR  DE  Havran.ne, 
RaTEAC,  le  JARDINIER    V.CILANT;    pu 

surnomu.é  le  vice-Rateau.  Ces  tioiî 

LÉON  Faucher,  maigre  mais  nerveux,  sur  la  tête  duquel   s'élè 
PETIT  Thiers,  dit  Adolpiie-le-Lapon,  descenlantde  Bébé,  le 
du  roi  de  Pologne  et  rival  de  mademoiselle  Maria,  la  petite  Laponne 
qui  a  excité  et  qui  excite  encore  l'enthousiasme  sur  divers  tlicatn-s. 

lîrrnmarqcez,  s'il  vous  plaît,  à  gauch».  de  Barto-  (  'Hrrcu'e  d. 
l'Aisne!  Vêhon  dil  te  pharmacien,  b  ittant  la  caisse  avec  aisanre  et  vi- 
gueur. Ran  plan  ,  ran  plan ,  ran  !  A  droite  de  notre  ctlèbrc  Hercule 
vous  appcrcevez,  in  y  jettantles  yeux,  Dl'PIS  l'ainé  en  ciand  costume 
Alteation,  messieurs  et  mesdames,  la  main  a  la  poche,  du  courage  à  1; 
bourse,  U  plat  est  déposé  à  terre  pour  recevoir  la  mor.naie;  mais  noui 
accepterons  égaltme  t  les  pièces  d'or  et  même  k  s  pièces  de  cinqcï 
francs  !  ■  Un-*,  deux  '.  F.n  avant  le  tambour,  ran  plan,  ran  plan,  ran  ! 


isii'ur  de  gauche  vous  re 
NT  terrible,  à  cûte  d 
voyez  à  droite  Denjoy 
nnaget  sont  surmontés  d 


228 


REVUE  COMIQUE 


lions  Je  la  vagiio,  borçaiU  ma  nacelle  de  poëtc  laïkiste 
de  Ni:;:la  vers  Isciiia. 

—  Ma  première  édncalion  fut  ncgligée,  par  suite  de 
la  tendresse  indifférente  de  mes  parents,  qni  me  lais- 
saient courir  les  rues  avec  les  polissons  de  la  ville,  et 
les  champs  avec  ceux  de  la  campagne;  ma  cliemise_ 
passait  souvent  aux  coulures  de  ma  culotte,  en  raison 
d'un  raccommodage  négligé. 

Pour  moi,  j'étais  à  dix  ans  le   plus  charmant 

enfant  de  la  contrée  :  beau  de  visage,  irréprochahle  de 
tenue,  aimant  beaucoup  papa  et  maman.  Pins  heureux 
que  Dodofe,  il  ne  me  fut  jamais  prédit  par  ma  fa- 
mille que  je  finirais  sur  un  échafaiul. 

—  Nous.qnittons  Saint-Malo.  Je  te  passe  la  descrip- 
tion du  château  de  Combouig,  de  la  tourelle  oii  je  re- 
posais durant  les  nuits,  de  ma  jeune  sœur  dont  je  lis 
plus  tard  l'héroïne  d'un  roman,  des  promenades  silen- 
cieuses de  mon  père,  en  robe  de  chambre  de  basin 
blanc,  et  de  la  voix  attendrie  avec  laquelle  ma  pauvre 
mère  chantait  la  chanson  de  la  Cane. 

—  Et  moi  je  ne  parlerai  ni  de  la  captivité  de  mon 
père  pendant  la  Terreur,  ni  de  s£S  évasions  nocturnes 
qui  lui  perniellaient  toutes  les  nuits  d'aller  embras- 
ser sa  famille  au  moyen  d'une  corde  à  nœuds,  et  de 


se  retrouver  le  malin  à  l'appel  des  dortoirs  pour  man- 
ger la  soupe  du  malheur. 

—  Laissons  en  paix  ce  cha|)itre  des  (Uroiulins.  Si  ton 
père  n'a  pas  été  guillotiné  autant  de  fois  que  Charles 
Nodier,  il  est  inutile  d'en  reparler. 

—  C'est  qu'il  faudrait  passer  tout  de  suite  an  premier 
épisode  de  mes  amours...  Elle  habitait  une  tourelle 
d'où  sa  lampe  nocturne  incendiait  mes  nuits  sidilaires. 

—  Allons,  j'ai  dit  cela  quelque  part  et  partout  ail- 
leius.  Je  me  tais  sur  mes  premières  amours.  Le  public 
est  libre  de  voir  en  moi  le  vaporeux  René.  Je  me  suis 
peint  aussi  plus  lard  sons  le  pseudonyme  de  Chactas. 

—  Cette  peau  rouge  m'a  beaucoup  plu.  Je  te  de- 
manderai maintenant  de  m'accorder  trois  ans  de  discré- 
tion sur  une  certaine  période  consacrée  aux  erreurs  de 
ma  jeunesse... 

—  Je  vais  prendre  ce  tenipj  pour  me  iv'inémorer  mes 
campagnes  d'Amérique. 

Et  moi  pour  publier  un  in-8°  intitulé  :  Hnphuvl, 

pages  de  la  vingtième  année. 

—  Nous  reprendrons  cet  entretien  qiiel(|ue  jour. 

Lt  les  deux  voix  s'éteignirent  momeiilanément  , 
l'une  au  séjour  des  ombres,  et  l'autre  au  sein  des 
brouillards. 


CHOSES  QUELCONQUES. 


M.  Thiers  a  peur.  Uegardez-le  sur  son  banc,  re- 

cardez-le  derrière  ses  lunettes  ,  quand  il  se  tait,  quand 
n  parle,  quand  il  rit,  quand  il  piétine,  quand  il  s'agite. 
—  Il  a  peur.—  C'est  qu'il  sait  que  tout  le  monde  est 
responsable;  Louis-Philippe,  qui  ne  l'était  pas,   l'est 
devenu.  —  M.  Thiers  a  donc  peur.  —  M.    Barrot  le 
couvre  mal,  la  législative  le  découvrira  tout  à  fait.  C'est 
ce  triomphe  qui  effraie  M.  Thiers.  Qu'en  fera-t-il?  Il 
fera  de  la  république,  ce  sera  sa  punition.  Oui,  cette 
chambre  future,  fût-elle  composée  entièrement  de  lé- 
gitimistes et  d'orléanistes  ,  c'est  à  faire,  à  continuer,  à 
affermir  la  République  qu'elle  est  condamnée.  Ce  phé- 
nomène, nous  le  verrons  se  réaliser.  On  mettrait  en 
Russie  dis  millions  de  républicains  qu'on  n'y  implan- 
terait pas  la  république,  vous  ôteriez  de  France  tous 
les  républicains  que  la  république  y  reslerait.  Elle  est 
dans  la  nécessité,  dans  la  force  des  choses;  — arrangez- 
vous-en  donc  au  lieu  de  la  combattre.  Sans  doute  elle 
n'est  encore  qu'à  son  berceau,  elle  commence,  elle  naît, 
elle  bégaye,  mais  la  monarchie  est  dans  sa  tombe. 

—  Le  président  de  la  République  a  trouve  que  sa 
présence  ferait  bon  effet  à  la  Bourse.  Il  s'y  est  rendu 
en  calèche  découverte.  Une  petite  hausse  de  circon- 
stance avait  été  préparée  à  cet  effet  pour  lui  fournir 
l'occasion  de  dire  aux  agents  de  change  :  «  Je  suis  bien 
aise,  messieurs,  de  voir  notre  crédit  renaître  en 
France.  »  Nous  n'examinerons  pas  s'il  y  avait  urgence 


à  ce  qu'une  aussi  singulière  préférence  fût  accordée  au 
temple  d£  l'agiotage,  et  si  le  président  de  la  Répu- 
blique a  bien  fait  de  faire  ce  que  Louis-Philippe  lui- 
même,  cet  adorateur  de  l'argent,  n'a  jamais  fait;  mais 
nous  demanderons  au  président  de  la  République  ce 
qu'il  a  pensé  d'un  cri,  un  seul  cri,  il  est  vrai,  qui  s'est 
fait  entendre  derrière  lui  au  moment  oii  il  entrait  dans 
le  cerceau  où  MM.  les  agents  de  change  font  tous  les 
jimrs  leur  petit  commerce.  Ce  cri,  parti  d'une  seule 
bouche  :  «  A  bas  la  Républicpie!  »  c'est  une  insulte 
qu'il  a  reçue;  s'il  ne  la  punit  pas,  on  croira  qu'il  l'a 
pris  pour  une  flatterie. 

—  Des  personnes  dignes  de  foi  nous  affirment  avoir 
entendu  sortir  de  la  bouche  de  M.  de  Chateaubriand 
l'opinion  que  voici  sur  l'éducation  qu'aurait  reçue  M.  le 
duc  de  Bordeaux.— L'illustre  écrivain  pouvait  avoir  ses 
rancunes,  ses  exagérations,  ses  colères. — Nous  répétons 
donc  ses  pandes  pour  ce  qu'elles  valent,  nous  contentant 
d'affirmer  que  les  personnes  devant  qni  elles  ont  été 
prononcées  méritent  toute  confiance  :  —  «  Je  ne  sais 
pas  ce  que  la  nature  en  avait  fait,  mais  ce  que  je  puis 
vous  garantir,  c'est  qu'ils  en  ont  fait  un  crétin.  » 

—  Savez-vous  sur  quoi  M.  Mole  appuie  le  conseil  qu'il 
donne  à  son  parti  de  se  coaliser  avec  les  légitimistes  : 
«  Le  duc  de  Bordeaux  n'aura  jamais  d'enfants,  dit-il, 
j'en  suis  sûr,  j'en  réponds  ;  sa  femme  n'en  aura  pas  plus 
que  lui.  Mes  informations  sont  certaines.  »  Voilà  donc  à 


A  L'USAGE  DES  GENS  SIÎRIEUX, 


229 


(pioi  seiMiiiit  allaclides  les  desliii(5cs de  la  France!  Est-il 
hoboiii  (le  (lualilior  celte  |io!ili.nie  de  vieille  niainuie! 

—  IHeu  /e  l'ciit  !  s'écrie  M.  d'Ailiinuiiil.  ^^u'en  sait 
M.  d'Arliiicouit'.' 

—  La  mise  en  liheilê  de  M.  Aladenize,  après  celle 
de  M.  Forestier,  celle  a  peu  près  certaine  de  M.  d'AI- 
ton-Shée,  que  de  |)reuves  en  laveur  .lu  cun)ploldu  2'J! 
—  Pends-toi,  Faucher. 

—  M.  Jérôme  Bonaparte  ayant  passé  la  nuit  au  bal 
nias(|ué  samedi,  a  été  obligé  d'assister  en  voiture,  di- 
manche nialin,  à  la  revue  de  la  lésion  dont  il  a  l'hon- 
neur d  être  le  colonel  ;  —  la  fatjgue  d'une  nuit  sans 
sommeil  ne  hii  avait  |)as  permis  l'exercice  du  cheval. 

On  dit  que  des  gamins  l'ont  fort  embarrassé  en  criant, 
les  uns  Vive,  les  autres  .1  bas  Poléon! 

—  .Nous  engageons  les  gens  qui  se  plaignent  de  M.  de 
Lamartine,  et  qui  croient  avoir  des  torts  sérieux  à  lui 
reprocher,  ceux  à  qui  il  a  refusé  justice,  ou  ceux,  et 
ils  sont  nombreux,  à  qui  il  a  tout  promis  et  rien  donné, 
à  lire  l'incrojable  prospectus  qu'il  vient  de  faire  de  ses 
œuvres,  publiées  par  lui-même  ;  si  après  cette  triste  lec- 
ture ils  n'ont  pas  pardonne,  c'est  qu'ils  n'ont  dans  le 
cœur  aucune  pitié  pour  le  génie  qui  s'égare.  Quand  un 
homme  est  capable  de  commettre  de  pareilles  fautes 
envers  lui-même,  qui  donc  pourrait  s'étouner  qu'il  en 
ait  pu  commettre  envers  d'autres? 

—  On  disait  au  passage  de  l'Opéra,  où  se  débitent  et 
s'accréditent  chaque  soir  toutes  les  sottises  qui  dé- 
frayent Paris  le  lendemain,  que  des  maisons  avaient  été 
mnrcjuéesde  rouge,  et  que  ces  maisons  étaientdésignées 
ainsi  au  pillage  par  les  socialistes,  etc.,  etc.  Ces  marques 
rouges  avaient  tout  bonnement  été  faites  par  ordre  du 
préfet  de  police,  et  servaient  à  désigner  la  place  du  nou- 
veau numérotage  des  maisons  de  Paris.  —  On  a  baissé 
à  l'Opéra  sur  ce  rouge. 

—  Tous  les  gouvernements  du  monde  s'appliquent 
à  dissimuler  leurs  faiblesses  et  à  cacher  les  forces  vé- 
ritables de  leurs  ennemis.  Qu'on  nous  explique  par 
quel  singulier  contresens  M.  Faucher  et  M.  Barrotont 
cru  devoir  grossir  outre  mesure  le  nombre  des  mou- 
lins à  vent  qu'ils  croyaient  avoir  à  combattre. 

Si  le  danger  avait  été  sérieux,  s'il  avait  été  réel, 
croyez-le  bien,  bonnes  gens  qu'on  voudrait  alarmer, 
on  se  serait  bien  gardé  de  crier  si  haut. 

—  M.  Liadièrcs  a  fait  une  brochure,  M.  Guizot 
avait  fait  la  sienne;  quoi  de  plus  juste!  Mais,  pouf 
Dieu,  pourquoi  le  Journal  des  Débats  se  croit-il  obligé 
de  louer  ces  sortes  de  choses-là?  Le  maître,  bon! 
mais  le  sintte... 


—  .\L  Loeve  Weimar,  ancien  consul  &  Bagdad, 
avait  scandalisé  les  Turcs  par  ses  mœurs  excentriques, 
et  son  ra|)pel  a  dû  être  prononcé.  Il  aimait  une 
femme  maigre. 

—  «  La  républi([ue  rouge  m'eflVaie  moins  que  vous, 
dishit  un  républicain  modéré  à  un  réactionnaire;  savez- 
vous  pour(|uoi?Cc  n'est  pas  parce  qu'elle  sera  plus 
douce  pour  moi  que  pour  vous,  c'est  parce  que  je 
suis  moins  poltron.  » 


COlll'.FSPO.NDA.NCF. 

Au  direcleur  de  la  Revue  coiiii!|iie. 

Je  vous  conjure,  Monsieur,  par  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  sa- 
cré, (le  ne  plus  ni'ciivoyei-  votre  ReLue. 

Oseral-je  vous  dlie  pourrpioi?  Fermez  voire  porte,  et  assu- 
rez-vous bien  que  personne  ne  peut  lire  m.i  Icltre  par-dctsus 
votre  épaule. 

Il  f.ml  que  vous  sacliicz,  Monsieur,  tpic  dans  le  canton  que 
j'habite,  il  n'est  pas  permis  de  se  dire  républicain;  qiioiipie 
nous  soyons  en  république.  Le  maire  ne  le  veut  pas,  le  curé 
non  plus,  le  maître  d'école  encore  moins,  quoique  ce  soil  au 
fond  un  brave  liomme,  sincèrement  républicain;  mais  il  espère 
une  augmenlalion  de  cent  francs  sur  le  budget  de  la  com- 
mune, et  lorsqu'on  gagne  à  peine  cent  ccus  dans  son  année, 
et  qu'on  a  une  femme  et  des  enfants  à  nourrir,  on  renierait 
la  monarchie  elle-même  pour  cent  francs.  C'est  pour  bien 
moins  tpie  saint  Pierre  renia  son  mailre,  qui  était  un  Dieu. 

J'ai  donc  été  atteint  et  convaincu  de  recevoir  la  Revue  co- 
mique, ce  qui  m'a  valu  un  renom  do  terroriste  dans  le  pays. 
Il  paraît,  Monsieur,  que,  vous  et  vos  collaborateurs,  vous  guil- 
lotinez (les  gens  par  manière  de  passe-temps,  du  moins  le 
maire  et  le  curé  l'assurent,  et  le  maître  d'école,  brochant  sur 
le  fout,  vous  compare  eu  latin  à  Cacus.  Votre  bureau  serait 
une  caverne. 

Qtie  dois-je  penser  de  tout  cela?  l'n  fait  trop  cerlain;  c'est 
que  voire  réputation  a  déteint  sur  moi.  On  me  considère, 
moi  aussi,  comme  un  terroriste.  J'étais  sur  le  point  de  me 
marier  ;  mon  futur  beau-père  m'a  fermé  sa  porte,  sous  pré- 
texte que  je  nourrissais  en  secret  l'inlenlion  de  le  guillotiner 
un  jour.  Le  maire  assure  quej'atleuds  le  moment  de  procéder 
au  parliige  des  terres,  et  le  curé  dit  tout  haut  que,  s'il  ne 
m'a  point  encore  excommunié,  c'est  par  pure  charité  cliré- 
tienne,  mais  qu'en  tout  cas  il  esl  prêt  à  me  refuser  la  sépul- 
ture, à  moins  que  je  ne  fasse  abjuration  entre  ses  mains. 
Inutile  d'ajouler  que  les  dévotes  m'ont  en  horreur;  elles  se  si- 
gnent à  mon  approche,  et  j'ai  été  obligé  de  renvoyer  ma  scr- 
vanle ,  parce  que,  sous  prétexte  que  je  suis  un  véritable 
excommunié,  ,i  qui  l'eau  et  le  sel  soni  interdits,  elle  refusait 
d'en  raelire  dans  mes  ragoûts. 

Telle  est  ma  position.  Que  feriez-vous  à  ma  place?  Mon 
beau-père  est  un  crélin,  mais  ma  future  esl  très-jolie,  et  je 
dois  avouer  que  vos  caricalures  l'amusent  beaucoup  ;  je  crois 
même  que  c'est  ce  qui  m'a  gagné  son  cœur.  Je  me  vois  pour- 
tant dans  l'alternative  de  me  désabonner  à  voire  Revue  ou  de 
ne  pouvoir  contracter  un  .ibonnenicut  perpétuel  à  ma  future. 
L'amour  doit  l'emporter.  Suspendez  l'envoi  de  la  iîet;ue.jus- 
qu'à  la  célébration  de  mon  mariage.  Je  reprendrai  ensuite 
mon  abonnement,  et  je  vous  enverrai  pour  cadeau  de  noces 
le  périrait  de  mou  beau-père  et  de  M.  le  maire  de  mu  com- 
mune. Mon  heau-pcre  ressemble  à  Louis  XYllL 
-Agréez,  etc.,  etc. 

L  X  DE  vos  ABONNES  DE  PH0VINCE. 


130 


Vous  avoz  reconnu,  snn^  ce  lisible  aspect, 
Un  homme  cini  (J'aliord  commande  le  respect; 
On  se  (lit,  en  pensant  à  des  jonrs  de  lemiiMes 
C'esl  nn  paralonnrrrc;  il  a  sauvé  no-;  iCtes!... 
Oui    Mais  lorsqu'on  le  voit  cipricieiisemenl 
V(  rs  l'un  ou  l'aiilre  pftle  incliner  son  aimant, 
Osciller  de  la  dioiie  à  la  gauche,  on  répète  : 
Est-ce  un  paratonnerre?  esl-cc  une  girouetle^ 


l  ayt^^-  dVL  w^uf- 


Gravé  par  BaulaNT. 


nul  I.    VAni>    IlES   ITAI  IKN» 


311  (•4'iifiiiK'H  la  livriilNon. 


Ri'K  lii<:iiEi.iP.r,  'li. 


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(HiMÉÉitaBaÉiiÉÉiÉiiiÉHriKàsaaÉanEBBBeaKai 

m  do  la  Soiisrnpiion    — L    R  i      E  i  m    n   i    n         I  [      Mihinio,  ffruid  in-S,  publié  en  oO  livraisons  à  30  centimes, 

-,  ,  -ile.  M)  cent.  Ou      u       t  i    ur  10  I  >ri      n      l    ar  1       I  prt        iit         \     er  un    mandat  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur    de    la 
EViE.  —  Pour  tout  ce  pu   cou    rne  la  re  la  tioD   e  rire    if  anco)  a  M    Lireix    au  bureau  de  la  REvrE,  2,  boulevard  des  Italiens. 

STTMIMEaAT    EDITEUR,  RUE  RICHEI.IEU.  52.  10''    LivraisOH. 


AVIS  AUX  JOrRKAUX  DE  PAUIS  ET  DE«i  DÉPARTEMENTS. 

Nous  aiiliirisons  la  roprodiiction  des  articles  Cdiiteiuis  dans  la  Revue  cui/iiqnc,  a  lu  euiiililioii  : 
1"  De  citer  la  Revue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2°  De  limiter,  parcliaqne  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  conleiuies  dans  cliiniue  numéi-o. 


AVIS 

AVX  SOUSCRIFTE1TB.S  DE  X.A  REVUE  COMIQUE 

Pour  répondre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripleiirs,  qui  trouvaient 
fàclieiix  que,  pour  ne  pas  décompléler  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dsns  l'obligation  de  faire  brocber  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celle  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broche  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  celte  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIRE  DE  LA  SEIZIÈME  LIVRAISON. 

TEXTE 


La  Semaine.  —  Mieux  viul  prévenir  que  réprimer.  — VLoleltes  parlementaires  :  Esquisses  non  politiques  ;  II.  —  M.  Avond.  — 
Séance  du  19  février.  —  Le  nouveau  Cheval  de  hois.  —  Encore  le  Bœuf  gnis.  —  Révélation  du  système  politique  de 
M  Barrot,  .'i  propos  du  Boeuf  gras.  —  A  propos  d'une  Loi  trop  favorable  aux  Miris.  —  M.  le  comte  Mortier.  —  A  M.  le 
vicomte  de  Falloux.  — Choses  quelconques.   —  Le  21  Février.  —  Souveiiiis  du  2i  Février. 


De3jinaleuri.  Grarturs. 

Le  comte  dd  Monte-Cristo  en  Californie.  . .  Bertall.       Midderigh. 

De'ix  républicaiDS  do  parti  modéré   Lorentz.      Rouget. 

Quelques  masques  de  1S49 Fabritzius.  Baillant. 

M.  Coqueret Fabritzius.  Montigneul. 

M.  Poujo.ilat Fabritzius.  Jatiot. 

Distribution  des  prix  du  Con£/ifu£ir'nric/. ...  Kadard.       Bau'ant. 


Dessiiialeiirs.  Orateurs. 

Le  nouveau  Cheval  de  Troie Bertall          Baulant. 

Buste  d'honneur  du  général  Bergamotte    .. .  Fabritzius.  Baulant. 

MaladroilsBûcherois N.idard.         Eaulant. 

Réjouissancei. —Système  Faucher Niidard.         Baulant. 

Encadrement Nadard.         Bnu'ani. 

M.  ds  Mon'aipnibert Fabritzius.  Leblanc. 


POUR  PARAITBE   DANS  LES  PROCHAINES   LIVRAISONS 

AVENTURES  ET  MÉSAVENTURES 

projets  —  déceptions  —  espérances  —  tentations  —  travestissements 
liypocrysies  —  passe  passe  —  perfidies  —  grande  cidbule  de 

MOSIEU  RÉAC 

SI  ITE    DE    CAniCATl'KES    PAP.    NAUAIllJ. 


Parii,— Tiré»  «nj  preatei  mCeaniqiiet  de  Licnmps  fllj  el  Comp.,  me  Damtetle,  i. 


>>3/ 


F. A   SEMAINE. 


«  De  quoi  me  parlerez-vous?  demande  le  lectuur  à 
la  Semaine. 

—  Parbleu,  du  carnaval.  A-l-il  été  triste,  a-t-il  été 
gai?  Les  uns  disent  oui,  les  autres  disent  non,  la  chose 
vaut  bien  la  peine  qu'on  Téclaircisse. 

—  Lclaircissons-la. 

—  Eh  bien,  le  carnaval  a  été  triste,  et  je  crois  que 
la  politique  n'y  est  pour  rien.  Le  carnaval  dure  de- 
puis trop  longtemps,  on  en  a  par-dessus  la  tète.  Il 
faudrait  trouver  autre  chose.  Inventer,  par  exenij)le, 
un  carnaval  d'été,  et  encore  je  ne  sais  pas  si  ce  car- 
naval réussirait. 

J'ai  lu  dans  les  journaux  d'hypocrites  lamentations 
sur  la  suppression  du  bœuf  gras.  M.  Jules  Janin  lui  a 
consacré  une  élégie  dans  les  Débats,  M.  Eugène  Gui- 
not  une  oraison  funèbre  dans  le  Siècle.  Je  ne  suis  pas 
bien  sûr  que  le  Constitutionnel  n'ait  point  trouvé  à  ce 
sujet  quelques  phrases  touchantes  et  bien  senties.  Le 
Charivari  s'est  associé  à  la  douleur  générale  ;  enlin  la 
Revue  comique  s'en  occupe  aujourd'hui.  Le  bœuf 
gras  n'a  jamais  eu  plus  de  succès  que  cette  année  où 
il  n'existait  pas.  Ce  que  c'est  que  de  passer  à  l'état  de 
sujet  d'article. 

La  vérité  est  que  personne  ne  s'est  aperçu  de  l'ab- 
sence du  bœuf  gras.  C'était  une  institution  usée,  finie 
comme  la  monarchie. 

Autre  symptôme  grave.  Au  dernier  bal  de  l'Opéra, 
celui  du  mardi  gras  ,  Musard  n'a  pas  été  porte  en 
triomphe.  On  a  laissé  Musard  rentrer  chez  lui  à  six 
heures  du  matin  comme  un  mortel  ordinaire. 

Du  reste,  pas  un  masque  sur  les  boulevards  pen- 
dant les  jours  consacrés,  et  à  peine  quelques  bandes  de 
pierrots  déguenillés  à  la  descente  de  la  Courtille.  Dé- 
cidément, le  carnaval  s'en  va  ! 

Dans  le  monde,  ou  a  remarqué  le  petit  nombre  de 


bals  déguisés,  les  bals  parés  ont  été  fort  nombreux  au 
contiaire.  Le  bal  du  Président  de  la  Hépublique  a  été 
surtout  remarquable  par  la  quantité  d'étrangers  et 
d'étrangères,  Anglais  et  Anglaises  surtout.  Les  invi- 
tations aux  Français  avaient  été  distribuées  avec  une 
grande  parcimonie,  toujours  à  cause  de  l'exiguité  du 
local.  C'est  sans  doute  aussi  par  ce  motif  que  le  Pré- 
sident de  la  République  n'a  pas  cru  devoir  inviter  le 
colonel  Forestier.  Un  colonel  de  la  garde  nationale 
tient  en  effet  beaucoup  de  place  dans  un  salon  quand 
il  sort  de  prison,  après  s'être  conduit  comme  le  brave 
colonel  de  la  sixième  légion. 

M.  Louis  Donaparte  avait  fait  dans  cette  fête  les 
avances  les  plus  directes  au  faubourg  Saint-Germain. 
Nous  devons  convenir  que  la  République  est  plus  heu- 
reuse que  la  monarchie,  et  que  la  légitimité  se  con- 
d'.' d'une  façon  vraiment  charmante  pour  le  neveu 
de  l'exécuteur  du  duc  d'Enghein,  pour  l'héritier  de 
Vogre  de  Corse.  Nous  en  félicitons  sincèrement  notre 
Président. 

En  entendant  prononcer  tous  ces  noms  de  l'ancien 
régime  précédés  de  leurs  titres  (il  est  bon  que  le  Pré- 
sident donne  l'exemple  du  respect  à  la  Constitution), 
en  voyant  défiler  cette  longue  kyrielle  de  blasons  am- 
bulants, un  de  nos  amis  se  récriait  sur  l'absence  de  la 
plupart  des  notabilités  de  la  révolution  : 

«  Louis-Philippe  était  trop  bourgeois,  lui  a  répondu 
un  aide  de  camp  du  prince,  c'est  ce  qui  l'a  perdu.  » 

Gardons-nous  dune  d'être  trop  b  lurgeois. 

Après  les  bals,  il  est  bien  naturel  que  nous  vous 
parlions  théâtres;  la  politique  viendra  en  dernière  ligne 
celte  fois.  Nous  n'avons,  en  fait  de  théâtre,  que  d'heu- 
reuses nouvelles  à  vous  apprendre. 

Les  répétitions  du  Prophète  ont  commencé  sur  le 
théâtre.  Les  débuts  de  Masset  confirment  de  plus  en 


REVUE  COMIQUE 


plus  son  éclalanl  succès.  Après  7m(sa/ejn,  nous  lui  en- 
tendrons ilianler  la  Favorite  et  le  Comte  Ory. 

Le  Thcàlre  Français  joue  ce  soir  la  comédie  très- 
attendue  de  M.  Alfred  de  Musset,  qui  prendra  défi- 
nitivement le  titre  de  Lonison.  C'est  le  dernier  rôle 
que  doit  créer  mademoiselle  Anaïs  avant  de  prendre  sa 
retraite  ;  puis  viendra  le  Testament  de  César,  tragédie 
dont  l'auteur  est  M.  Paul-Dumas-Alexandre-I.acroix. 

Les  Monténégrins  vont  passer  prochainement  à  l'O- 
péra-Comique  eu  même  toinps  que  la  reprise  de  3fa 
Tante  Aurore. 

La  Gazza  Ladra  fait  fureur  aux  Italiens  avec  ma- 
demoiselle Alboni  dans  Minelln,  el  mademoiselk'  de 
Méric  dans  Iîe|)po. 


Le  Gymnase  prépare  un  vaudeville  en  trois  actes,  le 
Douqnet  dp  violettes,  pour  mademoiselle  Rose  Chéri. 

Voilà  maintenant  que  les  théâtres  se  mettent  à  faire 
concurrence  aux  journaux.  Le  vaudeville  puhiie  un 
journal  mensuel,  les  Variétés  ont  fait  paraître  mardi  le 
premier  numéro  d'une  feuille  quotidienne  intitulée 
le  Cnars  de  la  Bourse.  Les  couplets  de  ce  journal  sont 
thaiités  par  Hofiiiann  auquel  ou  adjoindra  des  colla- 
borateurs suivant  les  besoins  de  la  rédaction.  Cette 
revue  de  la  journée,  avec  accompagnement  d'orchestre 
et  de  calembourgs,  est  un  empiétement  sur  les  droits 
de  la  presse  ;  mais  nous  sommes  en  république,  el  le 
succès  n'est  plus  un  monopole  que  pour  les  gens  d'es- 
prit. 


MIF.UX  VAUT  PRKVKMU  Ql  i:   iU-l'llIMIP.. 


Un  des  plus  grands  malheurs,  une  des  plus  grandes 
hontes  de  ce  pays,  c'est  qu'il  déshonore  chacune  des 
libertés  auxquelles  il  aspire  par  l'abus  qu'il  eu  fait. 
La  calomnie,  cette  arme  empoisonnée,  qui  était  aban- 
donnée autrefois  à  quelques  Baziles  de  bas  étage,  est 
devenue  l'arme  commune  des  partis.  11  semble  qu'elle 
soit  l'enfant  gâtée  de  la  presse.  Comme  s'il  ne  suflisait 
pas  des  armes  malheureusement  terribles  que  la  vérité 
pourrait  mettre  aux  mains  de  tout  parti  contre  ses  ri- 
vaux, c'est  au  mensonge  que  chacun  croit  pouvoir  de- 
mander des  forces  nouvelles  contre  ses  adversaires. 

Certes,  si  les  partis  sont  coupables  d'eu  agir  ainsi,  on 
conviendra  que  les  gouvernements  qui  se  laissent  en- 
traîner dans  cette  voie  odieuse  le  sont  cent  fois  davan- 
tage. C'est  cependant  ce  qui  arrive  de  nos  jours  Quand 
donc  MM.  Faucher,  Changarnier,  Rngeaud  et  aulres, 
comprendront-ils  qu'il  n'est  pas  permis  à  un  gouver- 
nement de  relever  toutes  les  armes  dont  on  use  contre 
lui,  qu'un  gouvernement  qui  se  respecte  a  pour  de- 
voir de  se  défendre,  mais  non  d'attaquer,  et  que  si  un 
parti  est  inexcusable  d'user  d'armes  déloyales,  quoi- 
qu'il s'en  serve  à  ses  risques  et  périls,  contre  un  gou- 
vernement qui  lui  est  contraire,  il  n'est  pas  permis  à 
ce  gouvernement  d'oublier  quand  il  veut  se  défendre 
qu'imiter  ses  adversaires  c'est  autoriser  leur  conduite, 
et  que,  quand  on  a  derrière  soi  une  armée,  des  procu- 
reurs généraux,  la  justice,  la  prison,  le  bagne,  on  n'a 
pas  le  droit  de  faire,  eu  outre,  une  guerre  de  parti- 
san à  ses  ennemis. 

La  fameuse  nin\\mc  prévenir  vaut  mieux  que  ré- 
primer est  une  des  pins  dangereuses  que  puisse  invo- 
quer nn  gouvernement.  Prévenir,  c'est-à-dire  frapper 
avant  la  faute,  n'est-ce  pas  s'exposer  à  supjioser  cette 
faute  et  au  besoin  à  paraître  l'inventer. 

M.  Faucher  se  lève  un  malin.  «  Nous  faisons  pas 
mal  de  sottises,  se  dit-il  à  part  lui,  nous  devons  avoir 
exaspéré  une  partie  notablt!  (le  la  population  pari- 
sienne; il  se  pourrait  que  l'idée  vint  à  celte  popula- 
tion de  s'insurger  contre  nous.  »   Dans  le  doute,  un 


ininislrc  sensé  s'absliendrait,  se  contentant  de  se  tenir 
sur  ses  gardes.  M.  Faucher,  loin  de  s'abstenir,  part 
de  sa  supposition  comme  un  autre  partirait  d'une 
vérité,  et  Paris  est  en  un  instant  sillonné  de  patrouilles 
et  de  canons.  Le  mal  eût-il  existé,  un  remède  de  ce 
genre  eût  été  pire  que  lui  ;  qu'importe! 

«  Le  général  Cavaignac,  se  dit  un  matin  le  général 
Changarnier,  doit  trouver  odieux  le  ton  que  prend 
Bugcaud  et  celui  que  je  prends  moi-même  en  ce  mo- 
ment. A  sa  place,  je  penserais  peut-être  à  exercer 
quelque  influence  sur  l'armée.  »  Donc,  le  général  Ca- 
vaignac a  cette  coupable  pensée,  et  dans  un  journal 
qu'on  peut  désavouer,  on  insinue  cette  odieuse  accu- 
sation. De  quoi  vous  plaignez  vous?  Prévenir  vaut 
mieux  que  réprimer.  Que  résuUe-t-il  de  tout  cela? 
C'est  que  la  liberté  de  la  presse  devient,  aux  yeux  des 
gens  sensés,  responsable  de  l'abus  qu'on  en  fait,  c'est 
qu'elle  perd  son  prestige ,  et  que,  ne  la  connaissant 
(pie  par  ses  excès,  les  honnêtes  gens  s'en   fatiguent. 

Que  dire  d'ailleurs  des  journaux  qui  se  condamnent 
sciemment  à  se  démentir  au  profit  d'un  gouvernement 
(piclconque.  Que  pense  M.  Lubis  de  sa  campagne 
contie  le  général  Cavaignac?  L'auteur  de  sa  note  est- 
il  bien  lier? 


Le  com*e  de  Monle-Cri«!o,  ayant  retrouvé,  dans  lc«  descriptions  de  la 
Cali/ornie.  le  sigtalemcnt  de  son  ile  égarée,  s'y  rend  &  la  hàle,  aQn 
d'en  revendiquer  la  propriété. 


De' sine  par  Louknt^ 


ENTRE    DEUX    HÉl'lBLICAINS    DU    PARTI    HONNÊTE,    DIT    DE    CONCILIATION. 

—  T'fs-t-uii  Louispliilis  ! 

—  Et  toi,  t"es-t-im  Henriiiiiirii|iii'l  ! 


Gravé  par  Rouget. 


23-i 


REVUE  COMIQUE 


VIOLETTES  PARLEMENTAIRES. 

ESOnSSES  NON   POLITIQUES. 
II.     —   M.    AVOND. 


J'entie  en  malièi-c  à  la  f^içon  .le  riiitarque  :  Avond 
est  iiéàPaulhagnet. 

Houreux  Avond  !  il  aurait  pu  naîlio  à  Elbcuf  comme 
M.  C.randin,  à  Cognac  comnic  M.  Râteau  ou  à  Palai- 
scau  comme  la  Pie  voleuse  ;  mais  la  Providence,  pour 
le  marquer  aux  yeux  de  tous  d'un  signe  falidiquo,  lui 
donna  Paulhagnet  pour  berceau. 

A  Paulhagnet,  Avond  était  l'ami  de  Callet,  qui  siège 
à  côté  d'Avond  à  l'Assemblée  nationale,  premier  banc 
de  la  quatrième  travée  de  droite.  Les  érudits  de  Paul- 
baguet  épuisaient,  en  faveur  de  ces  deux  futures  vio- 
lettes liées  par  une  étroite  amitié,  les  comparaisons 
les  plus  mythologiques.  Nisus  et  Enryale,  Damon  et 
Pythias,  Castor  et  Pollux,  Thésée  et  PirilhoCis  ;  tels 
étaient  les  types  un  peu  audacieux  que  représentaient 
à  l'imagination  complaisante  de  leurs  compatriotes  les 
deux  aspirants  hommes  d'Etat. 

Insensiblement,  ils  abandonnèrent  Paulhagnet  pour 
venir  à  Paris.  Callet  se  lia  un  jour  très-intimement 
avec  Pagnon,  qui  fit  la  connaissance  de  Pourrat. 

Vers  cette  époque,  Pourrat  eut  une  idée  :  il  rassem- 
bla ses  amis  et  leur  déclara  que  son  intention  inébran- 
lable, était  de  fonder  r£'ssor,  études  politiques,  pliilo- 
sophiques,  palingénésiques  et  légèrement  sociales. 
Comme  Pourrat  était  un  homme  d'une  volonté  éner- 
gique, il  fit  paraître  dix  numéros  de  sa  publication,  qui 
n'obtint  pas  le  moindre  succès. 

Celui  qui  s'était  fait  le  moins  remarquer  parmi  les 
rédacteurs  inconnus  de  l'Essor,  c'était  Avond.  Au- 
jourd'hui encore.  Pourrai,  qui  travaille  depuis  dix  ans 
à  un  grand  ouvrage,  se  plaît  à  lui  rendre  cette  justice. 
Callet  avait  publié  trois  articles  de  haute  critique 
sur  la  funeste  tendance  du  théâtre  du  Panthéon  à  re- 
fuser ses  pièces.  Pourrat  s'en  souvient  encore  et  Pa- 
gnon aussi. 

Après  des  débuts  si  extraordinaires,  Avond  se  lança 
avec  confiance  vers  l'azur  de  l'avenir.  Il  se  lit  recevoir 
avocat  pour  la  forme  ;  au  fond  il  était  sténographe. 

Avond  faisait  le  compte-rendu  des  Chambres  pour 
la  Gazette  de  France  ;  personne  mieux  que  lui  ne  sa- 
vait entrelarder  les  discours  de  M.  de  Genoude  de  très- 
bien!  très-bien!  il  excellait  dans  les  sensations prnlon- 
f/ées,  et  on  le  citait  pour  la  façon  vraiment  remarqua- 
ble dont  il  plaçait  les  applnudissemcnts  à  gauche  ci  les 
murmures  à.  droite.  Les  sténogra[ihcs  se  souviennent 
encore  de  ce  célèbre  truc  inventé  par  Avond,  et  dont 
ils  ont  tant  abusé  depuis.  Quand  .\vond  ne  compre- 
nait pas  le  sens  du  discours  d'un  orateur,  il  y  suppléait 
dans  son  compte-rendu  par  ce  subterfuge  ingénieux  : 
Les  murmures  qui  régnent  dans  t' Assemblée  ne  permet- 


tinit  pas  à  la  voix  df  l'onifciir  'de  parvenir  jusqu'à 


Aussi  M.  de  Genoude  avait-il  riiabilmle  de  dire,  en 
lisant  les  séances  sténographiées  d'Avond  ;  Voilà  un 
garçon  qui  ira  loin. 

En  effet,  le  lendemain  de  la  révolution  de  Février, 
Avond  alla  à  l'hôtel  de  ville.  A  cette  époque,  Avond 
était  républicain  de  la  veille  comme  tout  le  monde,  li 
rencontra  dans  un  corridor  M.  Crémieux,  qui,  en  sa 
qualité  d'Israélite,  ne  fut  pas  fâché  de  s'attacher  un 
rédacteur  catholi([iie  de  In  Gazette,  et  le  ramena  au 
ministère  de  la  justice  pour  en  faire  un  chef  de  ca- 
binet. 

Vinrent  les  élections.  Avond,  qui  avait  eu  soin  d'en- 
voyer depuis  plusieurs  années  la  Gazette  de  France  à 
Paulhaguet,  fut  naturellement  élu  par  ses  comjiatrio- 
tes,  qui  se  firent  ce  raisonnement  plein- de  simplicité  : 
«  Puisqu'Avond  sténographie  les  discours  des  dé- 
putés depuis  dix  ans,  il  doit  en  avoir  retenu  quelques- 
uns  ;  il  les  récitera  tout  d'un  trait.  Cela  fera  honneur 
au  pays.  » 

Callet,  lui,  fut  élu  par-dessus  le  marché. 
Nous  avons  cité  les  qualités  d'Avond,  parlons  un 
peu  de  ses  défauts. 

Avond  est  beau,  et  il  le  sait.  Avond  a  un  gros  ventre 
et  des  jambes  courtes;  sa  figure  paraît  insignifiante  à 
la  première  vue,  mais  on  assure  qu'elle  s'anime  dans 
le  tète  à  tète.  Avond  est  adoré,  et  il  en  abuse.  C'est  le 
cœur  de  don  Juan  dans  la  peau  d'un  notaire;  il  a  la 
funeste  habitude  d'oublier  ses  bretelles  et  ses  paletots 
chez  les  dames  qui  veulent  bien  l'honorer  de  leur  con- 
fiance; de  sorte  que  le  mari,  revenant  de  voyage,  est 
tout  étonné  de  trouver  dans  sa  garde-robe  des  gilets  de 
llanellc  exotiques  et  des  pantalons  étrangers.  Alors, 
voilà  tout  un  drame  qui  se  déroule  ;  des  fiots  d'encre 
sont  répandus....  0  Avond!  est-ce  contre  vous  qu'a 
été  dirigé  l'amendement  moral  de  Pierre  Leroux? 

A  rAsscmblée,  Avond  est  triste  ;  il  a  cet  air  profon- 
dément ennuyé  des  intelligences  supérieures.  Quand 
il  fait  son  entrée  dans  la  salle  des  séances,  il  traverse 
le  couloir  central  en  portant  les  deux  mains  à  sou  gi- 
let ;  quelipiefois  il  mâchonne  un  cure-dents,  cela  a 
bon  air  ;  il  se  laisse  tomber  à  sa  place  après  avoir  ac- 
cordé une  poignée  de  main  à  Callet;  tousse  un  peu 
pour  se  faire  remarquer,  promène  ses  doigts  distraits 
dans  SCS  cheveux  en  braquant  son  binocle  sur  les  tri- 
bunes peuplées  de  femmes,  et  prend  une  de  ces  poses 
nonchalantes  qui  rappellent  vaguement  Eudymion  en- 
dormi. 

11  ne  sort  ordinairement  de  cette  belle  indolence  que 


A  I.IISACK  DES  r.FNS  SI'IUKUX. 


235 


poiirallt'i-  ii'iili'i-  ilaiis  les  iMivinins  ilii  Iciiir  riiiiii-lcM  ici. 
Je  iltiis  rendi-i'  ci'tlo  jiislico  à  Avdiul,  (|iril  .i  iiiii'  li\il(' 
(l'()|)iiii(iii  iiiL'lx-aiilahlc.  Je  lu!  l'ai  vu  m  aiu nu  liiiips 
se  glisser  sur  les  Ijuius  de  I'()|)|)osili(iu.  ne  fùl-ie 
i|u'uue  seconde,  pour  causer  avec  un  collègue.  Avond 
ne  connaît  que  le  pouvoir.  Les  lioninics  passent,  le 
principe  reste.  .\vou(l  est  pour  le  principe.  C'est  ainsi 
(]ii'i!  a  successivement  olitenii  des  poignées  de  main  de 
Lamartine,  de  l^edru-Rolliu,  de  Flocon,  de  Séuard, 
de  Rectirt  et  de  Lieu  d'autres  ;  Vaulabelle  lui-niènie 
y  a  passt!.  Aujourd'hui,  Avond,  pour  montrer  i[u'il  est 
toujours  le  même,  continueà  solliciter  des  poignées  de 
main  de  M.  de  Faucher  et  de  M.  de  Falloux.  On  prétend 
même  qu'il  se  rencontre  souvent  sur  le  passage  d'O- 
dilon  pour  saisir  un  sourire  au  vol.  Fntre  nous,  Avond 
abuse  un  peu  de  l'inlk'xihilité  de  son  caractère.  Il  de- 
vrait ajjporler  moins  de  ténacité  dans  ses  manifesta- 
tions amicales,  ne  fût-ce  ijue  pour  ne  pas  trop  liumi- 
lier  ceux  de  ses  collègius  qui  ont  déserté  le  banc  mi- 
nistériel le  lendemain  du  jour  où  leurs  amis  n'étaient 
plus  ministres. 

Avond  fuit  la  tribune.  En  sa  qualité  d'ancien  sténo- 
graphe, il  sait  les  dangers  qu'elle  recèle.  Latet  auguis 
in  herbu,  comme  disait  M.  Ihipin  à  l'époque  où  le  père 
Auguis  était  député.  La  tribune  est  le  cap  des  tempê- 
tes des  journalistes.  C'est  là  que  j'ai  vu  se  briser  l'es- 
quif  Bouvet,   le   brigantin   Degeorge   et   la  felouque 


f.MiiiHl.  Hélas!  j'ai  recueilli  les  débris  du  naufrage 
du  beau  lrois-nu\ls  le  Diirrieu,  en  partance  pour  nu 
amendement;  et  la  tartane  Lnnglet,  et  la  gondole  Du- 
pont (de  la  Dordogne),  et  tant  d'autres  embarcations 
doublées  et  chevillées  en  articles  de  fond.  La  galère 
capitane  Victor  Hugo,  qui  avait  lilé  un  assez  joli  noMid 
sur  la  mer  pacidque  de  rh'vénement,  n'a  doublé  le 
cap  parlementaire,  après  bien  des  avaries,  que  [jarce 
qu'elle  était  favorisée -par  une  forte  brise  d'antithèses. 
Avond,  qui  n'a  pas  le  pied  marin,  préfère  la  discussion 
dans  les  bureaux  aux  discours  à  la  tribune.  La  discus- 
sion dans  les  bureaux  est,  pour  la  violette  inexpéri- 
mentée, ce  qu'est  le  plancher  des  vaches  pour  le  Parisien. 
L'homme  est  double,  a  dit  un  philosophe.  Cela  est 
vrai,  surtout  pour  Avond.  Il  est  des  jours  où,  déser- 
tant Callet  et  sa  mélancolie,  Avond  vole  comme  un 
gros  papillon  à  travers  les  fleurs  représentatives.  Ces 
jours-là,  il  écrase  M.  Mole,  enjambe  M.  Thiers,  apla- 
tit M.  Duvergier  de  Hauranne  et  fait  voler  l'abat-jour 
de  M.  Jules  de  Lasteyrie.  A  une  séance  où  Avond  avait 
endommagé  l'orteil  du  joli  M.  Fresneau,  celui-ci  dit  à 
son  voisin  :  «  Voilà  un  gaillard  qui  se  comporte  parmi 
nous  comme  un  éléphant  dans  un  magasin  de  porce- 
laines... »  Mais  il  faut  excuser  Avond  quand  il  se  livre 
à  cette  course  folâtre  :  Avond  va  porter  à  des  dames 
des  billets  de  tribune  qu'il  vient  d'obtenu'  de  la  muni- 
ficence du  chef  des  huissiers,  M.  Brancas-Duponceau. 


SjÉaNXE   du    19   FÉVRIER.    A    PROPOS    DES    AFFAIRES    d'iTALIE. 

Cette  discussion,  qui  devient  géLérale, 
N'est  pourtant  que  grammaticale  ; 
Les  uns   pour    la  papauté. 
Les  autres  pour  le  pape  6té. 


COQUEREL,  qui  crie  et  qui  jappe, 
Dit  aux  rieurs  qui  pouvaient  s'en  donner  : 
a  Vous  ne  parviendrez  pas  à  me  désarçonner 
Pourtant  il  est  tombé  de  la  mule  du  pape. 


Po'JotiLAT,  qui  courut  l'Egypte  avec  Michand, 
Parle,  avec  Coquerel,  en  un  style  mi-chaud; 
Mais,  à  propos  de  ce  neuvième  Pie, 
11  raisonne  comme  une  pie. 


236 


REVUE  COMIQUE 


DISTRIBUTION    SOLENNELLE   DITS   PRIX   DU   CONSTITUTIONNEL. 


Le  tableau  représente  le  moment  où  le  pharmacien  Véron,  assisté  de  Thiers  et  de  Mole,  dépose  une  couronne  civique  sur  la  tête  du  jeune  Odi'.on 
il  va  lui  remettre  le  <Tand  prix  de  sagesse  politique  que  lui  passe  le  fidèle  Merruault.  Parmi  les  élèves  couronnés,  on  remarque  les  jeunes  Du- 
verg.erde  Hauranne  Falloux,  Léon  Faucher,  Denjoy,  Drouj-n  de  THuis,  Berryer,  Râteau,  deTracy,  Buffet,  Bugeaud,  Changarnier,  etc.,  etc. 


LE  NOUVEAU  CHEVAL  DE  BOIS. 


Nous  avons  entendu  de  bons  bourgeois  se  plaindre 
de  ce  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  bœuf  cette  année.  Pas  de 
liœuf  gras!  disaient-ils  dimanche  et  mardi,  en  remar- 
quant tristement  la  solitude  des  boulevards;  oîi  allons- 
nous?  A  quoi  nous  sert  d'avoir  un  ministère  d'ordre, 
un  pouvoir  fort,  un  gouvernement  conservateur , 'et 
l'épée  du  maréchal  Bugeaud  suspendue  par  un  iil 
sur  la  tète  de  l'anarchie,  si  on  laisse  dépérir  les  an- 
ciens usages,  s'i!  n'est  plus  permis  de  suivre  de  la  Bas- 
tille à  la  Madeleine  et  tout  le  long  des  rues,  le  bœuf 
aux  cornes  dorées,  avec  son  cortège  de  sauvages  à  che- 
val? C'est  instructif,  agréable  à  voir,  et  même  on  re- 
çoit des  coups  de  pied  des  chevaux  du  cortège.  Est-ce 
que  par  liasard  nous  n'aurions  pas  un  gouvernement 
aussi  conservateur  qu'on  l'avait  cru  jusqu'à  présent? 

Ainsi  parlent  ces  bonnes  gens,  et  depuis  mardi, 
puisqu'il  faut  l'avouer,  M.  Barrot  est  l'objet  de  graves 
soupçons.  La  confiance  qu'une  partie  de  la  population 
avait  placée  en  lui  est  altérée;  on  l'accuse  tout  bas 
d'être  sur  le  point  de  faire  allianceavec  M.Ledru-Rollin. 
Soyez  donc  un  ministère  d'ordre  pour  qu'on  vous 
soupçonne  de  terrorisme  ! 

La  population  parisienne  est  bien  indigne,  en  vérité, 
de  l'intérêt  qu'elle  inspire  au  gouvernement.  Sauvez- 
la  aujourd'hui,  elle  vous  accuse  demain,  et  les  calom- 
nies les  plus  atroces  circulent  sur  votre  compte.  Mardi, 
dans  les  groupes,  on  prêtait  ce  mot  à  M.  Barrot  :  «  Si 
le  bœuf  gras  ose  se  montrer,  je  le  fais  guillotiner  à  l'in- 


stant !  »  Ce  serait  bien  odieux,  si  c'était  moins  absurde. 

Encore  si  ce  propos  avait  été  attribué  à  M.  Ledru- 
RoUin! 

H  faut  pourtant  que  le  peuple  de  Paris,  que  la  France 
entière  connaissent  la  vérité  ;  il  faut  qu'ils  sachent 
d'abord  que  le  mot  prêté  à  M.  Barrot  est  controuvé,  et 
que  s'il  n'y  a  pas  eu  de  bœuf  gras  cette  année,  cela 
lient  à  des  considérations  politiques  de  la  plus  haute 
importance. 

La  France  veut-elle  être  sauvée  de  l'anarchie?  Voilà 
la  questirn. 

Oui,  elle  veut  être  sauvée;  alors  qu'elle  laisse  agir 
les  gouvernements  forts  et  le  vigilant  père  Carlicr. 

Le  vigilant  père  Carlier  alla  donc  trouver  M.  Barrot. 

«  Monsieur,  lui  dit-il,  l'anarchie  est  aux  abois. 

—  Je  le  sais. 

—  Mais  tellement  aux  abois,  qu'elle  vient  d'avoir 
une  de  ces  idées  biscornues  et  extravagantes  qui  accu- 
sent un  dérangement  dans  le  cerveau, 

—  Je  n'en  suis  pas  étonné. 

—  Vaincue  le  29  janvier,  l'anarchie  veut  prendre 
sa  revanche  le  dimanche  18  ou  le  mardi  20  février. 

—  Conspiration  grasse,  hi,  hi,  hi. 

—  Votre  Excellence  a  toujours  le  mot  pour  rire. 

—  Mon  Dieu,  oui;  c'est  la  pureté  de  mes  intentions 
qui  me  conserve  la  gaieté,  ce  don  du  ciel.  Mais  ache- 
vez, vertueux  père  Carlier,  achevez.  Quels  sont  les 
projets  de  l'anarchie? 


A  LUSACE  DKS  GENS  SÉRIEUX. 


257 


—  L'anarchie  prt'leiid  proliler  de  la  licence  des  der- 
niers jours  du  carnaval.  Si  vous  m'en  croyez,  vous 
su|)|)riinercz  le  IxiMif  j,'ras. 

—  I,c  bœuf  gras,  père  Carlici-,  y  penso/.-voiis  ! 
Qu'en  dira  la  population  parisieniu'.' 

—  Elle  en  dira  ce  qu'elle  voudra.  Mais  savoz-vous 
ce  que  doit  être  le  hœuf  gras  de  celle  année? 

—  Non;  sera-ce  un  cheval,  un  chien,  un  lin'iif 
maigre,  une  chèvre?  Achevez,  vous  me  faites  IVèinir. 

—  Vous  connaissez  l'hisloire  du  cheval  de  hois  (pii 
porln  les  Grecs  dans  les  murs  d'illiou,  par  la  faule  du 
chef  de  la  police  de  celle  ville,  qui,  j'ose  le  dire,  ne 
valait  pas  le  pèi'e  Gariier. 

—  Je  connais  cette  histoire  ;  j'ai  fait  mes  classes  , 
monsieur  ! 

—  Eh  bien;  il  s'agit  de  renouveler  celle  mauvaise 
plaisanterie.  I.e  bœuf  gras  de  celle  année  serait  à  la 
vérité  un  bœuf  gras,  mais  un  bœuf  en  bois. 

—  Grands  dieux  ! 

—  Dans  les  flancs  de  ce  bœuf  en  bois  se  cacheraient 


les  chefs  montagnards  et  socialistes,  Proudhon,  Gonsi- 
déranl,  Gabet,  l.edru-llollin ,  Gaussidièrc  et  l-ouis 
nianc,  avec  leurs  satellites  armés.  Puis,  sous  prétexte 
<le  la  visite  d'usage  à  l'hùtel  de  ville,  ce  monument 
tomberait  par  surprise  entre  les  mains  d(!s  anarchistes 
qui  s'y  établiraient  en  qualité  de  gouvernement  pro- 
\isone. 

—  Vous  me  failes  frémir.  Mais  \ulre  rapport  e^t-il 
bien  positif,  vigdant  Garlier? 

—  Que  trop!  Je  vous  dirai  même  ipie  les  souscrip- 
tions pour  la  prétendue  l?an(|ue  du  l'eii|)le  doivent 
servir  à  payer  la  coiislructiou  du  bœuf  de  bois. 

—  0  mon  pays!  s'écria  M.  Barrol,  j'aurai  donc  pu 
te  sauver  une  fois  encore!  » 

G'est  à  la  suite  de  cet  entrelien  que  l'entrée  de  l*aris 
a  été  interdite  au  bœuf  gras.  Et  maintenant,  bour- 
geois naïfs,  qui  sonj'çonniez  les  intentions  de  M.  Bar- 
rol, demandez  pardon  à  cet  homme  d'État,  et 
félicitez-vous  d'avoir  un  gouvernement  (|ui  a  lu 
l'Enéide. 


238 


REVUE  COMIQUE 


ENCORE  LE  BCEUF  GRAS. 


RKVÉLATION   nu    SYSTEME    POLITIQVE    DE    M.     BARKOT    A    mOl'OS    PU    BOEIF    GRAS. 


Nous  le  (lisions  tout  à  Phoiire,  tout  le  niomlc  s'est 
demandé  avec  une  profonde  inquiétude  les  raisons  qui 
cvaient  privé  le  carnaval  de  sa  promenade  du  bœuf  gras. 
On  s'attendait  à  une  explication  du  ministère  sur  nue 
si  grave  innovation  ;  mais  le  Moniteur  s'est  lu  ;  la  Pa- 
trie n'a  pas  une  ligne  communiquée  sur  ce  sujet;  pas 
«ne  interpellation  n'est  descendue  de  la  tribune;  et 
M.  Faucher  est  resté  dans  son  majestueux  silence. 
Aussi  les  boulevards ,  pendant  les  trois  jours  gras, 
n'étaienl-ils  remplis  que  de  gens  qui  se  question- 
naient, s'interrogeaient,  se  disaient  mutuellement: 
«  Pouniuoi  n'ont-ils  pas  fait  de  bœuf  gras?  Y  aurait-il 
encore  là  dessous  de  la  politi(iue?  Est-ce  que  les  cornes 
dorées  du  moderne  Apis  recelaient  quelque  nouvelle 
conjuration?  Est-ce  que  les  mangeurs  de  veau  froid 
poussent  l'amour  de  ce  mets  socialiste  jusqu'à  conspirer 
contre  le  bœuf?  Est-ce  que  M.  Changarnier,  au  lieu  de 
profiler,  comme  tous  les  jeunes  gens,  deces  joyeux  jours 
]iour  aller  voir  un  bœuf  qui  est  certainement  moins  à 
la  mode  que  lui,  aurait  encore  couru  le  risque  de  se 
couvrir  de  gloire  en  exterminant  l'anarchie?  Est-ce  que 
le  char  qui  contenait  les  divinités  de  l'Olympe  aurait  pu 
être,  comme  lecbeval  de  Troie,  une  machine  de  guerre 
avec  laquelle  Proudhon-Ulysse  aurait  incendié  Paris? 
Est-ce  une  concession  nouvelle  de  M.  Falloux  au  clergé? 
Est-ce  que  les  pour-boires  donnés  aux  conducteurs  du 
bœuf  ont  paru  une  économie  réalisable  au  président, 
ministres,  préfet,  dont  les  traitements  sont  si  ré- 
duits?» 

Eh  bien!  non.  Rien  n'est  vrai  dans  toutes  ces  con- 


tf'^.LPl 


Au  célèbre  général  Bergamotte.  —  Buste  d'honneur 


jeclures,  malgré  les  renseignements  du  père  (larlier  ; 
le  gouvernement  voit  la  chose  de  plus  haut,  et  M.  Bar- 
rot  a  maintenu  sa  première  prohibition.  C'est  dans 
la  conduite  des  détails  ipie  se  reconnaissent  les  grands 
hommes,  et  nul  ne  pourra  dire  que  la  politique  de 
M.  Barrot,  à  l'endroit  du  bœuf  gras,  est  une  maigre  po- 
litique, uuepolitiquede  pot-au-feu,  une  politique  entre 
cuir  et  chair,  ainsi  que  tant  de  gens  de  mauvais  goût 
l'ont  prétendu.  En  effet,  le  ministère  qtie  les  factieux 
accusent  de  pensées  réactionnaires  et  d'intentions  mo- 
narchiques, a  voulu  tout  simplement  donner  une 
preuve  éclatante  de  ses  sentiments  républicains,  de  son 
intelligence  de  la  situation,  de  la  profondeur  et  de  la 
sévérité  de  ses  principes  démocratiques;  il  a  voulu  re- 
nouer la  chaîne  des  traditions  révolutionnaires  et  mon- 
trer que  1818  est  le  dernier  terme  de  1789;  c'est  une 
profession  de  foi,  c'est  un  manifeste,  c'est  tout  un  sys- 
tème politique  qui  se  révèle  à  propos  de  bœuf. 

Donc  le  gouvernement  trouve  les  folies  carnava- 
lesques indignes  d'un  peuple  libre.  Il  s'est  souvenu 
qu'après  la  révolution  de  1789,  les  Parisiens  avaient 
d'eux-mêmes,  sans  le  conseil  des  Berger  et  des  Rcbillot 
de  l'époque,  aboli  ces  cérémonies  de  l'ancien  régime, 
et  qu'elles  ne  furent  reprises  qu'en  1805,  c'est-à-dire 
quand  la  liberté  avaitété  ensevelie  par  la  gloire.  En  effet, 
M.  Faucher,  le  savantde  l'endroit,  aenlevé  les  suffrages 
de  tout  le  conseil  des  ministres  et  déterminé  si  résolu- 
tion en  lisant  celte  phrase  du  Journal  de  Prudhomme 
du  13  février  1790  {Révolutions  de  Paris,  n"  32)  : 

«  Nul  n'a  paru  penser  aux  mascarades,  aux  orgies, 
«  aux  folies  qui  avaient  lieu  à  pareil  jour,  les  années 
«  précédentes.  Il  n'y  a  point  eu  de  course  de  masques 
«  le  lundi  ni  le  mardi,  et  le  peuple  n'a  pas  paru  les  re- 
«  gretter.  Il  a  senti  toute  l'absurdité  de  cette  mon- 
«  strueuse  coutume,  et  il  faut  espérer,  pour  notre  hon- 
«  neur,  qu'elle  ne  se  reproduira  plus.  Ce  sera  encore 
«  un  des  fruits  de  la  révolution.  » 

Et  voilà  comment  le  Californien ,  le  bœuf  gras 
de  1849,  dépouillé  de  sa  royauté  parisienne,  s'est 
trouvé  réduit  à  promener  sa  majesté  exilée  dans  les 
rues  désertes  du  pompeux  Versailles,  sous  les  yeux  dé- 
daigneux des  douairières  de  l'endroit!  Quelle  chute! 
mais  aussi  quel  enseignement  philosoplii(|ue!  Le  bœuf 
jetai  ides  regards  mélancoliques  sur  la  ville  de  Louis  XIV; 
la  ville  dont  toutes  les  passions,  les  affections,  les  sou- 
venirs sont  au  delà  de  notre  frontière,  regardait  avec 
une  ijnrl'nile  indifférence  le  Californien.  Marins  et 
Cartilage  revenaient  naliuellement  à  la  pensée  ;  mais,  à 
la  différence  de  Cartilage  et  de  Marins,  ces  deux  grands 
débris  ne  se  consolaient  [las  du  t::ut  entre  eux. 

On  dit  ([ue  l'année  prochaine  les  déguisements  seront 
interdits,  y  compris  les  costumes  Lafayette. 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉRIEUX. 


239 


\  l'iîoi'os  i»im:  loi  thôp  F.woRAni.r,  ai  \  \i\i;is. 


On  se  plaint  tons  les  jouis  iliî  i'iiiimoraliU'  des  ic- 
IH-Liscnlauls  ilc  la  niontagno  cl  de  la  piufonde  peiver- 
silé  dos  ri'présenlaiils  du  soiialisino.  I.a  iiioiitague  et 
le  socialisme  vienneul  de  se  r.  liiliililer  gloiieusemenl. 
Berquin,  V Ami  des  enfants,  et  M.  de  lUiuilly,  le  célèlire 
auteur  des  Coiisals  à  ma  file,  ne  sont  plus  que  des 
éeoliers  dans  les  questions  do  nature  à  intéresser  la  fa- 
mille, si  on  les  compare  au  citoyen  Pierre  IjCroiiv. 

11  vient  d'être  décidé,  sur  sa  proposition,  (jne  tout 
homme  condamné  pour  s'ôlre  laissé  distinguer,  tran- 
chons le  mot,  adorer,  par  la  femme  de  son  prochain, 
perdrait  son  droit  d'éligihiiité. 

Nous  le  disons  tout  net,  et  nous  croyons  n'èlre 
pas  plus  que  l'Aseemblée  nationale,  les  ennemis  de  la 
morale  et  du  mariage,  cette  loi  est  ce  qu'on  peut  ap- 
peler une  bête  de  loi.  L'Assemblée  nationale,  en  la  vo- 
tant, s'est  conduit  comme  ces  grandes  sottes  qu'on 
nomme  des  prudes  parce  qu'elles  affectent  des  airs  de 
vertu  liors  de  toute  proportion  avec  leur  âge  et  leur 
expérience  bien  connue. 

Ce  pays-ci,  quoi  qu'on  di^c,  est  un  pays  moral,  sa 
moralité,  surtout  dans  les  questions  de  ce  genre,  n'a 
pus  besoin  de  s'appuyer  sur  la  loi.  L'opinion  publique 
sait  distinguer  mieux  que  la  loi,  qui  est,  qui  doit 
cire  brutale  et  qui  ne  juge  que  le  fuit,  ceux,  parmi  les 
délits  de  ce  genre,  qui  touchent  à  l'honnenr  de  l'homme 
qui  s'en  est  rendu  coupable. 

Cette  loi  est  contraire  à  l'esprit  de  la  France  depuis 
Montaigne  jusqu'à  >L  Thiers,  comme  le  serait  une  loi 
sur  le  duel.  Si  Molière  eût  été  représentant,  quel  que 
droit  qu'il  eût, ce  pauvre  homme,de  voter  pour  l'amen- 
dement du  citoyen  Pierre  Leroux,  croit-on  qu'il  l'eût 
aidé  de  son  vole? 

Nous  relevons,  dans  le  compte-rendu  de  la  Patrie, 
une  phrase  qui  nous  a  paru  naïve.  «  M.  Pierre  Leroux, 
dit  le  rédacteur  de  cet  honnête  article  (nous  ne  le  nom- 
merons pas),  M.  Pierre  Leroux  a  eu  pitié  de  nous.  » 
Que  pensent  de  la  candeur  de  cette  ligne  les  collabo- 
rateurs de  l'écrivain  dont  elle  émane?  L'accepleut-ils 
avec  toutes  les  conséquences  qu'elle  semble  indiquer? 
s'enrégimentenl-ils  avec  leur  confrère  sous  la  bannière 
de  ce  nous,  dont  il  semble,  par  une  erreur  de  plume, 
nous  aimons  à  le  penser,  invoquer  le  bénéfice. 

La  liste  des  noms  des  volants,  dans  cette  circonstance, 
serait  curieuse  à  consulter. 

«  Comment  ont  voté  MM.  Thiers,  Hugo,  de  Lamar- 
tine, de  Heckeren,  Avond?  se  disaient  les  dames  dans 
les  tribunes.  —  Et  MM.  A.,  /..,  C,  V.,  L,  etc.,  etc., 
sait-on  leur  vole? 

—  Tout  homme  ayant  une  faute  de  ce  genre  sur  la 
conscience,  faute  connue  ou  non,  s'il  a  voté  celte  loi, 
est  un  hypocrite,  disait  madame  de  C.  dans  la  tribune 
du  conseil  d'État.— Un  lâche,  ajoutait  madamede  V.  » 


A  ce  compte,  combien  y  a-t-il  d'hypocrites  à  l'Assem- 
blée  nationale? 

Mais  ceux  qui  ne  sont  jias  hypocrites,  ceux  qui  ont 
voté/>o/«-en  conscience,  que  sont-ils  donc,  s'ils  noiit  ma- 
riés? Voilà  ce  qui  nous  inquiète.  Et  s'ils  sont  garçons, 
i|uc  faut-il  penser  d'eux?  Que  île  paletots  ont  dû  être 
laissés  par  ces  messieurs  entre  les  mains  des  Pntiphar 
de  leur  province.  Heureux  les  tailleurs  de  ces  Jo.seph. 

Celle  loi,  je  voudrais  que  Rabelais  pût  me  dire  ce 
qu'il  en  pense.  —  N'est-ce  pas  une  ]u-ime  donnée  à  la 
publicité  des  délits  de  cette  nature?  Cela  ne  fait-il  pas 
de  l'adultère  nn  moyen  politique?  Dix  femmes  comme 
on  en  comptait  plus  de  vingt  dans  l'ancien  grand  monde 
politique,  ayant  pour  maris  des  Décius  décidés  à  tout 
soulfiir  pour  la  bonne  cause  ;  oui,  dix  femmes,  intré- 
pides, résolues,  prêtes  à  tout,  spirituelles  et  jolies,  siif- 
iiiaient,  à  l'aide  de  cette  loi,  à  désorganiser  tout  espèce 
de  parti  politique. 

«  Mais  il  n'y  a  donc  pas  un  homme  d'esprit  dans  celte 
Chambre  ;  il  ne  s'y  trouve  donc  que  des  pères  de  fa- 
mille malheureux,  »  s'écriait  mademoiselle  B,  en  regar- 
dant d'un  œil  plein  de  compassion  cette  vaste  enceinte 
où  abondent  les  crânes  dénudés. 

Beaumarchais,  où  es-tu? 

Vous  me  direz,  après  cela  qu'en  .Amérique  c'est  bien 
pis,  et  que  mieux  vaut  encore  priver  un  homme  du 
devoir  qu'ont  les  représentants  de  se  regarder  sans  rire 
six  heures  durant,  quand  ils  font  de  ces  belles  be- 
sognes, que  de  l'envoyer  scier  du  marbre  dans  les  car- 
rières, comme  cela  se  pratique  dans  les  États  de  l'Union. 


240 


REVUE  COMIQUE 


REJoiisSANCES  rATBloTlQUE-.  —  Système  Léon  Fauclu 


UN  MOT  SUR  M.   LE  COMTE  MORTIER. 


RI.  le  comte  Mortier,  qui,  i  l'occasion  de  son  procès  avec  sa 
femme,  «oulient  avec  tant  d'esprit  el  une  si  extraordinaire  lu- 
cidité, la  Inlle  désespérée  qu'il  a  engagée  contre  ses  adversai- 
res, et  qui,  dans  sa  défense,  a  trace,  des  hommes  el  des  clioscs 
qui  ont  passé  sous  ses  yeux,  de  si  curieux  portraits,  qu'on  est 
presque  forcé  de  les  croire  rcssemblanis,  était  chargé  d'afl'aircs 
à  Berlin,  en  1830,  quand  éclata  la  révolution  de  Juillet. 

On  sait  (jue  l'annonce  de  ce  grand  événement  mit  en  émoi 
loulesles  cours  européennes.  Il  n'y  avait  qu'une  coalition,  se- 
lon les  diplomates  du  temps,  qui  pût  écraser  la  lête  de  la  révo- 
lution qui  se  redressait  si  inopinément  au-dessus  des  troues 
européens.  Toutes  les  frontières  des  États  voisins  de  la  France, 
et  notamment  les  fiontières  prussiennes,  se  couvrirent  simul- 
tancmenl  de  troupes  prèles  à  entrer  en  campagne  contre  nous. 
Il  n'y  avait  donc  pas  une  minute  à  perdre  :  le  sort  de  la  France 
pouvait  dépendre  de  la  fermeté  de  son  attitude  dans  ce  mo- 
ment suprême.  M.  le  comlc  Mortier,  abandonné  à  ses  propres 
inspirations,  sans  instruclions  pour  un  cas  aussi  peu  prévu,  dut 
alors  prendre  conseil  de  lui-même  et  de  son  seul  patriolisme. 

Sur  son  ordre,  un  des  altachés  de  la  légation  de  Berlin  se 
déguisa  en  courrier  d'ambassade  et  quitta  la  ville  à  franc  élrier, 
comme  s'il  était  chargé  do  dépêches  pressées  pour  la  France; 


mais,  arrivé  à  di,\  lieues  de  cette  ville,  il  (|uilla,  conformément 
aux  instructions  secrète?  de  M.  Mortier,  son  déguisement,  prit 
une  chaise  de  poste,  et,  revenant  à  Berlin  au  galop,  y  (it  une 
entrée  bruyante.  Descendu  à  l'ambassade,  il  y  remit  à  M.  Mor- 
tier des  instructions  qui  semblaient  venir  de  France.  Ces  ins- 
tructions, très-nettes,  très- franches,  Irès-vigoureuses ,  furent 
lues  par  M.  le  comte  Mortier  au  ministre  des  affaires  étran- 
gères du  cabinet  prussien.  Elles  porlaienl  en  substance  que,  si 
la  Prusse  ne  rappelait  pas  sur-lc-cliamp  ses  troupes,  la  France 
ferait  entrer  immédialemenl  sur  le  territoire  allemand  une 
armée  de  cent  cinquante  mille  hommes;  elles  prolcstaienl,  par 
contie,  des  intentions  paciliqucs  du  gouvernement  fran(;ais 
pour  le  cas  où  les  troupes  prussiennes  se  retireraient.  Le  ca- 
binet prussien  délibéra,  et  le  résultat  de  la  délibération  fut 
qu'il  serait  obtempéré  au  désir  de  la  France. 

M.  Mortier  écrivit  alors  immédialement  au  gouvernement 
français.  «  Si  j'ai  eu  tort,  dit-il,  destituez-moi,  désavouez- 
moi  ;  il  n'y  aura  que  moi  de  compromis.  » 

Lo  cabinet  français,  loin  de  desliluer  M.  le  comte  Mortier, 
reconnaissant  l'immense  service  qu'il  .venait  de  rendre,  le 
nomma  presque  immédiatement  ambassadeur  ou  Espagne, 
pour   récompenser   sa  présence  d'esprit  et  sa  résolution. 


A   M.   LE  VICOMT 

Monsieur, 

Malgré  votre  horreur  pour  l'esprit  de  libre  cxaiuen,  vous 
n'êtes  pas,  je  suppose,  dans  la  situation  du  Président  de  la 
République,  à  qui  ses  ministres  ont  interdit  la  lecture  des 
journaux  de  l'opposition. 

Peut-être  même  lisez-vous  le  Nalional.  En  tout  eus,  il  est 
bon  que  l'on  vous  informe  d'un  article  qui  a  paru  dans  ce 
journal,  et  dont  l'cflet  a  été  très -grand.  C'est,  à  [iroprement 
parler,  un  scandale  dont  vous  faites  les  frais. 

Vous  souvient-il,  Monsieur,  d'avoir  publié  VHisloire  de 
Pie  V  et  l'Histoire  de  Loitis  XVI,  deux  livres  un  peu  trop 
compromettants  pour  un  ministre  de  la  République?  Dans  le 
premier,  vous  exaltez  l'inquisition;  dans  le  second,  vous  faites 
le  procès  à  la  Révolution  française,  ou  plutôt  vous  la  tra  lez 
en  véritabe  inquisiteur  du  i)on  temps.  Le  National  a  pris  la 
peine  de  publier  deux  colonnes  de  citations  extraites  do  ces 


E  DE  FALLOUX. 

doux  ouvrages,  et  ces  citations  vous  placent  dans  une  situa- 
tion quelque  peu  difficile,  il  faut  l'avcuier. 

Il  ressort  de  vos  livres,  sur  lesquels  l'attention  a  êlé  appelée 
par  le  National,  que  vous  êtes  un  des  plus  méritants  élèves 
de  l'école  philosophique  et  politique  du  comte  de  Maistre. 
L'exercice  de  la  raison  humaine  vus  send)le  une  monslruo- 
sité  ;  la  Révolution  française  est  l'uruvrc  du  diable;  tous  les 
hommes  qui  ont  joué  un  rôle  dans  celle  magnifique  épopée 
sont  des  misérables  dignes  de  figurer  dans  un  auto-da-fé  ;  le 
dernier  terme  de  la  civilisation,  c'est  le  pouvoir  absolu  et  la 
monarchie  du  droit  divin. 

C'est  là  ce  que  vous  avci  écrit  il  y  a  trois  ans. 

Maintenant  on  peut  vous  adresser  les  questions  suivanles  : 

Qu'est-ce  que  la  révolution  de  Février,  sinon  la  conséquence 
de  la  première  révolution  de  89?  Haïssant  l'une,  ainsi   que 


A  L'USAGE  DES  GENS  SÉIUEUX. 


241 


vous  1  iivei  cléclaié  dans  l'Histoire  de  Louis  XVI,  vous  dcvri 
«voir  l'autre  en  liorr. iir.  l'ouiquoi  diine  nvei-vous  ncceplé  le 
niaiulul  niiiiislirii!  iiiiillc  vous  a  cniilu? 

Connu,,  niinisln-,  vous  avci   pris  reug.ip.nionl  de  servir  et 

de    défendre     une     llé|.ul>li(|ue    <|iie    vous    détesIcA     eo ic 

lioninie.  L'amhrlion  du  pouvoir  vous  a  donc  fuit  contracter  un 
enpa);enienl  contraire  à  voire  conscience? 

Direz-vous  qu'en  acceptant  un  portefeuille  sous  la  Hépu- 
liliipie,  vous  n'en  êtes  pas  moins  icsié  lidele  à  vos  anciennes 
opinions?  En  ce  cas,  je  vous  répondrai  avec  l'Évanyile 
qu'on  ne  peut  pas  servir  deux  maîtres  à  la  fois.  Ou  vous  re- 
nierei  l'esprit  cpii  a  inspiré  vos  livn-s,  ou  vous  trahirez  la  Hé- 
pul>li(|ue. 


Nous  donnons  ici  ipu'lques  citalicuis  des  deux  livres  de 
M.  de  Falloux  : 

Jugement  de  M.  de  Faltunx  sur  lu  dvilisiilion  moderne. 
—  "  Le  monde  a  reculé  (depuis  la  suppression  de  l'inquisi- 
«  lion);  il  est  descendu  graduellement  de  splière  en  sphère 
«  pour  venir  ahoutir  aux  abîmes  du  dernier  siècle.  » 

L'inquisition  jusii/iee.  —  u  La  toléianee  n'était  pas  connue 
«  des  siècles  de  foi,  et  le  sentiment  que  ce  mot  nouveau  lo- 
«  pnîsenle  ne  peut  être  raii;;é  parmi  les  vertus  que  dans  un 
«  siècle  de  doute...  .autrefois,  il  y  avait,  en  immolant  l'Iiomnie 
»  endurci  dans  son  erreur,  toute  chance  pour  que  cette  erreur 
«  périt  avec  lui,  et  que  les  peuples  demeurassent  dans  la  paix 

«  de  l'ortiiodoxic.  »  «  Le  sang  répandu  ne   l'était  qu'a- 

«  vec  la  plus  vigilante  sollicitude  pour  r.'iuie  du  coupahie, 
«  i|uc  l'Eglise  s'efforçait  jusqu'au  bout  d'éclairer  et  de  re- 
o  conquérir.  » 

Opinion  de  }f.  de  Falluux  sur  l'abominable  Philippe  //, 
meurtrier  de  son  Y>r()pre  fils.  —  «  Les  haines  qui  le  poursui- 
«  vent...  n'étaient  et  ne  sont  encore  aujourd'hui  que  les  re- 
«  présailles  du  fanatisme  anti  religieux.  Il  baisait  la  jnain  du 
»  prêtre  qui  venait  de  lui  dire  la  messe!  Il  n'épargnait  ni 
«  soins  ni  dépenses  pour  recueillir  ces  reliques  foulées  aux 
«  pieds  et  pour  transporter  en  Espagne  ces  trésors  de  la  foi.» 

Voltaire  et  son  école  philosophique  Jugés  par  M.  de  Fal- 
loux. —  «  Que  représentait  donc  Voltaire'.'  Quel  piinci|)e  li- 
«  béral  et  généreux  la  société  venait-elle  saluer  dans  le 
«  chantre  infâme  de  la  Pucelle,  adulateur  de  madame  de 
n  Pompadour.  de  Frédéric  et  de  Catherine?  Hélas!  il  faut 
«  bien  reconnaître  l'esprit  de  vertige  et  d'erreur  qui  signale 
«  aussi  le  règne  des  peuples.  C'en  est  fait!  Volt:;ire  peut 
«  disparaître  maintenant  :  on  ne  croit  plus  à  rien  :  la  moquerie 
(I   universelle    viinl    d'être    couronnée    sous    son    masiiue.  » 


Il  est  moralement  impossible  iiur  v.,ii,  i,  stiei  dans  celle 
position  ambiguë,  et  il  n'y  a  (|ue  deux  manières  d'en  sortir  : 

Désavouer  ces   deux  livres  signés  de  votre  nom,  les  dé.>.3- 

vouer  oflicielh ni,  pleinenniit,  depuis  le  premier  mot  jus- 

ipi'au  dernier;  —  ou  bien  donner  votre  démisHon  et  c|uiller 
le  pouvoir.  Conune  homme  privé,  vos  opinions  vous  appar- 
tiennent sans  que  personne  ait  le  droit  de  vous  en  demander 
compte;  comme  ministre  républicain,  vous  en  devez  compte 
au  pays.  Pas    de  trahison,  c'est  le  cri    de    l<uis    le»   honnêtes 


On   vous  dit 
drez-vous? 

La  llépobliijue  atl.iol  votre  réponse. 


nèle  homme,  monsieur;  quel   parti  prcn- 


"  Tous  les    vieux  cultes   de    la  France  avaient   eu  leurs 

«  blasphémateurs,  l'avéuemcnt  des  impies  était  proche.  » 

La  théorie  monarchique  du  droit  divin  jugée  par  .M.  de 
Falluux.  —  «  On  rangeait  le  sacre  parmi  les  traditions  de  la 
i(  servitude.  Mais  que  faisait-on  en  proposant  à  Louis  XVI  la 
(1  saïution  piqiulaire  au  lieu  de  la  consécration  religieuse? 
"  .N'etait-te  pas  llalter  le  principe  aux  dépens  de  la  rovaulc, 
Il  et  mettre  un  arridenl  lœureux  à  la  place  d'une  institution 
(I  iumiu.ible?  » 

Opinion  de  M.  de  Falloux  sur  les  privilèges  de  la  noblesse. 
—  (I  La  noblesse  alléguait  en  outre  de  glorieuses  raisons  pour 
Il  justifier  .ses  privilèges.  Nous  ne  recevons,  murmurait-on 
«  dans  ses  rangs,  que  le  prix  légitime  de  no'.rc  sang  versé  à 
"  Ilots  pour  ragramlisscment  et  l'unité  du  royaume.  Nous 
«  avons  abandonné  sans  partage  les  carrières  et  les  professions 
«  lucratives  à  la  classe  qui  se  plaint  aujourd'hui.  N'esl-il  pas 
Il  naturel  que  les  besoins  pécuniaires  de  l'Étal  pèsent  sur  les 
«  fortunes  acquises  à  l'abri  de  nos  armes?...  » 

L'inviolabilité  des  assemblées  représentatives  condamnée 
par  M-  de  Falluux.  —  «  L'Assemblée  se  déclare  inviolable, 
n  A  partir  de  ce  jour...,  c'en  est  fait  des  modifications  mudé- 
«  rées,  des  améliorations  progressives.  La  royauté  vient  d'ou- 
«  vrir  ses  mains  généreuses;  la  révolution  rejette  la  paix  et 
«  Mirabeau  montre  le  poing.  Les  députés  décrètent  à  la  fois 
«  leur  omnipotence  et  leur  iuviolabililé,  déchirent  leurs  man- 
«  dais  et  plantent  fièrenniil  l'étendard  de  leur  usurpation. 
«  Cette  usurpation,  transmise  de  main  en  main,  d'assemblée 
«  en  assemblée,  comme  le  talisman  de  la  révolution,  ne  s'ar- 
«  rètera  plus  que  par  l'épuisement  de  ses  propres  excès.  » 

Notre  cadre  trop  resireint  nous  empêche  de  pousser  plus 
loin  les  citations.  Il  faut  lire  les  deux  ouvrages  de  .M.  de  Fal- 
loux; il  faudrait  les  citi'r  en  entier. 


GHÔSES  QUELCONQUES. 


Nous  trouvons  plaisant  que  dans  un  temps  comme 
le  nôtre  il  y  ait  un  parti  qui  ose  jeter  comme  un  re- 
proche et  une  injure  à  la  face  de  l'autre,  qu'il  ait  cons- 
piré.—  Qu'était  Louis- Philippe  duc  d'Orléans?  — 
Un  conspiiatenr.  —  Qui  l'a  porté  au  Iione? —  l'wn 
conspiration.  —  Que  sont  les  légitimistes?  qu'étaient- 
ils  sous  Napoléon,  en  1815?  qu'élaient-ils  sous  Louis- 
Philippe?  —  Des  conspirateurs  et  des  conspirateurs  de 
la  pire  espèce  de  ceux  que  l'étranger  ramène.  —  Que 
sont  enlin  les  bonapartistes? —  Encore  des  conspira- 
teurs. Si  Jonc  les  républicains  ont  été  à  leur  tonr  des 


conspirateurs,  qui,   parmi  tous  ces  bcaux-fiis,  pour- 
rait leur  jeter  la  première  pierre? 

—  Celte  république  qu'ils  n'aiment  pas,  elle  les  a 
rendus  possibles,  elle  les  a  faits  ce  qu'ils  sont.  —  Où 
serait  M.  Falloux,  M.  Faucher,  M.  Buffet,  sans  la  Ré- 
publique? Quel  roi  eût  été  chercher  ])armi  eux  des 
ministres? —  Si  c'est  là  le  tort  qu'a  la  République  à 
leurs  yeux,  nous  sommes  d'accord  avec  eux. 

—  La  future  législation  n'inquiète  pas  seulement 
les  républicains,  elle  inquiète  jusqu'aux  chefs  du  parti 


rdaclionnaire.  -  A  q-.elle  place  siégercz-vous,  disail- 
on  à  M.  Thiois-;  -  Mu  loi,  lopoiidil-il.  si  cela  conti- 
nue, à  la  Montagne. 

_  Ce  mot  trouverait  sou  explication  dans  le  fait 

suivant  : 

Plusieurs  candidatures  ont  été  oflertes  à  M.  C.uizot, 
celle  du  C.ard  notamment  pour  les  prochaines  élec- 
tions. ISous  dirons  tout  net  que  nous  ne  voyons  aucun 
inconvénient  à  ce  que  M.  Guizot  fasse  partie  de  la  Lé- 
gislative ,  quand  M.M.  Tliicrs,  Mole  et  Barrol  font 
partie  de  la  Constituante.  Mais  ce  qui  est  bon  à  re- 
marquer, c'est  que  cette  candidature  a  pour  ennemis 
acharnés,  d'une  part,  le  vieu-v  M.  Mole  avec  ses  jalou- 
sies éternelles,  de  l'autre  M.  Thiers,  moins  vieux,  mais 
non  moins  jaloux.  Nous  espérons  que  la  présence  de 
M.  Guizot  dans  la  Chambre ,  remettrait  le  parti  con- 
servateur dans  sa  véritable  voie,  et  que  M.  Thiers 
apparaîtrait  bientôt  à  tous,  ce  qu'il  est  :  un  brouillon, 
un  révolutionnaire  en  arrière,  c'est-à-dire  un  révo- 
lutionnaire de  la  pire  esiièce. 

Ennemi  pour  ennemi,  nous  préférons  M.  Guizot  : 
c'est  un  ennemi  plus  sérieux. 

_  Le  président  fait  de  son  mieux  pour  remplir 
convenablement  les  hautes  fonctions  auxquelles  il  a 
été  appelé.  U  monte  à  cheval  tous  les  jours,  et  se 
montre  toutes  les  fois  qu'il  le  peut,  aux  parisiens,  dans 
son  costume  de  général  en  chef  de  la  garde  nationale 
de  Paris.  —  On  trouve  que  ce  costume  est  celui  qui 
lui  sied  le  mieux.  —  On  avait  pensé  à  ajouter  à  son 
chapeau  un  beau  plumet  retombant  gracieusement 
sur  ta  gauche,  il  estregrettable  qu'on  ait  reculé  devant 
une  aussi  heureuse  idée. 

—  Cambacérès,  prince  de  l'Empire,  se  promenait 
toujours  seul  et  à  pied.  Comme  on  lui  représentait 
qu'il  s'exposait  à  quelque  avanie  :  «  Laissez,  laissez, 
répondait-il;  le  peuple  aime  à  voir  de  près  ses  princes.» 

—  La  Patrie,  journal  ofliciel,  ment  officieusement, 
quand  elle  n'a  rien  à  faire  pour  le  compte  du  gouver- 
nement. Elle  avait  jugé  à  propos  d  inventer  que  le  gé- 
néral Cavaignac  assistait  au  dernier  bal  du  président 
de  la  République. 

_  Un  mauvais  plaisant  se  présenta  dernièrement 
chez  le  concierge  de  M.  Véron,  et  y  déposa  une  carte 
ornée  d'une  corne.  «  Vous  direz  ,  dit-il  au  con- 
cierge, vous  direz  à  M.  Véron  que  je  suis  venu  moi- 
mcine  apporter  cette  carte,  et  que  je  regrette  de  n'a- 
voir point  eu  l'honneur  de  le  rencontrer. 

C'était  la  carte  du  général  Cavaignac.  Il  faut  être 
juste:  M.  Véron  eut  un  instant  d'étonnement  en  ap- 
prenant l'honneur  qui  venait  de  lui  être  fait;  mais  le 
sentinient  de  son  importance  reprenant  bientôt  le  des- 
sus; «  Au  fait,  dit-il  en  se  rengorgeant,   Merruault, 


sur  mon  ordre,  avait  dit  quelques  mots  agréables  du 
général  dans  un  des  derniers  numéros  du  Constitu- 
tionnel, ce  n'est  que  justice  que  le  général  m'en  ait 
témoigné  sa  gratitude. 

Pendant  vingt-quatre  heures,  M.  Véron  parla  fort 
doucement  du  général  Cavaignac. 

Un  journal  légitimiste  assurait  que  Louis-Napo- 
léon devait  donner  son  bal  le  lô,  mais  qu'il  avait  jugé 
à  propos  de  le  retarder,  parce  que  le  13  février  est 
l'anniversaire  de  la  mort  du  duc  de  Berry. 

—  Nous  ne  comprenons  pas  que  les  véritables  ca- 
tholiques puissent  désirer  que  le  pape  soit  rétabli  dans 
son  pouvoir  temporel  à  Home.  Le  souverain  temporel 
fera  toujours  tort  au  chef  spirituel  de  l'Église.  Séparer 
ces  deux  éléments  contradictoires,  était  un  véritable 
bénéfice  pour  la  religion  catholique  et  pour  la  papauté. 
La  politique  française  se  fourvoyé  donc  dans  cette  cir- 
C(mstance  et  se  sépare,  sur  ce  point,  il  est  bon  de  le 
dire,  de  la  politique  suivie  par  le  gouvernement  du 
général  Cavaignac. 

—  Au  dernier  concert  du  Conservatoire,  un  des  plus 
beaux  et  des  plus  complets  de  la  saison,  après  l'exécu- 
tion d'un  passage  admirable  de  la  Vestale,  l'auteur  de 
cette  magnifique  musique,  M.  Spontini,  présent  dans 
la  salle,  a  été  l'ohjet  d'une  véritable  ovation. 

L'ex-loge  des  princes  est  toujours  vide  ;  est-ce  qu'on 
ne  peut  donc  pas  aller  à  cheval  au  Conservatoire? 

—  On  ne  devrait  plus  dire  :  jaloux  comme  un  tigre, 
mais  jaloux  comme  un  vieux  général.  M.  Lebreton  ne 
peut  pas  pardonner  au  général  Lamoriciôre  d'être  plus 
jeune  que  lui,  et  cependant  plus  avancé  dans  sa  car- 
rière ;  le  général  Changarnier  ne  pardonne  jias  au  gé- 
néral Cavaignac,  qui  a  servi  sous  lui  en  Afrique,  de  s'ê- 
tre trouvé,  depuis  la  Révolution,  en  situation  de  lui 
donner  le  commandement  de  lagarde  nationale  de  Paris. 

—  Un  brave  homme,  électeur  de  M.  Thiers,  se  pré- 
sente naïvement  à  lui.  «  Monsieur,  lui  dit-il,  je  vou- 
drais avoir  de  vous  la  promesse  que  vous  m'appuie- 
rez quand  la  législative  sera  réunie  pour  une  pétition 
que  j'auiai  à  lui  adresser  aux  termes  de  la  Consti- 
tution. » 

M.  Thiers  n'avait  jamais  vu  son  interlocuteur.  Avec 
son  tact  ordinaire,  il  lui  répond  cependant  :  «  La 
Constitution,  la  Constitution,  c'est  un  chiffon  de  pa- 
pier. Ne  me  parlez  de  rien  au  nom  de  la  Constitution.» 

Que  M.  Thiers  veuille  bien  se  rappeler  ces  paroles 
le  jour  où  il  lui  arrivera,  ce  qui  ne  peut  manquer, 
de  s'appuyer  sur  cette  Constitution  et  de  s'abriter 
derrière  ce  chiffon  de  papier,  la  seule  garantie  que 
le  pays  ait  contre  des  gens  de  sa  sorte,  et  que  des  gens 
de  sa  sorte  puissent  en  revanche  invoquer  un  jour  de- 
vant le  pays  lui-même. 


1         ""  "" 

-      -    .     -                             

'21  FKVRIRR. 

L'ii  an  (U'j  1  nous  scpare  de  1  erc 

Dès  qu'ils  n'ont  plus  «cnli  trembler  la  terre,        i 

Qui  sur  le  trdnc  assit  l'Égalité. 

Ciu'il»  n'oot  plus  vu  les  laves  ondoyer. 

Tous,  exaltant  la  vertu  popula-re. 

II»  ont  rampé  jusqu'au  bord  du  cratère. 

Criaient  alors  :  •  V  bas  la  royauté  !  i> 

Comme  ils  sont  loin,  les  jours  de  Février  ! 

Dans  notre  ciel,  de  la  démocratie 

Les  rayons  purs  conrimeDçaient  à  briller. 

Lei  champions  des  gothiques  idées                       | 

Bient't,  hélas  1  l'aube  Tut  obscurcie: 

Pour  les  vieux  rois  tr  ivailknt  sourdement. 

Comme  ilssontloin,  les  jours  deFérrirr! 

Des  Uberiét,  par  Kurs  coupi  lézardées. 

Le  vain  rempa't  s'écroule  à  lojt  moment 

•  Gloire!  disait  la  foule  frémissante. 

Maître  Barrot,  fougueux  retardataire. 

Les  préjugéi  n'ont  plusde  lendemain; 

S'accroche  au  char  et  cherche  à  l'enrayer;            1 

Dupeujlc-roi  laman  toute-puissante 

Vers  le  passé  m-irche  le  minis'èrc  :                       1 

Aux  nations  ouvre  un  lar^c  cbemio. 

Comme  ils  sont  loin,  les  jours  de  Fév-ierl            ; 

Dans  la  mans^arde  éveillant  l'espérance. 

Séchons  enfin  Us  pl-urs  de  l'ouvrier: 

On  voudrait  bien  effacer  tout  vestige 

Par  un  décret  supprimons  la  soufFrance.  • 

De  ce  comhal  fatal  aux  rois  pervers; 

Comme  Us  sont  loin,  les  jours  de  Février  I 

Mais,  comme  un  arbre  à  l'immortelle  tige, 

L^l  Républiq-Je  cend  ses  rameaux  verts. 

Quand  du  volcan  étïnce'aîent  les  flamme^j 

Rappelons-nous  avec  reconnaissance 

Où  fuyaient-ils,  les  Tbiers  et  le-  Vérons! 

Nos  frères  morts,  que  l'on  semble  oublier; 

Quelle  terreur  avait  glacé  les  âmes 

Et  des  partis  méprisant  l'impuissance, 

Des  courtisans,  jadis  si  fanfarons! 

Fêtons,  amis,  les  jours  de  Février. 

E.  B. 

SOUVENIRS  E 

>E  FÉVRIER. 

AIR  :  TeR  1 

«uvi,ns-,u, 

Ami,  c'est  moi,  ton  compagnon  de  gloirs. 

Paris,  le  soir,  éclatant  de  lumière. 

En  Février  noosncus  rimes  jadis; 

Fêtait  sa  gloire  et  son  peuple  vainqueur  ; 

Te  souTiens-tu  de  ce  jour  de  victoire 

Foyer  brû  ant  dont  la  France  était  fière  ! 

Que  nous  fêtions  ensemble  dans  Paris  ! 

Sbn  sem  a'orsfaatuit  tout  d'un  ?eil  cœur. 

Chacun  alors  chantait  nntre  1  uange. 

Et  tout  Français,  heureux  par  la  victoire, 

Chacun  alors  chantait  notre  vertu  ; 

S*U  fut  Irnp  loin  pour  avoir  combattJ, 

La  royauté  trébuchait  dans  la  fange. 

Fier  de  son  nom,  prenait  sa  part  de  gloire  ; 

De  Février,  ami,  te  souviens-luî 

De  Février,  ami,  te  souviens-tu  ! 

Te  souviens-tu  de  ces  chants  héroïques 

Un  jour,  am',  de  no'.re  République 

Que  dans  Paris  nous  répétions  en  chœurs! 

L'astre  radieux  semble  s'être  voilé  ;                       i 

Par  ses  vieux  a  rs,  la  vieille  République 

C'est  que  d'un  nom  le  prestige  magique                j 

Pour  la  nouvelle  échauffait  tous  les  cœurs. 

Pour  un  in-ta't  a  le  peuple  aveuglé;                     ' 

Le  peup'e  alors,  sous  son  pis  énergique 

Mais  l'ombre  cesse  et  le  peup'e  regarJe 

Foulant  le  trône  à  ses  pied-  abattu. 

Où  le  conduit  un  sentier  trop  battu.... 

D'un  mâle  accent  criait  ■  la  République  ! 

—  Toi  qu'il  a  mis  à  sa  tête  prends  garde  ! 

De  Février,  ami,  te  souviens-tu  t 

D;  Février,  ami,  te  souviens  tu!                            , 

Fraternité,  mot  oubl  é  du  monde, 

S-,  de  nos  droits  les  gardiens  infidèles                   1 

Ton  nom  sortait  de  tous  nos  cœurs  joyeux. 

Laissaient  violer  ce  dépôt  précie:ix. 

La  Liberté,  l'Égalilé  féconde 

Élus  du  peuple,  à  son  poivoir  rebetl-s, 

A  les  côtés  rayonnaient  dans  nos  cieux. 

S'iU  gouvernaient  non  pour  lui,  mais  pour  eux; 

11  n'était  plus  ni  douleurs,  ni  misères. 

Sur  les  débris  de  no'^re  République 

Et  le  p'us  pauvre  était  le  mieux  venu  : 

S'ils  élevaient  un  pouvoir  ab  oïu. 

Un  peuple  libre  est  un  peuple  de  frères  1 

Nous  crierions  tous  à  ce  peup'e  hérol-ine  : 

De  Février,  ami,  te  souviens-tu  î 

D^  Fé/rier,  peuple,  te  souviens  lu  * 

V    n 

^B 


Coslunie  monacal,  œil  vitreux,  Uiiil  lilafaici. 

Sourire  liéal  peint  sur  un  masque  de  plaire, 

Du  pair  MoniaUmbcrt  tel  est  raspecl  cafard. 

On  dit  qu'au  fond  il  est  d'humeur  assez  folàlre. 

Il  déteste  Volt.iire,  il  liait  quairevinyl-neuf, 

El  si  jamais  tu  suis  les  conseils,  noble  France, 

De  ce  (ils  des  croises  sorti  de  Vœil-debœuf, 

Tes  jours  ne  seront  pins  (|ue  des  jours  Je  souffrance. 


Dessiné  par  Fabritzics. 


Gravé  par  Baulant. 


nom.    VAIII)    ttV.H   ITAI.IRNA. 


30  eeiitliiit'iii  la  IKi'uIhoii. 


m  p.  nicnp.i  ip.ir,  '.ri. 


IM,\M:\'UH;.\,l,t.,. 


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Œil 

s  de  la  SonsorJ|>lîon.  —  Lii  Revue  comioie  fornifra  un  mAi;nirH(ne  volume,  snnd  in-8,  pulilic  en  50  livraisons  à  ÔO  ceiilinies, 
le,  iO  cent.  On  sousi  rit  pour  10  livraisons.  Pour  les  iléparlenients,  envoyer  un    niiindit  sur  la  poste  à  l'ordre  du  directeur    de    k 
Ievie.  —  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédactioa,  écrire   (franco)  à  M.  LinEix,  au  bureau  de  la  Revue,  '2,  boulevard  des  Italiens. 

DUMIMXaA'X'.  ÉDITEUR,  RU£  KICH£I.I£Ç,  52.  1  T*"    Liviainon. 


4kTIS   AVX  JOVRIVACX   DE   PARIS   ET   DES   DÉPiiRTEiYlEKTS. 

Nous  autorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Ih'vue  comique,  à  la  condition  : 
■1"  De  citer  la  lievue  en  lui  empruntant  ses  articles; 
2°  De  limiter,  par  chaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  chaiine  numéro. 


AVIS 

AirX  SOUSCRIPTEURS  DE  I.A  REVUE  COMIQUE. 

Pour  répondre  au  tlésir  exprimé  pnr  un  graud  nombre  de  souscripteurs,  (pii  liouvaient 
fôclieux  que,  pour  ne  pas  déeompléter  la  collection  des  dessins  parus  jusqu'à  ce  jour,  ils  pussent 
être  dans  l'obligation  de  luire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  fîiçon 
unilbrnie  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessin  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  comj)let,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  celle  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  celte  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  el  l'avanl-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 


SOMMAIP.i:  [)E  LA  DIXSEPTIÈML  LIVRAISON. 


TEXTE 


Leroux. 


La  Semaine.  —  Confession  dn  Conslitntionnel.  —  M.  Morlier  et  M.  DanJré.  —  Les  Prûcaulions  de  M.   Pierre  Le 

Saint  Falloux.  —  Comme  quoi  le  Président  de  la  République  est  une   Mine  de  Calil'ojjile.  —  Quelques  Mots  ;i  propos  du 
dernier  Livre  de  M.  de  Lamartine  :  Raphaël.  —  Choses  quelconques. 


DIFFERENTS    POINTS    DÉ   VUE    SOUS    LESQUELS    0>-    VOIT    M.    P.    J.    PROODHON. 

Au  point  de  vue  des  gens  qui  ont  quelque  chose — Des  gens  qui  n'ont  rien.  —  Du  premitt  passant  venu.  —  Des  vaulevillisles  et  autres  fanlaisi^tes. 
—  D'un  antagoniste.  —  Des  acrob.-îtes.  —  De  bien  des  gens.  —  Dj  la  portière,  70,  rue  Maxariae. 
Série  de  Luit  dessins  par  Bebtall,  gravés  pur  MM.  Jaliot,  Baulant,  Midderigli  et  Leblanc. 


LA    VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVEE    DE    .«OSSIEU    REAC. 

Inlrnihiclion.  —  Comme  quoi  mossieu  Réao  a  toujours  er-s'é.  —  Chap'irc  fr.  -  Naisfanee  e!  pw^rililés 

Feuilleton  au  trayon  par  Nadaru,  gravé  par  Baulanl,  Jaliol,  f)iolol  el  Gaufliard. 

Ce  premier  numéro  contient  vinçt-quatre  gravures.  —  La  suite  paraitra  dans  les  procliains  numéros. 


Dessiiulciiri.  Graveurs. 

Ta.  de  r.'jouissancc B„l„l,_        ca.ilant. 

Réveil  de  Pi,Trc  Leroux -. „,,(„„,       Midde.ijh. 

Dnvergier  de  Huurannc , N.-dard.      Baulant. 


Avis.  —  Nous  apprenons  que  des  courtiers  d'abonnement  se  sont  pré.<eiitcs  chez  plusieurs  représentants  en 
se  disant  envoyés  par  M.  Lircux,  el  même  en  exhibant  de  prétendues  lettres  signées  de  lui. 

Nous  désavouons  formellement,  au  nom  de  M.  Lireux  et  au  nom  des  administrateurs  de  notre  publication, 
l'indigne  abus  qui  a  été  fait  et  qui  pourrait  être  f:iit  du  nom  de  M.  Lireiix. 


liques  i]c  LicKAMPB  M.,  et  fomp., 


LA   SEMAINE. 


Nous  avons  célébré  le  premier  anniversaire  de  la 
révolution  de  Février  d'une  façon  un  peu  triste,  mais 
enlin  nous  l'avons  célébré.  Pour  bien  des  gens,  cette  cé- 
lébration faisait  question.  MM.  Odilon  Barrot  et  Léon 
Faucher  se  sont  cependant  décidés  à  prier  pour  la  Ré- 
publique. Sachons-leur  gré  de  cette  concession. 

Les  choses  se  sont,  du  reste,  passées  fort  convena- 
blement entre  deux  haies  de  troupes.  On  avait  seule- 
ment oublié  d'inviter  le  corps  diplomatique  à  la  céré- 
monie de  la  Madeleine.  En  tout,  excepté  en  politique, 
le  ministère  actuel  pourrait  s'appeler  le  minis/ère  de 
l'oubli.  Il  oublie  d'inviter  une  partie  du  bureau  de 
l'Assemblée  nationale  au  bal  du  président  ;  il  oublie 
de  faire  parvenir  au  corps  diplomatique  des  lettres 
d'invitation  pour  l'anniversaire  du  24  février;  l'autre 
jour,  le  ministre  de  la  guerre,  M.  Hhuillères,  oublie 
de  se  rendre  à  la  séance  de  r.\ssemblée  le  jour  oii  l'on 
discute  l'admission  des  officiers  aux  fonctions  repré- 
sentatives. Du  reste,  cet  excellent  M.  Barrot  et  ces  bons 
MM.  de  Falloux  et  Léon  Faucher  que  n'ont-ils  pas 
oublié? 

Les  républicains  de  toutes  les  nuances  ont  fêté  l'an- 
niversaire du  24  février  par  des  banquets.  Aucune 
manifestation  publique  n'a  eu  lieu.  Les  journaux  or- 
ganes des  diverses  fractions  du  parti  démocratique 
avaient  engagé  les  bons  citoyens  à  s'abstenir.  On  s'est 
contenté  de  porter  à  la  colonne  de  la  Bastille  des  cou- 
ronnes d'immortelles. 

L'année  dernière,  à  peu  près  à  pareille  époque,  je 
rencontrai  sur  le  boulevard  un  journaliste  de  ma  con- 
naissance ,  pensionné  de  M.  de  Salvandy,  chevalier  de 
la  Légion  d'honneur  par  la  grâce  de  \\.  Duchâtel,  ami 
des  princes,  cité  pour  la  vivacité  de  son  dévouement  à 
la  dynastie  d'Orléans. 


«  Il  faut  en  convenir,  me  dit-il,  je  me  suis  trompé; 
je  reconnais  franchement  mon  erreur. 

—  Laquelle? 

—  La  Ilépublique  était  possible  en  France.  Ce  qui 
se  passe  sous  nos  yeux  le  prouve  parfaitement. 
Je  m'abusais  également  sur  les  républicains.  Point 
de  représailles ,  la  confiance  et  la  modération  par- 
tout. Le  peuple  de  Paris  a  été  vraiment  admira- 
ble ;  je  me  rallie  décidément  à  des  institutions  qui 
produisent  de  tels  caractères.  D'ailleurs,  à  quelle  bran- 
che nous  raccrocher  désormais?  Il  n'y  a  que  la  Répu- 
blique qui  puisse  nous  sauver.  Je  vais  porter  mon 
adhésion  à  l'hôtel-de-ville.  o 

Je  me  trouvai  samedi  dernier  face  à  face  avec  le 
même  individu. 

«  Où  allez-vous,  me  donianda-t-il  en  m'abordant 
sur  le  boulevard. 

—  A  la  cérémonie  funèbre,  lui  réponJis-je,  pour 
les  victimes  de  Février. 

—  Vous  êtes  donc  incorrigible? 

—  Comment,  incorrigible? 

—  Je  veux  dire  républicain. 

—  Vous  ne  l'êtes  donc  plus? 

—  Moi,  républicain!  Est-ce  que  je  l'ai  jamais  été? 
Fi  donc!  La  République  n'est  bonne  qu'aux  États- 
Unis,  elle  ne  saurait  convenir  à  un  grand  pays  comme 
la  France;  voyez  plutôt  :  partout  la  méliance,  le  dés- 
ordre. Il  n'y  a  qu'un  retour  à  la  monarchie  qui  puisse 
nous  sauver. 

—  Vous  ne  pensiez  pas  ainsi  il  y  a  un  an. 

—  Voudriez-vous  me  faire  passer  pour  un  républi- 
cain de  la  veille?  moi  le  bouc  émissaire  de  toutes  les 
iniquités  ministérielles  aux  yeux  de  la  presse  de  l'an- 
cienne opposition.  Vous  auriez  de  la  peine  à  réussir. 


24G 


nKvuK  (:o.Mioui<: 


Adieu,  il  faut  que  je  vous  quitte  paur  portor  un  :u'- 
licle  a»  Coiistilutiotiucl.  » 

Le  royaliste  était  reveuu  à  ses  anciennes  symjiatliies. 
Quoi  d'étonnant?  il  n'avait  ])lus  peur.  Je  suis  sûr  que 
le  21  février  M.  Véron  aurait  exécuté,  sans  trop  se 
faire  prier,  un  pas  devant  l'arbre  de  la  liberté  planté  dans 
la  cour  de  l'Opéra.  David  dansait  bien  devant  l'arciie. 

11  faut  rendre  justice  aux  légitimistes  :  eux  seuls  ont 
])ersévéré  dans  leur  conviction  et  sont  restés  franciie- 
ment  républicains.  On  se  rappelle  que  M.  de  Laroclie- 
jacquelin,  non  content  de  déclarer  qu'il  consentirait 
à  être  ambassadeur  de  la  République,  déclarait  (ju'il 
acceptait  la  déclaration  des  droits  de  l'homme  de  \\o- 
bespierre.  Ceci  se  jiassaitdans  une  réunion  électorale, 
car  M.  de  Larocliejacquelin  se  portait  candidat  à  la  dé- 
putation  de  Paris.  Depuis  cette  é]ioque,  le  candidat 
robespierriste  a  mis  sans  doute  pas  mal  d'eau  dans  son 
vin,  mais  il  est  toujours  resté  fidèle  ainsi  que  son  paiti 
au  gouvernement  démocratique.  Nous  n'en  vouions 
jiour  preuve  que  l'empressement  avec  lequel  les  légi- 
timistes entourent  la  personne  et  ornent  les  fêtes  du 
président  de  la  République. 

Le  faubourg  Saint-Germain  boudait  Louis-Philippe, 
qui  cependant  était  un  assez  bon  gentilhomme,  et  il  se 
])récipite  dans  les  salons  de  M.  Louis  Bonaparte.  On  y 
a  vu  paraître  dernièrement  la  duchesse  de  Poix.  11 
paraît  quec'est  tout  à  fait  la  liiie  fleur  de  l'aristoci'atie, 
et  qu'en  ne  pouvait  souhaiter  pour  la  République  une 
adhésion  plus  éclatante. 

11  y  a  des  gens  soupçonneux  et  défiants  qui  ne  se 
rendent  pas  bien  compte  de  ces  adhésions,  et  qui  pré- 
tendent qu'elles  cachent  une  arriére-pensée.  Soup- 
çonner le  parti  légitimiste  !  des  gens  si  religieux,  allons 
donc  ! 

«  Qu'y  a-t-il  d'extraordinaire  après  tout,  me  disait 
un  membre  du  congrès  de  la  rue  Dupliot,  dans  la  con- 
duite des  légitimistes  à  l'égard  du  président?  N'est-il 
pas  bon  gentilhomme?  Son  oncle,  le  marquis  de  Biio- 
naparte... 

—  Est-ce  que  maintenant  l'aristocratie  se  décide  à 
lui  accorder  ce  titre? 

—  L  le  faut  bien,  puisqu'il  est  prouvé  maintenant 
([ue  les  Buona|)arle  montaient  dans  les  carrosses  du 
roi.  C'est  donc  chez  le  neveu  du  marquis  deBuonaparte 
(juc  nous  allons.  Quant  au  président  de  la  République,, . 

—  Vous  ne  le  connaissez  pas. 

—  Nullement. 

—  Fort  bien.  J'approuve  assez  cette  distinction. 
Dansez  donc  chez  M.  le  marquis  de  Buonajiarte,  du 
iiioineiit  que  la  Réiiublique  n'est  pour  rien  dans  vos 
pastourelles  et  dans  vos  chasstz-croisez,  le  reste  ne  nous 
regarde  pas.  » 

lin  attendant,  pendant  que  les  légitimistes  s'amusent 
chez  le  neveu  du  marquis  de  Buonaparte,  on  arbore 
le  drapeau  b'aiic  dans  les  villes  du  midi,  les  anciens 
verdets  tombent  à  main  armée  sur  ks  n'piililiciiins, 


I  ariiK-e  do  la  foi  s'organise  sous  le  pseudonyme  d'armée 
de  roiihc,  on  attaque  soiirdeiiieiit  le  gouvernement 
du  présiileiit  de  la  République,  et  la  République  elle- 
même.  Hélas!  .M.  Louis  Bonaparte  n'a  pas  l'air  de 
s'en  doiiler.  Ou, nul  il  a  mis  son  uniforme  et  passé  un' 
régimenl  en  revue,  il  fuit  {|u'il  se  repose.  Le  reste  re- 
garde M>L  de  Fallouxel  Léon  Kaiiclicr. 

^ous  devons  coiislalcr,  vu  pailaiil  du  miiiislre  de 
l'inlérieiii-,  (iii'il  n'a  desliliié  (|iruiii'  soixantaine  de 
fonctioiinaiii's  nqnililicaiiis  pendant  la  semaine  qui 
vient  de  s'ocoiiIlm-,   11)  a  aint^lioralinn. 

Puis(|iKMU)us|iarl(iiis(le  dc>lhiilinii,  le  pauvre  Cham- 
pagne l'a  échappé  belle.  Vous  allez  nie  dein.mder  ce 
ipie  c'est  que  Champagne. 

Champagne  est  le  nom  liUéiaire  i|ni'  l'on  donne  au 
iIomesti(|ue  du  général  Chaiigarnier.  Champagne  s'ap- 
pelle tout  siniplt'inonl  Baplisie;  mais  le  vainqueur  du 
■2!)  janvier  esl  (lop  l'onipad.jiir  pour  se  servir  de  ce 
prénom  nilniicr. 

Or,  saiiidli  dernier,  (diligé  d'aller  à  la  cérénioiiie 
fnnèhre,  le  général  sonna. 

«  (Champagne  ! 

—  Meviiui,  mon  général. 

—  Mon  unilurine! 

—  Il  e.>l  prêt  sur  cette  chaise. 

—  I':  SiL'-le  moi.  » 

Cliain|)agne  [iii'senle  runil'orine.  Le  général  le  re- 
garde. 

((  Chanipa^iiL-? 

—  Ci'iiéral. 

—  Voii«  êle?  un  niais.  Vous  me  donnez  mon  uni- 
forme de  f;iaiiile  leniie.  Allez  me  chercher  tout  ce  que 
j'ai  de  plus  petite  tenue,  inaroulfle  !  Ce  sera  toujours 
assez  bon  jimir  des  républicains.  » 

Baptiste,  je  veux  dire  Champagne,  apporte  la  |ilus 
\ieille  capote  de  M.  Cliangarnier. 
<i  .Maintenant,  mon  cheval. 

—  11  esl  prêt  dans  la  cour. 

—  Voyons.  )) 

M.  Cliangarnier  s'approche  de  la  fenêtre. 

«  Que  vois-je?  .Ma  housse  neiiw,  Champagne? 

—  Général.  . 

—  Vous  n"a\ez  pas  pour  drux  liards  d'esprit;  failes 
remplacer  celle  housse  par  celle  dont  je  me  sers  quand 
il  [lient. 

—  J'ai  cru,  général,  que  comme  c'étaitjourde  fêle... 

—  Fêle  pour  (jui?  'l'aisez-vons,  bélitre,  où  je  vous 
chasse  !  » 

Champagne  s'e^t  tn.  Lu  mot  de  plus,  et  sa  destitu- 
tion était  certaine.  Ce  (jiie  c'est  que  de  confondre  les 
anniversaires,  et  de  croire  qu'un  général  républicain 
devait  asslsler  en  grande  tenue  à  la  céiéinonie  du 
"l't  février. 

La  représentation  de  la  comédie  de  AL  Alfred  de 
Musset,  IjiuIsoii,  ,1  êli';  le  véiitabli'  l'véïiement  litté- 
raire de  la  semaine.  Celles  coiiu'die  a  toutes  les  qualités 


Din-Khi-NTs  poiMs  D!-:  vfi-:  sors  ïj:s(i|  i*:i.s  on  \nir  m.  p.  j.  l'imi  dhon. 


Le  sieur  Proudhon  comme  l'envisagent  les  gens  qui 
quelque  chose. 


Le  citoyen   Proudhon  tel  quMI  apparaît  aux  gers  qui 


Au   point  de  rue  du  premier  pnssoni  vemt  : 

Un  monsieur  bien  ((^riant  qui  s'est  mis 

des  lunettts,  afin  de  re  point  être  pris  pour  un 


Ait  point  de  vue  d'un  anlngonisle  : 

Proudhon 

considéré  comme  Considérant 

le  cocsidère. 


Au  point  de  vue  des  vaudevillistes 

et  autres  Jantaisistes  : 

L'n  citoyen  charmant,  qui  offre  une  excellente 

mine  a  exploiter. 


Au  point  de  vue  de  bien 

des  gens  : 

Uq  homme  de  beaucoup  de 

talent,   qui  a 

înfîLimeDl  dVsprît. 


Au  point  de  rue  des  acrohntes  : 

Un  gaillard  très-adroit,  qui  a  compris  que, 

pour  être  remarqué, 

il  ne  faut  pas  agir  et  penser  comme  les  autres. 


PAR    EERTaLT.. 


Au  point  de  vue  de  la  porz-^r*.  70,  me  Mazarxne  : 

Un  excellent  Incataire,  payant  exactement  son  terme 

donnant  10  fr.  d*étrennes,  n'ayant  ni  chi-n  ni  chat,  et  \ 

du  tout  fier  avec  le  moade. 


2i8 


HEYUE  COMIQUE 


de  slvle  qui  distinguoiit  son  auloiii-  ;  mais  ello  manque 
de  doveloppemenls  scéniqnes,  et  sa  donnôe  n'est  point 
suflisaniment  logique.  M.  de  Musset  s'est  trompé,  mais 
il  faut  mieux  se  tromper  comme  M.  de  Musset  que 
comme  AI.  Mazères.  Mais  nous  avons  une  nouvelle  bien 
plus  intéressante  à  vous  annoncer,  une  nouvelle  qui 
fera  plus  pour  la  comédie  que  MM.  Empis  et  Mazèics 
réunis.  Le  parterre  reparait,  le  parterre  qui  avait 
donné  sa  démission  depuis  si  longtemps,  le  parterre 


ilu  Tliéàtrc-Français  a  demandé  la  Marseillaise,  le 
parterre  du  Gymnase  sillle  les  pièces  réactionnaires  du 
citoyen  Clairville  ;  l'esprit  public  renaît ,  soyez  sûrs  que 
la  Comédie  renaîtra  avec  lui.  Nous  ne  vous  parlerons 
pas  de  \' Habit  vert,  de  MM.  Alfred  de  Musset  et  Emile 
Augier  ;  on  aurait  pu  défier  cliacun  de  ces  deux  char- 
mants écrivains  de  faire  séparément  celte  balourdise. 
S'ils  ne  s'étaient  cotisés,  ils  auraient,  à  coup  sûr,  été 
l'un  et  l'autre  incapables  d'éci'ire  une  pareille  pauvreté. 


CON  FESSI ON  DU  CO.\S  TI  Tl  TIO.XNEL. 


M.  DE  GENOLDE.  —  Mcls-loi  à  gcnoux,  vicux  péclicur. 

LE  CONSTITUTIONNEL.  M'y  Voilà. 

—  Tu  veux  donc  à  ton  tour  défendre  le  trône  et 
l'autel? 

—  C'est  mon  plus  ardent  désir. 

—  Pourquoi? 

—  Je  me  suis  laissé  dire  que  le  trône  et  l'autel 
avaient  des  chances. 

—  Fort  bien.  Confesse  tes  fautes,  vieux  pécheur. 

—  J'ai  longtemps  suivi  les  sentiers  de  riui(iuilé. 

—  Après? 

—  J'ai  été  libéral  sous  la  Restauration,  j'ai  préconisé 
le  Voltaire-Touquet;  j'ai  même  fait  semblant  d'être 
républicain  après  Février. 

—  Moi  aussi  ;  il  n'y  a  pas  de  mal  à  cela.  Après  ? 

—  J'ai  méconnu  les  services  rendus  par  les  jésuites 
à  la  civilisation. 

—  Fichtre  !  ceci  est  plus  grave.  Continue,  pécheur. 


—  J'ai  attribué  aux  jésuites  l'apparition  du  grand 
serpent  de  mer. 

—  Philosophe,  va!  Ensuite? 

—  Sachant  que  les  jésuites  étaient  vénérés  des  po- 
pulations pour  avoir  importé  le  dindon  en  Europe,  j'ai 
inventé  la  pâte  lîegnault  afin  de  leur  faire  concurrence. 

—  Ce  fut  un  tour  abominable,  mais  ce  n'est  pas 
tout. 

—  .Non,  ce  n'est  pas  tout;  car,  voyant  que  la  pâte 
Ueguault  réussissait  moins  que  le  dindon,  j'osai,  |)our 
me  venger,  publier  le  Juif-Errant,  d'Eugène  Sue. 

—  Polissonnerie  insigne!  Continue,  esprit  fort! 

—  J'ai  écrit  beaucoup  d'articles  sur  l'intolérance  du 
clergé  et  les  refus  de  sépulture;  j'ai  même  demandé 
que  tous  les  curés  fussent  tenus  de  jouer  du  violon 
eux-mêmes  pour  faire  danser  les  villageois  le  diman- 
che, sous  les  arbres  de  la  grande  place. 

—  Ces  fautes  sont  grandes,  mais  jusqu'ici  la  poli- 


lA    VIE    flIBIiIÇUE    ET    FIIIVÉE    SE    MOSSIEU    REAC< 

Introduction.  —  Comme  quoi  mossieu  Réac  a  toujours  existé. 


C'est  en  eiïet  mossieu  H'iar  i\n\  lit  consommer  par  un  vaulour  PtoméUlée 
pbur  avoir  volé  te  feu  du  ciel  et  voulu  le  donner  aux  homoieâ. 


C'est  lui  qui  se  moquait  de  Noé,  l'inventeur  du  vin 


A   l.'liSA(.K  DliS  GKNS  Sl.ltll  I  \. 


249 


tii|ii('  piiiiil  )  rli'i'  i'li'aii;;i'ii'.  Voyons  un   pcn  l'i'lat  ili' 
ta  cdMSfiL'ni'L'  on  iioliliqnc. 

—  J'ai  ()S("  l(uiini'r  en   liilicnln  l'iMifant  dn  niiiiulc!. 

—  V('nli('-saint-{;i'is!  Apiès? 

-■■  ('.'c>{  moi,  ([uanJ  j'i'tais  au  pouvoir  dans  la  per- 
sonne du  petit  Tliieis,  qui  ai  fait  anèter  la  duchesse 
(le  Dei'i'y  et  (jui  ai  essayé  de  la  déshonorer. 

—  Ceci  ne  sort  pas  des  moyens  peiinis  dan^  la  |)0- 
liliqne  honnête,  et  nous  en  ferons  bien  d'antres,  s'il 
piait  à  Dieu.  Allons,  pécheur,  courbe  ton  l'iont  dans 
la  poussière  et  récite  ton  iitcâ  culpû.  Sais-tu  senletucnt 
réciter  ton  meù  culpù,  im|>ie  que  lu  es? 

—  J'ai  servi  la  messe  dans  mon  jeune  temps. 

—  Nous  irons  ensemble  à  la  prochaine  proces- 
sion. Maintenant  relève-loi,  frère,  je  te  pardonne.  Tu 


jiiics  lie  ne    plus   irhjnilici'  dans  les  erreurs  passées? 

—  -  J  allendiai  i\\n'  la  l'iépolilique  soit  par  terre. 

--  (l'est  tout  ce  «iiTil  faut.  Jn-que-là  nous  signons 
un  traité  d'alliance'.' 

—  Je  le  signe  à  deux  inaiii^. 

—  rrnnclienient,  .sincèrenjcnt,  sans  aucune  arrière- 
pensée? 

—  I.c  jour  n'est  pas  plus  pur  que  le  fond  de  mon 
cœur. 

—  .\lors,  embrassons-nous,  (//.s  s'embrassent.) 

—  Ah!  fichtre!  Tu  m'as  monln,  tiaitre! 

—  Et  toi,  tu  m'as  em|)orté  la  moitié  du  nez,  lîazile! 
N'importe,  embras.sons-nous  derechef,  et  montrons- 
nous  ensemble  à  la  foule  étonnée. 

[Ils  paraissent  au  balcon ,  en  se  tenant  par  le  bras.) 


M.  MORTIKR  ET  M    DANDRÉ. 


iM.  Mortier  vient  de  gagner  son  procès.  La  liberté 
lui  est  rendue.  M.  Dandré  se  fût  arraché  les  cheveux, 
si  son  coiffeur  ne  le  lui  eùtdéfendu,  quand  cette  funeste 
nouvelle  lui  est  parvenue.  On  assure  que  le  chef  du 
cabinet  de  M.  Dronyn  de  l^'Huys,  que  la  déposition  de 
M.  Mortier  a  failli  rendre  célèbre  avait  vécu  sur  l'es- 
pérance que  la  condamnation  de  son  ancien  patron 
infirmerait  ce  que  sa  trop  piquantedéposition  avait  de 
fcàcbeux  pour  son  caractère  ;  et  en  effet,  si  M.  Mortier 
n'est  pas  fou,  qu'est  donc  M.  Dandré? 

M.  Dandré  désespéré,  va,  dit-on,  intenter  un  procès 
en  diffamation  à  M.  le  comte  Mortier,  à  cette  fin  de 


prouver:  i"  qu'il  sait  l'orthographe;  2°  qn'il  n'est 
pas  aussi  expert  que  l'ex-ambassadeur  le  prétend, 
dans  l'art  de  mettre  sa  cravate  ;  ô<>  qu'il  y  a  des  com- 
missionnaires qui  font  mieux  les  courses  que  Ini  ;  4"  en- 
fin qu'il  est  plein  d'esprit,  quoi  qu'on  en  dise. 

On  prétend  que,  depuis  cette  malencontreuse  dé[)o- 
sition,  M.  Dandré  a  été  accablé  de  lettres  de  félicita- 
tions de  tout  le  corps  diplomatique.  «Vous  nous  ap- 
prendrez à  mettre  notre  cravate,  disait  l'un. — Combien 
faut-il  de  temps  pour  aller  de  la  Bastille  à  la  Made- 
leine, montre  en  main,  disait  l'autre;  je  voudrais  en- 
treprendre ce  voyage.  — Comment  s'écrit  omelette? 


I>A  VIE    FUBIiIQirS    XT    PRIVEE    SE    MOSSIEU    BÉAC. 

ISTRODf  CTION.  —  Comme  quoi  mossieu  Jicac  a  toujours  eiislc. 


N'est-ce  point  encore  mcsi^ieu  Réac  qui, 

délivré    d'esclavage  par   Moïsg,   regrettait 

amèremeat  les  ognons  d'Egypte! 


Et  Htti  donnait  la  ciguë  à  Socrate! 


Et  qui  exilait  Aristide! 


250 


REVUE  COMIQUE 


demandait  un  troisième;  y  met-on  un  /(,  comme  dans 
Astrakan?  » 

Une  pétition  aurait  été  adressée  en  oiilro  à  son  ex- 
cellence le  ministre  des  affaires  étrangères  par  le  corps  des 
courriers  du  cabinet.  «  Monsieur  ie  ministre,  disaient 
ces  messieurs,  on  assure  que  vous  n'avez  nommé 
iM.  Dandré  chef  de  votre  cabinet  que  pour  lui  créer 
un  précédent,  et  que  votre  intention  secrète  est  d'en 
faire  un  courrier.   ISous  nous  faisons  fort,  monsieur  le 


ministre,  de  prouver  à  votre  excellence  qu'on  a  surpris 
sa  religion,  et  que  M.  le  comte  Mortier  a  llalté  M.  Dan- 
dré, quand  il  a  parlé  de  ses  aptitudes  comme  coureur. 
M.  Dandré  ne  dépasse  aucun  de  nous  à  la  course  ; 
mettez-nous  aux  prises  avec  cet  indigne  rival  ;  que  le 
Champ  de  Mars  nous  soit  ouvert,  et  que  celui  de  nous 
qui  sera  dislancé  par  lui,  ne  fût-ce  que  d'une  demi- 
tète  ,  perde  à  l'instant  sa  place  et  votre  estime.  » 
Si  la  course  a  lieu,  nous  en  donnerons  le  résultat. 


LES  in\F:C.\UÏIONS  DE  M.  PIEP.RE  I.EUOIX. 


L'amendement  de  5L  Pierre  Leroux  a  porté  ses  fruits. 
On  a  vu  l'Amour  illégitime  s'enfuir  chassé  parl'Hymen 
qui  lui  lisait  le  nouvel  article  de  la  loi  électorale  sur 
les  incompatibilités  de  l'adultère  avec  les  fonctions  de 
député.  L'Amour  en  pleurs  s'essuyait  les  yeux  avec  ses 
ailes,  et  l'Hymen,  renonçant  à  la  tunique  classique,  avait 
adopté,  pou^la  circonstance,  une  robe  d'huissier.  Ceci 
va  amener  une  révolution  dans  le  costume  mytholo- 
gique. 

«  Ou  ne  peut  pascotn-ir  deux  lièvres  à  la  fois,  on  ne 
sert  pas  deux  maîtres,  disait  l'Hymen  à  l'Amour.  Tu  n'as 
pas  trop  de  tes  journées  tout  entières  pour  faire  les  yeux 
doux  à  la  maîtresse,  pour  guetter  son  passage,  pour 
faire  le  pied  de  grue  sous  ses  fenêtres,  pour  lui  envoyer 
des  bouquets,  ou  pour  l'accompagner  à  la  promenade. 
Où  prendrais-tu  ensuite  le  temps  d'aller  à  la  Chambre, 
d'étudier  les  questions,  de  monter  à  la  tribune?  Les  soins 
politiques  te  feraient  négliger  tes  devoirs  amoureux, 


ou  bien  c'est  ta  maîtresse  qui  ferait  du  tort  à  la  patrie  ; 
d'un  côté  ou  del'aulie,  lu  négligerais  tes  rendez-vous. 
.Allons,  va-t-en;  je  t'en  fais  sommation,  parlant  à  ta 
personne. 

—  Mais,  non,  répondait  l'Amour,  il  y  a  temps  pour 
lout;  voyez  plutôt  ce  qui  est  arrivé  à  M.  X.  Sa  femme  a 
un  amant  qui  est  encore  plus  occupé  que  le  mari. 

—  Soit  ;  mais  l'incompatibilité  n'en  existe  pas  moins  ; 
on  a  vu  des  orateurs-amants  mêler  leurs  idées  à  la  tri- 
bune et  réciler  des  madrigaux  en  présence  d'un  audi- 
toire chauve,  tandis  que  d'autres  prononçaient  à  leur 
maîtresse  un  discours  sur  la  question  slave.  D'ailleurs, 
le  principe  cr-l  admis,  l'amendement  est  adoplé.  ainsi 
éloigne-toi.  Au  surplus,  si  l'Amour  a  des  ailes,  n'est-ce 
pas  pour  voUiger?  » 

H  est  certain  que  si  l'adoption  de  cet  amendement 
a  contrisié  des  cœtirs  sincèrement  épris,  d'autres  y  ont 
trouvé  un  prétexte  pour  revenir  à  la  vertu  et  ahan- 


IiA    VIE    PUBIiIQUE    ET    FB.IVÉE    DE    MOSSIEU    KEAC. 

Introduction.   —   Comme  quoi  mossiVi;  Ninc  n  iMijmrs  exis/é. 


Cj'ii  ri(!:.;:lai!  1rs  Tarquirs 

Taniaii  la  continence  de  Sex 
poqstaiile  peiipli:  à  les  rappeler. 


Qui  refusait  des  vaisseaux  à  Christophe  Colomb. 


Et   se    déguisait   en    mate'ot   pour 
faite  révolter  son  équipage. 


A  i;us\r.K  nr.s  gkns  sérieux. 


donner  les  sentiers  du  vice  i|iii  ((iiiiinciiciii'iit  à  Ilmii' 
piirailre  monoloiies. 

On  cite  une  femnii'  liliii  ((ininit'  ilaiis  la  sniii'li';  pa- 
risieniuM]ni  a  dit  à  hiui  niniinl  :  u  Mon  ami,  il  faut  nous 
séparer;  j'en  mourrai,  mais  il  le  faut.  Je  ne  ■.'eux  (las 
iMre  un  ohslicle  à  voire  fortune  |)olili<]iie,  je  ne  veux 
pas  vous  fermer  l'enliée  de  la  Cliauilire.  .Mun  ecnin*  se 
dérliiro,  et  il  ne  fallait  pas  moins  que  l'anuMulemenl  de 
Pierre  lirons  pour  me  déterminer  à  cette  cruelle  sé- 
paration. 

—  Si  votre  cœur  se  décliire,  a  n'pomlu  i'ainaiil,  le 
mien  se  brise;  mais  je  me  dois  avant  tout  à  ma  pairie, 
et  ce  qne  vons  venez  de  me  dire,  j'y  songieais  depuis 
quelques  jours,  liésiiant  et  ne  sachant  trop  comment 
l'exprimer.  Adieu  donc,  et  failes  des  vœux  pour  celui 
qui  n'aura  plus  d'autre  consolation  que  de  penser  que 
votre  cœur  a  compris  le  sien,  n 

Il  s'en  faut  néanmoins  que  partout  on  se  soit  aussi 
bien  accommodé  de  l'amendement  de  M.  Pierre  Le- 
roux, a  Qui  fra|)pe  par  l'amendement  périra  par  l'a- 
niendenient,  »  dit  l'Kvangile;  cette  menace  pourrait 
bien  s'accomplir  si  le  cclèlire  socialiste  ne  se  met  pas 
en  garde  contre  les  séductions  vengeresses  de  certaines 
femmes  au  désespoir. 

La  beauté  veille,  ce  n'est  pas  pour  M.  Pierre  Leroux 
le  moment  de  dormir.  Qui  tirera  vengeance  du  terri- 
ble amendement?  Quelle  femme  assez  séduisante  on 
assez  habile  fermera  les  portes  de  l'Assemblée  natio- 
nale à  l'homme  dont  la  faroMclie  vertu  a  fait  l'erniei- 
les  portes  de  tant  de  boudoirs? 


Il  Oonnneinons  par  Irriuer  la  mienne!  a  dit  d'abord 
W.  Pierre  Leroux  ;  puis  nous  verrons.  Portier,  je  vous 
défends  de  laisser  monter  chez  moi  les  femmes  an- 
dcssous  de  cinquante  ans,  et  encore!  Ninon  a  fait 
Inurner  des  tintes  à  quatre-vingts  ans.  .Mademoiselle 
Margot,  inabonne,  vous  n'avez  (|iie  qnarantc-cinq  ans, 
je  vous  chasse;  mais  comme  je  n'ai  en  qu'à  me  louer 
de  votre  service,  je  vons  re|)rendrai  qLiand  vous  aurez 
cent  ans  passés.  Quelle  rediugnre  mellrai-je?  Celle 
que  je  porte  depuis  1 82K,  lorsijue  je  rédigeais  le  Globe, 
est  d'une  coupe  trop  gracieuse  et  d'un  drap  encore 
trop  frais.  De  bleue,  elle  est  devenue  verte  ;  j'attendrai, 
pour  la  porter  encore,  qu'elle  soit  devenue  jaune.  J'é- 
piouve  le  besoin  d'être  hideux,  afin  que  si  une  femme 
ne  recule  pas  devant  l'idée  de  m'enlever,  elle  n'ose  du 
iiiiiins  me  saisir  qu'avec  des  pincettes. 

«  .Mes  cheveux,  qui,  à  ce  qu'on  raconte,  reçurent 
les  soins  d'un  coiffeur,  un  soir  de  gala,  vers  1817  ou 
1818,  ne  perdront  rien  à  être  recouverts  de  quelques 
toiles  d'araignée;  j'en  mettrai  aussi  sur  mon  chapeau, 
et  j'aurai  soin,  avant  de  m'en  coiffer,  de  le  faire  écra- 
ser par  une  roue  de  cabriolet,  alin  qu'il  achève  de  per- 
dre cette  apparence  de  forme  qui  le  classe  encore 
parmi  les  objets  de  son  espèce. 

«  Quant  à  ma  chaussure,  je  vois  bien  que  je  vais 
èire  contraint  de  renoncer  à  mes  souliers  lacés  ;  il  y  a 
des  moments  où,  lorsque  j'ai  rencontré  sur  le  boule- 
vard un  décrotteur  socialiste  qui  m'a  ciré  de  force,  on 
prL^ndrait  de  loin  mes  souliers  pour  une  chaussure 
vernie.  Heureusement  j'ai  découvert  dans  un  coin  du 


Il  A    VI£    F0BZ.I9DE    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIEU    RÉAC. 

Introduction.   —  Comme  quoi  mossieu  Réac  a  toujovrs  existé. 


Qui,    sous   le   pseudaayme  d'U.nac    le   Calife 
mettait  le  feu  a  U  bibliothèque  d'Alexandrie. 


2b2 


REVUE  COMIQUE 


grenier  une  vieille  paire  de  bulles  de  postillon,  rongées 
par  les  rats,  qui  iront  à  mon  pied.  Maintenant,  si  je 
me  pose  quelques  verrues  sur  le  visage,  une  loupe 
entre  les  deux  yeux  et  un  faux  nez,  j'échapperai  peut- 
être  aux  séductions  qui  me  menacent.  » 


C'est  en  cet  état  que  M.  Pierre  Leroux  s'est  rendu 
hier  à  la  Chambre.  Une  femme  ayant  retouinc  la  tète 
pour  le  regarder  en  roule,  il  est  allé  immédiatement 
faire  sa  déclaration  cliez  le  commissawc  du  quartier. 


SAINT  FALI.OUX. 


On  ne  sait  pas  assez  quel  saint  homme  nous  avons 
dans  la  personne  de  M.  de  Kallouv.  Voulez-vous  jouir 
des  douceurs  infinies  de  l'édification,  voulez-vous  être 
attendri,  touché,  ému  jusqu'aux  larmes,  allez  au 
Bourg-d'Ivré  avec  M.  de  Kalloux,  que  l'on  canonisera 
bientôt,  s'il  faut  en  croire  l'union. 

Qu'est-ce  que  le  Bourg-d'Ivré,  où  prenez-vous  le 
Bourg-d'Ivi'é?  L'Union,  qui  est  le  journal  officiel  des 
marquis  de  Carabas,  nous  apprend  (jue  c'est  au  Bourg- 
d'Ivré  que  sont  situés  les  domaines  do  la  famille  de  Fal- 
joux.  Dans  ces  lieux,  où  se  sont  perpétuées  les  saines 
traditions  féodales,  il  y  a  naturellement  beaucoup  de 
pauvres;  mais  on  s'en  console  en  songeant  que  ces  pau- 
vres sont  invités  à  dîner  tous  les  ans,  le  mardi  gras, 
et  qu'ils  sont  servis  à  table  par  un  membre  de  la  famille 
Falloux. 

Les  autres  jours  de  l'année,  il  est  très-probable  que 
ce  sont  les  Falloux  qui  sont  à  table  et  les  pauvres  qui 
servent. 

Cette  année,  c'est  notre  jeune  ministre  de  l'instruc- 
tion publi(]ue  qui  a  servi  les  pauvres.  Dire  de  combien 
de  bénédictions  a  été  entouré  M.Alfred,  ajoute /'6>iîon, 


ce  serait  impossible.  M.  Alfred,  c'est  le  petit  nom  de 
M.  de  Falloux.  Au  Hourg-d'lvré,  on  ne  connail  que 
M.  .\lfred,  on  ne  jure  que  par  le  petit  M.  Alfred,  et  il 
n'y  a  pas  dans  tout  le  canton  un  pauvre  diable  qui  re- 
fusât de  tourner  la  broche  pour  M.  .\ll'red,  en  atten- 
dant qu'il  soit  canonisé. 

Quant  aux  pauvres  diables,  ce  n'est  jamais  eux  que 
l'on  canonise,  et  quoiqii'ils  tournent  la  broche  trois 
cent  soixante-cinq  jours  de  l'année,  ce  n'est  pas  eux 
non  plus  qui  mangent  le  rôti,  excepté  le  mardi  gras, 
lorsque  M.  Alfred,  comme  Leclèro,  des  Variétés,  dans 
son  rôle  de  ministre  de  la  reine  d'Yvetot,  noue  autour 
de  ses  reins  un  tablier  de  cuisine,  enfonce  un  bonnet  de 
coton  sur  ses  oreilles  et  rédige  une  omelette  au  lard, 
avec  son  portefeuille  sons  le  bras. 

C'est  assez  pour  que  r Union  se  déclare  édifiée.  Les 
journaux  légitimistes  ont  la  fibre  sensible  et  versent 
des  larmes  d'attendrissement  à  propos  des  soupes  phi- 
lanthropiques des  marquis  deCarabas.Quant  aux  sirhpies 
bourgeois,  aux  républicains,  il  est  bien  entendu  que, 
loin  de  secourir  les  pauvres,  ils  cherchent,  au  con- 
traire, à  affamer  la  population.  Cependant,  qu'un  Cara- 


I,A    TI£    PUBI.IQI!E    ET    PBIVEE    DI:    MOSSISU    REAC. 

Introduction.  —  Comme  quoi  mossieu  Hèac  a  toujours  existé. 


RI 

1 

Qui,  traquant  les  Albigeois,  s 
I  Tatz  tout ,  Dieu   reconnaîtra 


Et   qui    cndn  ji-la  t   a' 
de   Bicêtre  Salomon 

l'inventeur  de  la  vapeur. 


A  L'USAGE  DRS  GENS  SERIEUX. 


253 


lias  (|(ifl(  iiiii|ii('  r,i>sc  (lislril)iier  un  lioissoaii  de  pommes 
(le  luire  sur  ses  doni.iiues,  les  feuilles  iégilituistes  ot 
tliivoles  se  prosiernent  el  enlomuiit  iincaiitii|ue  de  joie. 

0  (larabus  I  ù  suint  lioniiue  !  ô  siiinles  poiiiiues  de 
lerre  !  ô  saiut  boisseau  !  un  boisseau  tout  iieul",  et  des 
poiunies  de  terre  qui  étaient  presipie  des  triiiïes  !  Et 
avec  (|uelle  f;iiice  M.  le  iiiai(piis  plongeait  iui-inènie  le 
bras  dans  le  iHiis>('au,  et  en  retirait  les  pommes  de 
terre  une  à  une,  donnant  celle-ci  à  Jean  ,  celle-là  à 
MalhieLi,  l'anlre  à  Lucas  ou  à  (Inilhuiine  !  Les  séra- 
pliins  du  haut  dn  ciel,  ayant  accordé  leurs  harpes,  ac- 
compagnaient ce  tableau  des  sons  d'une  musique  cé- 
leste ;  les  auges  souriaient  à  ce  spectacle,  ne  sachant 
ce  qu'ils  devaient  le  plus  admirer,  des  pauvres,  des 
pommes  de  lerre,  du  boisseau  ou  du  marquis  de  Ca- 
rabas  ! 

Les  feuilles  légilimisles  parlent  do  là  pour  exalter 
les  avantages  et  le  bonheur  de  la  pauvreté  ;  elles  en  font 
presque  une  profession  à  laquelle  on  ne  saurait  s'a- 
donner avec  trop  d'ardeur,  la  seule  d'ailleurs  qui 
n'exige  ni  éludes  préparatoires,  ni  certilicals  de  capa- 
cité, ni  diplôme,  ni  conditions  d'âge,  la  seule  eiiliu 
qui  soit  à  la  portée  de  toul  le  monde. 

Elles  citent  des  exemples  de  rois  qui  ont  demandé 
l'aumône  par  Ininiilité  chrétienne,  de  reines  (jui  lavent 
les  pieds  aux  mendiants,  de  ministres,  comme  .^^.  Al- 
fred, qui  les  servent  à  table. 

Pauvres,  nos  amis,  disent  les  feuilles  légiiimisles, 
c'est  vous  qui  connaissez  la  vraie  gloire.  Restez  pau- 
vres, restez  gueux,  restez  mendiants.  Qu'est-ce  que  la 


richesse?  Un  lourd  fardeau  qui  occable  ces  infortunés 
maripiis  de  Oarabas.  Ah  !  s'ils  pouvaient  s'en  débarras- 
ser, s'il  leur  élait  permis  de  porter  comme  vous  le  b;l- 
ton  et  la  besace  !  nuiis  la  Providence  ne  l'a  pas  voulu  : 
la  Providence  a  exigé  qu'ils  fussent  riches,  afin  de  dis- 
tribuer aux  panvresdiables  qui  n'ciiit  lien,  des  pommes 
déterre  presque  aussi  belles  ipie  di's  triilfes,  dans  des 
boisseaux  tout  neufs.  Par  la  même  raison,  la  Provi- 
dence a  exigé  qu'il  y  eût  des  gueux  pour  recevoir  ces 
pommes  de  terre  et  admirer  ces  boisseaux.  Car  s'il  n'y 
avait  pas  de  pauvres,  à  quoi  serviraient  les  marquis  de 
Carabas? 

(i'est  encore  pour  cela  que  la  Providence  a  voulu 
que  les  mar(]uis  de  (larabas  se  partageassent  un  mil- 
liard d'indemnité  payé  par  le  peuple,  milliard  que  les 
Carahas  ont  reçu  en  pleurant,  en  se  lamentant,  en  sup- 
pliant le  ciel  de  détourner  d'eux  ce  calice,  mais  le  ciel 
leur  a  répondu  :  «  J'enlcnds  que  Tua  volonté  soit 
faite  !  »  Et  il  a  fillii  que  celle  -volonté  se  fît;  par  là 
le  ciel,  en  augmentant  le  nombre  des  bienheureux  ap- 
pelés à  crever  de  faim,  a  montré  ses  préférences  pour 
cette  classe  de  la  société. 

0  vous  donc,  qui  avez  la  gldire  de  ne  posséder  rien, 
soyez-en  fiers!  Nous  vous  laverons  les  pieds,  nous 
vous  servirons  à  table  de  loin  en  loin,,  nous  chanterons 
vos  louanges  pourvu  que  vous  consentiez  à  toujours 
rester  pauvres;  enfin  nous  nous  engageons  à  vous  faire 
manger  des  faisans  dans  l'autre  monde  pourvu  que 
vous  ayez  toujours  la  patience  de  tourner  la  broche 
dans  celui-ci. 


X.A    VIE    PUBLIQUE    ET    PRIVEE    DE   BIOSSIEU    B.EAC. 

Chapitre  l*^*".  —  Hcac  en/mit.  —  Naissance  et  puérilités. 


Mossieu  Kédc  vint  <iu  UiOuuc  eu  i«u 
rayant  porté  onze  mois. 


Pour  début,  il  mcrd  fa  nourrice 


la  gro'isesse  une  envi 
(fl  c  avait  envie  de  loul), 
le  jeune  Eéac,  sur  ce   prétexte,  prend  tous 
les  joujoux  de  ses  camarade'.  . 


Soi 


RKVUE  COMIQUE 


COMMK  QVOl  l.E  PRESIDENT  DE  I. \  HÉITRIIOIE  EST  INE  MINE  DE  CAIIEORNIE. 


Di'ciiiément  les  fonds  haussent,  et  la  linancc  est  dans 
la  jubilation.  Vous  croyez  peut-être  que  cela  tient  à  ce 
que  la  République  se  consolide,  inspire  de  la  confiance, 
entre  dans  nos  habitudes,  et  en,  délinilive,  n'est  pas, 
comme  disent  les  bonnes  gens,  aussi  nuire  ou  anssi 
rouge  qu'elle  paraissait.  Erreur!  tous  les  piliers  de  la 
Bourse  vous  diront  sans  (lalleric  que  cela  tient  à  la 
visite  que  le  président  a  faile  au  temple  de  IMutus. 
Il  a  désensorcelé  le  5!  Heureux  président!  devant  lui 
la  prime  et  le  report  s'é|)anouiFfent,  les  Heurs  de  la  rue 
Yivienne  s'inclinent,  les  loups  cerviers  s'appiivoisent, 
les  piles  d'écus  deviennent  souples  et  llexibles.  Aussi, 
pourquoi  dorénavant  nous  inquiéter  de  l'embarras  de 
nos  finances'?  Avec  une  visite  de  Louis-Bonapaile  à  la 
Bourse,  le  cœur  descapilali^tes  s'aniolliia,  les  L-mprunls 


se  rempliront,  l'aigent  coulera  à  Ilots  dans  le  Trésor; 
la  C.ilifornie  n'a  pas  de  mine  qui  puisse  rivaliser  avec 
celle  du  Président;  tout  ce  qu'il  touche  devient  or. 
Qu'on  nous  jiarle  maintenant  du  don  (]u'avaient  nos  rois 
de  guérir  certaines  maladies!  Notre  premier  magistrat 
fait  bien  d'autres  miracles;  seulement  nous  le  prierons 
Irès-humblemcnt  de  ne  pas  oublier  qu'à  la  nouvelle 
de  la  bataille  de  Waterloo,  la  Bourse,  ce  thermomètre 
de  l'opinion  publique,  cette  pierre  de  touche  du  pa- 
triotisme, a  fait  monter  le  5  de  10  IV. 

P.  S.  Di'puis  la  visite  du  Pi-ésidenl,  les  actions  de 
Strasbourg  et  de  Roclogne  sont  irès-rccherchées;  elles 
ont  subi  une  hausse  considérable.  N'est-ce  pas  flatteur 
pour  le  président. 


QUELQUES  MOTS  A  PROPOS  DU  DERNIER  LIVRE  DE  M.   DE  LAMARTINE  ■.   ItÀl'H.lKL. 


Nous  dirons  IVaiicliemeiit  pourquoi  nous  n'avons  puinl  en- 
core parlé  (le  cette  œuvre  nouvelle  de  M.  de  Lamartine.  Nous 
redoutions  ce  livre  pour  son  auteur.  Parler  de  soi  csl  tou- 
jours un  écueil  ;  parler  de  soi  i|uanJ  ou  a  la  |icrsonua!ilé  de 
M.  de  Lamarline,  ce  pouvait  être  plus  qu'un  écueil,  ce  pou- 
vait cire  un  véritable  naufrage.  Ce  n'clait  pas  pour  le  lalenl 
de  l'écrivain  que  nous  avions  peur,  mais  pour  son  caractère. 

Le  litre  même  de  ce  livre,  [laphaêl,  nom   amhilieuv,  d'au- 


lanl  plus  anibitiLMix  que  l'auteur,  en  l'expliquaul,  ajoule  en- 
core, au  lieu  (le  Pattéimer,  à  ce  qu'il  a  de  présomptueux  par 
lui-même,  ce  nom  nous  avait  prévenu  défavorablement.  Trou- 
ver le  génie  en  défaut,  perdre  du  respect  et  de  l'admiration 
Qu'on  a  pour  lui,  c'est  un  péril  devant  lequel  nous  reculerons 
toujours.  Si  donc,  après  avoir  enlin  ouvert  Raphofl,  nous  eu 
parlons  aujourd'hui,  c'est  parce  que  nous  avons  à  réparer  les 
torts  de  nos  pr('^jugés  contre  lui. 


IiA    VIE    FUBUÇUE    ET    PHIVÉE    DE    MOSSIEU    ILEAC. 

ChapiT'ie  I*^.  —  Rêne  en/nnt.  —  Naissance  et  puérililéf. 


Gourmand 
sel  passions  t: 


ins  que  Tolfiir, 
vent  parfois  leur  châtiincnt 
elles-n 


Commepremiére  éducation 
les  croqi 


rignemcnts  les  plus  complets  sur 
luemiiaines  passés,  pri^sents  et  à 


donne  les 
tous 


Ses  éludes  historiques  se  bornent 

à  apprendre  qu^-  l'inquisition  éiait  une  institution 

philanlh  opique  et  modn 


A  i.i  sAi.i   iii;>  (.i;ns  stuiKux. 


235 


l)isiiiis-K.  1(1111  ml  :  iivcc  Ions  SCS  «léfttuls,  ovrc  son  action 
pour  iiiiisi  .lir.'  iiij|i(isMl)|,.,  nvcc  son  caraclèies  ind(.-liiii<i  pliilnt 
encore  c|iu  mil  déliiiis,  Hafilmfl  n'en  csl  pns  iiiuiiis  iiix'  iin\rc 
imiiéiiss.ilili'. 

Si  des  leinp-  phis  ralincs  avaient  vu  iiailre  ce  livre,  son 
succès  eût  été  iininense  ;  ce  .«.ucccs ,  le  temps  le  (;raii<lirn 
tous  les  jours,  il  lui  r,  ndia  ce  rpie  Idccision  a  pu  lui  ùl.r  de 
soiidaiiitte. 

M  él.iil  iiiinuil  (piaiid  nous  avons  oiiverl  la  première  de  ces 
pajjes.  presipie  toujours  toucliaiiles,  souvciil  siildimes  ;  il  élait 
six  heures  du  malin  i|uaud  nous  somiius  arrivé  à  la  dernière. 

Jamais  livre  ne  nous  a  plus  diiiiloureuseiiieul  é Le  lec- 
teur qui  n'a  pas  pleuré  sur  Julie  morte,  comme  si  c'était  à 
lui-ménic  ipie  la  mort  l'eut  .ulevée,  ce  lecteur  n'a  jamais  ou 
n  a  pas  encore  aimé,  (^e  liwe  n'aura  d'alliées  que  parmi  ceux 
pour  qui  nu'  semhlahle  amour  n'est  ni  un  souvenir,  ni  une 
cspLTaiice.  Cet  allieismc  ne  sera  Icgilimc  que  pour  ceux  duul 
ce  chaste  et  pur  amour  condamnera  le  présent  ou  le  pissé. 

Quant  à  ceux  qui  ne  voyeut  dans  l'amour  qu'une  l'emme, 
et  dans  une  femme  ([u'iiuc  maîtresse,  ce  livre  n'est  pas  plus 
l'ail  pour  eux  ipie  la  peinlure  pour  ceux  qui  ne  voyent  dans  le 
tihlcan  d'un  mailrc  qu'une  loile  et  qu'un  cadre;  dans  uu  beau 
cl  magniliiiur  paysage  que  des  arhres  qu'on  peut  couper,  que 
des  Iroupcauv  qu'on  peut  tondre  ou  mener  à  l'ahalloir. 

Ceux-là  rironl,  si  ban  leur  semble,  de  ces  amours  de  poitri- 
naire ;  d'autres  en  pleureront  au  point  d'être  obligés  d'inter- 
rompre leur  lecture,  qui  n'en  seront  pour  cela  ni  moins  sains 
de  ciT-ur,  ni  moins  sains  de  corps  que  ces  prélendus  esprits  forts. 
N  aime  pas  qui  veut!  n'aime  pas  même  quiconque  croit  ai- 
mer! Je  n'elonnerai  ipic  les  sots  en  disant  que  l'amour  vrai  est 
aussi  rare  que  le  génie,  aussi  rare  que  la  vertu  parfaite,  aussi 
rare  que  la  beauté  idéale,  et  que,  dans  ce  Paris,  dont  la  moilié 
se  livre  à  l'aulrc  tous  les  soirs,  il  serait  aussi  diflicile  de  trou- 


ver vingt  ilrcss'aiinant  d'un  amour  véritable,  que  vingt  h«iunics 
d'un  incunteiilablc  génie. 

t.e  qui  nous  a  plu  et  nivi  dans  ce  beau  livre,  c'est  que  le» 
r.iils,  n'y  fu-sciit-il»  pas  vrais,  <l  nous  avouons  ipi'ils  sont  sou- 
vent invraisemblables,  presque  tous  les  srnlimenls  en  sont  sin- 
cères ;  ce  n'est  pas  seuleinenl  de  la  poé  ie,  c'est  de  la  vérité. 
HayhaH  prouve,  envers  el  contre  tous,  <|ue  M.  de  Lamartine  n 
aiiné  au  moins  une  fois  dans  sa  vie,  pins  el  mieux  et  autre 
chose  ipie  lui-même. 

Aussi  ce  livre  lui  fera-1-il  pardonner  bien  des  fautes.  Julie 
est,  A  coup  sûr,  légale  dlleloise,  l'égale  de  Laure,  l'égal.-  de 
la  Julie  de  Sainl-l'reux.  Kllc  est  aussi  vraie  el  elle  est  plus 
poétique.  .Nous  ne  rcclierclierons  pas  si,  peiid.ml  que  l'uuleur 
élait  eu  train  de  créer  à  coté  de  la  vérité  vraie  c|u'il  ne  pouvait 
pas  due.  une  vérité  plus  vraie  encore,  la  vérité  élernelle  qu'il 
pouvait  dire.  Il  n'eut  pas  mieux  fait  de  séparer  Julie  de  Ra- 
(diacl  par  lidée  du  devoir,  qui  eût  moralise  son  oeuvre,  que 
par  l'idée  de  la  mort.  —  Qu'est-ce  que  la  mori,  pour  d.-ux 
amants"?  —  .Mais  nous  ne  lui  ferons  pas  les  reproches  qu'il 
adresse  si  justemeul  d'ailleurs  à  Uous^ean.  Il  ne  s'agil  pas  de 
refaire  les  livres,  mais  île  les  admirer  sincèrement  quand  ils  sont 
dignes  de  l'élre.  Or,  Raphaél  est  de  ceux  qu'on  peut  a.lmirer. 
.M.  de  Lamartine  a  lire  des  merveilles  des  laules  mêmes  de  son 
plan.  Si  donc,  son  œuvre  n'est  pas  parfaile,  que  nous  im- 
porte? Que  si  vous  vous  demandez:  Pourquoi  Julie  meurt- 
elle'?  je  vous  réponds  :  Demandez  plu'ôt  a  M.  de  Lamartine' 
SI  Dieu  n'a  pas  bien  fait  de  l'enlever  a  la  terre? 

Elle  csl  morte,  parce  qu'elle  devait  mourir  Madame  de 
AA'arens  n'cùl-clle  pas  clé  lieuiciise  de  mourir  ava:.l  d'eu  ar- 
river au  perruquier? 

Dr,  il  y  a  un  perruquier  dans  toutes  les  exislenres  ;  souhai- 
tons à  toutes  les  Julies,  soi.hailons  à  tous  les  Uapli  cls  de 
mourir  avani  de  l'avoir  seulement  entrevu. 


lA    VIE    FVBI.IQU£    ET    PRIVÉE    DE    MOSSIE0    RÉAC. 

CuAPirnE  1".   -   ni.ce.»fnnt    -  X.n^m^c,  ri  p„c,aUf,. 


Ses  bons  înstiDcis  se  développa 

le  jeuDe  Réac  griffe 

et  mord  une   petite  portière. 


Et,  entendant  venir, 
et  à  crier  comme  un  aigle  pour 
mbrouiller  la  question. 


il  vit  dans  la  cuisine  ui 

qui  soinmt-illail  et  conçu. 

l'heureuse  pensée  de  ]!:i  brûler 

les  moustaches. 


lis  le  chat  qui  ne  dormait  qu'à 
demi  lui  sauta  au  Lez,  et... 

j  (lo  ttiitt  à  la  prochaine  livraison). 


3S6 


REVUE  COMIQUE 


CHOSES  QUELCONQUES. 


Quelques  amis  particuliers  de  M.  Louis  lîonaparle 
disaient  de  lui,  quand  il  fut  nommé  président  de  la 
République  :  «  Pourvu  qu'on  le  laisse  monter  à  die- 
val,  changer  d'uniforme  suivant  son  humeur,  et  met- 
tre des  plumets  de  toutes  sortes  à  ses  chapeaux,  soyez 
sûrs  qu'il  sera  content,  et  qu'il  laissera  fonctionner  ré- 
gulièrement la  Constitution.  » 

H  eût  fallu  avoir  mauvais  caraclère  pour  refuser  le 
peu  qu'on  demandait,  la  nation  l'accorda.  —  Le  prési- 
dent eut  la  fantaisie  de  s'habiller  en  général  de  la  g.irdi' 
nationale,  on  n'y  prit  pas  garde;  il  sa  fût  habillé  en 
archevêque,  qu'en  bonnes  gens,  on  l'eût  laissé  faue. 
_  11  aimait  le  cheval,  on  le  vit  à  cheval  avec  plaisir, 
et  on  reconnut  qu'il  n'y  avait  que  M.  Bancherqui  put 
lui  rendre  des  points  de  ce  côté.  Quant  à  ses  plumets, 
à  ses  grands  cordons,  on  s'accorda  à  trouver  qu'ils  lui 
donna'ient  assez  bon  air,  du  moment  où  il  prenait 
plaisir  à  les  porter. 

Mais  l'excès  en  tout  est  un  défaut.  Un  projet  a  élé 
présenté  au  conseil  des  ministre  pour  la  formation  de 
la  maison  du  président.  Ce  décret  était  nn  véritable 
décalque  de  l'ancienne  maison  impériale.  Il  devait  y 
avoir  un  maréchal  du  palais,  M.  Vaudrcy  ;  un  grand 
chambellan  (nous  ne  savons  à  qui  était  destiné  cet  em- 
ploi); deux  préfets  du  palais,  MM.  Laity  et  Persi- 
gny,  etc.,  etc. 

C'était  trop.  —  Le  conseil  a  refusé,  et  il  a  bien  fait. 

—  Les  amis  du  prince,  ses  amis  de  la  veille  (tout 
parti  a  et  aura  sa  veille),  lui  conseillent  de  se  faire 
nommer  empereur  de  la  République  ;  d'autres  pensent 
qu'il  suffirait  qu'il  fût  nommé  d'abord  président  à  vie. 

Si  le  président  de  la  République  a  envie  d'entendre 
crier  :  «  Vive  Henri  V  !  Vive  la  régence  !  et,  en  défini- 
tive. Vive  l'anarchie!  Vive  la  rouge!  «  il  n'a  qu'à  écou- 
ter ces  beaux  donneurs  de  sots  conseils. 

Atis  au  président  de  la  République. 

Les  invitations  aux  réceptions  de  l'Élyséc  ne  sont 
pas  faites  en  son  nom,  mais  au  nom  de  l'un  de  ses  ai- 
des de  camp  de  service.  —  C'est  là  une  coutume  de  la 
monarchie  qui  n'était  pas  déjà  de  trop  bon  goùl  sous 
Louis-Philippe.  —  Ce  retour  à  une  forme  ancienne 
jette  nn  peu  de  ridicule  sur  ces  invitations,  et  donne 
d'ailleurs  lieu  àquelques  abus;  le  président  ferait  bien 
d'y  mettre  ordre.— Voici  un  exemple,  entre  d'autres, 
des  abus  que  peut  cnliaîner  la  coutume  dont  nous 
parlions. 

Une  dame,  madame  B... ,  désirait  une  invitation  pour 
le  bal  de  la  présidence  ;  sa  lille,  fort  jolie  personne, 
désirait  voir  le  président.  —  Un  vieux  général,  chargé 
par  cette  dame  d'obtenir  une  invitation,  s'adressa  à 
l'aide  de  camp  chargé  de  dresser  la  liste  des  favorisés. 

uNousn  avons  plusde  place,  répondit  l'aide  de  camp. 


D'ailleurs,  mon  cher  général,  qu'est-ce  que  c'est  que 
madame  B...?  A-t-elle  nn  titre?  —Certainement, 
répondit  malicieuscmont  le  vieux  général  ;  madame  la 
comtesse  de  B  ..  est  connue  de  tout  Paris.  » 

«Une  comtesse!  reprit  l'aide  de  camp,  que  ne  le 
disiez-vous  tout  de  suite,  mon  cher  général.  Voici 
votre  lettre  ;  dites  bien  à  madame  la  comtesse  que  je 
suis  trop  heureux  de  pouvoir  lui  être  agréable.  » 

Je  vous  laisse  à  penser  si,  en  entrant  dans  les  sa- 
lons du  président  et  en  s'entendant  annoncer  et  saluer 
très-haut  du  tilre  de  comtesse,  mesdames  B...  ,  qui 
sont  deux  femmes  d'esprit,  durent  être  surprises  et 
confuses!  Ce  ne  fut  que  quand  le  vieux  général  leur 
eut  expliqué  le  mystère  de  kMir  annoblisseiiient  qu'elles 
prirent  le  parti  d'en  rire. 

On  assure  que  ce  soir-là  il  y  avait  plus  d'unecomlesse, 
voire  quelques  duchesses  de  la  façon  du  vieux  général 
dans  les  salons  de  l'KIysée. 

_  Il  a  été  puéril  d'abolir  les  titres,  ce  serait  bête 
de  penser  à  les  rétablir,  car  ce  serait  impossible.  La  no- 
blesse n'ayant  de  prix,  à  ce  qu'il  parait,  que  quand  elle 
est  ancienne,  qui  peut  espérer  garder  de  nos  jours  assez 
longtemps  nn  litre  quelconque  pour  que  la  sanction  du 
temps  puisse  jamais  s'y  ajouter'? 

Un  ancien  ministre  du  pouvoir  exécutif  reçut 

dernièrement,  un  matin,  la  visite  de  deux  messieurs 
fort  polis,  qui  venaient,  an  nom  d'un  de  leurs  amis, 
M.  Z,  lui  demander  satisfaction  d'un  soufllet  qu'il  au- 
rait donné  la  veille  à  cet  ami  dans  un  théâtre. 

M.  X,  fort  intrigué  d'ajiprendre  qu'il  avait  soufflette 
quelqu'un  sans  s'en  douter,  demanda  à  ces  messieurs 
la  permission  de  les  accompagner  chez  la  personne  qu'il 
devait  avoir  insultée. 

M.Z,  placé  devant  M.  X,fut  obligé  de  convenir  qu  il 
n'avait  jamais  eu  l'honneur  de  le  voir.  Mais  tirant  alors 
de  sa  poche  une  carte  qu'il  avait  échangée  avec  son 
brutal  agresseur,  «  C'est  pourtant  bien  votre  carte,  » 

dit-il. 

Cette  carte  était  en  effetunecartede  rancienministre. 

«  Ma  foi,  monsieur,  dit  M.  X  à  M.  Z,  consolez-vous, 

j'aimerais  mieux  avoir  été  insulté  comme  vous  l'avez 

été,  que  d'avoir  été  votre  insulteur,  qui  ne  peut  être 

qu'un  lâche  et  un  misérable.  » 
llparaîtquecelincroYableprocédéestmoinsrareqiion 

ne  devrait  le  penser.  On  racontait  à  cette  occasion  que. 
sous  la  Restauration,  un  certain  M.  de  C"*,  fort  connu 
pour  sa  lâcheté,  avait  toujours  dans  sa  i-oche  des 
cartes  de  M.  de  Bondy,  réputé  un  des  meilleurs,  le 
meilleur  tireur  de  Paris  à  cette  époque.-  Ce  M.  deC"* 
„c  manquait  pas,  dès  que  l'occasion  s'en  présentait,  de 
tiier  la  carte  de  M.  de  Bondy,  et  de  l'olTrir  à  ses  aggres- 
seur^    Cette  singulière  rouerie  ne  fut  pas  découverte 


A  L'USAGE  Di:S  GENS  SÉRIEUX. 


2S7 


(lu  pii'iiiicr  ciiiip,  le  iKiiii  lie  .M.  (lu  Bondy  ayant  sans 
(loiilo  ri'li'iiii  i)ciuic(iii|i  (le  pcisoinu!!!  di-  (Inniier  siiit(i 
uux  iid'.iiii's  ([110  M.  (le  C"  avait  eiilaiiuV's  (•(IVontc- 

lIlLMltSIHIS  8011  Illllll. 

Ce  (lit  lin  |)i(iviiicial,  ipii  iic  C(iiiii,iissail  pas  la  c^pn- 
lalicin  i\c  M.  lie  l'x.iiily  i|iii  ({(Voiivril  la  iiiiViic.  .M.  d.. 
(:*•'  lui  iliVoin.-il  :  il  ne  S(;  liallit  pas,  mais  ill'iU  haldi. 

—  Nous  citons,  on  nous  conlcnlaiit  de  les  souligner, 
quel(]iies  lignes  du  Moniteur  ipii  iiiériloraieiil  d'i-lre  si- 
gnalées, du  haut  de  la  tnliiiiie  do  rAsseiiiMée  iialiuiiale, 
à  l'iiidignalion  du  |)ays  : 

((  Quelques  désordres  se  sont  inanifeslés  sur  divers 
M  points  de  la  France,  à  Toccasion  de  l'anniversaire  du 
((2i  février  ISIS. 

«  L'anarchie  ne  s'e.-t  pas  contentée  partout,  comme 
«  à  Paris,  cV envoyer  ses  comparses  crier  atifottr  d'un 
»  édifice  religieux  ou  dans  un  banquet  avorté  :  Vn  e 

M  LA  RÉPrilLlgUE  DÉMOCIIATIQIIE  ET  SOCIALE  !  » 

1 1  n'est  pis  vrai  qu'on  ai  t  crié  à  Paris  :  Vive  la  liépubli- 
que  démocratique  et  sociale  '.  (juand  le  président  estentré 
dans  la  Madeleine  pour  !e  service  du  2i  février  ;  mais 
il  est  vrai  que  des  cris  wnummcs  de  Vive  la  /iépublique  ! 
ont,  en  elîet,  accueilli  son  entrée. 

\'ive  la  lîépublique  !  Ce  cri  que  les  bataillons  en- 
voyés par  toutes  les  légions  de  Paris  ont  crié  avec  tant 
d'ardeur,  cela  veut  dire,  et  il  faut  que  le  président  le 
comprenne,  que  le  pays  est  las  de  révolutions,  et  que 
l'affermissement  de  la  Kcpuhliqne  est  le  but  que  se 
proposent,  ainsi  que  lui  à  coup  sûr,  tous  les  honnêtes 
gens,  tous  les  amis  de  l'ordre  et  de  la  liberté. 

—  Li  question  es  tcrieiire  se  complique  tous  les  jours. 


Si  iM.  Diduyii  de  l/lluis  n'y  prend  pas  garde,  lu  situa- 
tion de  la  hance,  i|iii  était  excellente  vis-à-vis  de  Vé- 
li'ang(;r  sous  son  prédécesseur,  va  être  coinproinise 
gravement,  sinon  perdue,  enlic  ses  mains,  l'.ien  n'é- 
tait plus  facile  (pie  de  garder  l'altitude  en  même  temps 
ferme  et  conciliante  que  M.  Bastide  avait  prise  et 
fait  accepter  par  toiiles  les  puissances.  «La  France 
n'inlrrvi.Midra  pas,  suit;  mais  vous  n'interviendrez 
pas  non  plus.  » 

Si  la  Hépiiblique  est  écrasée  à  Rome  par  les  Aiitri- 
cliiens,  si  elle  est  écrasée  à  Florence  et  à  Livourne,  ce 
sera  pis  qu'une  honte  pour  notre  gouvernement,  ce 
sera  un  véritable  crime  politique.  —  Non,  sans  doute, 
nous  ne  sommes  pas  solidaires  de  toutes  les  réim- 
bliques;  mais  le  sommes-nous  donc  de  toutes  les  mo- 
narchies? Les  Autrichiens  ont  évacué  Ferrare,  mais 
comment  en  sont  ils  sortis?  Et  d'aiKeurs  où  sont-ils? 

—  La  province  n'est  pas  républicaine!  s'écrient  les 
journaux  réactionnaires,  et  les  maladroits  enregistrent 
chaque  jour  avec  une  sorte  de  fureur  des  faits  (]ui  ten- 
draient à  prouver  que  non-seulement  elle  est  républi- 
caine, mais  qu'elle  le  serait  trop  à  notre  sens.  —  Voir 
les  grands  combats  livrés  par  l'autorité  à  des  bonnets 
rouges,  dont  le  temps  avait  déjà  pâli  les  couleurs  au  point 
d'en  faire  des  bonnets  roses. 

Ce  qu'il  nous  faut,  ce  sont  des  bonnets  de  coton 
blancs,  avec  la  rosette  verle,  sans  doute.  Va  donc  pour 
les  bonnets  de  colon.  —  Comballre  des  emblèmes  ou 
des  moulins  à  vent,  c'est  à  peu  près  tout  un,  à  nos 
yeux.  Nous  serions  demain  M.  Faucher,  —  ce  dont 
D'eu  nous  garde,  —  que  nous  éviterions  ce  ridicule. 


isiiijliîliiiiilii 


C'fst  aujoura-hui  le  24  février.  Vous  allez  me  donner  un  joli  petit 
morceau  de  veau;  mais  pas  de  réjouissance  surtout...  M.  Barrot  n'en 
veut  pas,  m  moi  non  plus. 


P.erre  Leroux  perdait  ses  capacités  po  itiques  et  é  ectorales!... 

A  son  lever,  il  remercie  Dieu  et  la  Triade... 

Ce  n'était  qu'un  rêve!!!... 


Cului  dont  vous  voyez  l;i  miiih!  airabilairi", 
Duvergier  de  llauraniie,  illiislre  par  son  péri'. 
Au  bon  temps  où  hrillail  le  salon  docliiiiaii>, 
Mérita  le  burnoui  de  ih  a  du  can'ipé. 
Plus  tard,  en  Février,—  liélasi  funeste  date!  — 
Quand  les  marrons  cuisaient  sous  la  ceudre  écarlale 


Pour  les  liur  du  feu,  le  elial  p  éla  sa  p.ilte; 
Ht  vous  savez  comment  il  se  irouve  dupe  ! 
Raton,  pleiu  de  dépil,  pour  se  veuyer,  pul.lie 
1),'^  l)rocliures  par-ci,  des  hrocliures  par-là, 
Des  lirorhures  loiijour.s  et  l'on  conçoit  cela. 
Ses  auvres  u\laut  pas  de  celles  qu'on  reUe! 


Dt;!i3iné  par  Nadakd. 


Gravé  par  BauLANT. 


«illLIVAIlll  niS   IIAI.IKNS. 


30  <Tii(iiiirN  la  livraison. 


me  RicnELiEi,  m. 


UfM'mnmf^' 


*ji'^'/i  iji.jitj 


dilions  de  la  Sonscripiîon.  — L  i  Rr.vrE  roMioiE  fxrnii  ri  iiii  iimjtiiI  |i  \  Uim  ,  jr  nul  ui-^,  |iul  lit  i  n  SO  1  \rii«on«  a  "0  contimes, 
rla  poste,  -4(1  cenl.  0»  sous.rit  [.lour  10  livraisons.  Pour  les  il^p-irl,  iiioiit;.  lih  \ir  un  niii  ilit  ~iir  h  pn-tp  t  1  ..rilii.  ilu  diucUur  di  la 
!vrE.  —  Pour  toul  ce  qui   conrerne  la  rédaction,  écrire   [franco)  à  M.  Lireix,  au  bureau  de  la  Revtf,  2,  boulevard  de?  Italiens. 

BVMIIirEKAT.  ÉDITETTR,  RUE  niCHEI.IX1T,  52.  1  S*"    Livtaison. 


AVIS   AUX   JOCUl^AUX   DE    PARIS   ET   DÈS   DÉPAUTEMENiTS. 

Nous  autorisons  la  reproduction  des  articles  contenus  dans  la  Rmie  comique,  à  la  condition  : 
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^2°  De  limiter,  par  cliaque  semaine,  la  reproduction  au  tiers  des  matières  contenues  dans  clui(]uc  numéro. 


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AUX  SOUSCRIPTEURS  DE  lA  REVUE  COMIQUE. 

Pour  rôponilre  au  désir  exprimé  par  un  grand  nombre  de  souscripteurs,  qui  trouvaient 
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être  dans  l'obligation  de  faire  brocher  ou  relier  les  couvertures  qui  se  reproduisent  d'une  façon 
uniforme  toutes  les  seize  pages,  nous  reporterons  dans  l'intérieur  de  la  livraison  le  dessin  que 
nous  donnions  ordinairement  sur  le  verso  de  nos  couvertures.  De  celte  façon,  ce  dessm  ne  se 
trouvera  plus  perdu  pour  le  volume  complet,  qui  pourra  être  broché  sans  ce  premier  feuillet. 
La  pagination  a  été  disposée  pour  que  cette  suppression  puisse  se  faire  sans  inconvénient. 

Toutefois,  pour  que  cette  nouvelle  disposition  n'enlève  pas  au  volume  complet  les  dix 
grandes  gravures  publiées  jusqu'à  ce  jom-  sur  le  verso  des  couvertures,  nous  donnerons,  avec 
la  dernière  livraison,  ces  dix  gravures  en  supplément. 

Le  dernier  feuillet  de  la  couverture,  formant  la  dernière  et  l'avant-dernière  pages  de  chaque 
livraison,  devra  être  relié  avec  l'ouvrage  complet  dont  il  ne  peut  être  détaché  sans  intervertir 
l'ordre  de  la  pagination. 

SOMMAIRE  DE  LA  DIX-HUITIÈME  LIVRAISON. 

TEXTE, 

La  Semaine.  -  Les  Vaudevilles  Réactionnaires.  -L'Arbre  du  24  février.  -  Lettre  de  S.  M.  Changarnier  L  -,  dit  Bergamotte, 
roi  de  Paris,  Bnç;nolet,  Surosne  et  autres  lieux,  à  S.  M.  BugeauJ  I't,  dit  Biigeniard,  roi  de  Lyon,  Bourges  et  lieux 
circonvoisins.  —  Si  un  Mari  a  droit  de  vie  et  de  mort  sur  sa  femme.  -  Les  Faux  Sous-Oniclers.  -  Choses  Quelconques.  — 
Les  Faucheurs  de  la  Républinue. 


LE    CONSTITUTIONNEL    DRPOVILLANT    LE    VIEIL    HO.MME. 
Grande  vignette  par  Bettall,  grvée  par  Baulant. 


LA    VIE    PUBLIQI  F.    ET    PUIVM    DE    MOSSIEU    ItEAC. 

Chnpltre  7«T.  -  Naissance  et  puérilités.  —  Chapilre  II.  —  Éducalion  morale  et  philanthropique.  —  Vocation. 

Feuilleton  au  crayon  par  Nadaiu),  gravé  par  Baulant. 

Ce  numéro  renferme  une  gravure.  —  La  suite  paraîtra  dans  les  prochains  numéri  s. 

D»9Hinaleiirs.  Graveurs. 

Entrée  au  Banquet Bertall.        Leblanc. 

Indigestion  socialiste TiulM.       Midderigh. 

Le  Pousse-Café lianM.       Midderigh. 


MONSIEUR    LE    COMTE    MOLE. 
Type  par   Fabritiius,   gravé  par  Baulant. 


Parif,— Tirée  »u«  presses  mécaniques  de  T.icniMPK  fil»  ol  Homp.,  rue  Damielle,  î. 


LA  SEMAINE. 


Il  parait  que  la  grande  préoccupation  à  la  cour  du 
Président  est  le  bal  de  la  mi-carème. 

On  sait  que  la  marotte  du  Président  est  de  donner 
un  bal  masqué. 

Ici  plusieurs  diflicultés  se  présentent.  N'est-il  pas 
à  craindre,  par  exemple,  que  des  invités  prennent  des 
costumes  qui  rapp